Bonsoir tout le monde,
oui oui, je suis encore vivant

Pour compléter ce sujet, voici quelques informations supplémentaires.
Voici tout d'abord le témoignage d'un officier d'artillerie français présent sur les lieux au moment de la catastrophe :
"L'avance italienne a franchi l'Isonzo sauf à Tolmino où les autrichiens ont gardé une tête de pont dangereuse. Nos alliés ont occupé Gorizia et atteint la région désolée du Carso ; ils luttent pour enlever le mont San Gabriele dont la masse bleuâtre barre l'horizon, et parlent pour le déborder d'une offensive prochaine sur le plateau de Bainsizza.
Sans retard nous commençons nos reconnaissances dans la montagne. Courses en auto sur les routes à lacets, noyés dans une épaisse poussière, au milieu d'un invraisemblable fourmillement de camions ; descentes à pic, virages en U. Croupes boisées, ravins, maisons et villages accrochées aux pentes raides ; on a l'impression qu'ils vont glisser au fond de la vallée et retrouver là les carcasses d'autos. Comment hisserons nous jusque là nos 155 ?
Le plus pressé est de décongestionner la vallée du Judrio où, à leur débarquement, l'EM a entassé groupes et sections de munitions. La situation est dangereuse ; d'un côté rochers à pic, de l'autre route unique et sinueuse longeant la rivière que surplombent des pentes abruptes. Des ordres sont donnés pour aller décharger les camions automobiles au Parc d'Artillerie d'où seront, au fur et à mesure des besoins, expédiées aux batteries les munitions nécessaires. Et c'est au moment précis où commence à s'exécuter le mouvement que la catastrophe redoutée se produit.
Dans la nuit du 21 au 22 septembre, un incendie dû à l'imprudence d'un chauffeur éclate dans une section de munitions du 102 è d'artillerie. Le camion enflammé qu'on cherche à emmener tombe en panne obstruant l'unique passage aboutissant à la route. Le capitaine Boursignon commandant la section tente, à la tête d'une équipe de braves de vider la voiture chargée d'obus explosifs ; il est gagné de vitesse par le feu ; le camion saute fauchant tout autour de lui, tuant les sauveteurs, criblant le matériel ; la réserve d'essence s'enflamme et retombe en pluie de feu sur les autres camions qui brûlent et sautent à leur tour produisant de formidables explosions. Des chevaux affolés s'échappent par bandes au milieu de la nuit, renversant tout sur leur passage, démolissant l'auto qui nous amène. Le 10 è groupe du 109 voisin de la section est gravement atteint. Les actes d'héroïsme se multiplient : le médecin auxiliaire Desbrières et le prêtre infirmier Menut entrent dans la fournaise pour ramener les blessés et ne reviennent pas. Eclats et obus sont projetés en tous sens. D'immenses éclairs illuminent le ciel où montent d'épaisses fumées rouges. Des hommes se sauvent surpris dans leur sommeil, à peine vêtus. Le matin les débris fument encore.
C'est un désastre : 24 morts, 40 blessés ; les chevaux abattus par files les uns sur les autres s'entassent en un énorme charnier. Débris informes dispersés jusqu'à la cime des arbres, carcasses tordues, larges entonnoirs creusant le sol. Nos hommes enveloppés dans des couvertures s'abritent dans l'église.
Dans ces tristes circonstances, nos alliés italiens font preuve de la sympathie la plus active. Le Roi d'Italie, les généraux viennent saluer les morts et visiter les blessés. Une cérémonie solennelle est célébrée à Dolegna pour les obsèques des victimes. Un monument est élevé pour perpétuer leur mémoire.
Il a été retrouvé intact après être resté un an dans la région occupée par l'ennemi."
Ce petit monument, situé à proximité d'un cimetière provisoire, indiquait les noms des victimes françaises. Visiblement il fut érigé à la hâte car 4 points d'interrogation servent à rappeler les disparus victimes de l'explosion. De plus, de nombreux noms sont mal orthographiés. Cependant, une rapide recherche sur le site Mémoire des Hommes a permis de retrouver les fiches de décès de la majorité des victimes.
Voici la liste corrigée des victimes françaises :
- canonnier servant de 2ème classe Pierre Just AUVERT, 102ème RAL
- 2ème canonnier Charles Rémy BERGER, 309ème RAL
- canonnier conducteur Henri Michel BONARD, 105ème RAL
- 2ème canonnier Maurice Alphonse Victor BOSSARD, 108ème RAL
- capitaine Louis Joseph Auguste BOURSIGNON, 102ème RAL
- 1er canonnier servant Félix Anatole CHARLIER, 102ème RAL
- 2ème canonnier Albert COULAUD, 109ème RAL (sa fiche de décès indique qu'il est mort en octobre 1917 de maladie)
- maître pointeur Maxime Auguste Joseph DAGUISÉ
- 2ème canonnier servant Edmond Léon Alfred DEGOUY, 102ème RAL
- maréchal des logis Pierre DELAFAYE DU BOURGOIN, 109ème RAL
- médecin auxiliaire André Marie Joseph DESBRIÈRES, 102ème RAL
- adjudant Raymond Georges DURANT DE MAREUIL, 102ème RAL
- maréchal des logis Félix Ulric Joanny GALLAY, 109ème RAL
- maître-pointeur Léon GOUYGOU, 109ème RAL
- 2ème canonnier servant Jean Yves HASCOET, 102ème RAL
- maréchal des logis Elie François Marie LECOQ, 102ème RAL
- 2ème canonnier servant Léonard Lucien LESENNE, 102ème RAL
- 2ème classe Louis Charles MANTONA, 109ème RAL
- brigadier Joseph Marie MENUT, 102ème RAL
- 2ème canonnier servant Ernest NANTIER, 102ème RAL
- Louis Julien ORANGE, 103ème RAL (non trouvé sur le site Mémoire des Hommes)
- 2ème canonnier servant Gabriel François Marie PITRA, 102ème RAL
- 2ème classe Arsène Victor Alfred RÉHAULT, 109ème RAL
- 2ème classe Gustave Achille SAINT-GEORGES, 109ème RAL
- 2ème classe Léon Eugène Auguste VION, 102ème RAL
Cordialement
f-xavier