Nouveau "Quizz" Artillerie.Résolu 80 mm Saint-Chamond Mondragon!

Austerlitz
Messages : 46
Inscription : mar. sept. 13, 2011 2:00 am

Re: Nouveau "Quizz" Artillerie.Résolu 80 mm Saint-Chamond Mondragon!

Message par Austerlitz »

Je reviens sur la fiche citée en lien, car il y a un point qui me chiffonne... L'auteur de la fiche précise que ce matériel a été proposé à la Serbie, ce qui au passage nous donne la nation qui aurait adopté ce matériel... L'auteur de la fiche précise qu'il se réfère à un texte français intitulé "Notions sur les Matériels d’Artilleries Étrangères" édité par l'école d'artillerie et datant de février 1918... Soit, néanmoins, la suite de son discours fait planer le doute sur le fait que l'armée serbe ait bien adopté le dit matériel...

Autre point curieux, et toujours en liaison avec cette fiche, les données fournies par l'auteur (à condition qu'elles soient justes), et en particulier le rapport de la portée et des angles mini et maxi de tir : 5500m, -8°/+17°... Si l'on revient sur l'évitement des "hécatombes" par une pièce permettant des tirs plongeants, alors le 75 Mle 1897 lui était bien supérieur avec sa portée de 8500m, certes limitée à 6500 du fait des organes de visée (et dans le cas du tir à vue) et surtout des angles compris entre -11°/+20°... En revanche, le canon de 80 aurait une Vo plus intéressante pour du tir courbe, car plus lente...

Par "hécatombe", ne faut-il pas aussi comprendre que cette pièces était également un moyen de faire face à un épisode douloureux de "la crise des munitions"?.. L'artillerie française devait sans doute encore posséder un stock conséquent d'obus de 80mm. Ce stock aurait pu pallier les carences de l'industrie civile dans la production des munitions de 75, ou du moins lui laisser le temps de fabriquer des munitions de meilleure qualité...

Ce canon de 80mm De Bange modifié TR Saint-Chamond "Mondragon" aurait en effet été un outil très profitable à la survie de nos servants de pièces...

Cordialement.
"Pour la France et de bon coeur".
ALVF
Messages : 7016
Inscription : mar. oct. 02, 2007 2:00 am

Re: Nouveau "Quizz" Artillerie.Résolu 80 mm Saint-Chamond Mondragon!

Message par ALVF »

Bonsoir,

On peut dire que l'énigme est résolue dans ses grandes lignes mais quelques points méritent une explication:

-1°: le matériel est un canon de 80 mm de Bange transformé à TR par Saint-Chamond.

-2°: le concepteur du matériel est le général Mondragon de l'Armée mexicaine.Cet officier a beaucoup travaillé en liaison avec Saint-Chamond.
Il a mis au point, entre autres, une culasse automatique, un canon de montagne moderne de 80 mm, un canon de côte de 240 mm TR, tous ces matériels ayant été construits à Saint-Chamond.On doit aussi à ce général, le premier fusil "automatique" (on dirait aujourd'hui "fusil semi-automatique) adopté par une Armée à l'échelon mondial.Les premiers fusils automatiques de 5, 6 et 6,5 mm Mondragon prototypes ont été construits à Saint-Etienne.La fabrication sera ensuite confiée à une entreprise suisse de Neuhausen.Bref, ce colonel, puis général Mondragon était un inventeur de grand talent.
En 1906, le gouvernement mexicain confie au général Mondragon la mission de faire réaliser à Saint-Chamond la modernisation des canons de 80 mm de campagne et de 80 mm de montagne, système de Bange, équipant l'armée mexicaine.En liaison avec les ingénieurs de Saint-Chamond, le général Mondragon fait réaliser la modernisation de ces pièces, tube conservé mais raccourci, maximum d'autres éléments conservés, affût entièrement neuf d'une grande simplicité, adoption d'une culasse à vis modifiée à ouverture en un seul temps, etc...

-3°: le Mexique a bien fait construire ces pièces en série: 48 canons de campagne de 80 mm de Bange transformé à TR et 48 canons de montagne de 80 mm de Bange transformé à TR.En outre, une première commande de 48 canons de 75 mm TR Saint-Chamond de nouveau modèle fut passée à la même époque par le Mexique.Le Mexique commandera ensuite un obusier de 150 mm neuf à Saint-Chamond, ce modèle remanié en 1914-1915 donnera naissance au 155 C modèle 1915 Saint-Chamond qui sera construit en série pour l'Armée française et apparaîtra sur le front à partir de 1916.

Quelques explications sur la phrase en préambule sur l'occasion manquée du début de la guerre qui aurait permis d'éviter les hécatombes de 1915.
Dès l'automne 1914, les allemands passent à la défensive sur le front ouest afin d'anéantir la Russie avant de se retourner toutes forces réunies contre les alliés occidentaux.Leur système de défense s'appuie rapidement sur des lignes de défense dont la seconde est systématiquement établie à contre-pente afin de la soustraire aux actions de l'artillerie française qui ne dispose que de faibles quantités de pièces à tir courbe.
Dès la fin de 1914, des artilleurs français demandent de modifier les anciens matériels de Bange en les transformant en matériels à tir courbe en utilisant des techniques semblables à celles employées lors de la modernisation de l'artillerie de Bange par Saint-Chamond.Deux écoles s'affrontent, les uns voudraient l'adoption de l'excellent affût Mourcet mis au point bien avant la guerre, d'autres veulent aboutir rapidement en modifiant les 80 et 90 mm de Bange en obusiers à tir rapide.
Malheureusement, les parlementaires des commissions des assemblées ne veulent pas de "canons au rabais" et raillent les artilleurs ne sachant que modifier des "antiquités".Bien entendu, on trouve le trop fameux et influent sénateur Charles Humbert à la tête de ces réfractaires.On sait toutefois que l'auteur de la campagne de presse "Des canons, des munitions!" sera traduit en Haute-Cour de justice par Clemenceau en 1917 lorsque ses "imprudences" et autres faits beaucoup plus graves seront tardivement connus.
Le résultat de tout ceci est que la France se tourna vers la solution de la construction des obusiers modernes de 155 C Schneider et Saint-Chamond dont la fabrication sera très lente et qui n'apparaîtront qu'en faible quantité fin 1916 et dont le nombre ne deviendra suffisant que dans le second semestre de 1917.
Le pis-aller de la transformation des 80 et 90 mm de Bange en obusiers légers aurait au moins permis de disposer de quelques centaines d'obusiers légers dès 1915, largement approvisionnés en munitions et susceptibles au moins d'entamer les secondes lignes allemandes, notamment en Champagne où le courage des poilus ne pouvait surmonter des défenses accessoires et des réseaux de barbelés intacts car établis à contre-pente.

On pourra aussi méditer les phrases suivantes, publiées en 1912, lorsque les parlementaires refusèrent une première fois de débloquer les crédits destinés à acheter des obusiers légers modernes au nombre de 16 par Corps d'Armée.
L'auteur de cette analyse est probablement le commandant (et futur général) Challéat, un artilleur de très grand talent qui avait analysé le tir des artilleries française et allemande dans des fascicules parus avant-guerre.
Ce texte a été publié le 15 avril 1912 dans le Journal des Sciences Militaires et constitue avant tout un plaidoyer pour l'adoption d'un obusier léger par l'Armée française.L'analyse de l'attitude allemande en face d'une artillerie française presqu'entièrement dotée du seul "75" dans les Armées de campagne est véritablement prophétique:
"Si, comme on peut le supposer, l'Infanterie que nous aurons à combattre connaît les caractéristiques de notre artillerie, elle aura les moyens de se préserver de ses feux.Tant qu'elle occupera des tranchées d'un bon tracé, elle n'aura à craindre que quelques coups percutants tombant au bon endroit...".

Cordialement,
Guy François.
Répondre

Revenir à « Artillerie »