La Guerre des gaz - 14/18 Magazine

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Arnaud Lejaille
Messages : 156
Inscription : mer. oct. 20, 2004 2:00 am

Re: La Guerre des gaz - 14/18 Magazine

Message par Arnaud Lejaille »

Bonjour,
Voici le résultat d'essais de concentration de différents agressifs sur le chien :
"Concentrations en vapeur nécessaire pour amener la mort dans les 48 heures".

Ces résultats permettent de classer ces différents corps en fonction de leur pouvoir létal.
De l’autre côté du Rhin, Haber pratiquera les mêmes expérimentations en les extrapolant à l’homme.

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rolando
Messages : 593
Inscription : lun. juil. 02, 2007 2:00 am

Re: La Guerre des gaz - 14/18 Magazine

Message par rolando »

Bonjour,
Voici le résultat d'essais de concentration de différents agressifs sur le chien :
"Concentrations en vapeur nécessaire pour amener la mort dans les 48 heures".

Ces résultats permettent de classer ces différents corps en fonction de leur pouvoir létal.
De l’autre côté du Rhin, Haber pratiquera les mêmes expérimentations en les extrapolant à l’homme.

http://i10.tinypic.com/4ly1thh.jpg
Bonsoir à toutes et à tous, Bonsoir Arnaud,

Merci pour ces informations et la reproduction du document d’archives.

Pourquoi utilisait-on des chiens et des lapins ?

L’extrapolation de l’utilisation des gaz de combat à l’espèce humaine me paraît assez difficile. Cependant le critère de mort dans les 48 h (réponse oui ou non) est tout à fait dans “l’esprit d’efficacité”, ceux qui survivent au-delà, sont atteints et définitivement ou transitoirement écartés des combats.
Le chimiste et le toxicologue apportent l’arme et le militaire l’emploie...
Cependant, à mon sens, pour arriver à des concentrations létales sur le champ de bataille une mise au point technique peut-être longue, et mettre à jour des impossibilités d’utilisation comme avec l’acide cyanidrique, très toxique mais qui se disperse rapidement en atmosphère libre.
Encore faut-il que la fabrication industrielle soit bien maîtrisée, le stockage et la conservation du gaz aisés, le transport facile, la mise en oeuvre sur le champ de bataille sans difficultés insurmontables, la méteo idéale... Vous devez trouver dans les archives un bon échantillons des problèmes rencontrés, ceux qui sont résolus, et les autres...

Bien cordialement, Caballero
Caballero
Arnaud Lejaille
Messages : 156
Inscription : mer. oct. 20, 2004 2:00 am

Re: La Guerre des gaz - 14/18 Magazine

Message par Arnaud Lejaille »

Bonjour à tous,

La recherche en archives est absolument passionnante et indispensable. J’habite à 300km de Paris et j’aimerai pouvoir m’y rendre plus souvent. :(
Voici quelques compléments d’information.

L’utilisation de chiens et de lapins répond d’abord à une question de disponibilité d’animaux de laboratoire. Ensuite, ces deux espèces sont celles, parmi les animaux disponibles, qui présentent le plus d’analogie avec l’espèce humaine. Leur sensibilité aux différents agressifs est relativement proche de nous (les chevaux et les bovins ont des capacités de résistance supérieures à certains toxiques). Les données physiologiques de ces espèces étaient également bien connues (fréquence cardiaque et respiratoire, surface (approximative) du parenchyme pulmonaire, température interne, etc…).

Un aspect des recherches menées par les services chimiques français était de mettre à la disposition des armées des munitions chimiques létales, à la demande du gouvernement et des autorités militaires. En effet, aucun toxique « idéal » ne fut trouvé et il fallut faire avec de nombreuses contraintes extrêmement diversifiées. En France, c’est essentiellement l’aspect industriel qui freina les velléités des chimistes.

L’acide cyanhydrique est effectivement un toxique qui retint l’attention des chercheurs et qui présentait une toxicité importante. Beaucoup d’auteurs décrivent aujourd’hui son action comme très peu efficace sur le champ de bataille. C’est une erreur, car si certains bombardements chimiques réalisés à l’aide de munitions chargées de ce toxique furent inefficaces, c’est uniquement du au fait que les artilleurs ne respectaient pas les techniques de tir qu’imposait ce toxique.
Pour essayer de faire simple, il fallait obtenir une concentration suffisante sur le terrain pour intoxiquer l’adversaire. En dessous de cette concentration, les effets n’étaient pas « moins bon », ils étaient nuls. Il fallait donc que le vent ne soit pas trop rapide, tirer à cadence maximale (c’est pourquoi le calibre de 75mm, tiré par un canon à cadence de tir rapide fut privilégié) sur une zone bien définie, sans utiliser d’autres munitions qui brisaient le nuage toxique formé.
En pratique, les artilleurs avaient souvent des réticences à utiliser les munitions chimiques seules et mélangeaient leurs tirs, malgré les consignes, avec des obus conventionnels. D’où des cadences de tir nettement insuffisantes et des nuages toxiques éparpillés par l’explosion des munitions conventionnelles. L’effet était ainsi nul. Mais utilisées dans des conditions précises, ce toxique pouvait avoir une efficacité redoutable.
Les munitions françaises possédaient une charge de rupture, exactement calculée pour briser les parois de l’obus. Au delà, l’énergie libérée détruisait une partie du toxique et le pulvérisait dans un espace trop important. Les autres belligérants ne prirent pas ce type de précautions et ne rencontrèrent que des déboires avec ce toxique fugace.

Sur le polygone de tir, dans des conditions de tir définies et pouvant être reproduites sur le terrain, on obtenait 100% de décès avec l’acide cyanhydrique comme avec le phosgène.
De nombreux essais furent également menés pour déterminer si certaines espèces animales ne présentaient pas de résistance ou de vulnérabilité particulière à certains toxiques. Ainsi, on pu corréler ces résultats aux humains et donc aux conditions du champ de bataille.
Comme vous le voyez au travers de ces quelques exemples, rien, absolument rien ne fut laissé au hasard.

Bien cordialement
rolando
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Inscription : lun. juil. 02, 2007 2:00 am

Re: La Guerre des gaz - 14/18 Magazine

Message par rolando »

Bonjour à tous,

La recherche en archives est absolument passionnante et indispensable. J’habite à 300km de Paris et j’aimerai pouvoir m’y rendre plus souvent. :(
Voici quelques compléments d’information.

L’utilisation de chiens et de lapins répond d’abord à une question de disponibilité d’animaux de laboratoire. Ensuite, ces deux espèces sont celles, parmi les animaux disponibles, qui présentent le plus d’analogie avec l’espèce humaine. Leur sensibilité aux différents agressifs est relativement proche de nous (les chevaux et les bovins ont des capacités de résistance supérieures à certains toxiques). Les données physiologiques de ces espèces étaient également bien connues (fréquence cardiaque et respiratoire, surface (approximative) du parenchyme pulmonaire, température interne, etc…).

Un aspect des recherches menées par les services chimiques français était de mettre à la disposition des armées des munitions chimiques létales, à la demande du gouvernement et des autorités militaires. En effet, aucun toxique « idéal » ne fut trouvé et il fallut faire avec de nombreuses contraintes extrêmement diversifiées. En France, c’est essentiellement l’aspect industriel qui freina les velléités des chimistes.

L’acide cyanhydrique est effectivement un toxique qui retint l’attention des chercheurs et qui présentait une toxicité importante. Beaucoup d’auteurs décrivent aujourd’hui son action comme très peu efficace sur le champ de bataille. C’est une erreur, car si certains bombardements chimiques réalisés à l’aide de munitions chargées de ce toxique furent inefficaces, c’est uniquement du au fait que les artilleurs ne respectaient pas les techniques de tir qu’imposait ce toxique.
Pour essayer de faire simple, il fallait obtenir une concentration suffisante sur le terrain pour intoxiquer l’adversaire. En dessous de cette concentration, les effets n’étaient pas « moins bon », ils étaient nuls. Il fallait donc que le vent ne soit pas trop rapide, tirer à cadence maximale (c’est pourquoi le calibre de 75mm, tiré par un canon à cadence de tir rapide fut privilégié) sur une zone bien définie, sans utiliser d’autres munitions qui brisaient le nuage toxique formé.
En pratique, les artilleurs avaient souvent des réticences à utiliser les munitions chimiques seules et mélangeaient leurs tirs, malgré les consignes, avec des obus conventionnels. D’où des cadences de tir nettement insuffisantes et des nuages toxiques éparpillés par l’explosion des munitions conventionnelles. L’effet était ainsi nul. Mais utilisées dans des conditions précises, ce toxique pouvait avoir une efficacité redoutable.
Les munitions françaises possédaient une charge de rupture, exactement calculée pour briser les parois de l’obus. Au delà, l’énergie libérée détruisait une partie du toxique et le pulvérisait dans un espace trop important. Les autres belligérants ne prirent pas ce type de précautions et ne rencontrèrent que des déboires avec ce toxique fugace.

Sur le polygone de tir, dans des conditions de tir définies et pouvant être reproduites sur le terrain, on obtenait 100% de décès avec l’acide cyanhydrique comme avec le phosgène.
De nombreux essais furent également menés pour déterminer si certaines espèces animales ne présentaient pas de résistance ou de vulnérabilité particulière à certains toxiques. Ainsi, on pu corréler ces résultats aux humains et donc aux conditions du champ de bataille.
Comme vous le voyez au travers de ces quelques exemples, rien, absolument rien ne fut laissé au hasard.

Bien cordialement
Bonjour Arnaud, Bonjour à tous,

Je vous remercie de ces belles et bonnes réponses bien documentées.

Un point me fait réagir “...si certains bombardements chimiques réalisés à l’aide de munitions chargées de ce toxique (CNH) furent inefficaces, c’est uniquement du au fait que les artilleurs ne respectaient pas les techniques de tir qu’imposait ce toxique.”

Pourquoi les artilleurs ne respectaient-ils pas les techniques de tir ? C’est tout de même extraordinaire que la discipline militaire soit en défaut pour appliquer un ordre général, surtout dans l’artillerie, arme où les connaissances des officiers sur le plan des mathémathiques et de la physique, même chez les officiers de complément, sont solides.
Personnellement je ne vois qu’une possibilité à cette erreur technique, c’est une formation insuffisante vis à vis d’un type nouveau de munitions. Peut-être aussi un frein psychologique du commandemandent sur le terrain (vous évoquez cette “réticence” sans approfondir) ? Cependant les témoignages de combattants mentionnent des absences pour conférences sur les gaz avec parfois parfois des travaux pratiques qui consistaient, avec un masque idoine, à traverser un tunnel à l’atmosphère chargée d’un gaz de combat. Certes ça ne ressemble pas à une situation de combat d’artillerie dans des nuages toxiques...
Mais rendre inefficace un tir d’obus toxiques en y ajoutant des obus classiques, ça ressemble fort à un sabotage, sinon à un refus d’obéissance !
Vous me pardonnerez de faire dériver le sujet hors des sentiers de la froide technique. Si le haut commandement a été au courant de tels agissements, quels mesures ont été envisagées, avez-vous trouvé dans les archives des réponses ou tout au moins une ébauche de questionnement ? L’affaire me semble d’importance.
Ces “réticences” concernent-elles seulement les obus chargés en acide cyanhydrique ou sont-elles propres à ce nouveau procédé de combat ?
J’ai lu que les bombardements mixtes (obus explosifs + obus chargés d’un gaz de combat), ont surtout été employés à partir de 1917 et jusqu’à la fin de la guerre, est-ce bien exact ?
Enfin connaissez-vous le tonnage de chaque gaz de combat utilisé au cours du conflit par les armées françaises ? Ceci afin de relativiser l’emploi de telle ou telle substance, si le poids est le bon critère.
Si rien ne semble avoir été laissé au hasard dans l’étude et les applications des gaz de combat, il y a des “imprévisibles”. On connaît la désobéissance de Von Kluck dans sa marche sur Paris.

Bien cordialement, Caballero
Caballero
CCA_ESAG
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Inscription : mer. mars 01, 2006 1:00 am

Re: La Guerre des gaz - 14/18 Magazine

Message par CCA_ESAG »

Bonjour à tous,
Bonsoir Rolando...

:love: ...non, les Artilleurs ne sont pas que des C...s :love:

En fait, toutes les armées vont connaître les mêmes déboires. Il faut être un tantinet indulgent avec nos anciens.
Ils sont trés disciplinés les artilleurs...Mais
- Mais les ingénieurs chimistes tatonnent. Je vous rapelle juste que pour balancer du gaz sur la tronche de votre ennemi préféré, il faut posséder une usine capable de fabriquer le produit chimique qui n'est pas toujours disponible à la vente dans les rayons de la Belle Jardinière....
- Mais, il faut ensuite fabriquer les obus...et je vous laisse imaginer les contraintes industrielles...vous rappelant au passage que la France, en 1914, achète ses produits chimique à ....L'Allemagne. La Perfide Albion aussi d'ailleurs !
- Mais, les Chefs ne constatent pas toujours sur le terrain, les prévisions des scientifiques, et ce, dans les deux sens (échec ou réusssite).
- Mais, quand bien même le voudraient-ils, la logistique à des raisons que l'Etat-Major ne comprends pas..
- Mais, la concentration des gazs dépend aussi de la vitesse du vent, de la valeur du radiant, de la topologie du terrain...

Il est donc primordial pour les scientifiques de concentrer juste, aux industriels de fabriquer à temps, au logisticien de transporter, à l'Etat-major de coordonner...
et à l'artilleur de tirer en fonction... en fonction tout ce qui est cité ci-dessus, pour ne pas gaspiller !!!
Parceque durant ces belles années, le tir d'aujourd'hui s'inscrit dans la continuité expérimentale de celui d'hier, et qui sera different de celui de demain...l'expéreince devant être poursuivie, etc.

Arnaud Lejaille pourra trés certainement completer cette analyse succincte, mais je vous rapelle que les gaz...C'est tout neuf et personne de sait vraiement comment les employer au mieux...
Cordialement.
B. Giudicelli
Arnaud Lejaille
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Inscription : mer. oct. 20, 2004 2:00 am

Re: La Guerre des gaz - 14/18 Magazine

Message par Arnaud Lejaille »

Bonjour à tous,

Je vais tenter de répondre à vos questions et d’apporter quelques compléments à la réponse de B. Guidicelli, sachant que le sujet est complexe. :pt1cable:

En effet, les artilleurs ne sont pas tous des c..s !!!!! Il ne s’agit pas de désobéissance. Les raisons de ces tirs mixtes sont nombreuses. En premier lieu, il faut bien comprendre que les techniques de tir chimiques ont évolués tout au long du conflit. Dans un premier temps (début 1916), les tirs mixtes étaient préconisés pour masquer l’utilisation d’obus chimiques, qui produisaient à l’éclatement un bruit particulier facilement reconnaissable. Les tirs chimiques exclusifs (valables uniquement pour les obus n°4 et 5) sont venus un peu plus tardivement. Pour former les artilleurs, des conférences furent organisée, mais imaginez… Former l’ensemble des officiers artilleurs d’une armée à l’utilisation d’une arme nouvelle, dont la tactique d’emploi pouvait varier tous les deux mois… Ajouter les réticences de cette arme « savante » (les artilleurs) à l’utilisation d’une munition particulièrement mal perçue, mise au point pas des civils…
Il faut aussi ajouter les difficultés d’approvisionnement en obus chimiques en 1916 et début 1917. Quand il fallait prévoir un plan de tir, l’intégration de munitions chimiques imposait un approvisionnement double, voir triple, avec des cadences de tir différentes. Les lacrymogènes n’étaient pas utilisés de la même façon que les obus n°4 et 5. Imaginez que pour les artilleurs allemands, il fallait également utiliser une hausse différente !!!!!! :pt1cable:
Enfin, tous ces raffinements iront croissant de 1916 à 1918, les types de tirs chimiques devenant de plus en plus nombreux. Les artilleurs ignoraient souvent tout des mille et un facteurs qui conditionnaient la réussite d’un tir chimique ; ceux-ci n’étant pas toujours bien maîtrisés par les personnes qui les mettaient au point. On tâtonnait…
Les Allemands excelleront dans la mise au point de tirs réellement ultra-complexes, dont la planification s’avérait être un véritable casse-tête. Leur théorie d’utilisation de l’arme chimique fut surtout développée grâce à l’observation, de façon empirique, souvent par les artilleurs eux-même.

L’essentiel des munitions utilisées pendant la Première Guerre par les Français, excepté les obus n°20 à l’ypérite (1918), sont des obus toxiques n°4 et n°5. Le reste est pratiquement anecdotique.

Bien cordialement.



rolando
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Re: La Guerre des gaz - 14/18 Magazine

Message par rolando »

Bonsoir à tous,
Un grand merci à Arnaud Lej aille et à cca_esag pour toutes leurs informations,
Bien cordialement, Caballero
Caballero
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