GUERVEUR
Lancé en Mai 1902 par les chantiers de la Loire à Nantes pour le compte de la Société de Navigation Française, mais revendu sur cale à la Société des Voiliers Nantais.
Magnifique trois-mâts barque du type G, à spardeck, l’un des derniers grands voiliers construits à Nantes.
Caractéristiques
3455 tpl 2596 tx JB 2048 tx JN Capacité 5016 m3
Longueur 79,55 m Largeur 12,26 m Creux 7,29 m TE 6,55 m
2631 m2 de voilure
Pris au neuvage par le capitaine Corbinais, puis par le capitaine Créquer.
Voici le GUERVEUR sous voiles

Incidents de navigation
23 Août 1908
Ayant doublé Diego Ramirez à 15 milles dans le sud il faisait route au NE par forte brise de NNW. La nuit était noire, sillonnée d’éclairs aveuglants et il ventait en furie. Mais la mer n’était pas grosse ce qui laissait soupçonner la présence de glaces au vent. Soudain, le GUERVEUR frappe de plein fouet un énorme iceberg dépassant de 30 m sa mâture. Dans un fracas épouvantable les vergues du mât de misaine et des blocs de glace tombent sur le pont. Le beaupré se brise net et tout l’avant est complètement défoncé, heureusement au dessus de la flottaison. Le GUERVEUR ne coula pas et, au petit jour, on découvrit la présence de 40 icebergs tout autour du navire. Ce n’est que le 2 Septembre, après avoir parcouru 180 milles sous ses débris de voilure que le GUERVEUR parvint à se dégager des glaces et à retrouver la mer libre. Il alla relâcher à Montevideo pour des réparations provisoires, avant de reprendre sa route sur Liverpool où il n’arriva que le 21 Décembre.
20 Décembre 1909
En cape au large du cap Finisterre par violent coup de vent de SW, portant un lest de terre, le bardi vient à céder et le navire se couche complètement. Les hublots sous le vent cèdent et l’eau entre à flots. L’équipage va lutter pendant 4 jours, déplaçant le lest dans la cale pour refaire un nouveau bardi. Le navire se redressa enfin le jour de Noël et put continuer sa route sur la Nouvelle Calédonie.
30 Janvier 1914
Parti de Nouvelle Calédonie avec un complet chargement de minerai de nickel, le GUERVEUR essuie un gros coup de vent d’Est au large de la Nouvelle Zélande. Le navire démâte de son mât de petit perroquet et de ses vergues.
Les débris restant suspendus en tête du mât de hune comme un gigantesque balancier, le roulis s’accentue, la cargaison ripe et le navire demeure engagé. La tempête se déchaine en ouragan et la vergue du petit hunier fixe tombe.
L’équipage va lutter onze jours pour réparer le gréement, boucher les voies d’eau et établir une mâture de fortune. Le 7 Mars, il franchit le Horn par mauvais temps et le matelot Le Comblet est enlevé par une lame sans qu’on puisse rien faire pour lui.
Il atteindra Le Havre après 186 jours de mer sans aucune relâche.
La perte du GUERVEUR
Extrait du rôle
Trois-mâts GUERVEUR immatriculé à Nantes n° 612
Armé au long cours le 10 Janvier 1917 par la Société Anonyme des Chargeurs de l’Ouest pour un voyage vers Thio (Nouvelle Calédonie). Le navire est autorisé à se rendre en Nouvelle Calédonie à la condition formelle que la marchandise de retour sera rapportée dans un port français.
Equipage embarqué à Glasgow
Capitaine Joseph ALLAIN CLC né à Pordic Inscrit à Binic domicilié à Pordic
Second Alexis FAVREAU LLC né le 5 Janvier 1888 à Montaigu Inscrit à Nantes domicilié à Montaigu
Lieutenant Pierre GAUTIER né le 24 Novembre 1875 à La Vicomte/Rance Inscrit à Dinan
« Navire coulé par un sous-marin allemand le 12 Mars 1917. Les hommes d’équipage ayant reçu à l’embarquement trois mois d’avances, au moment du naufrage ils n’avaient pas acquis les sommes à eux payées. »
Lettre du consul de France à Dublin
« Le 3 mâts GUERVEUR a été coulé par un sous-marin ennemi le 12 Mars 1917 au large des côtes d’Irlande. Le navire et tous ses papiers ont été entièrement perdus. Le capitaine et la totalité de l’équipage ont été sauvés et rapatriés de Buncrana à Londonderry, et de là à Dublin, Londres et Saint Malo à la date du 16 Mars 1917. Une expédition du rapport du capitaine relatif au sinistre a été envoyée le 19 Mars 1917 au Ministère de la Marine. »
Rapport du capitaine
« Je soussigné, Joseph Allain, commandant le GUERVEUR de la Société des Chargeurs de l’Ouest domiciliée à Nantes, déclare être parti de Glasgow le Samedi 24 Février vers 13h30. Mouillé le même jour à Greenock vers 16h30.
Appareillé de Greenock le 9 Mars, sortie d’Est, remorqué par le (nom illisible) Largué le remorqueur à Ailsa Craig. Franchi le canal du nord sans incident.
Lundi 12 Mars 1917 à 08h00, Nous sommes attaqués par un sous-marin. Répondu aussitôt. Le sous-marin, atteint par nous, quitte le champ de tir. Obligé de cesser le feu. L’ennemi nous envoie des obus incendiaires. Le voilier prend feu et coule. L’équipage est sauvé dans les embarcations.
Lieu de l’attaque 56°00 N et 10°25 W.
Le lendemain, 13 Mars, je suis recueilli avec 14 hommes par un patrouilleur anglais. La deuxième embarcation n’arrive que le lendemain. Nous sommes dirigés sur Buncrana et de là sur Londonderry où Monsieur l’agent consulaire de France nous fait hospitaliser. Nous sommes rapatriés à Saint Malo, via Dublin.
Mon rapport de mer, en duplicata, a été affirmé par l’équipage en présence de Monsieur le Consul de France à Dublin.
A mon arrivée à Saint Malo, j’ai été interrogé par Monsieur l’Administrateur de la Marine, et je déclare n’avoir rien à ajouter à ma déclaration.
Les papiers de bord ont été perdus car je n’ai pu descendre les chercher dans ma cabine vu le tir de l’ennemi ; de plus, le roof était en miettes. »
Sur ce rapport, l’Administrateur de l’Inscription Maritime de Nantes a ajouté en diagonale :
« Ce n’est pas le rapport de mer. C’est seulement une déclaration demandée au capitaine lors de son passage à Nantes, et à son équipage, pour nous assurer que nous n’avions pas l’ensemble des documents ; afin aussi d’avoir plus tôt des indications sur les évènements »
Bien que ceci ne concerne pas le naufrage, on notera que le rôle signale qu’au voyage précédent, effectué lui aussi sur la Nouvelle Calédonie, le GUERVEUR avait perdu deux marins :
Pierre NEPVEUR cuisinier né le 31 Juillet 1867 à Criel Inscrit à Dieppe Décédé à bord, en mer, par 41°10 S et 28°30 E le 9 Août 1916
Henri VALTEAU matelot léger né le 13 Août 1897 à Nantes Inscrit à Nantes domicilié à Nantes
13 rue Contrescarpe
décédé accidentellement le 5 Novembre 1916, étant en permission, à Bonini Houailou.
On avait versé à ses parents son salaire, ainsi que la somme de 19 francs pour prix de deux cirés lui appartenant et rachetés par ses camarades de l’équipage.
Le sous-marin attaquant
Il s’agissait de l’U 48 du commandant Heinrich Hermann HASHAGEN.
Cdlt
Olivier