Puissance de feu des Corps d'Armée allemands et français en 1914

ALVF
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Re: Puissance de feu des Corps d'Armée allemands et français en 1914

Message par ALVF »

Bonsoir,

La question des mitrailleuses en France est plus compliquée qu'il n'y paraît à première vue.
Si les textes d'emploi sont lamentablement absents de la production de l'Etat-Major de l'Armée, à l'exception des manuels et règlements techniques, la "littérature militaire" française en ce domaine est extrêmement riche en études d'officiers. Depuis 1900, au moins 20 livres sur ce sujet ont été publiés chez les éditeurs militaires, leurs auteurs sont essentiellement des officiers des grades de lieutenant à commandant.
J'ai sous la main une douzaine de ces livres pleins d'excellentes analyses qui auraient dû et pu inspirer les généraux de 1914. D'ailleurs, le premier livre important sur ce sujet a été rédigé par le chef d'escadron Gabriel Rouquerol en 1902 (rappelons que cet officier, devenu général commandant l'artillerie du 3e Corps d'Armée, assuma réellement le commandement de ce Corps en 1914 à Charleroi au moment critique de la bataille quand le général Sauret "La Honte" abdiqua de fait son commandement lamentable).
Un premier fait à prendre en compte dans les jugements des autorités civiles et militaires d'avant 1914: l'emploi désastreux qui fut fait en 1870 du canon à balles de Reffye, ancêtre des mitrailleuses et "arme miracle" de l'Empereur Napoléon III.
Pourtant, ces armes remportèrent des succès tactiques notables à plusieurs reprises (voir le livre du commandant Reboul, éditions Chapelot-1910).
Petit rappel, dans le livre de Jules Cesbron-Lavau "Les mitrailleuses de cavalerie" (éd. Siraudeau-1908):
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Un jugement sur l'emploi des mitrailleuses modernes dans le livre précité de 1908 (sur mon exemplaire ayant appartenu au Général et futur Maréchal Fayolle, toutes les pages concernant l'emploi des mitrailleuses ont été l'objet d'annotations particulières):

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Ce livre, comme tous ceux parus après 1905 contient de multiples exemples du tir foudroyant des mitrailleuses lors de la guerre russo-japonaise.
Les officiers français avaient donc une large documentation à leur portée et il faudra bien un jour expliquer la "fuite en avant" des "jeunes turcs" de l'entourage de Joffre dans leur "nouvelle" conception de l'offensive.
La question de l'expérience du feu des mitrailleuses avant 1914 peu se résumer ainsi:
-la guerre russo-japonaise est citée dans les livres de tous les pays et singulièrement en France, les contacts entre militaires français et russes ont été suffisamment nombreux pour se faire une idée très précise de la question. D'autant plus que l'Armée russe était équipée de mitrailleuses "Maxim", presque identiques aux mitrailleuses allemandes tandis que les japonais avaient employé la mitrailleuse française Hotchkiss!
-les allemands n'ont eu avant 1914 aucune expérience réelle de l'emploi au combat, à l'exception des opérations dans le Sud-Ouest africain et des campagnes contre les Héréros.
-les français ont employé la mitrailleuse Hotchkiss qui équipait les unités coloniales et l'Armée d'Afrique avant même l'adoption de la mitrailleuse Saint-Etienne. Cet emploi n'avait rien à voir avec du "rétablissement de l'ordre" et a concerné à plusieurs reprises des "attaques en masse" de guerriers déterminés et bien armés contre des postes entourés de barbelés avec les conséquences qu'on imagine pour les assaillants.
-les "événements" insurrectionnels au Mexique et en Espagne ont aussi été très commentés dans la littérature de l'époque (emploi dans les deux cas des mitrailleuses françaises Hotchkiss).
-certains cadres français ayant suivi les cours des Ecoles spécialisées du tir de l'infanterie de Corps d'Armée avaient une solide expérience de l'emploi des mitrailleuses. On ne trouve pas trace par contre en France de stages comparables à ceux de l'Armée allemande, cités plus haut, à destination des commandants de régiments et de bataillons.
-les guerres balkaniques ont aussi fait l'objet de nombreux compte-rendus des officiers envoyés en mission ou en observateurs (dont des généraux), tant en ce qui concerne l'utilisation de l'artillerie lourde que des mitrailleuses.

Après cette esquisse, deux petits exemples de la mentalité de l'époque:
-lors de Grandes Manœuvres de cavalerie, un lieutenant, chef de section de mitrailleuses de cavalerie, fut sévèrement blâmé par son général de Division de Cavalerie après avoir effectué un tir à blanc au moment d'une "belle" charge de cavalerie alors que sa section avait été à peu près oubliée des participants mais avait un choisi un bon emplacement.
-de même, une section de mitrailleuses d'infanterie troubla la sérénité d'une belle attaque d'infanterie effectuée à la satisfaction béate du ministre et de nombreux parlementaires d'autant que le cri de "Vive la République" poussé par des milliers de poitrines témoignait de la fidélité de l'Armée aux Institutions!
Cordialement,
Guy François.
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IM Louis Jean
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Re: Puissance de feu des Corps d'Armée allemands et français en 1914

Message par IM Louis Jean »

Bonsoir à toutes et à tous,
[/quotemsg]
Difficile de faire mieux comme contresens.



[quotemsg=106916,10,75]Pierre Serven qui n'est un civil que depuis peu ( il me semble) tombe lui aussi dans le travers de presque tous les militaires qui veulent absolument, pour je ne sais quelles raisons obscures, exonérer la hiérarchie de toutes responsabilités dans la préparation de la France au conflit.
La citation n'est pas de Pierre Servent (1), mais du général Galliéni comme je l'ai très clairement écrit.
C’est une position tellement caricaturale qu’elle en devient risible. Les généraux tenaient les rennes du ministère des « choses militaires » depuis bien longtemps, et n’étaient pas aussi brimés que le laissent croire ces lignes. Les comptes-rendus de Commissions prouvent absolument le contraire.
Elle est tout le contraire d'un transfert de responsabilités sur le dos des politiques puisque les mis en cause sont très majoritairement des militaires (2)! C'est une charge contre des militaires ; qui tenaient les rênes.

Toutefois, la responsabilité est à partager avec les politiques, personne ne peut être exonéré des responsabilités, le général Baquet le démontre dans ses "Souvenirs d'un directeur de l'Artillerie". J'ajouterai comme exemple que quand des politiciens imbéciles donnent des ordres idiots à des militaires incompétents cela donne des catastrophes, comme le Rainbow warrior.

Cordialement
Étienne

(1) Pierre Servent
Il vous a mal semblé :
Diplômé de Sciences Po Paris et titulaire d’un DEA d’histoire contemporaine, Pierre Servent suit une carrière à multiples visages. Il commence par être journaliste pour le quotidien La Croix pendant la guerre du Liban, puis pour Le Monde au début de la guerre du Golfe. Parallèlement, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire politique, notamment ‘D’Oedipe à Matignon’, ‘Le Complexe du Premier ministre’, paru en 1989 ou ‘La Trahison des médias’. Après plusieurs années en tant que journaliste, Pierre Servent change de cap et devient porte-parole du ministère de la Défense de 1995 à 1997 puis expert en stratégie militaire et spécialiste des questions de défense. Spécialiste des conflits et de l’armée et maîtrisant le milieu journalistique, Pierre Servent intervient régulièrement dans les médias français et étrangers, notamment France Télévisions, LCI ou Radio Canada.
Il enseigne au Collège Interarmées de Défense (ex-École de guerre). Colonel de réserve, il a servi comme officier du COS (commandement des opérations spéciales) dans les Balkans, en Afghanistan et en Afrique ; un civil homme de terrain ; et quand on connaît la reconnaissance dont ils "bénéficient", comme les HC... J'ignore ses opinions politiques (je m'en contrefiche) et partage nombre de ses analyses, très pertinentes et très anticonformistes pour quelqu'un que les bogomiles classeront dans la catégorie des valets du militarissss, et pourtant :

Extrait de "Les guerres modernes racontées aux civils... et aux militaires"
<< On ne peut pas pousser la réflexion au delà de ce que le chef permet", relève un officier supérieur à quelques mois de son départ du service actif. (...) Lors d'un débriefing d'exercice, personne ne se permettra d'avancer l'ombre d'une critique qui pourrait concerner un officier de haut rang. Certains généraux la sollicitent parfois, mais peu nombreux sont les subordonnés qui s'avancent sur ce terrain jugé miné. (...) Evidemment, la soumission intellectuelle ou la peur de déplaire au chef ne sont pas bonnes conseillères, surtout face à des réalités complexes. Et cela conduit toujours à des dysfonctionnements. Un officier général français, ayant longtemps servi à l'étranger et en ambiance internationale, note la chose suivante : "Aux Etats-Unis, ches les militaires, on discute énormément. Puis, un fois la décision prise, chacun obéit strictement aux ordres. En France, c'est le contraire : avant une décision, on discute peu, ou pas du tout, et ensuite personne n'obéit strictement...>>

(2) 1914
Directeur de l'Infanterie : général Guillaumat. Directeur de l'artillerie : général Mengin. Général Chevalier, directeur au ministère de la Guerre. Directeur de la Cavalerie : général Anselin. Directeur du Génie : général Chevalier. Directeur du Service de Santé : médecin inspecteur Troussaint. Directeur des poudres et salpêtres : général Gaudin. Vice-amiral Pivet, directeur au ministère de la Marine. Directeur des troupes coloniales : général Berdoulat. Directeur de l'intendance : intendant général Défait. Président du comité du Génie : général Dupommier. Directeur de l'aéronautique militaire : général Bernard. Directeur du génie : général Goëtschy. Directeur du Service des transports : général Coupillaud. Les inspecteurs et contrôleurs, et coetera, (avec peut être quelques erreurs non significatives)
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
chanteloube
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Re: Puissance de feu des Corps d'Armée allemands et français en 1914

Message par chanteloube »

Bonjour Guy François,

Je vous remercie sincèrement de cet échange positif, constructif et des compléments que vous avez, à nouveau, apportés à votre réponse.

A bientôt
CC
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IM Louis Jean
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Re: Puissance de feu des Corps d'Armée allemands et français en 1914

Message par IM Louis Jean »

Bonsoir à toutes et à tous,

La citation du général Galliéni met très clairement en cause la hiérarchie militaire et, donc, écrire <<le travers de presque tous les militaires qui veulent absolument, pour je ne sais quelles raisons obscures, exonérer la hiérarchie de toutes responsabilités dans la préparation de la France au conflit. C’est une position tellement caricaturale qu’elle en devient risible>> est un contresens.

Pour le colonel Chauvancy, hors sujet ici, je serais ravi de voir l'article complet dans le fil consacré au plan XVII.

Cordialement
Étienne
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IM Louis Jean
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Re: Puissance de feu des Corps d'Armée allemands et français en 1914

Message par IM Louis Jean »

Bonjour à toutes et à tous,

Votre phrase <<le travers de presque tous les militaires qui veulent absolument, pour je ne sais quelles raisons obscures, exonérer la hiérarchie de toutes responsabilités dans la préparation de la France au conflit. C’est une position tellement caricaturale qu’elle en devient risible>> portait un jugement sur la stricte citation des mémoires de Galliéni, qui n'était accompagnée d'aucun commentaire.
Il m'a paru donc indispensable de rétablir le sens de la citation, que certains lecteurs pourraient simplement survoler et n'en retenir donc que le commentaire-contresens.

Quant aux ganaches et autres boucs émissaires, il y a longtemps que je ne crois plus qu'il y ait les bons d'un côté et les méchants de l'autre. La recherche des responsabilités est plus à chercher dans un ensemble de collectifs, de mentalités , d'interactions etc que dans une individualité ou une catégorie. Cela me paraît plus constructif et intéressant.

Cordialement
Étienne

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badon54
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Re: Puissance de feu des Corps d'Armée allemands et français en 1914

Message par badon54 »

Bonjour

C'est en général à ce moment qu'un modérateur intervient, et précise que le sujet de départ est :
"Puissance de feu des Corps d'Armée allemands et français en 1914"

Encore un fil excellent gâché sur ce forum.

Bonne fin de journée.
Salutations
Bernard
chanteloube
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Re: Puissance de feu des Corps d'Armée allemands et français en 1914

Message par chanteloube »

Bonjour BADON 54 ,

Donc je fais le ménage....pour ne pas déranger...."un lorrain d'abord "
A bientôt.

CC
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IM Louis Jean
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Re: Puissance de feu des Corps d'Armée allemands et français en 1914

Message par IM Louis Jean »

Bonsoir à toutes et à tous,
Encore un fil excellent gâché sur ce forum.
Je suis "d'accord" et "pas d'accord" avec vous, mais je respecte votre lecture!

D'accord : les digressions vers le plan XVII ou la calomnie contre les "Midis" sortent du sujet initial, (mais elles ne se sont pas développées).

Pas d'accord : La question de la puissance de feu n'est pas simplement une question d'arithmétique, je partage donc le questionnement de Claude Chanteloube :
<< pouvez-vous nous éclairer:
1-sur les doctrines si différentes d'emploi de ces mitrailleuses?
2-sur les raisons profondes de cette différence?
3-sur le " malheureusement " et ses conséquences? >>

Le débat sur le pourquoi et les responsabilités, mitrailleuses ou artillerie lourde, entre à mon avis fondamentalement et de plein droit dans la comparaison des puissances de feu.

Cordialement
Étienne

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badon54
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Re: Puissance de feu des Corps d'Armée allemands et français en 1914

Message par badon54 »

Voici ce que je reçois de Chanteloube
Bonjour,

En faisant le malin c'est vous qui avez verrouillé la discussion.... Vous pouvez être fier de vous, monsieur le gendarme du 54!

CC
Quelqu'un peut-il lui dire que le fil n'est pas vérrouillé.
Quant à me traiter de gendarme, euh, c'est peu me connaître :lol:
Salutations
Bernard
chanteloube
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Re: Puissance de feu des Corps d'Armée allemands et français en 1914

Message par chanteloube »

Bonjour Badon

Puisque vous avez choisi de rendre publique ma remarque privée je vais vous répondre publiquement..et demande à la modération de laisser passer ma réponse

En agissant comme vous l'avez fait, c'est à dire assez grossièrement, et en vous substituant au modérateur, ce que jamais personne sur ce forum n'a fait, (que la discussion soit vive ou même rude ), je persiste à dire que vous avez joué au petit malin..... et au gendarme. Même si vous vous en défendez.

Vous avez, en quelque sorte, expliqué aux modérateurs qu'ils manquaient de vigilance et vous installez, sans l'avoir voulu probablement, une manière de faire que nul n'avait pratiqué sur ce ton "gendarmesque".

Ensuite, en vous adressant aux autres membres du forum et en utilisant le "lui" à propos de moi, vous faites montre d'une goujaterie peu commune. Un genre de délation....
C'est une nuance qui vous échappe probablement mais il eut été plus dans les usages de la bienséance de dire: "quelqu'un peut-il rappeler à Chanteloube......."


J'ajoute que vous avez oublié la formule de politesse qui est, pour les gens bien élevé, de mise, lorsqu'on entre sur le forum

Question d'éducation!


CC
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