J'allais y arriver. De fait, la compréhension relève d'un tout qui, si dans son expression pernicieuse s'est révélé dans les tranchées (Message de Stephan), n'en révèle son fondement qu'aux niveaux des plus hautes instances chargées de la stratégie globale, de l'orientation, de la conception et de l'exécution. A noter que je me suis laissé également dériver suite à la lecture d'un débat analogue sur un forum voisin "l'âne qui commandait à des lions" qui à mon sens relève plus du parti pris que de la réflexion.
Pour les plans, il en est de même pour leur compréhension et les considérations qui ont conduit ou qui ont pu conduire à leur élaboration sont de facto antinomiques avec notre doctrine d'offensive à outrance, de guerre courte et décisive. Les circonstances géographiques, politiques et diplomatiques additionnées à nos délais de mobilisation font que nous ne pouvions qu'adopter un plan de compromis. Je serais curieux que l'on me démontre le contraire.
En fait de plan, il ne s'agit que d'un plan de couverture et de concentration qui se veut plus défensif qu'offensif (Déploiement linéaire le long de la frontière) faute de possibilités d'offensive décisive (Guerre courte donc but décisif (Berlin par exemple à défaut de pouvoir détruire l'armée allemande)). Dans celui-ci, en référence à nos traités on effectue une démonstration rapide pour protéger la concentration Russe et on ménage la susceptibilité anglaise en ignorant ouvertement la Belgique, tout comme la Suisse. Côté Italie le doute subsiste et rappelons nous qu'il fallait se sauvegarder de ce côté là.
Pour le reste, c'était la politique du "on verra en fonction de la conduite de l'ennemi (Dixit Joffre)". En clair on est faible partout et surtout à la merci de toute surprise. En adoptant la variante du plan XVII on amplifiait le phénomène car cette fois ci plus aucune réserve n'était disponible et la concentration des efforts était réduite presque à néant par les difficultés induites dans les mouvements de rocade. C'est la politique du "On attaquera l'ennemi partout où on le rencontrera " (Encore heureux que les allemands ont adoptés un dispositif également linéaire. sinon on ne les trouvait même pas.
Même notre offensive de la trouée de Sarrebourg n'avait plus les moyens (moins un CA à la 2ème Armée (Je crois le 8); plus que trois CA en pointe pour la 1ère Armée). Quant à notre contre mesure du plan Schlieffen, que l'on connaissait partiellement, les armées 5, 4 et 3 (En partie) devaient s'engager en Ardennes Belges dans une forêt impénétrable, menacées sur leurs flancs en suivant en gros l'axe Neuf Château - Anvers. C'était un pari sur l'impénétrabilité de l'Eiffel où les allemands avaient tout fait dès 1888 pour raccorder leurs voies ferrées avec celles des Belges. C’était aussi où les allemands s’attendaient à nous voir.
Pour comprendre le danger, il faut se rappeler la parole de Schlieffen concernant la trouée de Sarrebourg Morhange : Même si les Français arrivent à Mayence, ce dont je doute, il faudra bien qu'ils reviennent car moi je serai à Paris.
Heureusement des considérations diverses ont fait que Moltke n'a pas appliqué intégralement les plans car il n'y aurait pas eu de bataille de la Marne et de fait le gros de nos armées aurait été défait dans la ratière de Sarrebourg - Morhange. L'essentiel a débuté par la pire et la plus difficile des solutions tactiques, la bataille de rencontre qui par manque d'exercices au niveau des grandes formations au temps de paix ne pouvaient conduire qu'à ce que nous avons vécu (Doctrine d'offensive à outrance nécessite d'alimenter en continu la bataille ce qui entraîne une formation en fuseau propre à être surprise car le dispositif linéaire allemand (Alignement d'armées) permettait plus facilement la manoeuvre et la surprise par les flancs). Cela ne pouvait que dégénérer d'un côté comme de l'autre qu'en bataille frontale dès lors que nous avons voulu contrer toute velléité d'enveloppement.
Sans Joffre, on ne pouvait guère faire mieux. On aurait pu atténuer certaines choses côté est mais cela n'aurait pas été déterminant et de fait cela aurait pu augmenter les pertes (Foch dans un Kriegspiel a démontré tous les inconvénients de s'engager en haute Alsace. Il avait raison, mais de faite cette armée d'Alsace distraite dans son cul de sac aurait été mise à mal dans la trouée de Sarrebourg quelques soient les résultats meilleurs obtenus grâce au renforcement du front d'attaque (Piège allemand).
Pour les autres, ce furent surtout des critiques postérieures aux évènements. Seuls quelques illuminés tel le Lieutenant-colonel Grouard, (il y en eu d'autres, il faut que je recherche) qui, de fait, partait d'un constat similaire au mien mais ne donnait pas de solutions décisives compte tenu du comment cela s'est passé. Pour ceux qui voyaient l'offensive par la Belgique, du fait de la nécessaire neutralité à conserver de ce côté là, ils auraient été jugulés politiquement sauf à ramener le centre de gravité de notre concentration trop en arrière. cela allait à l'encontre de notre doctrine (Tous les plans ont eu pour but d'avancer notre concentration au plus près de la frontière) pour éviter de céder du sol Français en avant de notre système fortifié.
Je reviendrai dans le détail sur les contingences qui ont influencées nos plans.
Veuillez excuser les fautes je n'ai pas relu.
Cordialement
Je ne participe plus à ce fil (pas trop de temps actuellement, mais surtout méconnaissance totale de ces questions !), mais je n'en perds pas une miette !!
Je ne regrette pas d'avoir poser le message initial et me régale des interventions successives qu'il aura permis, ainsi que les longs développement offerts, dont j'apprécie qu'ils soient passionnants et non passionnés.
Merci à tous !
Cordialement,
Stéphan, qui est heureux d'en apprendre tous les jours !!
Bonjour Patrick
Je partage presque votre point de vue,
Dès les concentrations de début d' Août, nous étions en position de dominé, du fait du déséquilibre des rapports de force Belgique/Alsace.
L' offensive pour la libération de l 'Alsace avec un CA, c'était ridicule et suicidaire!
Il fallait envoyer la 1° Armée compléte, le 4° GDR ainsi que l 'Armée des Alpes !
Seulement là où nous étions bien supérieur numériquement il fallait lancer l' offencive!
Bien d' accord que nous serions bloqué entre Rhin et Strasbourg.
(j' ouvre la parenthése, pour rappeler que nous n' avions aucune pièce d' artillerie digne de ce nom, et que nous n' avions aucune chance de monter un siège soit sur Metz ou soit sur Strasbourg)
Mais songez à l' enthousiasme retrouvé avec la possibilité d' appeler à la reddition les régiments d' Alsaciens...
La 2° Armée en appui à la 1°.
Peut-être de part cette libération , nous aurions eu à subir le rapatriement des forces opérantes des 1° 2° 3° 4° armée Allemande.
(euh j'y crois pas trop...)
Par contre côté Belgique, au vu du rapport de force nettement en notre défaveur.
Il n'était pas facile d'organiser et de combiner à la hâte avec trois Nations différentes!
fallait-il opter pour une ligne défensive la plus favorable avec je pense la Belgique forcément perdue...
C'est bien ce que je reproche au sujet de "l'âne qui commandait à des lions". La réflexion est un peu primaire et non réfléchie.
Avant de continuer sur les plans, pour répondre à la question de Claude quant au rejet de la responsabilité de Joffre sur ses subordonnés dès les premiers déboires, je pense que c'était volontaire et réfléchi.
Le mal Français, on l'a vu encore tout récemment dans l'histoire des otages en Irak, c'est l'empiétement du législatif sur l'exécutif. Joffre à juste titre craignait que le politique vienne s'ingérer dans ses affaires. Il a d'ailleurs protesté en 15. Les parlementaires demandèrent peu à peu à exercer un contrôle sur les opérations. Ce fut absolument néfaste surtout en 17, car ne pouvant se faire entendre ils se retournaient vers l'opinion publique dévoilant ainsi aux allemands notre misère mais surtout influençant directement sur le moral et la cohésion des armées. On a vu ce que cela a donné période des mutineries. Les responsabilités ne se partagent pas et le Généralissime avait autre chose à faire que de devoir composer en pleine débâcle. On a vu également ce que cela a donné avec les commissaires politiques Russes à la 2ème guerre.
Joffre en a souffert et si l’on lit ses comptes rendus d’opérations on s’aperçoit qu’ils sont concis et ne laissent jamais transparaître une catastrophe. Ils laissent toujours transparaître une politique de ressaisissement imminent. Forcément, il ne pouvait reconnaître ses tords puisque le gouvernement pouvait le relever. Comme il n’est pas bon en pleine bataille de changer de chef il est tout naturel qu’il en rejette la responsabilité (Il faut dire aussi qu’il y a eu des erreurs tactiques (Voir Rocolle –Hécatombe de généraux) d’autant qu’il ne disposait que de renseignements partiels (Les CR de renseignement de l’EM général sont éloquents, le 20/08 on ne voyait pas la 1ère armée allemande ni franchement la 3 et la 4. Côté Est il manquait des Corps à la 6ème armée allemande et dans le flanc de Dubail on ne voyait pas le XIV RAK.
Le plus surprenant, c’est l’étonnement du gouvernement quand Joffre lui conseilla d’évacuer sur Bordeaux . Preuve qu’il s’était montré jusqu’alors plutôt rassurant dans ses CR de situation.
Pour répondre à Thiry, les allemands avaient évacué la haute Alsace (Prévu dans leurs plans).
Joffre ne cessait de dire au 7 CA « Avancez vous n’avez rien devant vous ».
Manque de chance le Général commandant la 7 armée allemande responsable de la couverture dans le secteur a mal réagit et a engagé ses 14 et 15 AK sur Mulhouse –Cernay. Cela provoqua un vent de panique à la 6ème Armée (Kronprinz de Bavière) et dans la place de Strasbourg . Cette armée devait se déployer entre Mutzig et Saverne pour attaquer de flanc notre 1ère Armée. Par réaction pour boucher le trou béant la 6ème Armée fit avancer son 1 AK sur Cirey. Dès que le 7 CA Français fut rebouté, l’alsace fut évacuée une 2ème fois. La 7 armée ayant gagnée sa base de départ. D’où également le peu de résistance devant l’armée d’Alsace et les insistances de Joffre pour que Dubail se couvre en direction d’ Obersteigen, hauteur Wasselonne vers Dabo (Voir les ordres généraux à la 1ère Armée).
Seule concession de Moltke qui nous a sauvé, c’est le renforcement à outrance des troupes de Lorraine (Fait politique mais surtout économique (Krupp) pour conserver le bassin minier). En Alsace il y eu bien des tractations pour conserver le bassin potassique (Les allemands avaient le monopole mondial de la potasse) mais il n’en fut pas tenu compte dans les plans.
Pour les fondements du plan 17 j’en parlerai après, mais à ce rythme je vais engorger le serveur.
Pour mes dires en général, ce ne sont que des hypothèses fondées sur des constats. Il sont justes mais ils n'ont pas été les seuls à influencer le cours des événements, mais ils sont suffisemment importants pour ne pas que l'on puisse ne pas en tenir compte.
C'est bien ce que je reproche au sujet de "l'âne qui commandait à des lions". La réflexion est un peu primaire et non réfléchie.
Sans être un quelconque défenseur de quoi que ce soit, je crois que c'est un excellent travail de recherches avec je le rappelle 273 ouvrages cités en références.
Il est vrai que la qualité orthographique n'est pas celle de Joffre utilisée dans ces 2 tomes mémoires!
Mais incomparable: il y a des chiffres, des faits! dans celui de Joffre aucun bilan que des mots enthousiasmes et charmeurs.
Patrick si comme moi vous avez lu les mémoires de Joffre, que pensez-vous de la page 195 de Roger Fraenkel?
Bonsoir à tous,
je suis lecteur silencieux de ce fil passionnant et instructif et ne puis m'empécher cette pensée:
ce forum "pages 14-18" a la classe d'être populaire tout en permettant des échanges de haut niveau. Je suis certain que l'on nous envie!
Je continue à vous lire,
sincèrement,
François N.
Le commentaire que tu cites de la guerre des gaules relatant notre gauloiserie se retrouve étrangement, pas textuellement mais cela y ressemble beaucoup (faudrait que je relise César), dans un document secret diffusé en octobre 1912 par le chef d'état major allemand.
On y relève que " le soldat Français est intelligent, habile, animé d'un patriotisme ardent qui se laisse facilement enthousiasmer et entraîner à de grands exploits. Mais il est nerveux, son moral se renverse rapidement. Il manque de persévérance, d'opiniâtreté, de fond dans l'instruction et de discipline sans réserve. le Français se soumet volontairement à un chef éminent qui jouit de sa confiance; en cas d'échec, la discipline se maintient difficilement"
Les officiers sont zélés dans le service, modestes, désireux de se perfectionner". Mais le haut commandement "n'est pas suffisamment instruit pour la grande guerre; la nature des manoeuvres était peu faite jusqu'à présent pour placer les chefs devant des décisions personnelles. La désignation pour les postes les plus élevés est souvent influencée par des considérations politiques" etc... suit des considérations sur l'armement, l'artillerie lourde, la tenue, le manque d'exercice.