NELLY ― Cargo ― Armement Joseph Lasry, Oran.

Rutilius
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Re: NELLY ― Cargo ― Armement Joseph Lasry, Oran.

Message par Rutilius »


Bonsoir à tous,


■ Récompenses.

Journal officiel, 8 juin 1917, p. 4.462.


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« Un témoignage officiel de satisfaction est accordé au vapeur Nelly pour la belle attitude dont a fait preuve son équipage lors d’une attaque de sous-marins le 8 mai 1917. » (ibid.).


■ Distinctions.

Journal officiel, 8 juin 1917, p. 4.462.


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Par arrêté du Ministre de la Marine en date du 4 juin 1919 (J.O., 7 juin 1919, p. 5.933), fut inscrit à titre posthume au tableau spécial de Médaille militaire :


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(p. 5.940)
Bien amicalement à vous,
Daniel.
olivier 12
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Re: NELLY ― Cargo ― Armement Joseph Lasry, Oran.

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

NELLY

Rapport d’enquête fait par le LV Bodet, de la Police de la Navigation.


Vapeur NELLY 1868 tonnes Armement Lasry, d’Oran. Compagnie des Chemins de Fer de l’Etat algérien.
Effectue une traversée Oran – Rouen via Cherbourg.
Capitaine SERES François Ulysse (Grièvement blessé, est resté à Belle Ile et n’a pu être interrogé). Tous les renseignements ont été donnés par l’officier en second GIBERT et le lieutenant DOUBLIER, Directeur de tir.

Armement militaire du canon de 90 mm matricule 77 modifié 83 sur affût 1916
- BRAGARD QM canonnier Chef de pièce (blessé)
- TESSEREAU Canonnier breveté (Tué)
- CLECH Fusilier auxiliaire (Blessé)

Position le 8 Mai 1917 à 03h40 47°18 N et 04°56 W. Route au Nord à 8 nœuds. Beau temps, petite houle de Nord. Mer calme. Horizon embrumé.

Le second, qui était de quart, a aperçu deux sous-marins, sous la forme de deux points noirs dans l’Ouest à une distance de 1,5 mille, semblant faire route au NNW. Quand ils ont vu NELLY manœuvrer pour leur échapper, ils sont venus vers lui.
Venu sur la droite, cap au NE pour présenter l’arrière aux sous-marins. Machine à vitesse maximum. Appelé aux postes de combat.

NELLY avait un poste radio commandé par un moteur à essence qui actionnait la dynamo. Le moteur à essence étant froid, n’a pu démarrer de suite. Le matelot TSF Lavielle débouchait un bidon d’essence pour en verser dans les cylindres quand la magnéto a été atteinte par un projectile. Le matelot Lavielle a quand même tenté de se servir de la TSF, mais sans succès.

Tous les documents secrets et ordres de route ont été jetés à la mer liés à une grosse maille en fer.
Les sous-marins ont tiré au moins 100 coups de canon avant l’abandon et 5 ou 6 après l’abandon. Lors de la première salve, 3 coups sont arrivés simultanément. La riposte de NELLY s’étant produite presque aussitôt, le tir de l’ennemi s’est accéléré et les projectiles sont arrivés sans interruption. Environ 1 coup sur 3 portait au but. On peut estimer que NELLY a été touché entre 30 et 40 fois.
NELLY a tiré 17 coups en 25 minutes. A 03h45 les sous-marins étaient à 2000 m. Au 2e coup de canon, le pare-étoupilles a sauté, mais le tir a continué sans interruption.

Le feu a pris dans l’arrière du bâtiment et les gargousses ont brûlé. Mais les projectiles n’ont sauté qu’après l’évacuation du bâtiment qui a été finalement coulé par bombes et par cette explosion de la soute. Après l’abandon du navire, l’embarcation de NELLY s’est retrouvée comprimée entre la coque du navire et le sous-marin qui s’était approché.

Le corps du canonnier Tessereau a été englouti avec le navire. Il y a eu 12 blessés dont 5 grièvement :

- SERES Capitaine
- GEANETTI Maître d’équipage
- HENRIC Chauffeur
- ALI HASSAN Chauffeur (Arabes de nationalité anglaise)
- FARDEL Matelot

Blessés légers :

- BRAGARD QM canonnier
- CLECH Fusilier auxiliaire
- PEUET Commis aux vivres Bastia 4964
- ANGELI 3e mécanicien Bastia 5130
- RIZOULIERE Matelot Narbonne 1521
- MALBERTI Matelot Ajaccio 42
- SEGINER Chauffeur Oran 1952

L’équipage comportait 35 hommes, tous Français, sauf un Espagnol et un Arabe anglais. Tous le monde a été calme et discipliné, sauf le mousse qui a eu très peur et est allé se coucher…

Le capitaine a été blessé dès le début du combat, mais a assuré jusqu’à la fin la direction de son navire. Gouvernail coincé et arrière du navire en feu, il a donné l’ordre d’abandon. Il a fait tout son devoir. Les officiers ont suivi l’exemple de leur chef. Le second s’est occupé de la marche générale du navire et a maintenu le calme à bord. Le lieutenant a dirigé le tir jusqu’à ce que la plate-forme soit en flammes et l’ordre d’évacuation donné.
Sans l’avarie de barre, tout le monde aurait péri car le combat aurait continué sans trêve, selon le second. Le chef mécanicien a fait évacué machine et chaufferie et s’est assuré qu’il ne restait personne. Le second a fait de même pour le pont.
Tous à bord ont fait leur devoir, notamment l’armement de la pièce qui a fait l’admiration des officiers et de l’équipage.

Le commandant allemand a demandé au capitaine « English ? Italiano ? » Le capitaine a répondu : » Non. Français ». « Ah ! Vous êtes Français » s’est alors exclamé le commandant dans notre langue, qu’il parlait toutefois assez mal. Il a posé la même question à tout l’armement du canot qui l’avait accosté. Ayant reçu la même réponse, son attitude, qui était auparavant menaçante, est devenue indifférente. Ce commandant avait une tête carrée, avec l’air d’une brute et une face bestiale. Un officier et 3 matelots sont montés dans le canot pour aller poser des bombes. Le lieutenant Doublier, qui était dans le canot, a demandé à l’officier l’autorisation de remonter à bord pour prendre des pansements. L’Allemand n’a pas daigné répondre. Le lieutenant ayant renouvelé sa demande, il a répondu alors « Non », d’une façon si brutale que l’on sentait bien qu’il n’avait aucune pitié.
Les Allemands ont pris les vivres : conserves, pain, lentilles, café, amandes sèches… Ils ont aussi pris compas, sextants, alidades, jumelles, couteaux de cuisine… et les poules. Ils ont fait cela très vite car ils se rendaient compte que l’incendie de l’arrière devenait dangereux. Ils ont posé une bombe au centre du bateau et deux vers l’arrière, puis ont allumé les mèches.
Le sous-marin vint accoster le NELLY, manquant de peu d’écraser le canot. Il le prit alors en remorque et s’éloigna, attendant que ses hommes reviennent. NELLY a coulé vers 05h00. Les deux embarcations ont alors fait route sur Penmarch.

Les 34 survivants ont été recueillis à 08h50 par le vapeur norvégien GUSTAV VIGELAND (nota : que l’officier enquêteur appelle improprement GUSTAV VIGILANT) qui les a conduits à Belle Ile. Les Norvégiens ont agi vis-à-vis de ces hommes en gens de cœur. Ils ont installé les blessés dans le salon et le capitaine dans une cabine où il a été soigné par le capitaine norvégien lui-même. Les hommes ont été traités par les marins du GUSTAV VIGELAND avec cette cordialité affectueuse, traditionnelle dans la Marine et à laquelle seuls les Allemands dérogent. Ils les ont nourris et leur ont donné leurs propres effets. Tous gardent un souvenir extrêmement reconnaissant de cette hospitalité.

Description du sous-marin

60 m de long et 5 de large
Blockhaus plutôt petit, pouvant contenir 5 ou 6 hommes, avec superstructure très étroite.
1 périscope
Forte antenne TSF à 3 ou 4 fils. Isolateurs en porcelaine blanche.
Un tube lance-torpille de chaque bord
Gris clair. Peinture fraîche
Sur l’avant du sous-marin était inscrit le chiffre 40, peut-être son numéro.

Commandant en civil, avec un chapeau style Louis XI. Un autre officier avec casquette et veste bleue marine à boutons dorés. Equipage en tenue de travail ordinaire, souvent sale, portant des bonnets. On a pu lire « SMS HANNOVER » ou encore « Flottille Standerberg ». Officiers et matelots étaient armés de révolvers très longs.

Voici la silhouette du sous-marin. (Silhouette UC 16 – UC 79 à étrave inclinée)

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Le sous-marin attaquant

C’était l’UC 61 du Kapitänleutnant George GERTH.

Notons que le GUSTAV VIGELAND, de Bergen, qui récupéra les naufragés du NELLY, fera lui-même naufrage en Juillet 1923 en allant chercher du charbon au Spitzberg.

Récompenses

Citation à l’Ordre de l’Armée + Médaille Militaire

SERES François Capitaine au Cabotage Maître de manœuvre auxiliaire Narbonne 232

Pour le courage et l énergie dont il a fait preuve au cours d’un combat avec un sous-marin. A été grièvement blessé.

TESSEREAU Théophile Canonnier breveté Royan 264

Tué à son poste au cours d’une attaque de son navire par un sous-marin.

BRAGARD Georges QM Fusilier 24529.1

Chef de pièce. Blessé à son poste au cours d’une attaque de son navire par un sous-marin. Déjà cité à l’Ordre de l’Armée à bord de LA SAVOIE en Mars 1916

Citation à l’Ordre du Corps d’Armée

GIBERT André Capitaine au Cabotage Narbonne 1508

A fait preuve de beaucoup de sang froid et de dévouement lors de l’attaque de son navire par un sous-marin.

CLECH Emile Fusilier auxiliaire 6612 B

A montré beaucoup d’énergie et de courage dans un engagement avec un sous-marin

Citation à l’Ordre de la Division

DOUBLIER Louis Lieutenant Marseille 4876

Pour l’énergie et le sang froid dont il a fait preuve lors de l’attaque de son navire par un sous-marin.

TOS du Ministre


Vapeur NELLY pour la belle attitude dont a fait preuve son équipage lors d’une attaque de sous-marin le 8 Mai 1917.

Cdlt
olivier
Rutilius
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Re: NELLY ― Cargo ― Armement Joseph Lasry, Oran.

Message par Rutilius »

.
Bonjour à tous,


■ La victime.


— TESSERAUD Théophile, né le 9 février 1882 à Bignac (Charente) et domicilié à Paris, au 30, rue Bergère (IXe Arr.). Matelot de ... classe canonnier breveté, inscrit le 27 août 1903 au quartier de Royan, n° 264 ; classe 1902, n° 1.101 au recrutement d’Angoulême [Acte de décès transcrit le 30 juin 1917 à Paris (IXe Arr.), le 30 juin 1917 : Registre des actes décès du IXe Arr., f° 37, acte n° 1.092.].

Fils de Pierre TESSERAUD, né le 2 septembre 1835 à Bignac, cultivateur, et de Rose Donatien Geneviève VARBRUGE, née le 7 mai 1857 à Bordeaux (Gironde), cultivatrice ; époux ayant contracté mariage à Bignac, le 12 décembre 1876 (Registre des actes de mariage de la commune de Bignac, Année 1876, f° 4, acte n° 3. ~ Registre des actes de naissance de la commune de Bignac, Année 1882, f° 2, acte n° 3.). Célibataire.

[Acte de décès établi par André GIBERT, second capitaine ; témoins Louis DOUBLIER, lieutenant (30 ans) et Louis SAINT-AMAND (32 ans). Selon les mentions de cet acte, décès survenu le 8 mai 1917 à 4 h. 40, par 47° 15 N. et 5° 2’ W.]


**********

Cité à l’ordre de l’armée dans les termes suivants (J.O. 8 juin 1917, p. 4.462) :

« Tessereau [sic] (Théophile), canonnier breveté (Royan 264) : tué à son poste au cours d’une attaque de son navire par un sous-marin. »


Par arrêté du Ministre de la Marine en date du 4 juin 1919 (J.O. 7 juin 1919, p. 5.933 et 5.940), inscrit à titre posthume au tableau spécial de Médaille militaire dans les termes suivants :

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Bien amicalement à vous,
Daniel.
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