pour cyrille quelque clichés du front avec le 158ième
10 juillet : 10 heures. Je suis dans une cahute avec le sergent Dyonne et le Cl. Perrin. Une marmite42 tombe à l’entrée de notre trou, enterre
deux sapeurs du génie qui heureusement peuvent se dégager à temps et détruit toute cette partie de la tranchée qui se trouve ainsi
à découvert. Nos affaires sont dispersées. Je retrouve mon sac et ma musette, mon bidon a disparu. Personne n’est blessé et nous nous sauvons en rampant. Les balles sifflent à nos oreilles. Une mitrailleuse crépite. Je retrouve une place dans la tranchée près des camarades. Toute
la journée nous sommes arrosés d’obus qui nous abrutissent. Vers le soir je suis pris de migraine violente avec vomissements.
J’ai froid. A minuit on nous relève. Nous changeons de tranchée. Nous mangeons tant bien que mal, il est trois heures du matin. Je
vais un peu mieux, j’achève la nuit, couché sur un sac de terre.
Dimanche 11 juillet : Journée relativement calme. Quelques marmites. Je passe mon dimanche avec mes souvenirs, parmi vous, c’est à dire
avec vos photos et les deux ou trois lettres qui me restent et que je relis. Je songe au même dimanche de l’année passée. Le soir je
prie. Il fait très froid. Je suis couché dans un trou que je me suis creusé dans la craie. C’est humide et froid. A 23h on nous relève pour aller à la tranchée de… Pendant le chemin dans les boyaux, nous sommes arrosés d’obus. Personne n’est blessé. Nous croisons des territoriaux qui enterrent les morts. C’est lugubre. Nous arrivons.
Il m’advient une sale aventure. En me réfugiant dans un trou je tombe dans de la saleté. Mon équipement et ma capote sont salis.
Jusqu’au jour je reste immobile de peur de m’en mettre partout. La pluie tombe. J’étale ma toile de tente par terre pour récolter un
peu d’eau et me laver. Des marmites tombent à 20 mètres de moi.
Lundi 12 : Je trouve une cahute sous terre dans une ancienne tranchée Boche. Je m’y installe avec deux camarades. Toute la journée
bombardement. De la part de gens que l’on dit à bout de munitions, je trouve cela épatant. L’endroit où nous nous trouvons
est célèbre. Un combat acharné y a eu lieu. Des tombes sont éparses un peu partout. Il y a encore des morts qui ne sont pas enterrés.
A 50 mètres d’ici, beaucoup de mouches. Odeur putride. Nous souffrons de la soif, car les bidons sont vides et j’ai perdu le mien.
Les Boches nous bombardent sans arrêt. On commence par ne plus y faire attention. Nous couchons avec nos outils pour le cas où
nous serions enterrés vivants. J’ai soif. Depuis vendredi je n’ai pris que deux quarts de vin.
Rien à boire. Un camarade me donne de l’alcool de menthe. Je fume pour tromper la soif.
P.S. Envoyez-moi la mesure du petit doigt d’Hélène. Prenez-la
avec une carte de visite ou un fil très fin de cuivre ou de fer.
29 juillet - 21h : Nous partons pour aller en seconde ligne à le J-aux-T. Voyage long et pénible, le sac est lourd. Je sue à grosses gouttes
malgré le froid piquant de la nuit. Nous arrivons vers 1 heure du matin.
Chacun se cherche un abri. J’en trouve un chic, sous terre, très solide. Je l’occupe après examen, avec le Colonel Perrin, Taminiau et Vincent.
30 juillet : Toute la journée nous restons dans nos cahutes, pour ne pas être marmités. Comme on ne peut pas s’y tenir autrement que couchés,
on dort. A 18 heures, nous soupons, et l’on nous apprend que nous allons poser des fils en première ligne. Ça va. La nuit est belle, mais la lune brille trop fort et cela peut nous être funeste. Enfin, le travail fini, on rentre, à minuit, bien content et l’on se recouche après avoir bu et mangé quelque chose.
31 juillet : Même chose, mais il pleut à torrents et notre voyage dans les boyaux devient critique car en approchant de la première ligne,
nous sommes obligés de nous allonger dedans car les Boches marmitent à tour de bras. Naturellement les boyaux sont pleins d’eau. Bain froid… On rentre mouillés comme des poissons et l’on se couche.
1 août : Même chose. Re-pose de fils et re-bain – re-froid. Zut quel métier !
Je ne puis m’empêcher de chantonner une barcarolle vénitienne :
« Dors, ma belle Venise, sur les flots la brise te berce mollement ! etc. »
2 août : Ce coup-ci c’est plus dur. Il s’agit de creuser, devant la ligne boche, un boyau de communication en terrain découvert. Nous partons avec des outils. Arrivés à l’endroit désigné nous gagnons la ligne en sautant de trou d’obus en trou d’obus. Justement ça chauffe. Il en tombe de toutes parts. On se met au travail sous un feu violent, et l’on se dépêche pour avoir au moins un trou de quoi s’abriter. Les balles sifflent. A un moment nous sommes obligés de nous coucher et de faire les morts car le ciel est illuminé de fusées. Puis nous continuons. Le travail est pénible. Si le patron
était là il ne me ferait pas de théorie sur la façon de tenir une pelle ! A deux heures du matin nous rentrons en hâte. Le jour pointe et le matin du 3 août est déjà là. Ce soir nous montons occuper la première ligne.
3 août : Nous voilà en route pour la première. Nous laissons les sacs aux abris et n’emportons que des vivres, des cartouches, notre couverture et le fusil. Les boyaux sont toujours remplis de boue. Mes mains qui frottent contre les parois du boyau sont écorchées, j’ai un ongle arraché. Ah ! Les v… de Boches ! Nous voilà en première ligne. Ceux que nous remplaçons s’en vont en nous souhaitant bon courage. La nuit est relativement calme. La bataille se livre surtout à notre droite.
suite au prochain passage sur le forum
amicalement
myosotis
"Je ne suis qu'un fou et vous ne me croirez pas. Et c'est justement ce qui nous fait souffrir tous, c'est de penser que l'on prend nos cris de détresse pour des éclats de rire."