Une bien triste histoire parmi tant d'autres...

Parcours individuels & récits de combattants
Avatar de l’utilisateur
Guilhem LAURENT
Messages : 653
Inscription : dim. nov. 21, 2004 1:00 am

Re: Une bien triste histoire parmi tant d'autres...

Message par Guilhem LAURENT »

Bonjour à toutes et à tous,

Voici une bien triste histoire parmi tant d'autres...

Cet épisode est tiré du livre d'or de l'Ecole Nationale des Mines de Saint-Etienne (Saint-Etienne, Société Amicale des Anciens Elèves de l'Ecole Nationale des Mines de Saint-Etienne, 1921) Au cours de nos lectures cela nous arrive de nous arrêter sur des faits curieux parfois, tristes souvent. Les lignes qui suivent m'ont ému, je voulais vous conter cette histoire.



Image


Le portrait ci-dessus est celui de deux frères, Albert et Louis Comte. Voici quelle est leur triste histoire. Mais tout d'abord, une présentation de ces deux officiers.
  • Albert Comte, né le 21 mars 1887 à Thonon-les-Bains en Haute-Savoie, ingénieur aux mines de l'Escarpelle fut mobilisé le 2 août 1914 comme lieutenant, chef d'une section de mitrailleuse au 341e régiment d'infanterie. Il prit part à la bataille de la Marne où, le 10 septembre 1914, il se signala particulièrement ; puis aux actions de Chauvoncourt, du Mort-Homme. Il est nommé capitaine en 1916. Combat à Verdun et à Saint-Mihiel où il est blessé (octobre 1918) Passé au 2e régiment de génie, il contribua à la construction du premier pont de bateaux sur le Rhin, à Oppenheim. Après avoir passé quatre ans au front et avoir échappé aux si nombreux dangers qu'il a courus, Albert Comte vient en permission à Paris (fin janvier 1919)
  • Louis Comte, né le 11 septembre 1885, frère aîné d'Albert, ingénieur aux mines de Liévin, est mobilisé le 2 août 1914 comme lieutenant, chef d'une section de mitrailleuses au 364e régiment d'infanterie. Il prend part aux actions d'Etain (24-25 août 1914) de Trésauvaux (22-23 septembre 1914) de Marcheville (6-7 avril 1915) d'Hennemont-Ville (24-25 février 1916), où il se distingue par sa belle attitude, de Ronvaux (28 février 1916), de Lihons (12 juillet 1916). Nommé capitaine le 2 août 1916, il passe au 303e régiment d'infanterie le 24 août 1916, et se bat à Vermandovillers (Somme) du 4 au 9 septembre 1916, et à Avocourt les 29-30 juin 1917. En juillet 1917, il est désigné pour suivre les cours de l'Ecole d'état-major de Senlis, et, comme capitaine d'état-major, prend part aux actions de Champagne (février 1918), de Villers-Cotteret (mars 1918), de Moreuil, plateau de Rouvrel (4 avril 1918)
Albert et Louis Comte ont tous les deux après quatre années de guerre survécu aux combats auxquels ils ont participé. Ils ont même été cité.
  • Albert, cité à l'ordre de la division : "sur la brêche depuis le début de la guerre, a particulièrement montré sa valeur dans le combat de nuit du 10 septembre 1914 (bataille de la Marne) et ensuite dans les situations les plus exposées comme lieutenant chef de section de mitrailleuses. En qualité de capitaine commandant la compagnie de mitrailleuses a fait preuve de beaucoup d'intelligence et de qualité d'organisation."
  • Louis, cité à l'ordre de la division, le 10 août 1915 : "commandant une section de mitrailleuses à l'attaque de nuit d'Hennemont (combat des Eparges) a porté sa section à la barricade la plus avancée sous un feu violent à moins de 200 mètres, a contribué dans une large mesure à repousser l'ennemi, en lui infligeant de lourdes pertes."
Vous me direz, quoi de plus banal que le parcours de ces deux officiers ? Voyez la suite. Je reprends...

Albert Comte vient en permission à Paris (fin janvier 1919). Il meurt le 3 février 1919, en trois jours à l'hôpital militaire de Saint-Cloud, d'une grippe dont il avait ressenti les premiers symptômes en chemin de fer. Louis apprenant la mort de son frère Albert décide de regagner Paris au plus vite... Comme son frère Albert, et marqué aussi, semble-t-il, du sceau de la fatalité, Louis Comte, après ces quatre années de vaillance au front, contracte la grippe en venant à Paris aux obsèques de son frère, et meurt quelques jours après, le 1er mars 1919, à l'hôpital du Lycée Buffon, à Paris...

Il n'était vraiment pas prudent de prendre le train en cet hiver 1919...

Je n'ose imaginer la tristesse de la famille, des parents notamment. Leurs fils, mobilisés de la première heure avaient survécu aux quatres années de guerre et étaient frappés par la grande faucheuse à quelques jours d'intervalles... quelques semaines seulement après les joies de l'armistice.

Sombre période...

Connaissez-vous des histoires aussi curieuses que celle-ci, mêlant fatalité, tristesse, destins cruels et étonnants ?

Bien cordialement

Guilhem LAURENT




On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont.
L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le coeur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
Avatar de l’utilisateur
louis cazaubon
Messages : 219
Inscription : sam. déc. 11, 2004 1:00 am

Re: Une bien triste histoire parmi tant d'autres...

Message par louis cazaubon »

Bonsoir Guilhem.

bien triste histoire, il est vrai.

S'agissait-il de la grippe, ou bien de la grippe espagnole, qui fit tant de ravages, en Europe, dans l'immédiat après-guerre?

Bien à vous,


Louis
Avatar de l’utilisateur
gerard mathern
Messages : 127
Inscription : mar. nov. 08, 2005 1:00 am

Re: Une bien triste histoire parmi tant d'autres...

Message par gerard mathern »

Bonsoir,

Il s'agit très vraisemblablement de la grippe espagnole qui fit autant de morts que la guerre elle-même. On nous promet un remake avec la grippe aviaire. C'est pourquoi on est allé déterrer des personnes décédées lors de cette épidémie afin d'en connaître très précisément le virus. Rien de nouveau sous le soleil, mais en 19, il n'avaient vraiment pas besoin de cela!
Cordialement
Gérard Mathern
Avatar de l’utilisateur
mireille salvini
Messages : 1099
Inscription : jeu. déc. 15, 2005 1:00 am

Re: Une bien triste histoire parmi tant d'autres...

Message par mireille salvini »

bonsoir à toutes et à tous
bonsoir Guilhem

merci pour cette histoire,très bien racontée,qui souligne combien la vie peut être dérisoire parfois...
concernant cette épidémie de "grippe espagnole",j'ai trouvé ceci:
...(voici) les ravages que la "grippe espagnole" causa en trois vagues successives au printemps,à l'automne puis à l'hiver 1918.(...)Les autorités médicales constatèrent rapidement son pouvoir de contagiosité extrême,son extension des plus rapide,son atteinte brusque de jeunes gens en pleine santé,la gravité des formes fébriles observées avec de fréquentes complications pulmonaires elles-mêmes contagieuses et entraînant la mort en quelques jours.(...)
20 millions de victimes dans le monde
2,2 millions en Europe
165 000 en France dont 90% des décès eurent lieu en 4 mois.

les statistiques établies a posteriori (...) furent terribles.Le docteur Delater,qui en étudia l'impact sur la nation armée,souligna en 1923 que la pandémie grippale avait atteint en France le milieu militaire avec une brutalité que ne connut aucune autre maladie contagieuse.(..)
Selon ses chiffres,la grippe,de mai 1918 à avril 1919 dans l'armée "atteignit 130 hommes sur 1000 d'effectif (436 000 malades) et en tua 10 (33 320 décès)....
comparée à la mortalité civile,on peut estimer que la mortalité militaire fut 3 fois plus élevée..."

source:Anne Rasmussen dans "vrai et faux dans la grande guerre" page 208-217

concernant d'autres histoires au destin tristement ironique,je rappelle le sujet suivant édité par Stephan:
pages1418/forum-pages-histoire/Le-pinar ... 3871-1.htm

enfin,j'ai bien une histoire bizarre d'une disparition collective,si vous pensez qu'elle peut avoir sa place à la suite de votre récit,je la mettrais ici,même si elle ne dégage pas autant d'émotion que le destin de ces 2 frères.

amicalement,
Mireille
" Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c'est la présence des absents dans la mémoire des vivants." (Jean d'Ormesson)
Avatar de l’utilisateur
Yvick Herniou1
Messages : 157
Inscription : lun. févr. 27, 2006 1:00 am

Re: Une bien triste histoire parmi tant d'autres...

Message par Yvick Herniou1 »

Bonjour à tous,
Oui ! Cette affaire est bien triste et me rappelle la fin de 14-18 dans ma famille. Lorsque les derniers fils vivants sont revenus chez eux, les femmes mourraient de la cette grippe espagnole... :sweat:
Cordialement,
Yvick Herniou
Répondre

Revenir à « Parcours »