Bonjour
Je viens de m'inscrire sur ce forum .
Mon grand-père est mort à la grande guerre .Ma mère qui n'avait qu'un an au moment du fait ne l'a jamais connu et le mystère de sa mort l'a suivie toute sa vie ainsi que ma grand-mère (qui avait 21ans et restée veuve ).Nous, les petits enfants, avons vécu dans un climat que nous ressentions douloureux .Aujourd'hui j'aimerais connaitre les circonstances exactes de la mort de mon grand-père .
Mon grand-père ,Yves Kervella , faisait partie du 148°RI 11°compagnie .Il est décédé le 16/02/1915 à Hermonville .J'ai bien retrouvé dans les JMO de ce régiment le déroulement très précis des opérations de ce jour, et le soir du 16 Février le nom de mon grand-père apparaît dans la liste des tués .J'ai retrouvé le nom de l'adjudant de cette même compagnie (Chardon) tué également au lieu-dit "ruisseau de Passat" d'après le site mémoire des hommes .Pour mon grand-père , quand j'interroge ce site il est marqué "disparu".Les termes de l'extrait de l'acte de son décès parvenu en mairie le 21 Mai 1918 l'atteste aussi :"que depuis cette date il n'est pas revenu à son domicile et n'a pas donné de ses nouvelles , attendu que les règlements recueillis par les autorités militaires établissent qu'il ne figure pas sur les listes de prisonniers faits par les armées ennemies ,que dans ces conditions aucun doute ne peut subsister sur la réalité du décès ."
Ce que je ne comprends pas : pourquoi n'est-il pas noté comme "disparu" sur la liste des JMO au soir du 16/02/1915?Que dois-je comprendre ?tué ou disparu?
Ma grand-mère reçoit le 25 Janvier 1916 un courrier du ministère de la guerre pour l'établissement d'une pension de veuve dans laquelle est noté pour les circonstances du décès :" blessures reçues à l'ennemi".
Daté du 20 Décembre 1917 ,réception du lieu de sa sépulture au cimetère militaire du Luxembourg , tombe collective n°57 , puis n°922 en 1921 (il a été transferré ensuite à la "maison bleue").
J'aimerais savoir si au cours d'un combat ,les hommes d'une même compagnie restent groupés ?A combien de distance peuvent-ils être éloignés les uns des autres?
Son adjudant est tombé dans un lieu connu exactement (ruisseau de Passat) peut-on penser que mon grand-père puisse être tombé à proximité?Mais pourquoi n'a-t-il pas pu être récupéré ? Il n'a été enterré que longtemps après ?Comment est-il mort ? mitrailleuse ou baîonnette?
Voilà toutes les questions qui me hantent et je remercie d'avance les personnes pouvant m'apporter des éclaircissements.
circonstances imprécises sur le décès d'un soldat
Re: circonstances imprécises sur le décès d'un soldat
Bonjour,
Il est difficile de répondre à certaines de vos questions. Voici quelques pistes cependant:
- une compagnie compte théoriquement 250 hommes (souvent moins). Elle n'occupe donc qu'un secteur de front réduit, quelques centaines de mètres tout au plus. Si l'adjudant de la même compagnie a été tué au ruisseau de Passat, la probabilité est forte pour que votre GP ait été tué à proximité. Mais la compagnie a pu se déplacer au cours de la journée et les 2 hommes être tués à quelque distance l'un de l'autre. Voyez le JMO.
- Si son corps n'a pas été récupéré, c'est parce que cela était impossible (près des lignes ennemies) ou dangereux (secteur à découvert par exemple). Il est aussi possible qu'il ait totalement disparu après une explosion d'obus par exemple (enseveli, volatilisé par un coup direct).
- concernant la cause du décès, en 14-18 80% des tués sont le fait de l'artillerie, 10% le fait des mitrailleuses. Les armes blanches représentent moins de 0.5% des pertes. Ce cas bien précis correspond en outre à une attaque d'infanterie (française ou allemande) qui serait indiquée dans le JMO.
Cordialement,
Marc
Il est difficile de répondre à certaines de vos questions. Voici quelques pistes cependant:
- une compagnie compte théoriquement 250 hommes (souvent moins). Elle n'occupe donc qu'un secteur de front réduit, quelques centaines de mètres tout au plus. Si l'adjudant de la même compagnie a été tué au ruisseau de Passat, la probabilité est forte pour que votre GP ait été tué à proximité. Mais la compagnie a pu se déplacer au cours de la journée et les 2 hommes être tués à quelque distance l'un de l'autre. Voyez le JMO.
- Si son corps n'a pas été récupéré, c'est parce que cela était impossible (près des lignes ennemies) ou dangereux (secteur à découvert par exemple). Il est aussi possible qu'il ait totalement disparu après une explosion d'obus par exemple (enseveli, volatilisé par un coup direct).
- concernant la cause du décès, en 14-18 80% des tués sont le fait de l'artillerie, 10% le fait des mitrailleuses. Les armes blanches représentent moins de 0.5% des pertes. Ce cas bien précis correspond en outre à une attaque d'infanterie (française ou allemande) qui serait indiquée dans le JMO.
Cordialement,
Marc
Sur les traces de mes ancêtres, recherche docs & photos sur 44e RIT, 13e RI et 16e BCP. Merci.
Re: circonstances imprécises sur le décès d'un soldat
Merci Marcus
Votre réponse m'a permis de mieux comprendre le récit des JMO de ce combat du 16/02/1915 que j'ai relu très attentivement et qui laisse supposer que mon grand-père aurait été tué sous les feux de l'artillerie dans la tranchée ou il se trouvait ou au débouché de celle-ci. Il n'est pas en effet relaté de combats de corps à corps .
Si des personnes de ce forum avaient des ancêtres tués dans ce combat des bois du Luxembourg à cette date précise je serais très heureuse si elles pouvaient apporter d'autres précisions .
Votre réponse m'a permis de mieux comprendre le récit des JMO de ce combat du 16/02/1915 que j'ai relu très attentivement et qui laisse supposer que mon grand-père aurait été tué sous les feux de l'artillerie dans la tranchée ou il se trouvait ou au débouché de celle-ci. Il n'est pas en effet relaté de combats de corps à corps .
Si des personnes de ce forum avaient des ancêtres tués dans ce combat des bois du Luxembourg à cette date précise je serais très heureuse si elles pouvaient apporter d'autres précisions .
Re: circonstances imprécises sur le décès d'un soldat
Bonjour Gen , Bonjour Marc ,
La fiche MDH ne comporte pas de mention "disparu" .
Sa citation pour la MM à titre posthume n'est malheureusement
pas plus explicite .

( JO du 3 janvier 1924 , p 137)
Bien amicalement
Marpie
La fiche MDH ne comporte pas de mention "disparu" .
Sa citation pour la MM à titre posthume n'est malheureusement
pas plus explicite .

( JO du 3 janvier 1924 , p 137)
Bien amicalement
Marpie
Re: circonstances imprécises sur le décès d'un soldat
Bonjour gen14,
Il s'agit en effet de l'affaire du bois du Luxembourg.
Ce bois est l'objet de sévères combats en octobre 1914, le 119e RI y laisse du monde et de nombreux corps restent sur le terrain jusqu'à sa relève par le 39e RI en novembre 1914.
L'excellent ouvrage de Bruno Nion, "Un régiment normand dans la Grande Guerre, historique du 39e RI", édition YSEC, 2010, retrace avec détail ces événements.
J'en résume la journée du 16 février 1915 :
Le 39e RI et le 5e RI relancent une attaque à 12h, avec le 148e RI en soutien.
Un témoin, Marcel Ricois, relate " (...) les tranchées et les boyaux dans lesquels on a construit des places d'armes sont bondés d'hommes. On a pratiqué des escaliers par où ils doivent s'élancer à midi (...)
11heures. Le feu d'artifice se déclenche. Promis. Inimaginable. Sifflements d'obus dans toutes les directions, éclatements saccadés, détonations sèches, puis sourdes, fumées, c'est assourdissant (...) "
L'attaque part à midi, le 39s se trouve rapidement arrêté devant le bois : "le capitaine Fruchard pousse avec sa compagnie courageusement vers le canal et y parvient presque (...) le 5e ne peut progresser et se replie avec de lourdes pertes. Déjà le champ de bataille est jonché de morts et de blessés. Le 5e tente encore de passer deux fois, mais toutes ses compagnies sont décimées. La 1ère compagnie demande du renfort. Le 148e s'engage. A ce moment le feu de barrage allemand se règle et une véritable rafale d'obus de 105 s'abat sur les lignes couchées dans la plaine et déjà arrêtées par le feu de l'infernale mitrailleuse qui balaye tout le rebord du ruisseau (...) dans nos tranchées, pleines encore d'hommes entassés, les obus tombent aussi, causant d'horribles ravages. Il devient impossible de circuler, il y a des tués partout, les blessés poussent des cris et des gémissements. Il faut monter sur eux et sur les cadavres, car il se produit des mêlées et des bousculades (...)"
Le lendemain "Le champ de bataille au petit jour est indescriptible. Ce ne sont que des taches bleues groupées en lignes (...) On creuse au petit secteur du Luxembourg d'immenses fossés où on entasse les cadavres des tranchées et des boyaux, ceux que l'on peut atteindre. On est obligé de les entasser (...).
Les nuits qui suivent sont surtout employées aux corvées funèbres. On ramène tout ce qu'on peut. Vincent, avec quelques volontaires, accède à la crête (...) à chaque fois il rapporte une dizaine de cadavres. Ceux-là du 148 en grande partie. Il faut renoncer à ceux qui sont devant le bois (...) ils restent là encore en grand nombre. Trois lignes successives notamment semblant prêtes à s'élancer (...) "
Le récit du caporal Schnelbach, du 39e RI, confirme : "... jamais je n'ai vu une chose pareille. Il n'y a pas de mots pour restituer ce carnage ... les champs qui séparent les deux lignes sont parsemés de taches bleues et rouges (...)"
Pour tenter de répondre à vos questions :
- Un camarade de votre aïeul a pu le voir tomber et le déclarer "tué" lors de l'appel, d'où l'inscription sur le JMO.
Un corps non récupéré peut avoir laissé un doute, mais si votre grand-mère reçoit un an après une pension, c'est que le décès est officiel ("blessures à l'ennemi" est une formule courante pour désigner une mort au combat).
Son corps semble d'ailleurs avoir bien été identifié lors de son inhumation en tombe collective, probablement le lendemain ou dans les jours qui ont suivi l'attaque.
Sur la mention "disparu", je vous renvoie vers ce sujet : forum2.php?config=pages1418.inc&cat=3&s ... w=0&nojs=0
- Les attaques de 1915 se font encore en lignes, les hommes à quelques mètres les uns des autres, d'où ces "lignes semblant prêtes à s'élancer".
- Difficile de dire si votre aïeul était près de son adjudant, les hommes tués près du ruisseau l'ont été très probablement par les balles de la mitrailleuse qui prenait ce ruisseau sous son tir.
J'espère que Bruno Nion ne m'en voudra pas d'avoir longuement cité son livre, dans lequel vous pourrez trouver de nombreuses photos.
J'oubliais ! un autre témoin de ce cauchemar : Roland Dorgelès, mitrailleur au 39e RI, qui avait commencé a rédiger "Les croix de bois".
Cordialement,
Régis
Il s'agit en effet de l'affaire du bois du Luxembourg.
Ce bois est l'objet de sévères combats en octobre 1914, le 119e RI y laisse du monde et de nombreux corps restent sur le terrain jusqu'à sa relève par le 39e RI en novembre 1914.
L'excellent ouvrage de Bruno Nion, "Un régiment normand dans la Grande Guerre, historique du 39e RI", édition YSEC, 2010, retrace avec détail ces événements.
J'en résume la journée du 16 février 1915 :
Le 39e RI et le 5e RI relancent une attaque à 12h, avec le 148e RI en soutien.
Un témoin, Marcel Ricois, relate " (...) les tranchées et les boyaux dans lesquels on a construit des places d'armes sont bondés d'hommes. On a pratiqué des escaliers par où ils doivent s'élancer à midi (...)
11heures. Le feu d'artifice se déclenche. Promis. Inimaginable. Sifflements d'obus dans toutes les directions, éclatements saccadés, détonations sèches, puis sourdes, fumées, c'est assourdissant (...) "
L'attaque part à midi, le 39s se trouve rapidement arrêté devant le bois : "le capitaine Fruchard pousse avec sa compagnie courageusement vers le canal et y parvient presque (...) le 5e ne peut progresser et se replie avec de lourdes pertes. Déjà le champ de bataille est jonché de morts et de blessés. Le 5e tente encore de passer deux fois, mais toutes ses compagnies sont décimées. La 1ère compagnie demande du renfort. Le 148e s'engage. A ce moment le feu de barrage allemand se règle et une véritable rafale d'obus de 105 s'abat sur les lignes couchées dans la plaine et déjà arrêtées par le feu de l'infernale mitrailleuse qui balaye tout le rebord du ruisseau (...) dans nos tranchées, pleines encore d'hommes entassés, les obus tombent aussi, causant d'horribles ravages. Il devient impossible de circuler, il y a des tués partout, les blessés poussent des cris et des gémissements. Il faut monter sur eux et sur les cadavres, car il se produit des mêlées et des bousculades (...)"
Le lendemain "Le champ de bataille au petit jour est indescriptible. Ce ne sont que des taches bleues groupées en lignes (...) On creuse au petit secteur du Luxembourg d'immenses fossés où on entasse les cadavres des tranchées et des boyaux, ceux que l'on peut atteindre. On est obligé de les entasser (...).
Les nuits qui suivent sont surtout employées aux corvées funèbres. On ramène tout ce qu'on peut. Vincent, avec quelques volontaires, accède à la crête (...) à chaque fois il rapporte une dizaine de cadavres. Ceux-là du 148 en grande partie. Il faut renoncer à ceux qui sont devant le bois (...) ils restent là encore en grand nombre. Trois lignes successives notamment semblant prêtes à s'élancer (...) "
Le récit du caporal Schnelbach, du 39e RI, confirme : "... jamais je n'ai vu une chose pareille. Il n'y a pas de mots pour restituer ce carnage ... les champs qui séparent les deux lignes sont parsemés de taches bleues et rouges (...)"
Pour tenter de répondre à vos questions :
- Un camarade de votre aïeul a pu le voir tomber et le déclarer "tué" lors de l'appel, d'où l'inscription sur le JMO.
Un corps non récupéré peut avoir laissé un doute, mais si votre grand-mère reçoit un an après une pension, c'est que le décès est officiel ("blessures à l'ennemi" est une formule courante pour désigner une mort au combat).
Son corps semble d'ailleurs avoir bien été identifié lors de son inhumation en tombe collective, probablement le lendemain ou dans les jours qui ont suivi l'attaque.
Sur la mention "disparu", je vous renvoie vers ce sujet : forum2.php?config=pages1418.inc&cat=3&s ... w=0&nojs=0
- Les attaques de 1915 se font encore en lignes, les hommes à quelques mètres les uns des autres, d'où ces "lignes semblant prêtes à s'élancer".
- Difficile de dire si votre aïeul était près de son adjudant, les hommes tués près du ruisseau l'ont été très probablement par les balles de la mitrailleuse qui prenait ce ruisseau sous son tir.
J'espère que Bruno Nion ne m'en voudra pas d'avoir longuement cité son livre, dans lequel vous pourrez trouver de nombreuses photos.
J'oubliais ! un autre témoin de ce cauchemar : Roland Dorgelès, mitrailleur au 39e RI, qui avait commencé a rédiger "Les croix de bois".
Cordialement,
Régis
Re: circonstances imprécises sur le décès d'un soldat
Merci Marpie pour m'avoir trouvé cette citation que je n'avais pas en ma possession .A ce propos , sur quel site allez-vous pour accéder aux JO ?
Merci Régis pour ce compte-rendu très précis qui répond exactement à mes questions .Je ne vais pas manquer de me procurer ces livres .J'ai vu aussi avant de poster de très belles photos sur les lieux de ces combats postées par Aurélien(france 51) en 2012 sur le sujet "ferme du Luxembourg"que je remercie aussi vivement .
Bonne soirée à tous
Merci Régis pour ce compte-rendu très précis qui répond exactement à mes questions .Je ne vais pas manquer de me procurer ces livres .J'ai vu aussi avant de poster de très belles photos sur les lieux de ces combats postées par Aurélien(france 51) en 2012 sur le sujet "ferme du Luxembourg"que je remercie aussi vivement .
Bonne soirée à tous
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- Messages : 873
- Inscription : jeu. avr. 24, 2014 2:00 am
Re: circonstances imprécises sur le décès d'un soldat
Bonsoir, tout depend également des calibres d artillerie utilises.A partir du 155 mmm, les corps sont souvent emiettes.Cordialement.
zephyr joyeux
Re: circonstances imprécises sur le décès d'un soldat
Bonsoir zephyr
Dans les JMO du 16 Février il est précisé calibre 105
Dans les JMO du 16 Février il est précisé calibre 105