A. Thierry, 12/05/15 : 14 lignes de tranchées franchies

Publications anciennes & récentes
Règles du forum
Publicité pour un ouvrage : Les membres qui contribuent aux échanges sur le forum peuvent faire la promotion des livres dont ils sont l’auteur et de ceux auxquels ils ont participé. La présentation d’un ouvrage coup de cœur est autorisée à condition de ne pas inclure dans le message de liens vers un bon de souscription ou un site marchand. Les messages postés par un membre qui s’est inscrit uniquement pour déposer une publicité sur le forum ne seront pas validés.
Avatar de l’utilisateur
vincent le calvez
Messages : 1335
Inscription : mer. nov. 10, 2004 1:00 am

Re: A. Thierry, 12/05/15 : 14 lignes de tranchées franchies

Message par vincent le calvez »

Bonjour à tous,

Suite de l'épisode d'Albert Thierry (extrait de ses "Carnets de guerre", publiés en 1917 et 1918 dans La Grande Revue).

Aujourd'hui, Thierry apprend un premier bilan de l'offensive du 9 mai. Ensuite, réflexion sur Rousseau.

Mercredi, 12 mai 1915
Pas de réveil, pas de départ ; pas de lettres, pas de journaux ; ainsi un jour plus que morose !…
Lu la Nouvelle Héloïse, presque toute la cinquième partie… Cartes. Rumeurs, pour l’Histoire légendaire de l’an XIV : nous aurions gagné quinze kilomètres en avant d’Arras, les chasseurs chargeraient à cheval, nous aurions pris des canons et des mitrailleuses. Quatorze lignes de tranchées franchies en huit cents mètres, soumises à un tel bombardement que tous les soldats allemands ensevelis et morts, sauf deux devenus fous. Un colonel allemand prisonnier, déclarant honteux qu’on pût se servir d’une artillerie aussi meurtrière que la nôtre !… Une compagnie à nous prise, avec un colonel. Une brigade allemande cernée, trente-deux canons pris et cent-huit mitrailleuses.
Lu La Nouvelle Héloïse, toute la sixième et dernière partie ; et ainsi fini ce livre très riche et intéressant et ordonné malgré de nombreuses digressions et longueurs. Il faudrait étudier, sur notes, d’abord les allusions autobiographiques dont il est rempli, domesticité, aventures de Paris, préceptorats, amours (en éclaircissant les Confessions) ; et en distinguant les simples souvenirs des souvenirs corrigés ; ensuite le sentiment et la doctrine du sentiment, la pragmatique du cœur, essentiel à la fois de l’expérience de Rousseau, savoirs de ses amours et de sa contre-expérience individuelle, savoir ses haines, la haine du grand monde parisien (ainsi la deuxième partie est une Foire sur la Place, comme la cinquième un Wilhelm Meister !) ; ensuite la morale relative ou absolue, et par émanation de celle-ci les premiers linéaments d’une pédagogie et d’une politique : pour finir par une doctrine optimiste de l’homme, de la nature et de Dieu.
Le soir on nous donne deux mètres de passepoil jaune pour quarante hommes, afin de coudre à nos pantalons civils pour nous éviter d’être traités en francs-tireurs. Puis on forme les faisceaux dans la cour et on va partir.
On ne part pas. Sommeil dans les pierres.

Répondre

Revenir à « LIVRES & REVUES 14-18 »