Bonjour,
Une excellente d'idée que d'aborder ce sujet !
Si votre propos montre un des aspects peu connus de Neuf-Brisach, il mérite, sinon quelques précisions, au moins quelque illustration.
En effet, ce à quoi vous faites allusion correspond à un mur-bouclier (all. Schildmauer) érigé au milieu de la courtine de l'enceinte dite de sûreté — celle qui est au plus prêt de la ville — sur les quatre fronts qui ne comportent pas de porte (fronts 2-3, 4-5, 6,7& 8-1). Les fronts qui comportent des portes disposent également de murs-bouclier mais organisés différemment: l'un est disposé sous les arches du pont et l'autre protège la poterne débouchant sous le pont au niveau de l'escarpe. Il s'agit des fronts des portes de Colmar (front 3-4), de la porte de Strasbourg (front 5-6) et de la porte de Bâle (front 7-8). Le front de la porte de Belfort (front 1-2) représente une exception puisqu'il ne comporte plus, à cette époque, de pont et reprend le modèle des fronts dépourvus de portes.
Plus concrètement, à l'exemple du front 2-3 compris entre les portes de Belfort et de Colmar…
1. La courtine brisée avec, au premier plan le mur-bouclier, objet de notre propos… Au second plan le petit-flanc de courtine avec ses deux embrasures installées par les Alllemands vers 1875 (antérieurement — i. e. jusqu'en 1870 — il n'y avait qu'une seule embrasure) et, enfin, à l'arrière-plan la tour bastionnée 2 dont les embrasures ont été modifiées à deux reprises (vers 1875 puis vers 1885).
2. Le rôle du mur bouclier est ici mis parfaitement en évidence. L'embrasure de gauche du petit flanc de courtine est parfaitement masquée et celle de droite ne pose pas de problème bien les axes de tir des deux embrasures ne soient pas parallèles mais convergents !
3. Enfin, une vue de profil de ce mur-bouclier dont la hauteur totale atteint quand même 3,50 m pour 1 m d'épaisseur. Le mur est construit en briques (typiquement de facture allemande) sur une assise de grès rose. Pour le protéger du ruissellement des eaux de pluie, la partie sommitale est ornée de couvertines en terre cuite.
Discuter de l'état d'armement de la place de Neuf-Brisach alors intégrée dans l'importante tête de pont fortifiée de Neu-Brisach (Brückenkopf Neubreisach) mériterait de longs développements pour lesquels un forum n'est guère adapté. Toutefois, pour ce qui concerne la défense des fossés, elle est assurée initialement par des canons de 9 cm se chargeant par la culasse disposés sur un affût de casemate (en théorie 26 pièces destinées aux tirs de flanquement) qui seront renforcés dans les années 1880 par quelques canons-révolver de 3,7 cm (les états d'armement indiquent 6 pièces en dotation théorique).
Sur le front de la porte de Colmar, dans la tour bastionnée 2 (et probablement la 3 également) qui flanque la porte de Colmar, sera installé, vers 1909, un support adapté à l'usage de la mitrailleuse MG 08.
Pour de plus amples précisions sur les mur-bouclier disposés au niveau des portes. Un article publié sur mon blog accompagnant est disponible sous le titre "Mémento sur les portes de Neuf-Brisach — Focus sur la porte de Bâle". Cf.
http://fortifications-neuf-brisach.blog ... ur-la.html.
Enfin, il est fait mention d'un « troisième système » : j'attire votre attention sur le fait que ces trois systèmes ont été codifiés par des successeurs idolâtres et, même s'il est aujourd'hui peu ou prou consacré, il masque une des qualités essentielles du célèbre ingénieur : l'intelligence du terrain ! En effet, il a toujours refusé de rédiger un traité codifiant ses idées puisque, entre autres raisons, il ne pouvait concevoir que la fortification puisse être enfermée dans des systèmes reproductibles à l'infinis.
Bien cordialement.
Dr Balliet J.M.
PS : Les clichés ont été pris la veille à Neuf-Brisach à l'occasion de l'inventaire photographique détaillé que je réalise annuellement. Nous nous sommes peut-être croisés !