Vacances pendant la guerre ?

[naoyasu]

Bonjour à toutes et à tous,

Quelqu'un pourrait me dire si les familles de la classe "supérieure" ou "bourgeoisie" faisaient des vacances pendant la guerre 14-18 comme en temps de paix ?

Par exemple, j'ai une vingtaine de cartes postales échangées entre les membres d'une famille qui habitait à Bourges (Cher) dont le père de famille est un Chef d'Escadron Louis Boë ("Commandant le Parc d'artillerie de la 59e Division de réserve, groupe territorial du 33e Régiment".)
Mme Boë écrit à son mari le 4 septembre 1914 : "Nous allons partir pour St Amans" [Saint-Amans-Soult, Tarn] et elle écrit le 8 octobre 1914 : "Les enfants profitent d'un de leurs derniers jours de vacances pour se promener."

Même si au début de septembre près de 500.000 Parisiens ont quitté le capital pour fuir les Allemands, on ne sent pas de sentiment de terreur en lisant les cartes écrites par Mme Boë.

Donc je crois que Mme Boë et ses enfants (avec une bonne) ne se sont pas réfugiés de peur des Allemands mais simplement ils faisaient leurs vacances. Pourtant, je n'en suis pas sûr.

Sur la carte-photo, un de leurs enfants (qui vouvoie son père en verso) écrit :



Cordialement,
Naoyasu

[b sonneck]

Bonjour,

La déclaration de guerre est survenue pendant les vacances scolaires d'été. Les familles qui avaient la chance de pouvoir le faire (une minorité quand même) étaient donc parties. Début septembre, elles n'étaient pas encore rentrées. Je ne sais pas à quelle époque exactement se faisait alors la rentrée ; probablement après les vendanges, de même que les vacances commençaient à temps pour libérer les enfants pour les moissons. Dans les années 1950, les grandes vacances d'été s'étendaient du 20-25 juillet jusqu'au 1er octobre.
La famille dont il est ici question habitait à Bourges, assez loin donc du front. Le 3 septembre, le caractère critique de la situation n'avait peut-être pas encore atteint la France profonde et on était encore dans l'illusion que la guerre n'allait pas durer longtemps, quelle qu'en soit l'issue.
Cordialement
Bernard

[Atlante]

La rentrée scolaire avait lieu le 1er octobre. Les plus grands rentraient plus tard, à cause des vendanges et des labours d'automne.

Quand cet enfant parle de vacances, ce n'est sûrement pas au sens où on l'entend : grand départ pour un séjour de deux ou trois semaines à la mer ou à la montagne. Il passait peut-être juste quelques temps à la campagne dans de la famille ou dans une maison que ses parents possédaient en dehors de la ville. Très peu de familles, à part les plus riches, partaient en villégiature (les congés payés ne datent que de 1936), mais beaucoup expédiaient leurs enfants respirer le "bon air" hors du foyer. Il y a aussi les familles d'instituteurs (Marcel Pagnol en parle très bien dans ses romans) et les fonctionnaires grands ou petits qui bénéficiaient de quelques congés annuels et pouvaient se permettre de partir un peu.

[Skellbraz .]

bonjour à toutes et tous,

Les enfants sont en vacances, les enseignants aussi. Voici l'exemple de Louise Thulliez, professeur à Lille.

A l'été 1914 elle passe ses vacances à Saint Vaast - la – Vallée, ce n'est pas très loin : 70km. L'occupant investit les lieux, Louise reste à Saint Vaast-la-Vallée où elle fera partie de ce qu'on nommerait actuellement un réseau de résistance.

pages1418/forum-pages-histoire/autre/fe ... tm#t121688

cordialement
Brigitte

[yann prouillet]

Bonsoir Naoyasu et à tous

Marie Cuny, industrielle vosgienne, prend ses vacances pendant la guerre, à Arcachon (février à mai 1916) ou Angoulême (où elle envoie aussi ses enfants). Voyez sa notice là : http://www.crid1418.org/temoins/2012/12 ... 1873-1946/, notamment le paragraphe 4.
Bonne soirée
Yann Prouillet

[naoyasu]

Bonjour à toutes et à tous,

Merci à Bernard, Atlante, Brigitte et Yann pour ces renseignements et précisions.

Je vois maintenant que, comme le remarque Atlante, on n'employait pas nécessairement le mot de "vacances" au sens où on l'entend aujourd'hui (comme dans le cas de Louise Thulliez, peut-être, qui passait ses "vacances" à 70 km de chez elle)... à l'exception des plus riches qui partaient en villégiature (comme dans le cas de Marie Cuny, peut-être, qui passait ses "vacances" à Arcachon.)

C'est intéressant de voir que le phénomène ne se limite pas à l'été 1914, mais se poursuit en pleine guerre (comme en cas de Marie Cuny qui prenait ses vacances en février à mai 1916.)

Cordialement,
Naoyasu

[Skellbraz .]

Je vois maintenant que, comme le remarque Atlante, on n'employait pas nécessairement le mot de "vacances" au sens où on l'entend aujourd'hui (comme dans le cas de Louise Thulliez, peut-être, qui passait ses "vacances" à 70 km de chez elle)...

Bonjour à toutes et tous,
Bonjour Naoyasu,

En effet, le terme "vacances" (au sens de congés payés) est relativement récent.
Quant au métier d'enseignant avec ses "moult vacances", ce n'est pas la Byzance du jugement hâtif de ceux qui en ignorent tout ou presque.

cordialement
Brigitte

[pierreth1]

Bonjour,
la notion de vacances n'est pas récente, il suffit de relire les livres, que certains parmi les anciens dont je fais partie, ont pu lire dans leur enfance pour se rappeler qu'une certaine comtesse de Sègur avait publié une trilogie "les malheurs" de Sophie", "les petites filles modèles" et "les vacances" pour voir que déja en 1859 le terme est en usage, en fait au départ il fait référence bourgeois aisés et aux nobles qui quittent leur domicile parisien (entre autre) pour rejoindre leurs villégiatures provinciales, (d'où la notion de logement vacants)
Pagnol parlant de son enfance dans "la gloire de"mon père" et "dans le chateau de ma mère" décrit ses vacances en famille dans une maison louée à cet effet
la seule vraie diffréence entre cette époque et maintenant est l'apparition en 36 des congès payés qui permettent à tous de partir en vacances selon leurs moyens, mais en 1914 grande bourgeoisie, fonctionnaires ont de svacances et peuvent se déplacer
En réalité durant la guerre la vie continue et pour certains comme avant tout est une question de revenus, Par contre pour la haute bourgeoisie et la noblesse la vie est dure... les casinos sont fermés quand ils ne sont pas transformés comme à Deauville en hôpitaux.
Les lieux de villégiature peuvent être dans la proche banlieu lire à ce sujet l'article du figaro ironisant sur les parisiens en villegiature dans l'ouest d ela ville et cohabitants avec les bovins requisitionnés: http://www.lefigaro.fr/histoire/centena ... ilises.php
A Vichy, théâtres et établissements de bains ferment à la déclaration de guerre de m^me que le Grand Casino. Mais le 15 mai 1915, la station thermale reprend vie, accueille à nouveau les curistes et tous les divertissements reprennent. Le Grand Casino de Vichy propose une série de concertset au Casino des Fleurs on presente des vaudevilles et du music-hall. donc mis à part le sblesses evacués sur Vichy il y a donc bien une clientèle

Cordialement
Pierre

[naoyasu]

Bonjour Pierre,

Je vous remercie pour votre réponse.

Je n'ai pas lu la comtesse de Ségur ni Marcel Pagnol ; s'ils décrivaient une scène de vacances pendant la guerre, ce serait plus intéressant...
Mais j'ai lu un peu "A l'ombre des jeunes filles en fleur" de Marcel Proust, et je crois que c'est une sorte de vacances (séjour à la plage de Balbec...), donc je crois que vous avez peut-être raison.

Par contre, dans l'article du Figaro du 8 août 1915 que vous avez cité (http://www.lefigaro.fr/histoire/centena ... ilises.php), qui est très intéressant, on lit :
« Les nombreux Parisiens qui ont pris leurs quartiers d'été à Garches, Vaucresson et Saint-Cloud, où les familles belges forment également de véritables colonies de vacances... »

Je me demande si les Parisiens de nos jours encore passent leurs vacances (ou plus précisément "prennent leurs quartiers d'été") à l'ouest de Paris, à peine 10 km de leurs domiciles... Par contre, on parle de vacances à propos des réfugiés belges (je ne sais si c'est avec ou sans ironie...)

Donc, je doute, d'autre part, que la notion de vacances soit tout à fait identique.

Cordialement,
Naoyasu

[air339]

Bonjour,


Mon "Dictionnaire encyclopédique illustré" Armand Colin, d'avant-guerre (sans date), donne pour "vacance" cette définition :

"Temps pendant lequel une fonction, une dignité n'est plus remplie.
Temps pendant lequel les écoles, les tribunaux interrompent leurs travaux.
Par extension, le temps pendant lequel on cesse de travailler pour se reposer : prendre ses vacances".


On note que l'arrêt des écoles correspond à celui des tribunaux : qui a dit que l'école c'est le bagne ?


Bien cordialement,


Régis