CHATEAUBRIAND
Trois-mâts franc lancé le 26 Janvier 1901 aux chantiers de Bordeaux pour le compte de la Société Bretonne de Navigation.
Les chantiers de Bordeaux, qui avaient lancé le célèbre France II, cinq-mâts de l’armement Prentout, construisirent cinq trois-mâts carrés différant sensiblement de ceux construits par les chantiers nantais.
Le premier fut ALICE, splendide machine qui gréait des contre-cacatois sur ses trois phares établissant ainsi une voilure de 3200 m2. Les suivants, sans contre-cacatois, furent CHATEAUBRIAND, HELENE BLUM, DUGUAY TROUIN et DUCHESSE DE BERRY.
Tous ces bâtiments étaient reconnaissables à leur très longue dunette, surmontée à l’arrière d’une demi- dunette sur la moitié de la longueur de la première.
Voici la silhouette et le plan de pont de ces voiliers.

Caractéristiques 3200 tpl 2247 tx JB 2029 tx JN
Longueur 86 m Largeur 13,4 m
Cette largeur, plus importante que celle des Nantais, donnait aux navires une plus grande élévation de mâture tout en diminuant la gite et en permettant d’embarquer moins de lest.
Les coques étaient aussi différentes, avec trois rangées d’épontilles rivées sur les barrots de dunette et de gaillard. La cloison d’abordage de l’avant était renforcée par des cornières.
Sur le pont, des claires-voies d’aération permettaient d’aérer séparément cales et faux-ponts. Elles se condamnaient par des panneaux pleins et calfatés.
Navire pris au neuvage par le capitaine Loreau.
Le CHATEAUBRIAND fut plus tard racheté par la Société Nouvelle d’Armement, de Nantes.
Torpillage du CHATEAUBRIAND
Extrait du rôle
Trois-mâts CHATEAUBRIAND immatriculé à Nantes n° 572
Armé au cabotage en date du 3 Janvier 1915, puis au long cours en date du 20 Mars 1915 par la Société Nouvelle d’Armement.
Equipage embarqué à Londres le 16 Mars 1915. Le navire avait appareillé de Londres pour New York.
Capitaine Joseph GRONDIN CLC né le 20 Mars 1879 à l’Ile d’Yeu Inscrit à Brest
Second Emile PRAT CLC né le 30 Octobre 1880 à Lanildut Inscrit au Conquet
Lieutenant Eugène LEDUC capitaine au cabotage né le 6 Mars 1867 à Plouher Inscrit à Dinan
« Ce navire a été torpillé et coulé en mer le 8 Avril 1915 à 11h00 à 30 milles au sud de l’ile de Wight. Papiers de bord disparus. »
Aucun rapport du commandant n’est joint en archive.
Voici une photo, prise depuis le sous-marin, montrant l’explosion de la torpille à hauteur de la cale avant. (Nota : erreur sur ce cliché qui est celui du BERENGERE - voir ci-dessous)

Le sous-marin attaquant
Il s’agissait de l’U 32 du commandant Edgar von Spiegel (KL)
Après avoir fait évacuer le voilier, il se plaça à distance convenable et lança une torpille. Le navire coula aussitôt. La position donnée par Arno Spindler est 25 milles au SE de Beechy Head.
C’est aussi la position donnée par Louis Lacroix qui indique : au large de Rye (près d’Hastings) la pointe Beechy Head se trouvant à 25 milles au NW.
En revanche, la position donnée au rôle de désarmement est très différente (30 milles au sud de l’ile de Wight).
En l’occurence, c’est très certainement au large de Beechy Head et non de l’ile de Wight, qu’a bien eu lieu le torpillage. Ceci est tout à fait confirmé par le fait que les embarcations arrivèrent au Tréport, port le plus proche de cette position.
Deux documents sont en effet joints au rôle de désarmement.
Le premier est un message envoyé à la Direction de la Société Nouvelle d’Armement par l’Administrateur de l’Inscription maritime de Nantes et daté du 10 Avril 1915 :
« J’ai l’honneur d’adresser à Monsieur le Directeur de la Société Nouvelle copie d’un télégramme officiel reçu de Dieppe ce jour :
Prière faire connaître d’urgence à préposé Tréport conditions rôle vu paiement équipage CHATEAUBRIAND, Société Nouvelle, torpillé 8 Avril 11h00 au sud de l’ile de Wight. Papiers bord disparus. Canot avec capitaine et douze hommes arrivé au Tréport. Deuxième canot avec dix hommes perdu de vue la nuit dernière ».
(nota : le deuxième canot arriva plus tard mais le lieu n’est pas précisé)
Le deuxième document est la réponse envoyée le jour même par la Société Nouvelle d’Armement
« Nantes, le 10 Avril
Monsieur l’Administrateur,
Répondant à votre note, nous vous informons que, d’après les conditions du rôle de notre navire CHATEAUBRIAND, l’équipage de ce navire n’a pas droit à la conduite.
En ce qui concerne les salaires, aucun des membres de l’équipage n’a encore gagné le montant des avances versées à l’embarquement.
Salutations distinguées »
Bref, ces marins qui avaient tout perdu n’avaient pas droit à un centime. Et qu’ils se débrouillent pour rentrer chez eux… On ne plaisantait pas avec les frais de route en ce temps-là !
Quant à l'erreur sur la position, elle vient manifestement du télégramme du préposé du Tréport.
Cdlt
Olivier