A. Thierry, 18 mai 1915

[vincent le calvez]

Bonjour à tous,

Voici la journée du 18 mai d'A. Thierry du 28e RI :

Bonne lecture

Vincent


Mardi 18 mai 1915
Sommeil froid, réveil fatigué ; temps gris et pluvieux…
Bombardement : S… blessé au bras et à la cuisse par deux éclats d’obus. Contre une certaine envie de dormir et un certain cafard, hélas ! (…songez qu’un mort sommeille à quelques mètres de moi…) je travaille à ce carnet. Puis aux Paix.
Conversation avec un infirmier. Je l’invite à aller chercher ou du moins voir S… « Ce n’est pas la peine, dit-il, ce n’est pas mon secteur ». Lui aussi voudrait bien recevoir un petit éclat d’obus dans le bras. « ici, vous savez, on ne ramasse pas les morts ; on les dérange quand ils gênent ».
Soupe du soir. Crépuscule. Donnez-moi du courage, mon cher Courage !… Je ne vois plus clair dans ce gourbi.
Mélancolie. O Paul ! ô Jacques !
Seigneur, si vous êtes, dites-moi qui vous êtes…
Dites-le moi, ou laissez-moi vivre afin de l’apprendre.
Relevés de notre agence de liaison entre la …° et les chasseurs à pied, nous repartons. Bouleversement. Cadavre d’un grand Allemand, sa couverture bleue en sautoir. Halte en attendant L… Enfin, le voilà, il nous installe dans les trous. Deux cartes, une lettre ; impossible de les lire…