Morhange - Riche

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Eric Mansuy
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Re: Morhange - Riche

Message par Eric Mansuy »

Bonsoir à tous,
Bonsoir Jacques,
Oui, comme vous le dites si bien, "les batailles de Lorraine,Morhange, Dieuze, Sarrebourg, ont une fâcheuse tendance à être évincées, parfois oubliées". Je m'associe à votre dépit en y ajoutant les combats de Blâmont, Cirey-sur-Vezouze, Abreschviller, Walscheid, voire Baccarat, et combien d'autres encore...
Merci donc pour le rappel de cette commémoration. Et afin de "rafraîchir les mémoires", voici une évocation tirée de la presse d'il y a plus de 40 ans.
Bien cordialement,
Eric Mansuy


Dernières Nouvelles d’Alsace. Edition de Saverne. Samedi 15 – dimanche 16 août 1964

DIEDENDORF
Il y a cinquante ans dans le village

"...C’était aux environs de midi. Un officier allemand à cheval pénétra en hâte dans le village et, s’arrêtant devant une maison, me demanda brièvement si le maire habitait par là. J’appelai de suite mon père qui, à l’époque, exerçait la fonction combien ingrate de premier magistrat de la commune. Après de brèves salutations, l’officier fut accompagné dans la chambre où un soldat était en fonction auprès du téléphone de l’agence postale. L’entretien avec mon père tournait d’abord autour du temps (il faisait une chaleur écrasante), du beau paysage, de la moisson, donc de choses banales qui n’avaient pas le moindre caractère militaire. Soudain, l’officier interrompit le bavardage, décidant de passer au vif de sa mission.
Mon père me fit signe de sortir et je me retirai dans une pièce voisine, laissant la porte légèrement entrebâillée, car à 14 ans je m’intéressais déjà quelque peu aux événements militaires. Je puis constater que mon père s’assit soudain sur la chaise, tout blême et sans dire un mot ; mes oreilles se dressèrent davantage ; cela avait l’air sérieux; je perçus effectivement quelques précisions de l’officier : « C’est dans ce bassin de la Sarre qu’il nous faudra encercler et capturer les Français et il y aura inévitablement une bataille ; votre village, avec divers autres, se trouvera, en raison de la situation géographique, au cœur de cette bataille et une évacuation de la population sera de ce fait d’une nécessité absolue ». A la question : « Dans quelle direction », l’officier répondit brièvement : « 10 à 15 km vers l’est ; informez-en vos administrés et attendez nos ordres ».
L’officier disparut promptement, ne tenant guère compte de l’énervement que sa mission devait causer dans notre village, toujours si calme. Déjà durant l’entretien, la population s’était rassemblée devant la porte, car depuis le matin circulait une rumeur peu réconfortante. De l’autre côté de la Sarre, sur un coteau, on remarquait un fourmillement de soldats. Un régiment d’infanterie bavarois y creusait des tranchées. Une publication de la nouvelle quant à l’évacuation s’avérait de ce fait inutile, car elle circulait de bouche en bouche, beaucoup plus vite que ne l’aurait annoncée l’appariteur.
L’énervement de la population ne cessait de croître. On transportait du mobilier dans des caves considérées comme suffisamment solides. Les voitures des paysans furent hâtivement équipées pour le transport des gens, des denrées alimentaires et la literie, un tableau qu’on devait hélas revoir durant la deuxième guerre mondiale. Une petite lueur d’espoir toutefois, au bout de deux jours : les Français arrêteraient leur progression, ils ne se laisseraient pas prendre au piège.
Le 18 août, des troupes traversaient le village deux heures durant, en direction de la forêt du « Gutenbrunnen ».
A 11 h vint l’ordre d’évacuation : « Le village doit être entièrement évacué à midi ». Quelques hommes seulement avaient le droit de rester sur place, pour mettre le bétail à l’abri, au dernier moment. Pendant que le cortège des évacués s’ébranlait, les cloches d’alarme se mirent à sonner ; personne ne sait cependant qui avait pris cette initiative. Un aspect désolant et inoubliable !

A mi-chemin, sur une hauteur, on fit une courte pause pour permettre aux vaches de reprendre leur souffle, et aux gens de jeter un dernier regard sur le village. A la tombée de la nuit, nous atteignîmes la localité qui nous avait été assignée. Les vieillards furent hébergés dans des maisons, alors que les plus jeunes se sont aménagés un petit coin sur les charrettes, pour y passer la nuit au milieu des provisions de route. Durant notre absence, bien des événements se sont passés à Diedendorf. L’instituteur du moment s’étant plaint auprès d’un officier quant à la conduite déplacée de certains soldats dans les maisons abandonnées. Cette protestation faillit lui valoir d’être fusillé devant la maison d’école ; ce n’est que grâce à l’intervention d’un autre officier qu’il garda la vie sauve.
Un de mes collègues fut emmené avec un attelage de bœufs comme conducteur, mais dut attendre, les yeux bandés, jusqu’à ce que les soldats eurent terminé de creuser une tranchée. On le libéra à proximité du village. Un restaurant, où l’on avait oublié d’enlever la photo d’un grand-père en uniforme de poilu [sic] fut saccagé.
Le matin du 20 août nous entendîmes le canon et les rafales de mitrailleuses. Tous nous montions sur une colline proche du village d’où l’on voyait jusqu’en Lorraine et eûmes tôt fait de constater que la bataille faisait rage au-delà de Fénétrange.
Deux jours plus tard nous pouvions rentrer chez nous. Nous nous arrêtâmes à nouveau sur cette colline, mais cette fois-ci pour embrasser d’un regard humide de joie notre village intact et retrouvé."
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
Claude TP
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Re: Morhange - Riche

Message par Claude TP »

Bonsoir
A lire en complément (absolument?)
L'aviation française en Août - septembre 1914
Revue ICARE, n° 193
qui couvre cette période
Cordialement
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bm thiry
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Re: Morhange - Riche

Message par bm thiry »

Bonsoir à tous,
Bonsoir Jacques,

Pour la mémoire des combattants du 20°CA tombés sur leur Terre de Lorraine,
souhaitons que cette commémoration se perpétue.

Merci Jacques pour cette intervention qui rappelle à nous tous
le sacrifice des Nôtres en août 1914 en Lorraine annexée. ;)

Ci-joint le lien qui permerttra de localiser Riche avec précision
http://www.viamichelin.fr/viamichelin/f ... image2.y=0


Bien cordialement
Bertrand



"Quelle héroïque simplicité dans ce salut de la Patrie à ses fils blessés pour Elle, que de souffrances fait oublier cette glorieuse minute ! Quiconque ne l’a pas vécue ne comprendra jamais l’émotion de pareils moments !" A TIRE D'AILES, page303
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