ZONE DU NORD - Les premiers raids allemands de 1916

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Ar Brav
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Re: ZONE DU NORD - Les premiers raids allemands de 1916

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Bonjour à tous,

Un extrait de l'ouvrage de A. Thomazi, La guerre navale dans la zone des Armées du Nord.

LES PREMIERS RAIDS DES TORPILLEURS ALLEMANDS (1916)

La fin du barrage de la côte belge.

Les mauvais temps du début d'octobre 1916 empêchèrent la grande patrouille plusieurs jours de suite. Dans les coups de vent, au milieu des bancs et des obstructions de toute sorte, les monitors, avec leur faible puissance de machines, couraient de grands risques. Or, leur support était nécessaire aux torpilleurs ; on ne pouvait les remplacer par des cuirassés ou des grands croiseurs qu'il aurait fallu emprunter à la Grand Fleet et dont la perte aurait eu un effet moral considérable. L'entretien des filets pendant l'hiver devenait, en outre, très difficile. Aussi l'Amirauté décida-t-elle qu'à partir du 10 octobre le barrage serait abandonné, et la grande patrouille supprimée.

Le barrage des Dunes à Dunkerque.

Une autre ligne de filets à explosifs fut mouillée, de la rade des Dunes jusqu'au large de Dunkerque, pour gêner le passage des sous-marins vers l'Ouest. C'était, en somme, reculer les limites du blocus et laisser les Allemands, comme l'hiver précédent, à peu près libres dans la partie méridionale de la mer du Nord. Mais les ressources dont on disposait à ce moment ne permettaient guère de faire mieux. L'ennemi, bien entendu, en profita : les mines reparurent dans la Manche orientale, et, pendant le seul mois qui suivit l'abandon du barrage de la côte belge, on en trouva autant que pendant les cinq mois où il avait été maintenu. Près de Boulogne, un vapeur de commerce, puis le patrouilleur Blanc-Nez, sautèrent sur des mines, et, par suite du mauvais temps, les deux tiers de l'équipage de ce dernier disparurent avec le commandant, le jeune enseigne de vaisseau La Porte, qui refusa de s'embarquer dans un canot pour ne pas le surcharger. Le nouveau barrage, qui avait plus de 50 kilomètres de long, était un grand ouvrage dont l'entretien, pendant l'hiver, imposa un travail extrêmement dur aux harenguiers qui en étaient chargés. Mais, pour le garder, il n'y eut, la nuit, que quelques petits bateaux à peine armés, et les sous-marins pouvaient le franchir presque sans difficulté, en passant par dessous. Avant qu'il ne fut terminé, cependant, l'un d'eux qui en ignorait l'existence, faillit y être pris : mais les navires anglais qui y travaillaient encore, le prenant pour un « P Boat » dont la silhouette ressemblait à celle des sous-marins allemands, s'efforcèrent de le détourner par des coups de sifflet et des signaux de toute sorte : ils y parvinrent ! Et le sous-marin put donner à la flottille des Flandres d'utiles renseignements sur la nouvelle obstruction qui la menaçait.

Comme le barrage de la côte belge, celui qu'on venait d'établir était parfaitement visible pour l'ennemi ; et il n'en pouvait guère être autrement, puisqu'il fallait constamment l'entretenir en bon état, malgré les dégâts qu'y faisait la mer. Il était jalonné de grosses bouées visibles de loin, qui marquaient des passages ménagés pour les navires alliés. Mais ces passages, devant lesquels on ne pouvait mettre une garde suffisante, ne tardèrent pas à servir aux sous-marins allemands ; les bouées, marquées sur leurs cartes, leur fournirent même des points de repère particulièrement précieux dans cette mer souvent brumeuse, où la navigation était pour eux d'autant plus difficile qu'ils devaient s'écarter des côtes pour échapper à la vue des patrouilleurs. Enfin, sachant par où passaient les navires alliés dans leurs voyages fréquents entre Douvres et Dunkerque, l'ennemi en profita pour mouiller des mines aux environs des bouées anglaises, mines qui, du reste, voisinaient parfois avec celles qu'avaient posées nos alliés, si bien que, dans ces parages, en dehors des routes commerciales, on ne put pas toujours savoir si un accident devait être attribué à un engin allemand ou britannique.

L'établissement du nouveau barrage, mais aussi sans doute l'impression que la surveillance des alliés était devenue moins étroite, déterminèrent les Allemands à tenter ce qu'ils n'avaient pas osé entreprendre jusque-là : une attaque par navires de surface dans le Pas-de-Calais.

Cordialement,
Franck

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Ar Brav
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Le raid du 26 octobre.

Le 25 octobre, l'amiral Bacon est avisé qu'une escadrille allemande comprenant une douzaine de torpilleurs est arrivée à Zeebrugge la nuit précédente. Le lendemain, les reconnaissances d'avions rapportent qu'il y a une grande activité à Ostende et que de nombreux chalands sont réunis dans les canaux. L'amiral en déduit que l'ennemi médite, soit un débarquement dans les environs de la Panne (les renseignements venant de Hollande n'ont cessé d'affirmer qu'il s'y prépare), soit un raid contre la rade des Dunes, soit les deux opérations à la fois, la seconde étant destinée à attirer des forces importantes pour augmenter les chances de succès de la première. Il demande au commodore Tyrwhitt, de Harwich, une division de contre-torpilleurs en renfort, et répartit ses navires entre la rade des Dunes, Douvres, Dunkerque et la Panne, où les contre-torpilleurs français se tiennent auprès du monitor de garde. Il n'y a pas moins de trente contre-torpilleurs et torpilleurs en alerte. Les chalutiers continuent leur service normal de patrouille, au voisinage des routes côtières.

Le 26, vers 22 heures, par une nuit très obscure, douze contre-torpilleurs allemands franchissent le barrage près du banc de Ruytingen, et se séparent en deux groupes égaux, se dirigeant à toute vitesse, l'un vers Douvres, l'autre vers Gris-Nez.

Le premier groupe tombe à l'improviste sur les harenguiers qui gardaient les filets, et, tirant dans le tas, en coule six et en avarie quatre autres ; le contre-torpilleur Flirt, en soutien à quelque distance, avait vu passer les ennemis, mais les avait pris pour des Anglais rentrant de Dunkerque à Douvres ; il accourt au canon, stoppe pour recueillir des naufragés, mais, ayant allumé son projecteur, est immédiatement attaqué et coule avec tout son équipage. Les contre-torpilleurs de Douvres, qui ont entendu la canonnade, ont appareillé et arrivent aussi vite qu'ils le peuvent ; l'Amazon, qui est en tête, reçoit plusieurs obus, le Nubian torpillé a tout son avant détaché par l'explosion, et les Allemands se retirent derrière un nuage de fumée sans qu'on puisse les retrouver.

Pendant ce temps, le second groupe est arrivé au milieu du Pas-de-Calais. La nuit, il n'y a pas de transports de troupes ; mais un paquebot, la Queen, rentre à vide et non armé de Boulogne à Folkestone. Le chef de l'escadrille allemande lui crie en anglais de stopper, et, croyant avoir affaire à des amis, la Queen obéit. Un officier allemand monte à bord avec quatre hommes et lui demande ses papiers ; comprenant sa méprise, le capitaine veut remettre en marche, mais doit céder à la force ; l'équipage évacue le bord dans les canots, et le paquebot, aussitôt criblé de coups de canon, dérive jusqu'au banc de Goodwin, où il coule quelques heures après.

Nous n'avons en patrouille, entre Calais et Gris-Nez, que le chalutier Montaigne, récemment arrivé dans la zone (c'est sa première nuit de service) et l'ancien garde-pêche Albatros*, armés chacun d'un canon de petit calibre — 47 millimètres pour l'un, 57 pour l'autre — contre les sous-marins ; ils naviguent à petite vitesse, à 300 mètres par le travers l'un de l'autre. Ayant aperçu des lueurs de coups de canon dans la direction de Douvres, ils croient tous deux à une attaque de Zeppelins et se tiennent prêts à tirer vers le ciel. A minuit 15, l'enseigne de vaisseau Barthes, commandant du Montaigne, distingue dans l'obscurité, sur l'avant de son bâtiment, une silhouette de navire qui s'approche rapidement ; comme le commandant du Flirt, comme celui de la Queen, il ne pense avoir affaire qu'à des alliés, met sa machine en arrière pour éviter un abordage, et ordonne d'allumer les signaux de reconnaissance. On n'a même pas le temps d'exécuter ses ordres ; les six ennemis passent en trombe entre les deux navires, les canonnant à bout portant de toutes leurs pièces de 105.
A bord du Montaigne, la première salve tue le commandant sur sa passerelle, jette à la mer le canon, son pointeur et ses deux servants ; la suivante allume un incendie dans le poste d'équipage, détruit l'appareil à gouverner, et crible la coque de trous ; le maître de manœuvre Le Fur, second du chalutier, prend le commandement, réussit à sauver l'un des hommes qui sont tombés à la mer, met l'équipage aux pompes pour étancher les voies d'eau, et s'efforce de conduire à la côte, pour l'échouer, le bâtiment qui ne gouverne plus. Mais le Montaigne est bientôt immergé jusqu'au pont, il faut l'évacuer ; on place d'abord les blessés dans les canots, puis les hommes valides y descendent, et tous les survivants abordent à Calais au petit jour. Sur l'Albatros, quatre hommes sont tués, plusieurs blessés, dont le canonnier qui a sauté à sa pièce et tire tant que l'ennemi est en vue ; le premier maître Hamon, commandant, cherche vainement le Montaigne, et, après avoir continué sa patrouille plus de deux heures, rentre à Boulogne pour y faire soigner ses blessés et réparer ses avaries.

* Il s'agit de l'Albatros I

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Ar Brav
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Le raid du 23 novembre.

Dans ce raid audacieux, les Allemands ont sans doute subi quelques avaries ; mais ils sont tous rentrés à leur base, ayant coulé ou endommagé plusieurs navires alliés, ayant démontré surtout que le blocus d'Ostende et de Zeebrugge n'est rien moins qu'effectif. Les contre-torpilleurs qui étaient à Dunkerque, aux Dunes et à la Panne, n'ont pu intervenir, tous immobilisés par un rôle de protection directe, prévenus trop tard d'ailleurs pour rejoindre dans la nuit un ennemi qui se retirait à grande vitesse. On constate que le service des renseignements a médiocrement fonctionné, les navires à la mer eux-mêmes n'ayant pas annoncé l'attaque avec toute la promptitude nécessaire : des ordres sont donnés pour que les avis de cette sorte soient désormais transmis plus rapidement. Mais surtout, on s'aperçoit que la possibilité de telles incursions, dans cette région de trafic intense qu'est le Pas-de-Calais, exige des mesures de précaution plus efficaces.

Dans un mémorandum écrit à la fin d'octobre, l'amiral Bacon s'exprime ainsi :

Il est toujours difficile d'empêcher un raid, même quand il est annoncé. N'importe qui peut tourner un coin de rue, jeter une pierre et s'enfuir. La question est de savoir si le dommage d'une vitre brisée vaut le risque d'être pris par un policeman, surtout si la fenêtre est ouverte et si la vitre ne peut être cassée…
Je suis heureux de constater que notre défense contre les sous-marins a conduit les Allemands à employer la méthode, beaucoup plus dangereuse pour eux, de nous attaquer avec leurs contre-torpilleurs ; le raid de la nuit du 26 octobre peut être regardé comme un hommage à ceux qui patrouillent sur la côte belge ou prennent part à la lutte contre les sous-marins dans le détroit.


Il est exact que, malgré la proximité de leurs bases des Flandres, les sous-marins obtiennent peu de succès dans la Manche et la mer du Nord. En particulier, les transports de troupes et de matériel entre l'Angleterre et la France passent continuellement, et sans pertes, grâce aux patrouilleurs, grâce aussi à l'opinion sans doute exagérée que les Allemands se sont faite de l'efficacité de nos défenses. La plupart des sous-marins ennemis, pour se rendre dans l'Atlantique ou la Méditerranée, continuent de faire le tour de l'Ecosse, et seuls ceux qui doivent opérer dans la Manche, ayant un plus faible rayon d'action, se hasardent dans le Pas-de-Calais. Mais, à cette nouvelle forme d'activité sur mer que sont les attaques par navires de surface, il peut y avoir des raisons d'ordre général : l'échec de l'offensive sur Verdun, qui est pour beaucoup dans le déclanchement de la guerre sous-marine sans restriction, fait probablement souhaiter des succès faciles de torpilleurs, matière à communiqués triomphants qui remontent le moral allemand et agissent sur les neutres.

Le raid du 26 octobre a produit, en somme, peu d'effet utile. Mais un autre, poussé plus à fond, pourrait causer de grandes pertes aux alliés. Aussi l'Amirauté britannique renforce-t-elle la Patrouille de Douvres en y ajoutant deux divisions de contre-torpilleurs de la classe la plus récente. Chez nous, on voudrait pouvoir faire de même ; mais, pour donner des navires à la flottille de la mer du Nord, il faut les prendre ailleurs, où l'on n'en a pas moins besoin. Cependant, nos forces sont très réduites par l'indisponibilité de l'Aventurier et de l'Intrépide que l'amiral a dû envoyer à Brest, en septembre, pour réparer leurs chaudières, et qui ne reviendront pas dans la zone : on les emploiera comme chasseurs de sous-marins dans l'Atlantique, rôle auquel ils conviennent mieux parce que, chauffant au charbon, ils n'ont pas la souplesse d'allures qu'exige la navigation en escadrille, surtout la nuit, avec des navires qui chauffent au pétrole. Le ministre remplace ces deux bâtiments par le Bouclier et le Magon, pris à la flottille de l'Adriatique, et qui arriveront à Dunkerque, l'un en décembre 1916, l'autre en février 1917. Cela fera encore cinq contre-torpilleurs de 800 tonnes dans notre escadrille de la mer du Nord ; mais, pratiquement, pendant la plus grande partie de l'hiver, son chef, le commandant Guy, n'en aura que trois — dont deux seulement, en général, seront disponibles. Quant aux torpilleurs d'escadre de 300 tonnes, tous ont été envoyés à Cherbourg, sauf le Carquois, l'Oriflamme et l'Obusier, que l'amiral joint aux petits torpilleurs de défense pour la surveillance des routes commerciales : ils ne sauraient, en effet, prendre part aux combats contre les destroyers allemands. Pour ces combats, nous n'apportons donc qu'un bien faible appoint aux forces britanniques qui, à la fin de l'année, compteront cinq petits croiseurs et trente contre-torpilleurs. Pourtant, la zone est si étendue, et les tâches à accomplir sont si nombreuses, que cet appoint ne sera pas négligeable. Les contre-torpilleurs anglais doivent, en effet, assurer un très lourd service d'escorte des transports à travers le détroit, et, quand ils ont fait quatre voyages dans leur journée — ce qui n'est pas rare — il faut bien leur donner un peu de repos la nuit.

Pour utiliser au mieux ces forces lorsque les circonstances sont favorables à un raid, l'amiral Bacon, d'accord avec l'amiral Ronarc'h, institue un « service des nuits sans lune », qui sera pris chaque mois pendant une semaine environ. Un groupe important de contre-torpilleurs est à la mer, d'autres mouillent dans les rades de Dunkerque et de Douvres, prêts à appareiller en quelques minutes. Des monitors gardent la rade des Dunes, un autre est toujours à la Panne avec quelques torpilleurs, pour le cas où l'ennemi tenterait un débarquement. Le front de mer de Nieuport est en alerte. La navigation commerciale est arrêtée, du coucher au lever du soleil, entre Gris-Nez et Dunkerque, pour laisser le champ libre aux navires de guerre. Les contre-torpilleurs français sont généralement chargés de la zone côtière, à l'Est de Dunkerque, où nos petits patrouilleurs continuent leur service d'avant-postes : on n'ose pas encore mélanger les navires des deux marines pour les opérations de nuit, comme on le faisait pendant le jour, l'été précédent. Quant aux chalutiers de garde entre Dunkerque et Gris-Nez, l'amiral Ronarc'h les fait rentrer dans les ports pendant ces nuits d'alerte : il est inutile de les exposer aux coups d'un ennemi contre lequel ils sont impuissants.

Ces dispositions sont en vigueur quand les torpilleurs allemands font un second raid, dans la nuit du 23 au 24 novembre. Cette fois, leur objectif est la rade des Dunes ; mais, à l'entrée Sud de la rade, ils se heurtent à une escadrille de harenguiers anglais qui, malgré la faiblesse de leur armement, tiennent tête courageusement et font un feu d'enfer de leurs petits canons : un seul est sérieusement avarié, et, au bout de quelques minutes, l'ennemi se retire sans que les contre-torpilleurs puissent le rejoindre. On comprend que des navires qui se sont ainsi écartés de leur base et craignent d'en être coupés par des forces supérieures renoncent à poursuivre leur entreprise dès qu'ils rencontrent la moindre résistance : la nuit surtout, on ne sait pas bien à qui l'on a affaire, et les risques sont grands pour un bénéfice incertain. Mais il n'est peut-être pas nécessaire, comme le font les Allemands, le lendemain, de transformer cette course inoffensive en succès, par un communiqué mensonger où il est question de navires coulés et de places fortes bombardées.

L'ennemi restera trois mois sur cet échec.

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Mines et sous-marins.

Pendant cette période, les sous-marins allemands se montrent plus actifs sur toutes nos côtes : c'est une campagne qui prépare les offres de paix de l'Allemagne en décembre 1916. Les mouillages de mines sont nombreux, l'ennemi en fait jusque devant Cherbourg, et même par très mauvais temps. A la fin de l'année, il a cent-vingt-six sous-marins en service, en ayant perdu cinquante-et-un depuis le début des hostilités. L'effectif de la flottille des Flandres n'augmente du reste pas : elle compte au plus une vingtaine de sous-marins, dont le tiers en réparations ou en ravitaillement dans les ports belges : il serait difficile d'en abriter davantage, et les bombardements d'avions y rendent la vie dure.

Le 8 novembre, le contre-torpilleur anglais Zulu touche une mine près de Gravelines, et son arrière est presque sectionné. Grâce à la prompte intervention du capitaine de frégate Guy, commandant de notre escadrille de contre-torpilleurs, qui se trouve dans les environs avec le Capitaine Mehl, il peut être conduit à Calais. En réunissant son avant à l'arrière du Nubian précédemment avarié par une torpille, les Anglais en font un nouveau contre-torpilleur, le Zubian, qui rendra d'excellents services jusqu'à la fin de la guerre et coulera même un sous-marin allemand, le UC-50, quinze mois plus tard.

A la fin de décembre, c'est notre torpilleur n° 317 qui, de nuit, saute sur une mine devant Calais ; le bâtiment coule en quelques instants : trois hommes seulement sont sauvés. Un seul bâtiment de commerce, le Port Nicholson, est détruit de la même manière vers cette époque, pour s'être écarté de plus de 1.000 mètres au Nord de la route draguée entre Calais et Dunkerque, au lieu de suivre les dragueurs qui opéraient précisément au même moment.

Près de Boulogne, le vapeur Mercator et une barge anglaise sautent aussi en dehors des routes prescrites. C'est une nouvelle occasion pour le commandant Levavasseur, qui a succédé au commandant du Vignaux, en avril, comme chef de la division des flottilles de la Manche orientale, de se plaindre des difficultés qu'il éprouve à faire respecter les consignes de navigation. Peu à peu seulement, après de nombreux accidents, les capitaines comprendront la nécessité de se soumettre à une discipline indispensable à leur sécurité.
Trois champs de mines sont mouillés devant Boulogne en octobre et novembre, mais, malgré le mauvais temps qui contrarie leurs travaux, les dragueurs réussissent à les déblayer assez vite pour que la navigation n'en soit pas interrompue.

Du 7 au 24 novembre, un sous-marin allemand opère au milieu de la Manche orientale, où il n'y a que de rares patrouilles et où les navires de commerce ne doivent pas passer, mais passent cependant pour aller plus vite ; il en canonne plusieurs, qui s'échappent, et coule, au moyen de bombes, deux vapeurs neutres et un voilier français. L'intervention d'une section de chalutiers, et de contre-torpilleurs détachés de Dunkerque pendant la période des nuits claires, met fin à sa croisière.

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La pêche du hareng.

Cet incident exceptionnel n'empêche pas la pêche du hareng de se poursuivre comme d'habitude. Au début d'octobre, l'amiral Ronarc'h a fait rendre à leurs armateurs les harenguiers à voiles qui avaient tendu leurs filets, pendant l'été, comme pièges à sous-marins, et, jusqu'à la fin de janvier, cinquante-deux bateaux suivent la migration ordinaire du hareng de Gris-Nez à la baie de Seine. Ils pêchent en groupes, sous la garde de chalutiers et de petits torpilleurs ; la plupart sont armés d'un petit canon de vieux modèle : les marins du Nord ne manifestent pas pour cet armement la répugnance qu'on trouve chez ceux de l'Océan, qui refusent les canons par crainte d'être traités en belligérants.
Pendant la campagne du hareng, pas un seul bateau ne sera perdu, ni même avarié par l'ennemi. La nuit, comme en temps de paix, une flottille abondamment illuminée que l'on voit de loin ; cet éclairage surprend fort les navires qui passent, y compris les sous-marins ennemis dont l'un, ayant émergé une fois dans le voisinage, est aussitôt accueilli par un bombardement général — lancé quelque peu au hasard — qui le fait replonger instantanément sans avoir tenté de nuire. Le torpilleur d'escadre Yatagan est chargé de la surveillance générale de cette pêche ; mais, dans la nuit du 3 novembre, il est abordé par un vapeur anglais et coulé au large de Fécamp ; l'abordeur recueille presque tout l'équipage, mais le commandant, le lieutenant de vaisseau Boussès, a disparu.

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Boulogne embouteillé.

Pendant un violent coup de vent d'Ouest, le 23 décembre, deux autres accidents se produisent presque en même temps, Un incendie détruit, à Dunkerque, trois hangars de l'aviation maritime française et les douze hydravions qu'ils renfermaient, ce qui, pour un temps, réduit presque à rien notre escadrille d'observation aérienne. A Boulogne, le grand vapeur Araby, entrant au port à la remorque, est jeté en travers par une forte lame, s'appuie par l'avant et l'arrière sur les deux jetées et se casse en deux à marée basse, obstruant complètement le chenal. Cinq torpilleurs, quatre sous-marins, dix-huit patrouilleurs sont bloqués dans le port avec plusieurs transports britanniques et tous les bateaux de pêche. Les travaux de déblaiement sont aussitôt entrepris, mais c'est seulement le 18 janvier que Boulogne est rouvert au trafic. Pendant cet intervalle — qui coïncide heureusement avec une période d'inactivité des sous-marins — les services de la base anglaise et des patrouilleurs français sont répartis entre Calais et Dieppe.

Cet embouteillage fortuit d'un port si nécessaire aux armées et aux marines alliées (on y compte au moins vingt-cinq entrées et sorties de bâtiments par jour, non compris les patrouilleurs et bateaux de pêche) attire l'attention sur la possibilité d'une tentative allemande visant le même but, au moyen d'un navire de guerre ou plus probablement d'un vapeur de commerce naviguant sous pavillon neutre. Contre la seconde éventualité, on ne peut que renforcer la surveillance déjà étroite des navires neutres, qui n'entrent au port que sous la conduite d'un pilote et après une visite. La première n'est guère à envisager que pour Dunkerque et Calais, mais ces ports aussi sont indispensables comme bases navales et militaires, et on enregistre par semaine cent cinquante entrées et sorties à Dunkerque, cent trente à Calais.

Aussi l'amiral Ronarc'h place-t-il un petit torpilleur en renfort auprès du patrouilleur chargé de l'arraisonnement, avec la consigne de torpiller tout navire qui refuserait d'obéir aux ordres de ce dernier et dont la manœuvre indiquerait des intentions hostiles. Mais, même à Dunkerque, les Allemands ne tenteront rien de semblable.

Cordialement,
Franck
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