Je découvre sur Internet cet épisode de la guerre 14/18 qui me paraît très peu connu, (en tout cas dont je ne trouve pas de trace sur ce forum?) sur la présence de forces françaises, la mission "D" ou mission Picot, aux côtés des Serbes lors de la bataille de la Kolubara (ou bataille de Suvobor) qui se déroula du 16 novembre au 15 décembre 1914 en Serbie. Merci à ceux qui auront un complément d'informations à apporter. Quelqu'un aurait-il connaissance par exemple de soldats français ayant perdu la vie lors de cette mission...?
"La bataille de la Kolubara intervient dans un contexte stratégique difficile pour la France. En effet, après avoir réussi à contrer l’offensive allemande sur la Marne (septembre 1914), la France, avec à ses côtés la Grande-Bretagne et la Belgique, se lance dans la "course à la mer" (octobre-novembre 1914) qui désigne ainsi la manœuvre des belligérants alliés d’un côté et allemand de l’autre pour essayer de se contourner mutuellement jusqu’à la Mer du Nord.
Soutien français à la Serbie lors de la bataille de la Kolubara:
La France est donc focalisée sur son front nord-est qui revêt pour elle une importance vitale. Pourtant, dans le même temps, elle répond favorablement aux appels de soutien de la Serbie.
En particulier, la France envoie la mission "D" ou "mission Picot" du nom du lieutenant de vaisseau qui la commande. Il s’agit d’une batterie composée d’une centaine de personnels et de trois pièces de marine de 143 mm, qui arrive à Rakovica, près de Belgrade, le 5 novembre 1914. Cette batterie participera à la défense de Belgrade contre les incursions des bateaux austro-hongrois et donc, indirectement à la bataille de la Kolubara.
A ce sujet, voici un extrait de "L'aide française en Serbie", article de Robert Vaucher pour la revue "L'Illustration" du 29 mai 1915:
Au moment où l'ordre d'évacuer Belgrade fut donné (c'était le 1er décembre), le commandant Picot ordonna à ses hommes d'arroser de projectiles les hauteurs dominant Semlin [Zemun], où les Autrichiens s'étaient fortifiés. Avec deux pièces, ils réussirent à les retenir pendant quarante-huit heures sur l'autre rive de la Save.
Une fois que les dernières munitions furent tirées, les servants, en bon ordre, embarquèrent leurs projectiles et leurs réserves de munitions pour Nisch [Niš]. Les appareils de visée, les culasses et les consoles des deux pièces, qu'il fallait malheureusement abandonner, furent emportées également. On rendait ainsi les deux canons inutilisables pour les Autrichiens, et l'on courait la chance de retrouver les canons en bon état en cas d'offensive rapide.
Il s'en est fallu de peu, en effet, que le 15 décembre, soit treize jours après l'évacuation de Belgrade, nos artilleurs ne retrouvassent leurs pièces dans l'état où elles étaient à leur départ. Une patrouille d'avant-garde de cavalerie serbe fit prisonniers les officiers de génie autrichiens chargés de les faire sauter. Ils venaient d'achever leur tâche. Si la patrouille était arrivée une heure plus tôt, les canons français auraient pu bombarder les Austro- Hongrois repassant le Danube pour fuir en Hongrie.
La mission D restera ensuite jusqu’à l’hiver 1915, avant de regagner Manastir (Bitola) à pied. Au total, la batterie aura coulé trois « monitors » autrichiens sur le Danube et réduit au silence les batteries de Semlin (Zemun).
Par ailleurs, la France fournira – via la Grèce - des munitions d’artillerie qui arriveront à point nommé pour le ravitaillement de l’artillerie serbe, et permettra à celle-ci d’appuyer la reprise de l’offensive lors de la bataille.
Enfin, des journalistes français en Serbie contribuent fortement à forger en France l’image du peuple serbe résistant héroïquement face à la pression austro-hongroise. Nous avons cité Robert Vaucher de l’Illustration. Nous pourrions également mentionner Henry Barby, correspondant du Journal, qui fera un portrait épique du roi Pierre Ier haranguant les soldats au front, leur redonnant courage et enthousiasme, avant de faire lui-même le coup de feu avec les soldats des premières lignes.
La victoire de la Kolubara procure aux Serbes un grand prestige. La France reconnaît le dynamisme et la vigueur du sentiment national du peuple serbe, admire l’endurance du soldat serbe et son attachement viscéral à la terre natale.
La bataille de la Kolubara suscite en France un engouement d’autant plus grand qu’elle rappelle la première bataille de la Marne menée en septembre 1914. De fait, les deux batailles offrent des similitudes frappantes. Dans les deux cas,
- les deux pays, France comme Serbie, risquaient une défaite complète ;
- les troupes épuisées et démoralisées qui reculaient depuis plusieurs jours trouvent la force et le courage de rétablir une ligne de défense, voire de repartir à l’attaque ;
- elles marquent l’une comme l’autre l’échec des manœuvres des Empires centraux (allemande du Plan Schlieffen pour le front français, austro-hongroise pour le front serbe) et remet en cause la possibilité d’une victoire rapide de l’ennemi ;
- renforce puissamment l’unité et la solidarité nationales. Conclusion. La victoire de la Kolubara permet une stabilisation du front en Serbie qui empêche l’Autriche-Hongrie de pouvoir consacrer entièrement ses forces au front russe. Dans ce contexte, la France poursuivra son soutien à la Serbie en déployant sur le territoire serbe à partir de mars 1915 :
- une escadrille d’aviation de reconnaissance (MF99) équipée de 6 appareils Maurice Farman MF11, qui grâce au courage de ses pilotes et à l’ingéniosité de ses mécaniciens mènera également des actions de bombardement et de chasse ;
- une mission médicale française de 100 officiers médecins d’active et de réserve appelés pour combattre l’épidémie de typhus. L’une et l’autre missions resteront jusqu’à l’hiver 1915 ; leurs personnels accompagneront les troupes serbes lors de leur retraite, dans des conditions épouvantables, à travers les montagnes du Nord de l’Albanie. Au niveau politique, la bataille de la Kolubara, et le prestige qui en découle pour la nation serbe amèneront la France à considérer favorablement à l’issue de la guerre la concrétisation du projet du yougoslave."
Image extraite de Wikipédia, intitulée "Troupes serbes traversant la Kolumbra sur un pont improvisé"

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