témoignage d'un artilleur
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Re: témoignage d'un artilleur
Bonsoir,
Lors d'une brocante, j'ai acheté deux paquets de lettres de correspondance d'un poilu. Il y en avait 8 en tout, malheureusement, les 6 autres ont été achetés par une personne qui n'avait pour but que de dépareiller ces paquets et vendre les lettres à l'unité sur le net. J'ai essayé de les lui racheter mais sans succès. Ces témoignages sont à jamais éparpillés.
Je vous livre ci-après, une lettre d'un artilleur témoin des combats d'Abrechwillers. J'ai retranscris la lettre en respectant l'orthographe et la pontuation d'origine. A la fin de sa missive, il parle d'une personnalité qui "avait trahi". Ce qui s'agit-il, si l'un de vous a une idée.
Merci
Eric SIEGEL
Sains-en-Gohelle (Pas de Calais) le 15/11/14
Mon vieux Justin.
Je t’ai envoyé ces jours derniers une carte avec promesse de t’écrire une grande lettre au premier moment de loisir que j’aurais, aujourd’hui nous sommes au repos et j’en profite. Je vais essayer de te raconter quelques une de mes aventures depuis le commencement de cette facheuse guerre, tu voudras bien ne pas faire attention mon style, d’ailleurs je te raconterai cela le plus brièvement possible.
Du 1er aout au 18 rien de bien intéressant, quelques petits combats sans grande importance pour nous. Le 18 au matin nous nous mettons en route à 1h du matin pour faire l’ascencion du mont Donon, cela se passe avec quelques petites escarmouches entre infanterie, bref nous réussissons après une de plus de 35 kilomètres de côte à passer de l’autre côté, nous passons par Schirmek petite ville alsacienne très jolie et nous arrivons à St Quirin à 11h du soir. Nous trouvons là une très forte concentration de troupes, en particulier le 13e et le 21e corps. Le 19 de bon matin toujours, toutes ces troupes se mettent en route on apprend que nous allons avoir à combattre 3 corps allemands et la bataille se livrera dans un camp d’instruction. Notre rôle à nous 10e 11e et 12e batterie du 59ème était de nous placer en batterie pour soutenir la retraite, en principe, si cela avait bien marché, nous devions rien faire. Nous couchons sur les positions, et le 20 la bataille commence, pour commencer tout marchait à souhait, le 21e corps avancait très vite et le 13e se maintenait assez bien, à 3 heures après midi nous changeons de position pour venir nous mettre en batterie sur une crête à l’entrée du camp d’Abreshvillers, camp d’une étendue immense et presque plaine, la bataille se déroulait au loin et d’où nous étions placés nous ne voyons encore pas grand’chose, toute la nuit la fusillade et la cannonade faisait rage et à la pointe du jour une autre spectacle s’offrait à nos yeux. Il faut que je te dise avant de continuer mon histoire quel lace j’occupe à la batterie, je suis téléphoniste signaleur avec un autre camarade, nous sommes toujours avec le capitaine à son poste d’observation, poste qui se trouve toujours en avant de la batterie, quelques fois 1 kilomètre, placé sur une hauteur queconque de manière à être placé pour voir sur un champ le plus étendu que possible. Je te disais donc que le matin du 21 août, nous commençons à voir un tout autre spectacle devant les yeux, à 8 kilomètres à peu près devant nous, on aperçoit des masses d’hommes qui venaient contre nous, c’était de notre infanterie, cela rendait perplexe notre capitaine qui n’y comprenait rien. Mais il était bientôt renseigné, une note vient du général nous annonçant la retraite du 13e corps et la probabilité de la retraite du 27e corps, notre capitaine réunit la batterie pour lire l’ordre du général et nous exhorte à faire tous notre devoir, aussitôt fini chacun retourne à son poste, à 8h nous commençons à avoir des boches à 7 kilomètres, j’avais l’œil collé à la lunette de batterie, instrument qui permet de voir à 8 kilomètres et même de distinguer un boche d’un Français, nous commençons le feu à 8h1/2 à 6900, un véritable feu d’enfer, les 3 batteries ensembles jusqu’à 11h. A 11h nous ne tirons plus qu’à 3800. Nous ne pouvions pas réussir à les ralentir l’élan de ces misérables boches, on tirait sans discontinuer par6 par 8 fauchés d’un seul coup sans arrêt. C’était une belle musique. Mais à côté de cela quel travail, j’ai vu je peux le dire des compagnies entières anéanties, ils venaient en masse compactes, 6 obus explosifs là dedans et l’on voyait les bras, les jambes sauter en l’air, c’était un joli tableau. A midi nous commençons à voir des chevaux et des hommes passer en désordre à côté de nous, c’était des hommes du 16e et du 36e d’artillerie qui se sauvaient après avoir abandonné leur matériel comme des honteux qu’ils sont. Ensuite l’infanterie commence, dans le nombre était le 98e ou est Ch. Bataillard, ils se sauvaient en jetant leurs sacs, leurs fusils, tout leur équipement pour pouvoir courir plus, tout cela c’était du 13e corps, pendant ce temps le 21e était en train de se faire hacher à cause d’eux. Pour comble de bonheur, les boches réussissent à mettre de l’artillerie en jeu, ils trouvent le moyen de nous repérer et à leur tour ils nous sonnent quelque chose à tel point que nous sommes obligés de cesser le feu pour nous abriter le mieux possible, jusqu’à 3h. Impossible de nous montrer, notre capitaine pleurait.. A 3h une accalmie, on en profite pour reprendre le feu démolir encore quelques fantassins qui étaient à ce moment à 2500. L’accalmie dure jusqu’à 3h1/2 alors à ce moment cela a été le bouquet, pour commencer c’était du 77 qu’ils nous canardaient mais voici 1 puis 2 puis une véritable grêle de 220 qui s’abat sur nous et les avant train qui étaient derrière nous, un servant est tué, 3 conducteurs tués et18 blessés, comme chevaux, 20 tués et 15 blessés, en particulier un conducteur de ma voiture avec ses 2 chevaux d’un seul coup. Mon capitaine m’envoie porter une note au capitaine de la 11e b. qui est environ 300m à notre droite, je mets au moins ¼ d’heure pour faire le trajet, au moment où je lui remets la note, il est blessé d’un éclat d’obus qui lui broie l’épaule droite, je retourne à la batterie où l’on tirai de plus en plus et cela à duré jusqu’à 6h, où l’on a été obligé de s’arrêter faute de munition. Nous avions tirés plus de 3000 coups. Cela est dur de tirer malgré la pluie de marmites comme disent les fantassins, on s’abrite jusqu’à la nuit et aussitôt la première brume, on amène les avant trains et on accroche les pièces et les caissons comme on peut, 3 caissons après le même avant train, le capitaine donne l’ordre de départ, il était temps, on était pas encore à 100 mètre des la position que les fantassins allemands nous tombes dessus avec une fusillade acharnée, on part au galop dans les champs et on réussit à se mettre hors d’atteinte. Là on compte les morts et les blessés 2 morts et 4 blessés, c’était peu pour une fusillade pareille mais toujours trop pour nous. Nous prenons alors la route de la retraite en nous dirigeant à grand pas sur la France où l’on arrive à 5h du matin après avoir voyagé toute la nuit et fait 60 kilomètres. Nous nous arrêtons à Val et Châtillon, là nous sommes félicités par le général de Castelnau.
C’est là que nous avons appris que nous devions la défaite à une personnalité qui nous avait trahi, je t’expliquerai cela un peu plus clairement de vive voix.
Et puis voilà pour une de mes nombreuses aventures. Si cela peut t’intéresser, dis-moi le, j’essaierai de t’en retracer le plus fidèlement que je pourrai, une autre aussi intéressante.
Je te quitte mon vieux Justin, et fais ton possible pour me répondre le plus longuement possible.
Embrasse bien toute la famille pour moi et garde pour toi les meilleurs baisers de ton cousin.
Bernard
- Eric Mansuy
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Re: témoignage d'un artilleur
Bonjour à tous,
Bonjour Eric,
Merci pour cette mise en ligne.
De nombreuses pièces ont été perdues par les Français dans les combats de Voyer, Abreschviller, Walscheid, Saint-Léon. Que l'on puisse y voir une quelconque "trahison" me semble avoir fait partie des bobards de cette période ; considérer que le 13e Corps a lâché pied, en outre, me paraît être une bonne preuve du manque de vision d'ensemble d'un combattant parmi tant d'autres, et à l'instar de tant d'autres - car dans ce cas, que dire de la retraite du 8e Corps, voire de celle du 21e Corps ?
Dernier point : je doute fort que ce soit de Castelnau, alors à la tête de la IIe Armée, qui ait vu ces troupes à Val-et-Châtillon.
A bientôt j'espère pour la suite,
Bien cordialement,
Eric Mansuy
Bonjour Eric,
Merci pour cette mise en ligne.
De nombreuses pièces ont été perdues par les Français dans les combats de Voyer, Abreschviller, Walscheid, Saint-Léon. Que l'on puisse y voir une quelconque "trahison" me semble avoir fait partie des bobards de cette période ; considérer que le 13e Corps a lâché pied, en outre, me paraît être une bonne preuve du manque de vision d'ensemble d'un combattant parmi tant d'autres, et à l'instar de tant d'autres - car dans ce cas, que dire de la retraite du 8e Corps, voire de celle du 21e Corps ?
Dernier point : je doute fort que ce soit de Castelnau, alors à la tête de la IIe Armée, qui ait vu ces troupes à Val-et-Châtillon.
A bientôt j'espère pour la suite,
Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
- Eric Mansuy
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- Inscription : mer. oct. 27, 2004 2:00 am
Re: témoignage d'un artilleur
Rebonjour,
Après de rapides recherches, je viens de m'apercevoir que je possédais déjà une copie de cette lettre, mais signée... Renaud ! Etait-ce le nom de son auteur ? Je suis incapable de vous dire d'où je tiens ce texte au format Word, mais je suppose qu'il m'a été fourni par celui qui a mis ces courriers en vente.
A l'époque à laquelle il m'était parvenu, j'avais ajouté les noms des deux tués au bas de ma page :
- sous-lieutenant Henri Emile Eltrader SALLE, tué à l'ennemi le 21 août 1914 à Vasperviller ;
- 2e canonnier Fernand Eugène HUG, tué à l'ennemi le 20 août 1914 à Abreschviller (inhumé à Abreschviller).
Bien cordialement,
Eric Mansuy
Après de rapides recherches, je viens de m'apercevoir que je possédais déjà une copie de cette lettre, mais signée... Renaud ! Etait-ce le nom de son auteur ? Je suis incapable de vous dire d'où je tiens ce texte au format Word, mais je suppose qu'il m'a été fourni par celui qui a mis ces courriers en vente.
A l'époque à laquelle il m'était parvenu, j'avais ajouté les noms des deux tués au bas de ma page :
- sous-lieutenant Henri Emile Eltrader SALLE, tué à l'ennemi le 21 août 1914 à Vasperviller ;
- 2e canonnier Fernand Eugène HUG, tué à l'ennemi le 20 août 1914 à Abreschviller (inhumé à Abreschviller).
Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
Re: témoignage d'un artilleur
Bonjour,
Cette lettre est intéressante s'agissant d'un soldat mieux placé que beaucoup d'autres pour voir et entendre des réflexions d'officiers avec, bien entendu, les réserves d'usage quant à la pertinence des analyses.
L'auteur des lettres appartient au 4ème Groupe du 59ème R.A.C, régiment d'artillerie à 4 groupes du 21ème Corps d'Armée.
Quelques commentaires:
-L'historique du 59ème R.A.C. nous révèle que ce régiment a eu lui aussi des pertes: 4ème et 5ème batteries "anéanties", la 3ème batterie abandonne ses pièces mais parvient à les reconquérir.L'auteur ne nous parle pas de ces faits.
-L'auteur cite le repli "accéléré" des 16ème R.A.C., régiment organique de la 26ème D.I et 36ème R.A.C. de la 25ème D.I. du 13ème Corps d'Armée.
Les livres du Général Legrand-Girarde "Opérations du 21ème Corps d'Armée"-Plon-1922- et du Général Dubail "Quatre années de commandement"-Fournier-1920-nous révèlent que la 26ème D.I. a perdu 18 pièces d'artillerie le 21 août 1914 et que le repli de la 26ème D.I. s'est effectué dans un désordre notable du fait d'un oubli de transmission d'un ordre.Le livre du Général Legrand-Girarde donne des détails mais ne révèle pas implicitement le responsable de cet "oubli" aux conséquences graves.
Je pense que la "trahison" doit être une "incompétence" située à un haut niveau d'un Etat-Major.
Il serait intéressant d'avoir la suite du témoignage de cette lettre car l'auteur doit relater des détails intéressants, notamment de ce que "pensent" les échelons d'exécution.
Une fois de plus, l'esprit de lucre a mutilé une correspondance à mon sens intéressante car émanant d'un "témoin" bien placé pour écrire ce qu'il a entendu à un échelon intermédiaire et opérationnel du combat.
Cordialement, Guy.
P.S: Je serais intéressé sur tout témoignage concernant le repli de la 26ème Division du 13ème Corps d'Armée les 21 août et jours suivants.
Cette lettre est intéressante s'agissant d'un soldat mieux placé que beaucoup d'autres pour voir et entendre des réflexions d'officiers avec, bien entendu, les réserves d'usage quant à la pertinence des analyses.
L'auteur des lettres appartient au 4ème Groupe du 59ème R.A.C, régiment d'artillerie à 4 groupes du 21ème Corps d'Armée.
Quelques commentaires:
-L'historique du 59ème R.A.C. nous révèle que ce régiment a eu lui aussi des pertes: 4ème et 5ème batteries "anéanties", la 3ème batterie abandonne ses pièces mais parvient à les reconquérir.L'auteur ne nous parle pas de ces faits.
-L'auteur cite le repli "accéléré" des 16ème R.A.C., régiment organique de la 26ème D.I et 36ème R.A.C. de la 25ème D.I. du 13ème Corps d'Armée.
Les livres du Général Legrand-Girarde "Opérations du 21ème Corps d'Armée"-Plon-1922- et du Général Dubail "Quatre années de commandement"-Fournier-1920-nous révèlent que la 26ème D.I. a perdu 18 pièces d'artillerie le 21 août 1914 et que le repli de la 26ème D.I. s'est effectué dans un désordre notable du fait d'un oubli de transmission d'un ordre.Le livre du Général Legrand-Girarde donne des détails mais ne révèle pas implicitement le responsable de cet "oubli" aux conséquences graves.
Je pense que la "trahison" doit être une "incompétence" située à un haut niveau d'un Etat-Major.
Il serait intéressant d'avoir la suite du témoignage de cette lettre car l'auteur doit relater des détails intéressants, notamment de ce que "pensent" les échelons d'exécution.
Une fois de plus, l'esprit de lucre a mutilé une correspondance à mon sens intéressante car émanant d'un "témoin" bien placé pour écrire ce qu'il a entendu à un échelon intermédiaire et opérationnel du combat.
Cordialement, Guy.
P.S: Je serais intéressé sur tout témoignage concernant le repli de la 26ème Division du 13ème Corps d'Armée les 21 août et jours suivants.
- RSanchez95
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- Inscription : ven. juil. 03, 2009 2:00 am
Re: témoignage d'un artilleur
Bonjour.
Je ne sais pas encore si mon arrière grand-père était du 3e ou 4e groupe du 59e RAC, mais cette lettre va peut-être me donner une idée d'où il se trouvait en 1914.
Merci d'avoir diffusé cette lettre.
Cordialement.
Nicolas.
Je ne sais pas encore si mon arrière grand-père était du 3e ou 4e groupe du 59e RAC, mais cette lettre va peut-être me donner une idée d'où il se trouvait en 1914.
Merci d'avoir diffusé cette lettre.
Cordialement.
Nicolas.
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- Messages : 286
- Inscription : sam. oct. 01, 2005 2:00 am
Re: témoignage d'un artilleur
Bonjour.
Un extrait de carnet d'un autre artilleur du 59ème RAC pour ce début de guerre.
Il était maréchal des logis à la 1ère batterie.
20 Août. Nous sommes toujours dans l’attente et au même endroit, vers 12 heures, nous montons à cheval et nous allons mettre en batterie en avant du village d’Abreschviller sur la lisière d’un bois, nous sommes à 8 km de Sarrebourg.
Notre position est très mauvaise, aucun défilement, nous sommes vues de partout. La bataille fait rage, nous tirons en quantité et nous faisons un véritable massacre des fantassins ennemis, malgré cela ils avancent, ils sont trop nombreux, nous nous sommes heurtés à quatre corps d’armée comprenant chacun 50 000 hommes et nous sommes environ 25 000.
L’artillerie boche nous envoi des 77, mais elle tire trop haut et à 21 heures le combat se calme, nous couchons derrière nos pièces.
21 Août. A l’aube la bataille reprend de plus belle, à 7 heures toutes les troupes sont engagées. L’infanterie coloniale charge plusieurs fois à la baïonnette. La canonnade fait rage. A 12 heures notre infanterie malgré des prodiges de valeur est obligée de reculer mais elle recule pied à pied. Nous gardons notre position ; à 13 h 30 nous voyons une batterie ennemie qui vient prendre position à la lisière d’un bois, elle est à 2400 mètres, nous la bombardons et cinq minutes plus tard elle est anéantie.
Lentement les boches avancent, à 1800 mètres dans le fond de la vallée se trouve un petit bois, un bataillon ennemi vint se placer dans ce bois, immédiatement, nous bombardons ce bois, nous apercevons à travers les arbres brisés des boches qui volent en l’air, à peine une centaine parvient à s’échapper.
C’est épouvantable, c’est un véritable carnage. Il est 15 heures, à ce moment passe un Taube qui repère notre batterie, car quelques minutes plus tard, un obus de gros calibre explose à quelques mètres de la 2e pièce, dix minutes s’écoulent une rafale d’obus s’abat sur la batterie, je suis étourdi, un 105 est tombé à 3 mètres en arrière de mon canon, Lafont mon tireur placé à ma droite est coupé en deux, Magnin mon chargeur placé à ma gauche a une jambe emportée, au caisson les deux pourvoyeurs sont blessés grièvement, seul, Gaultier le déboucheur est intact, Marlot, le pointeur a la mâchoire fracassée. Aidé de Gaultier, j’emmène Magnin un peu en arrière de la pièce, nous faisons une quinzaine de mètres un sifflement d’obus se fait entendre, nous nous couchons, il était temps, l’obus éclate tout près de nous, nous sommes couverts de terre et abasourdis par l’explosion.
Le bombardement se fait plus intense, nous devons abandonner nos pièces et nous replier vers l’arrière laissant sur place tout le matériel et les blessés qui furent faits prisonniers dans la soirée. Nous regagnons Abreschviller l’oreille basse plusieurs camarades manquent à l’appel.
22 Août. A 2 heures du matin nous allons chercher nos pièces qui ont été reprises par le 6e régiment d’infanterie coloniale. Nous arrivons à la position les boches sont à 600 mètres de nous, il faut agir en silence, nous amenons a bras les voitures sur le chemin, dès qu’une est prête on l’emmène sans plus attendre, enfin après 20 minutes d’angoisse la dernière voiture est accrochée, alors les boches s’aperçoivent de notre présence, ils ouvrent un feu nourri sur nous, mais nous partons au galop, nos pièces sont sauvées, malheureusement, les 4e et 6e batteries n’ont pas eu cette chance elles ont du laisser tout leur matériel. En arrivant à Abreschviller j’examine mon canon, il est hors de service, la hausse est arrachée, le sac aux armement enlevé, l’axe d’extracteur coupé, les appareils de pointage n’existe plus. Nous quittons le village et nous battons en retraite par la vallée de St Quirin, les routes sont encombrées et si les allemands avaient de la cavalerie tout le corps d’armée serait prisonnier.
Cordialement.
Yves
Un extrait de carnet d'un autre artilleur du 59ème RAC pour ce début de guerre.
Il était maréchal des logis à la 1ère batterie.
20 Août. Nous sommes toujours dans l’attente et au même endroit, vers 12 heures, nous montons à cheval et nous allons mettre en batterie en avant du village d’Abreschviller sur la lisière d’un bois, nous sommes à 8 km de Sarrebourg.
Notre position est très mauvaise, aucun défilement, nous sommes vues de partout. La bataille fait rage, nous tirons en quantité et nous faisons un véritable massacre des fantassins ennemis, malgré cela ils avancent, ils sont trop nombreux, nous nous sommes heurtés à quatre corps d’armée comprenant chacun 50 000 hommes et nous sommes environ 25 000.
L’artillerie boche nous envoi des 77, mais elle tire trop haut et à 21 heures le combat se calme, nous couchons derrière nos pièces.
21 Août. A l’aube la bataille reprend de plus belle, à 7 heures toutes les troupes sont engagées. L’infanterie coloniale charge plusieurs fois à la baïonnette. La canonnade fait rage. A 12 heures notre infanterie malgré des prodiges de valeur est obligée de reculer mais elle recule pied à pied. Nous gardons notre position ; à 13 h 30 nous voyons une batterie ennemie qui vient prendre position à la lisière d’un bois, elle est à 2400 mètres, nous la bombardons et cinq minutes plus tard elle est anéantie.
Lentement les boches avancent, à 1800 mètres dans le fond de la vallée se trouve un petit bois, un bataillon ennemi vint se placer dans ce bois, immédiatement, nous bombardons ce bois, nous apercevons à travers les arbres brisés des boches qui volent en l’air, à peine une centaine parvient à s’échapper.
C’est épouvantable, c’est un véritable carnage. Il est 15 heures, à ce moment passe un Taube qui repère notre batterie, car quelques minutes plus tard, un obus de gros calibre explose à quelques mètres de la 2e pièce, dix minutes s’écoulent une rafale d’obus s’abat sur la batterie, je suis étourdi, un 105 est tombé à 3 mètres en arrière de mon canon, Lafont mon tireur placé à ma droite est coupé en deux, Magnin mon chargeur placé à ma gauche a une jambe emportée, au caisson les deux pourvoyeurs sont blessés grièvement, seul, Gaultier le déboucheur est intact, Marlot, le pointeur a la mâchoire fracassée. Aidé de Gaultier, j’emmène Magnin un peu en arrière de la pièce, nous faisons une quinzaine de mètres un sifflement d’obus se fait entendre, nous nous couchons, il était temps, l’obus éclate tout près de nous, nous sommes couverts de terre et abasourdis par l’explosion.
Le bombardement se fait plus intense, nous devons abandonner nos pièces et nous replier vers l’arrière laissant sur place tout le matériel et les blessés qui furent faits prisonniers dans la soirée. Nous regagnons Abreschviller l’oreille basse plusieurs camarades manquent à l’appel.
22 Août. A 2 heures du matin nous allons chercher nos pièces qui ont été reprises par le 6e régiment d’infanterie coloniale. Nous arrivons à la position les boches sont à 600 mètres de nous, il faut agir en silence, nous amenons a bras les voitures sur le chemin, dès qu’une est prête on l’emmène sans plus attendre, enfin après 20 minutes d’angoisse la dernière voiture est accrochée, alors les boches s’aperçoivent de notre présence, ils ouvrent un feu nourri sur nous, mais nous partons au galop, nos pièces sont sauvées, malheureusement, les 4e et 6e batteries n’ont pas eu cette chance elles ont du laisser tout leur matériel. En arrivant à Abreschviller j’examine mon canon, il est hors de service, la hausse est arrachée, le sac aux armement enlevé, l’axe d’extracteur coupé, les appareils de pointage n’existe plus. Nous quittons le village et nous battons en retraite par la vallée de St Quirin, les routes sont encombrées et si les allemands avaient de la cavalerie tout le corps d’armée serait prisonnier.
Cordialement.
Yves