J'ai longtemps hésité à raconter sur ce forum mon vécu concernant la réhabilitation de la maison Louise de Bettignies. Mais je crois important de partager cette expérience, qui est une désillusion.
Séjournant chaque été depuis 3 ans à St-Amand-les-Eaux, je passais régulièrement devant cette maison délabrée, sur laquelle est apposé un panonceau indiquant la prochaine réouverture du bâtiment, destiné à rendre hommage aux femmes résistantes. Louise de Bettignies étant morte en captivité en 1918, je me suis étonnée de ne voir aucun chantier de rénovation à quelques années de la commémoration du centenaire de sa mort.


Le 8 août 2015, j'écris au Maire de St-Amand, Alain Bocquet. Extraits :
J’ai trouvé formidable l’idée de redonner vie à sa maison natale sous forme d’un « historial des femmes résistantes » et suis d’autant plus sidérée que, si mes informations sont bonnes, ce projet piétine depuis 2010, faute de moyens financiers. Il me semble aberrant qu’à 3 ans du centenaire de la mort de Louise de Bettignies, le chantier de rénovation n’ait pas encore démarré. Cela étant, je suis certaine que vous ne baissez pas les bras et que le travail de fond de vos équipes et partenaires est en cours.
J’aimerais en savoir plus sur le dossier car je voudrais, modestement, contribuer à le faire avancer.
A part le bon de soutien trouvé sur Internet, quelles pistes ont-elles été suivies ? J’ai des idées. Sont-elles bonnes ? Comment peuvent-elles intégrer l’action en cours ? A qui en parler ? Qui contacter ? J’aimerais tant que la maison de Louise de Bettignies devienne une de ces flammes tenaces du devoir de mémoire !
Les choses ne traînent pas : le Maire me répond qu'il transmet ma demande à ses services et, le 31 août, je reçois un mail me proposant une rencontre. Elle a lieu le 11 septembre au matin. Assistent à cette prise de contact le Maire adjoint chargé du Patrimoine et de la Mémoire Amandinoise, le Directeur du Pôle Culture-Sports-Évènements de la ville, la Directrice du Musée de la Tour Abbatiale et la Chargée de Mission du Projet Maison de Bettignies.
J'avais préparé un dossier avec des pistes d'actions pour la recherche de financements complémentaires, sachant que les institutions traditionnelles (Conseil Régional, Conseil Général du Nord, DRAC, Union Européenne) étaient partie prenante, mais insuffisamment et, de plus, avec des exigences de critères spécifiques.
J'ai très vite compris, au cours de cette réunion, que si la "volonté politique" était présente, les actions ne suivaient pas. Le dossier de demande de subvention européenne était en souffrance, la pétition de 2000 signatures de soutien au projet n'avait pas été exploitée et il manquait cruellement à l'équipe la créativité et le "retroussage de manches" pour trouver de l'argent. Les seules actions réalisées - mais de taille - étaient l'organisation de conférences de présentation du projet de réhabilitation. Indispensables, certes, mais pas génératrices de financement...
Lorsque j'ai parlé de mécénat, de dons, d'organisation de manifestations payantes, d'appels aux plateformes de financement collaboratif, de création d'un site Internet consacré au projet et d'une page Facebook, de constitution d'une association habilitée à recevoir des fonds, de parrainage des personnalités du monde culturel et artistique, de partenariats avec d'autres structures commémoratives, j'ai nettement observé l'incrédulité et l'angoisse sur certains visages. L'objection principale n'a pas tardé : "pas le temps", suivie aussitôt de "pas de moyens".
J'ai alors dit que du temps, j'en avais, que je le mettais volontiers - et gratuitement - à la disposition de la ville pour réactiver les démarches en sommeil et que les moyens n'étaient pas si onéreux que ça : téléphone, mails, déplacements régionaux et, de ci de là, un déjeuner de travail.
Au bout de deux heures, j'ai fini par proposer de définir les objectifs par hiérarchie d'urgence et de fixer une nouvelle date de rencontre pour faire le point sur l'avancement. J'ai arraché de l'élu une promesse du bout des lèvres : "remplir et déposer le dossier auprès de l'Union Européenne". Il a précisé qu'il allait faire un retour de cette réunion au Comité de Pilotage. Mais de nouvelle date de rencontre, point.
J'ai insisté sur l'autre priorité (et pas la moindre car cela n'avait pas été fait) : constituer une brochure détaillant le projet pour les futurs partenaires publics et privés, reprenant l'historique du projet, sa conception, ses objectifs, les actions en cours et les résultats visés.
De retour chez moi, j'écris le compte-rendu et l'envoie à tout le monde. Et j'attends.
Le 29 septembre, j'écris au Directeur du Pôle que je dois venir à St-Amand le 2 octobre à titre personnel et que j'aimerais profiter de ce déplacement pour rencontrer une ou plusieurs des personnes concernées par le projet. Le mail de retour me dit que le Comité de Pilotage se réunit le 30 septembre, qu'il étudiera la place que je pourrais occuper dans le groupe et qu'il fera des propositions au Maire sur mes idées de partenariats.
Je ne peux, pour des raisons d'éthique et de confidentialité, recopier la teneur de ce mail, mais il se termine avec une phrase disant que la rencontre avec les personnes en charge de ce dossier n'aura pas tout l'intérêt que le groupe le voudrait et qu'il est donc préférable de remettre un prochain contact lorsque la municipalité aura pleine visibilité de l'avancement de ce dossier, pour lequel néanmoins le budget a été confirmé.
En revanche, voici l'intégralité de mon mail de réponse :
Je vous remercie de votre rapide retour et comprends bien les charges pesant sur les uns et les autres.
Permettez-moi néanmoins de vous exprimer avec franchise le sentiment amer qui m'est venu a la lecture de votre réponse.
Je suis surprise de n'être pas conviée au Comite de Pilotage. Lorsque nous nous sommes rencontres, il était normal que vous évaluiez, en petit nombre, la pertinence et l'a-propos de mes suggestions. Et j'étais très heureuse que quatre personnes impliquées étroitement dans le projet aient mobilisé deux heures de leur temps pour m'écouter. Si vous-même et M. (X) avez pu jauger de mon souci d'implication et de la diversité de mes propositions, pourquoi alors ne pas me permettre de montrer directement a tout le Comite de Pilotage les dispositifs envisages, la manière de les gérer et, par ma présence même, lui permettre de m'évaluer ?
Quand vous écrivez : "une éventuelle collaboration et la place que vous pourriez occuper dans notre groupe", je comprends (ai-je tort ?) que je n'ai pas réussi complètement a vous convaincre, vous et M. (X), non seulement de mon souci de m'impliquer, mais encore de la pertinence de mes suggestions.
Vous écrivez aussi : "remettre notre prochain contact lorsque nous aurons la pleine visibilité de l'avancement de ce dossier". Mais, la visibilité, vous l'aviez déjà avant ma venue et elle était très claire : pas assez d'argent. Je vous ai apporté des propositions concrètes d'action en ce sens. Et j'aurais bien aime les défendre, avec toute mon ardeur et tout mon enthousiasme, auprès du Comite de Pilotage. Il me reste a espérer que vous saurez les lui transmettre. Et je vous autorise volontiers a lire ce mail aux membres du Comité.
Je ne cherche pas - et je tiens a le redire - une quelconque reconnaissance ni renommée. Si j'ai pris contact avec M. Bocquet, c'est que j'estimais, vu la situation stagnante depuis quelques années, et en tant que féministe, qu'il fallait peut-être apporter du sang et des idées neuves pour servir un projet d'hommage a une grande dame de Saint-Amand.
A l'opposé des élus et du personnel des services municipaux, j'ai du temps et je souhaite le mettre a disposition. J'ai très vite compris, lors de notre réunion, que la partie financement du projet (hors municipalité) était a vitaliser au plus vite. L'excellente promotion menée par (Y), ainsi que le succès des bons de soutien, tout primordiaux qu'ils sont, ne suffisent pas, aujourd'hui, a redonner du souffle au projet. Il y a grande urgence si votre objectif est d'ouvrir la maison Louise de Bettignies pour le 100e anniversaire de sa mort.
L'action de terrain (financement participatif, sponsoring d'entreprises, souscriptions, etc.) est primordiale puisque le financement institutionnel est défaillant et que vos efforts ont été réduits a néant.
D'autre part, et justement parce que je ne suis pas conviée a la réunion de demain, il me semble très opportun de passer à St-Amand le 2 octobre pour savoir ce qui s'est dit a cette réunion, puisque mes suggestions en sont l'objet... et d'autant plus que le Comite reportera a M. Bocquet. Qu'en pensez-vous ?
Avec une municipalité menée par un maire dont les opinions politiques et les valeurs humaines ont forcément été forgées par les luttes socio-professionnelles et la Résistance, il me semble impossible de ne pas aujourd'hui décider de déclencher le turbo.
Recevez tout mon respect et mes sincères salutations.
Je n'ai pas reçu de réponse à ce mail, pas plus qu'à la seconde lettre que j'ai envoyée au Maire de St-Amand le 29 décembre, pour lui faire part de l'état des choses.
Je retourne cet été à Saint-Amand. Je repasserai devant la maison Louise de Bettignies. J'espère tellement y voir des échafaudages !