Bonjour à tous, bonjour Florent.
Houlà ! attention : terrain miné
mais l'un des "irréductibles"

veut bien apporter quelques commentaires "linguistiques" :
1° ) Quoique certains de nos chers représentants jacobins

aient encore du mal à l'admettre, le Breton est effectivement une langue, certes "régionale", mais tout autant que le Corse ou le Basque... Et encore vivante malgré tous les efforts de la République pour la faire disparaitre, plus particulièrement d'ailleurs au lendemain de la première guerre mondiale.
On me pardonnera de donner ici deux exemples contemporains parmi beaucoup d'autres : dans les années 20-30 on attachait une paire de sabots au cou des enfants qui étaient surpris à parler breton à l'école (cf P-J Hélias) ; quant aux prénoms bretons (souvent déformés et francisés

!) ils n'ont été "admis" par l'état-civil qu'il y a relativement peu, le cas le plus typique étant celle de la famille Le Goarnic dont la moitié des enfants, nés dans les années 1960, ne furent pas reconnus par l'état-civil français pour cette seule raison ! L'énormité du cas, porté au niveau européen, allait permettre d'ouvrir la brêche et l'évolution que nous connaissons aujourd'hui.
Pour en revenir à 14-18, je n'ai d'ailleurs remarqué aucun prénom breton "originel" parmi tous ceux des MplF morbihannais répertoriés au 116e RI, la majorité étant pourtant d'origine rurale ; tous sont "francisés" et "christianisés". Mais il est vrai que l'église, là aussi, et surtout en terre Bretonne, jouait son rôle.
Sophie, pourrais-tu nous éclairer sur ce point pour tes Finistériens du 19e ?
2°) La Bretagne était en fait à l'époque partagée en trois au niveau de la langue : d'un coté le Breton, d'origine celtique (en Basse-Bretagne, pour simplifier : sa partie Ouest qui ,paradoxalement, a les points culminants de la péninsule) ; de l'autre le Gallo, d'origine latine et se rapprochant en ce sens du Français (en Haute-Bretagne : la partie Est se confondant avec le bassin de la rivière Vilaine et au contact des "Marches" Bretonnes : Mayenne,...). La ligne de délimitation entre les deux allait très grossièrement du mileu du "Vannetais" (Bro-Gwened) pour remonter jusqu'à la région de St Brieuc. Et, supplantant petit à petit les deux (surtout la seconde) à compter de la fin du XIXe, le Français, grâce, en partie, à Jules (Ferry).
3°) La langue Bretonne connaissant elle-même des spécificités selon ses "Pays", avec notamment des variantes de prononciations (le breton littéraire actuel n'étant qu'un "compromis"), on peut imaginer ce que cela pouvait donner entre Bretons eux-mêmes...
4°) En 1914, effectivement, nombre de soldats issus des milieux ruraux et marins ne parlaient toujours que leur langue maternelle.
Pour illustrer mon propos et répondre en partie à ton interrogation et à la remarque de Stéphan : ci-après un article paru dans l'édition du 23.09.1914 du "Nouvelliste du Morbihan" (dont la rédaction était à Lorient) :
"
LES BRETONS A LA GUERRE
Nous recevons de notre confrère Loeïz Herrieu, le barde bien connu, qui, en ce moment, remplit son devoir de français sous les plis du glorieux drapeau national, une intéressante lettre dont nous donnons extrait suivant :
"Mon cher confrère et ami,
Le service des correspondances étant fait d'une façon défectueuse, voudriez-vous, par la voie du Nouvelliste, rassurer les familles qui ont quelques-uns des leurs au 88e régiment territorial, sur le sort de ce régiment...
Presque pas de malades au régiment
La nourriture est copieuse et le moral excellent. Nos Bretons acceptent leur nouvelle situation avec bonne humeur.
Tout le monde ici, ou à peu près, est breton ; presque tous "bretonnent" à longueur de journée et les ordres même se donnent souvent en breton.
Dimanche, M. l'abbé Moigne, caporal à la 3e compagnie, nous a dit la messe et a prononcé une vibrante allocution en breton. A l'harmonium, M. l'abbé Le Gall, de Naizin, soldat cycliste, nous a fait entendre les airs du pays. On a chanté des cantiques bretons.
Dans les rues, quelques coiffes bretonnes circulent ... C'est donc toute la Bretagne que nous avons ici ! Il nous manque cependant le chistr mat de chez nous : nos gosiers bretons s'habituent difficilement au vin et à l'eau un peu trop calcaire de cette région.
Malgré tout, chacun fait son devoir, tout simplement, en bon Breton et en bon Français.
Bon souvenir aux confrères restés à Lorient et à vous cordialement."
L. HERRIEU"
Je pense que je n'ai besoin de traduire "chistr mat".

pour personne.
Au niveau du vocabulaire, comme l'explique François, le contact des soldats Bretons aux soldats originaires des autres régions françaises allait notamment donner naissance au verbe "Baragouiner" (Bara : le pain - Gwin : le vin), ces deux mots se retrouvant régulièrement dans la conversation des poilus bretons ... et incompréhensibles pour les autres.
Je rejoins Jean quant à l'évolution "culturelle" qu'allait provoquer la promiscuité des soldats dans les tranchées.
L'un des "incultes" d'Armorique. Forcément chauvin..
Kenavo et sans rancune.
NB :
JPierre : les estaminets que tu décris se trouvaient au début du siècle (le XXe) plus particulièrement Rue de la Tannerie à Vannes, cours de Chazelles à Lorient et quai de la Fosse à Nantes.
Florent : trop tard, je suis définitivement froissé
