Bonjour à tous,
MARGUERITE VI
Ce navire figure sous ce nom dans les archives de Vincennes et sous le nom de MARGUERITE IV dans le Starke. Mais il s’agit bien du même navire.
En ce qui concerne les deux photos du post du 12/12/2009 :
- la première montre un cargo danois nommé LILLEBORG. Mais je ne pense pas qu’il s’agisse du futur MARGUERITE VI. Le LILLEBORG de 1909-1912, devenu par la suite ADRANA allemand, ne devait pas porter l’inscription DANMARK sur sa coque.
Il s’agirait plutôt du 2e LILLEBORG (1916-1960) de 76 m de long et 1694 t, également danois. La photo date d’ailleurs peut-être de la seconde guerre mondiale.
- la seconde du HELLE pourrait correspondre au MARGUERITE VI, bien que le navire semble un peu petit...
Combat avec un sous-marin le 24 Mai 1917
Rapport du Lieutenant de Vaisseau LAFARGUE
Nous naviguons dans la zone où ont été attaqués FULGENCIO, HAÏTI et GARD.
10h30
Aperçu 4-mâts barque HELENE de la compagnie Bordes par 45°48 N et 02°41 W. Il est encalminé et en position critique vu la possibilité de présence de sous-marins.
Fait route en zigzags au S20E en changeant de cap toutes les 20 minutes.
14h17
Aperçu périscope à 4 quarts bâbord à 800 m, sortant de l’eau de 1 à 2 m. Mis la barre toute à gauche et la machine en avant toute. Le sous-marin, surpris par cette manœuvre, vient sur la droite. Il se trouve alors dans mon cercle de giration et n’évite que de justesse la collision. Son périscope défile à 20 m du bord, mais trop loin pour lancer des grenades qui m’auraient démasqué sans être efficaces. Présenté l’arrière au périscope et donné l’ordre de déborder les embarcations. Le sous-marin émerge alors à 1100 m sur l’arrière et vient sur la gauche pour nous remonter sur bâbord.
Manoeuvré pour l’avoir dans le champs de tir des pièces tribord. Le sous-marin, gris très clair, complètement en surface, présente la silhouette suivante :
Toiles de passerelle en place au dessus du kiosque où l’on distingue trois ou quatre hommes. Sur l’avant, un homme est assis tandis que deux autres semblent installer le canon. Un 3e sort d’un point situé sur l’avant du kiosque et vient les aider à monter la culasse.
Le sous-marin s’approche doucement, paraissant sans méfiance. Il stoppe à 800 m et ne semble pas vouloir approcher plus. Fait amener les embarcations à hauteur de la lisse avec le personnel prévu prêt pour l’évacuation.
La cible est belle et l’affaire paraît sûre vu les résultats des tirs précédents à des distances doubles de celle-ci.
Je fais ouvrir le feu. Le sous-marin est couvert par les balles des mitrailleuses dont beaucoup portent. On ne voit pas les éclats, mais les quatre hommes sur le pont tombent, ou se couchent à plat ventre. Le premier obus de 75 éclate à quelques mètres sur l’avant du sous-marin. Le 2e tombe sur l’arrière du kiosque et l’on voit les toiles se détacher et battre.
Malheureusement, nous tombons alors en travers de la houle et le bateau se met à rouler violemment, déréglant complètement le tir. Le sous-marin commence à plonger.
La pièce arrière a pu tirer dix coups. La pièce avant deux seulement, étant bloquée par une douille trop forte qu’il a fallu retirer difficilement avec l’extracteur. Un 3e coup est tombé très près du sous-marin, mais l’explosion a été tout à fait anormale. Il faut malheureusement l’attribuer à l’espèce de munition que nous avons (voir mon rapport à ce sujet).
Le sous-marin ayant disparu et ne l’ayant pas atteint efficacement, j’ai manœuvré pour éviter une torpille.
Au moment où le sous-marin venait de disparaître, les canonniers de l’arrière (Sd maître K... et mécanicien G... employé au passage des munitions) ont vu partir la torpille. J’ai présenté l’arrière et le sillage est passé à 40 m environ.
Pensant au quatre-mâts que nous avions laissé à 25 milles dans le Nord, j’ai signalé sa position par TSF, puis fait route sur La Pallice.
18h00
Aperçu le dirigeable n° 28, puis l’hydravion n° 249.
19h00
Reçu télégramme signalant la présence de mines dans le pertuis d’Antioche. J’ai décidé de passer par le pertuis Breton.
22h19
Reçu télégramme de Rochefort “De chef de Division : donnez nouvelles”. Répondu immédiatement “Rallie mouillage de La Pallice”.
Minuit
Mouillé dans le nord de Saint Martin de Ré, n’ayant plus assez d’eau pour gagner La Pallice.
25 Mai 04h30
Appareillé
05h30
Arrivé sur rade de La Pallice
Au sujet de cet engagement :
1) Un résultat qui me paraissait certain n’a pu se concrétiser à cause de moyens d’action défectueux. Les munitions que l’on nous a fournies sont mauvaises.
2) J’ai déjà eu à connaître des défauts de calibrage. A Rochefort, j’avais fait changer tout mon stock de munitions et pris quatre lots nouveaux.
3) Ayant, par hasard, entendu dire à Toulon qu’on avait constaté des ratés d’étoupilles et des retards d’inflammation aux 75, j’avais fait remplacer l’étoupille guerre par de l’étoupille marine. En Avril, ayant reçu l’ordre de gagner La Pallice, j’ai voulu que l’on me donne de nouvelles munitions. L’artillerie m’a répondu qu’elles n’étaient pas arrivées à Toulon et que, de toutes façons, elles étaient réservées aux sous-marins armés de 75 qui seraient servis en premier. On a d’ailleurs refusé de compléter mon stock de munitions. Il m’a fallu faire appel au bon sens de l’officier d’artillerie pour me faire délivrer les 18 obus de 75 qui me manquaient.
4) J’ai donc demandé un complément à Rochefort. Mais là encore, rien n’était arrivé.
5) J’ai aussi demandé 5000 cartouches de mitrailleuses à Cherbourg. Rien n’est arrivé.
Je me permets d’attirer respectueusement votre attention afin que le maximum soit fait pour que les munitions de 75 bien calibrées et les étoupilles marine me soient délivrées sans retard.
Pour les mitrailleuses, je demande la délivrance de balles perforantes APX, réclamées depuis Mars à Paris et Rochefort. Il me faut des balles spéciales pour mitrailleuses et non des cartouches Lebel ordinaires dont les douilles se fendent et se fragmentent, enrayant les mitrailleuses.
J’ai appris que le centre de formation des mitrailleurs des Sables d’Olonne se sert de balles perforantes explosives, trouant à mille mètres une épaisseur appréciable d’acier. Sur des sous-marins, de telles balles perceraient aisément les ballasts à mazout.
J’ai aussi demandé depuis des mois l’installation de tubes lance torpilles. Rochefort étudierait cette possibilité. J’aurais pu lancer à coup sûr lorsque le sous-marin se tenait à courte distance.
Je tiens à rendre hommage à mon équipage qui a montré le plus grand calme et le plus grand sang froid dans ces circonstances.
Note du Capitaine de Vaisseau LE VAVASSEUR au Ministre
J’ai l’honneur de vous transmettre le rapport du commandant du MARGUERITE VI sur l’engagement du 24 Mai contre un sous-marin ennemi.
Le lieutenant de vaisseau Lafargue a fait preuve d’une vue nette de la situation. Le sous-marin a stoppé intentionnellement à une certaine distance. Il pouvait donc espérer mettre hors de combat le personnel monté sur le pont, puis atteindre gravement le sous-marin avant qu’il ne plonge.
Il est profondément regrettable d’avoir manqué une occasion qui se présentait aussi belle et tout doit être fait pour éviter le retour de pareil mécompte.
- MARGUERITE VI va se rendre à Brest pour prendre des munitions de 75 munies d’étoupilles marine.
- Je demande qu’il reçoive le plus tôt possible des cartouches spéciales mitrailleuses réduisant les risques d’enrayage et des balles perforantes explosives.
- J’estime nécessaire d’augmenter la surface des quilles de roulis
- de doter MARGURITE VI de tubes lance torpilles sous-marins
- de le munir d’un appareil Walser
Enfin, je demande que JEANNE GENEVIEVE, actuellement en armement reçoive les mêmes installations et les mêmes munitions spéciales.
Le sous-marin attaquant
C’était l’ UC 21 de l’ OL Rheinhold SALTZWEDEL. L'affaire s'est bien déroulée légèrement au Sud de la Gironde.
On notera que Saltzwedel fut un habitué des bateaux-pièges puisqu’il rencontra successivement
MARGUERITE VI le 24 Mai 17
NORMANDY le 26 Juin 17
DUNRAVEN le 8 Août 17
A chaque fois, il aura une chance extraordinaire et parviendra à s’en sortir à son avantage.
Voir ce lien pour le combat avec le DUNRAVEN
pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _1.htm#bas
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