Fréderic, un seul mot: Merci!
Et bravo de nous faire partager ce tourisme d'après guerre (d'immédiate après guerre je dirais même car la jeune fille décrit une mitrailleuse allemande encore en position..)
Je donnerai cher pour aller dans le passé et voir ces lieux en 1919..
Faut pas rêver, heureseument que ce n'est possible!
Cordialement,
Tourisme et après-guerre
Re: Tourisme et après-guerre
Cordialement.
François
L'éternité c'est long, surtout vers la fin..
François
L'éternité c'est long, surtout vers la fin..
- Frederic S.
- Messages : 383
- Inscription : lun. nov. 22, 2004 1:00 am
Re: Tourisme et après-guerre
Elle est maintenant comme très distinctement divisée en deux parties : l’une qui n’est plus à l’intérieur que pierres et gravas, et l’autre séparée de la première par un mur de ciment qui la soutient et qui a été plus épargnée. On se rend très bien compte qu’au moment de la guerre, la cathédrale avait été réparée et remise à neuf. Le curé, qui est dans la nef au moment où nous y sommes, confirme du reste ces détails et raconte avec émotion le bombardement et la destruction de sa chère cathédrale. Nous achetons vivement des cartes car le temps est compté et bien des détails nous intéresseraient encore à visiter. Quelle pénible impression que celle d’une église-cathédrale ou simple petite église de village éventrée, effondrée ainsi, toutes ces saintes images mutilées, ruinées par le passage des barbares. Les lourds piliers qui devaient tant et tant d’années soutenir les voûtes imposantes et dont la plupart sont en ruines, c’est là une impression d’une tristesse inexprimable et poignante. Nous regardons avec émotion ce que furent les orgues réduits à rien. Seuls les anges sculptés formant tribune sont intacts, au-dessous c’est un amas de décombres. Là encore, nous voyons des prisonniers parcourant la cathédrale et toujours avec la même tranquillité insolente. Il est difficile, au milieu de tous ces décombres, de reconstituer exactement l’aspect imposant de la nef, du chœur et de l’autel principal qui existe encore en partie. Nous emportons une dernière vision de ce qu’est maintenant intérieurement et extérieurement la cathédrale de Soissons. Les pauvres tours, jadis si fines, si dentelées, ou plutôt ce qui reste d’une d’elles se dresse maintenant décharnée vers le ciel et la grande brèche, qui a séparé en deux la cathédrale, est désolante et impressionnante au possible à voir de l’extérieur. Tout cela est étayé et l’on se demande par quel miracle des écroulements ne se produisent pas. Nous regagnons les autobus qui doivent traverser toute la ville pour nous amener à la gare. Nous passons devant St-Jean-des-Vignes aussi abîmée que la cathédrale mais qu’on ne peut visiter. Puis après la partie de la ville dont il ne reste rien, c’est la vie qui reprend au milieu des ruines où des baraques en bois démontables sont installées en commerces divers. Enfin, avant d’arriver à la gare, on traverse pour la première fois de la journée des rues, des rues véritables où les maisons sont déjà réparées, habitées, où le commerce a repris. Mais cependant, là encore, à côté d’une maison intacte ou presque, en voilà une effondrée et anéantie. Dans la grande avenue qui conduit à la gare, beaucoup moins de dégâts, ce sont en général de jolies propriétés déjà réparées ou que l’on est en train de réparer, criblées d’éclats d’obus mais peu touchées si on les compare à tout ce que nous voyons depuis ce matin. L’itinéraire a bien suivi son cours, nous n’avons qu’un quart d’heure de retard qui nous laisse moins de temps pour visiter Soissons. Nous écrivons en hâte quelques cartes à la gare sur des planches, installés tant bien que mal et il nous faut regagner le train car il est 5 h ½ et le départ est pour 6 h moins ¼.
- Frederic S.
- Messages : 383
- Inscription : lun. nov. 22, 2004 1:00 am
Re: Tourisme et après-guerre
Encore la suite...
Comme c’était prévu, après avoir passé au Chemin des Dames vers 3 heures, au moulin de Laffaux à 3 h ½, à Crouy à 4 h ¼, nous sommes arrivés à Soissons vers 4 h ½. Nous devons retrouver notre compartiment de l’aller ayant emporté nos papiers indicateurs. Nous le reconnaissons à notre compagnon de voyage qui est déjà installé et se restaure. Nous partons à peu près à l’heure et faisons comme lui car nous sommes à jeun depuis 10 heures du matin. Nous avons peu faim mais très soif n’ayant pu, faute de temps, nous désaltérer à Soissons. Ils nous faut patienter jusqu’à Paris où nous pensons… et préférons dîner. Il nous faudrait d’ailleurs, prévoyons-nous, nous affoler et courir pour avoir notre train de 8 h 20. Nous revoyons le désolé paysage du matin d’abord, puis les ruines s’espacent, la vie renaît, et les cheminées, les maisons noires annoncent Paris où nous arrivons après plusieurs pannes avec près d’une ½ heure de retard. Ce serait vraiment trop juste pour avoir notre train que nous verrions filer devant nous et nous décidons de dîner à la gare St-Lazare. Il est très tard, les restaurants fermant à 9 heures, et nous dînons très vite chez Scossa où il y a foule. La poussière et le soleil nous ont altérés et un peu fatigués, surtout Madame Cirasse qui, malgré sa fatigue, est très satisfaite, comme son mari et nous cinq, de son intéressant quoique bien triste pèlerinage.
Pour se rendre compte de cette désolation sans pareille il faut vraiment avoir vu, les paroles sont impuissantes à exprimer un tel spectacle que nous ne pourrons jamais oublier et que trop de Français inconscients oublient déjà. Une impression qui frappe dans cette succession ininterrompue de ruines, c’est la destruction qu’on sent systématique et calculée de la part du Boche qui n’expiera jamais assez ses crimes innombrables. Les souvenirs de cette journée émouvante nous reviennent déjà en foule, entre autres cette belle route parcourue avant d’arriver à Soissons et bordée sur une longueur de plusieurs kilomètres par de beaux et gros arbres tous coupés par l’ennemi à 1 mètre du sol et transportés à l’arrière pour les utiliser à [mot illisible].
Comme c’était prévu, après avoir passé au Chemin des Dames vers 3 heures, au moulin de Laffaux à 3 h ½, à Crouy à 4 h ¼, nous sommes arrivés à Soissons vers 4 h ½. Nous devons retrouver notre compartiment de l’aller ayant emporté nos papiers indicateurs. Nous le reconnaissons à notre compagnon de voyage qui est déjà installé et se restaure. Nous partons à peu près à l’heure et faisons comme lui car nous sommes à jeun depuis 10 heures du matin. Nous avons peu faim mais très soif n’ayant pu, faute de temps, nous désaltérer à Soissons. Ils nous faut patienter jusqu’à Paris où nous pensons… et préférons dîner. Il nous faudrait d’ailleurs, prévoyons-nous, nous affoler et courir pour avoir notre train de 8 h 20. Nous revoyons le désolé paysage du matin d’abord, puis les ruines s’espacent, la vie renaît, et les cheminées, les maisons noires annoncent Paris où nous arrivons après plusieurs pannes avec près d’une ½ heure de retard. Ce serait vraiment trop juste pour avoir notre train que nous verrions filer devant nous et nous décidons de dîner à la gare St-Lazare. Il est très tard, les restaurants fermant à 9 heures, et nous dînons très vite chez Scossa où il y a foule. La poussière et le soleil nous ont altérés et un peu fatigués, surtout Madame Cirasse qui, malgré sa fatigue, est très satisfaite, comme son mari et nous cinq, de son intéressant quoique bien triste pèlerinage.
Pour se rendre compte de cette désolation sans pareille il faut vraiment avoir vu, les paroles sont impuissantes à exprimer un tel spectacle que nous ne pourrons jamais oublier et que trop de Français inconscients oublient déjà. Une impression qui frappe dans cette succession ininterrompue de ruines, c’est la destruction qu’on sent systématique et calculée de la part du Boche qui n’expiera jamais assez ses crimes innombrables. Les souvenirs de cette journée émouvante nous reviennent déjà en foule, entre autres cette belle route parcourue avant d’arriver à Soissons et bordée sur une longueur de plusieurs kilomètres par de beaux et gros arbres tous coupés par l’ennemi à 1 mètre du sol et transportés à l’arrière pour les utiliser à [mot illisible].
- Frederic S.
- Messages : 383
- Inscription : lun. nov. 22, 2004 1:00 am
Re: Tourisme et après-guerre
Et la fin...
Ils nous semblent, une fois rentrés dans Paris, trépider encore tant ces heures continues d’autobus ont été secouant. Nous sommes cependant relativement peu fatigués, mais combien poussiéreux. Certains voyageurs que nous avions remarqués l’après-midi étaient méconnaissables et nous nous trouvons présentables à côté. Nous sommes contents de pouvoir satisfaire notre soif en dînant, car malgré les fameux chicletes mâchés toute la journée, sauf par moi, tout le monde a souffert de la soif. Nous quittons Scossa à 9 heures, et le train de Simonne et Madeleine, de Mr et Mme Cirasse, étant à 9 h 30, nous les retrouvons à la gare après quelques pas aux alentours car, pauvre de nous, nous devons nous armer de patience jusqu’à 11 h ½, Garches étant toujours aussi bien desservi. Nous quittons à 9 h ½ nos quatre compagnons de voyage qui seront déjà dans leurs lits quand nous n’aurons pas quitté la capitale. Nous allons faire un plus grand tour que tout à l’heure pour patienter durant nos 2 heures d’attente et sommes déjà avant 11 heures dans le train où nous lisons jusqu’au bout. À minuit, nous arrivons enfin à Garches ; nous terminons tardivement notre journée commencée à l’aube.
Tous, nous garderons un souvenir émouvant de cette journée qui nous laisse une image si exacte de cette guerre des [bord de page déchiré] nous ne penserons jamais trop pour en éviter le retour. Que tous ceux qui n’ont en rien souffert de la guerre aillent contempler l’œuvre de l’Allemagne et rapportent d’un tel spectacle la résolution de participer au relèvement de notre France meurtrie et si grande dans sa Victoire.
Cordialement,
Frédéric S.
- J-L Jalabert
- Messages : 812
- Inscription : lun. oct. 18, 2004 2:00 am
Re: Tourisme et après-guerre
Bonjour à tous,
Pour illustrer ce fil, voici deux vues du monument de Chambry en Seine-et-Marne. C'est certainement l'un des plus anciens de la Grande Guerre, puisqu'il a été inauguré en 1915 pour le premier anniversaire de la bataille de la Marne.
Bon week-end,
J-Luc


Pour illustrer ce fil, voici deux vues du monument de Chambry en Seine-et-Marne. C'est certainement l'un des plus anciens de la Grande Guerre, puisqu'il a été inauguré en 1915 pour le premier anniversaire de la bataille de la Marne.
Bon week-end,
J-Luc

