les femmes pendant la Grande Guerre (+ accès au sommaire)

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Skellbraz .
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Re: les femmes pendant la Grande Guerre (en p 1: accès au sommaire)

Message par Skellbraz . »

Bien vu pour le corset, mais c'est encore l'époque, Coco n'est pas passée par là.
re-Alain
C'est exact Alain, mais je trouve que celui-ci est plutôt "proéminent", il fait style corset "médical".
cordialement
Brigitte
PS : J'ai l'impression que la dame porte un pantalon-salopette, elle aurait ôté le haut, la bavette est peut-être retenue devant, par une épingle à nourrice( ??? suppositions)
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air339
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Re: les femmes pendant la Grande Guerre (en p 1: accès au sommaire)

Message par air339 »

Bonjour,


L'identification de la coiffe de Plougastel nous donne une indication intéressante sur l'origine des ouvrières. Cette Plougastellenn peut-elle venir quotidiennement de sa commune ? Que représente le trajet en 1914 ?

Pour l'arête visible du corset en photo 1, je ne pense pas non plus à un appareillage orthopédique mais un classique corset comprimant le ventre et qui doit rendre bien pénible le travail assis.

Alain, j'ai retrouvé le descriptif des étapes d'usinage par l'ingénieur Berger, et précisément à l'arsenal de Brest : il y a bien un premier contrôle des cotes après ogivage et trempage, puis un second avant la pose de la ceinture.

La photo ajoutée par Guy François montre à nouveau la tenue de travail moderne pour cette ouvrière qui manipule une machine. Apparemment ces tenues "salopette" ne sont portées que par les tourneuses, un album sur Gallica montre de nombreux autres clichés avec invariablement des blouses claires pour toutes les autres tâches.
Je vais en faire quelques zoom.
Le travail effectué par cette ouvrière semble concerner l'usinage des gaines de détonateur. A droite, il y a des piles de plateaux contenant de têtes de gaines. A gauche, un autre plateau posé sur une table semble contenir des gaines. On en aperçoit une au sol, derrière un pied de la table. Tout à gauche, les barres posées par terre seraient donc les tubes servant à faire les gaines, et les 4 longues barres de la machine serviraient à les guider ? Je n'emets que des suppositions qui demanderaient confirmation.

Bien cordialement,

Régis
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Skellbraz .
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Re: les femmes pendant la Grande Guerre (en p 1: accès au sommaire)

Message par Skellbraz . »

L'identification de la coiffe de Plougastel nous donne une indication intéressante sur l'origine des ouvrières. Cette Plougastellenn peut-elle venir quotidiennement de sa commune ? Que représente le trajet en 1914 ?
Bonjour à toutes et tous,
Régis, voici quelques éléments de réponse:
* la coiffe dite "de Plougastel" était portée par les paysannes de la région brestoise, pas seulement par les femmes de Plougastel. Les femmes qui sont dans l'arsenal de Brest peuvent venir de toutes sortes de zones rurales des alentours.

*Au moment de la GG, Brest n’était pas aussi urbanisée qu’elle l’est actuellement, les zones rurales étaient à proximité. D'autre part, la ville a été reliée au réseau des chemins de fer en 1865. Dès 1898, elle est desservie par un réseau de tramway. Brest fut également desservie par des chemins de fer secondaires à voie métrique qui la reliaient à Saint-Pol-de-Léon ( une zone très rurale). Les ouvrières pouvaient prendre ces moyens de transport.
Dans les exemples suivants, il est question de toutes petites gares comme Kerhuon et le Rody( dès 1866, la petite gare du Rody, permettait d'atteindre l'arsenal de Brest via un tunnel)

*Du côté de Brest, il y eut d’autres usines que celle de l’Arsenal : la poudrerie de Saint Nicolas-Guipavas et celle du Moulin Blanc –Kerhuon .

Celle de Saint Nicolas, sur la commune de Guipavas, était carrément en zone rurale. Au cours de la GG, mais déjà auparavant, on procéda à des expropriations pour agrandir les usines.

Guipavas:
Image

J’ai connu cette commune de Guipavas qui comptait pas mal de petites fermes familiales, je les ai vues disparaître à la fin des années 50.

le Moulin Blanc

Image

source : « usines de guerre : poudrerie du Moulin Blanc, Guipavas »
http://87dit.canalblog.com/archives/201 ... 75904.html
(D'après Raymond Quentel, L'histoire du Relecq-Kerhuon et des Kerhorres, tome II, 1997)

très cordialement
Brigitte

ps : Ps :
Les zones rurales, les petits ports de pêche ont vu partir à la guerre les paysans et les pêcheurs. Ploudalmézeau, Portsall, Porspoder… sont reliés à Brest par le train. Les épouses qui ont besoin de travailler peuvent l’utiliser. Je n’ai cependant pas trouvé de témoignages directs
source: http://appcl.over-blog.com/page-1298731.html
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air339
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Re: les femmes pendant la Grande Guerre (en p 1: accès au sommaire)

Message par air339 »

Bonsoir Brigitte,


Bien intéressants ces éléments sur l'évolution de l'emprise de l'industrie de guerre sur les terrains alentour. Donc le bassin d'emploi pour cette industrie concerne un large périmètre autour de Brest.
En région parisienne, des "munitionnettes" prenaient leur train de banlieue dès 3h du matin, pour embaucher à 5h30. Il devait en être de même dans le lointain Finistère.

Sur l'inégalité "officielle" des salaires, un arrêté du 15 juin 1917 indique les montants minimums :
Femme de plus de 18 ans, non spécialisée : 40 cts/heure
Homme de plus de 20 ans, manoeuvre non-spécialisé : 60 cts/heure
Femme spécialisée : 50 cts/heure
Homme manoeuvre spécialisé : 65 cts/heure.

En observant de plus près les activités dans les industries de guerre, on observe une division des tâches, les femmes ne remplaçant pas exactement celles des hommes, ce qui peut brouiller les comparaisons. Mais quand c'est le cas, la différence salariale est flagrante. D'autres grilles de salaire présentent des différences de 15 a 30% pour un travail équivalent (salaires minima en janvier 1917 pour soudeur autogène : homme =1f, femme = 85cts). Ces différences sont celles d'avant-guerre, et persistent encore.

Bien cordialement,

Régis
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Re: les femmes pendant la Grande Guerre (en p 1: accès au sommaire)

Message par Skellbraz . »

Donc le bassin d'emploi pour cette industrie concerne un large périmètre autour de Brest.

re-Régis,
En réalité, Guipavas et Brest ne sont pas très éloignées, maintenant, les communes ne font plus qu'une. Quant au Moulin Blanc, j'y allais à pied quand une plage fut aménagée ( à l'époque, on ne rechignait pas pour marcher)
En région parisienne, des "munitionnettes" prenaient leur train de banlieue dès 3h du matin, pour embaucher à 5h30. Il devait en être de même dans le lointain Finistère.
Si les ouvrières empruntaient le "train-patates", par exemple depuis Portsall, elles avaient plus d'une heure de trajet. De nos jours, un tel temps de trajet est en effet devenu monnaie courante
cordialement
Brigitte
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Message par Skellbraz . »

*
bonsoir à toutes et tous,

Un camp de femmes à Brest

Brest avait été choisi par les Américains pour faire entrer leurs troupes en Europe, avant qu’elles ne rejoignent le front ». Le nombre d’hommes ayant transité par Brest est évalué à 800.000 pour l'arrivée (autour d'un million pour le retour). C’est énorme pour une ville qui ne compte que 80 000 habitants.
A la fin de la guerre, Brest, comme Saint Nazaire et Bordeaux, ouvrit un camp pour les femmes qui suivaient leur nouveau mari aux États-Unis. Le camp du Bouguen, baptisé "The bride's camp", ouvre en mai 1919,.
2.193 femmes et environ 200 enfants transiteront par cet endroit. Ces femmes venaient de toute l'Europe et n’étaient pas nécessairement de nationalité française. Elles avaient en commun le fait d’avoir rencontré des soldats américains.
Les futures mariées faisaient l’objet d’une enquête de moralité, les futurs mariés aussi, pour s’assurer qu’ils n’avaient pas déjà une femme aux États-Unis.
Hébergées dans le camp du Bouguen, en attendant de partir pour l’Amérique, elles recevaient des cours d’anglais, d’éducation civique…  A l’intérieur du camp, la discipline était stricte, mais tout était prévu pour elles et pour les enfants. Seuls les soldats qui avaient payé la traversée de leur femme pouvaient partir avec elles. Les dernières épouses partiront en décembre 1919.

Sources :
1] « Grande Guerre, Brest c’est l’Amérique » : http://www.letelegramme.fr/finistere/br ... 522660.php
2] « Brest, la vie des femmes en 1917-1919 … http://www.ouest-france.fr/bretagne/bre ... ue-5074616
« Entendling alliances, foreign war brides and americains soldiers in the twentieth century » par Susan Zeiger

le camp du Bouguen: les soldats font seulement une visite aux dames, les barraques n'étaient pas mixtes.
Image
source photo (lien 2)
cordialement
Brigitte
Dernière modification par Skellbraz . le mer. mars 07, 2018 10:22 pm, modifié 1 fois.
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Message par Skellbraz . »

Régis,
l'étude qui se trouve sur ce lien que vous nous avez communiqué est en effet très intéressante. (la Poudrerie nationale de Sorgues)
cordialement
Brigitte

merci de continuer les recherches sur les salaires des ouvrières.
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Message par Skellbraz . »

*
bonjour à toutes et tous

Gabrielle Duchêne
Image

Source : « Gabrielle Duchêne et la recherche d’une autre route, entre le féminisme pacifiste et l’anti fascisme » , thèse d’Emmanuelle Carle, Université McGill, Montréal, Département d’histoire. (bibliothèque et archives du Canada)

Comme l’indique le titre de la thèse d’Emmanuelle Carle, les engagements de Gabrielle Duchêne sont multiples, complexes et paradoxaux.

Je ne développe qu’une petite partie de ses activités. Par exemple, ses actions en faveur d’un développement du syndicalisme féminin ou encore son militantisme pacifiste, exprimé par son appui au Congrès des pacifistes féministes réunies à La Haye en 1915 ne sont pas abordés ici.

Avant la Grande Guerre, Gabrielle Duchêne s’intéressait déjà aux conditions de travail des ouvrières à domicile. Ce travail doit son essor à l’invention de la machine à coudre. La thèse fait état de 1 200 000 ouvrières à domicile, en région parisienne, au début du siècle dont plus de 850 000 dans le secteur de l'habillement. Gabrielle Duchêne lutte contre l’exploitation de ces femmes.

Son engagement se renforce avec le déclenchement de la guerre : les femmes qui travaillent pour l’industrie du vêtement subissent le chômage de plein fouet. G D constate d’autre part que l'action des femmes, issues des milieux favorisés, qui participent à l’effort de guerre en confectionnant bénévolement des vêtements pour les soldats, a des répercussions fâcheuses sur les ouvrières qui ont besoin de leur salaire pour vivre. Elle l’exprime en publiant des articles dans le Figaro et Le Temps. Elle s’implique en participant à de multiples réunions d’études au Ministère du Travail où elle propose l’idée d’un salaire minimum féminin. Elle multiplie les interventions, y compris en province (au Conseil Général et à la Préfecture de Haute Garonne). Malgré ces interventions, la situation des ouvrières du secteur de l’habillement reste précaire.
En mars 1915, Gabrielle dénonce aux ministères de la Guerre et du Travail, la baisse des salaires féminins dans la confection des fournitures militaires. Une loi sur le salaire minimum est finalement votée par le Sénat le 10 juillet 1915, son objectif est la protection et l’amélioration des conditions de travail des ouvrières à domicile.
Cette loi souffre de son manque de mise en application. Elle est également critiquée parce qu’elle ne concerne que les ouvrières du secteur de l’habillement travaillant à domicile.

Une grève est déclenchée en 1917 par les midinettes d’une maison de couture de luxe parisienne. Elles sont suivies par les munitionnettes, à Paris et en province. Selon GD, il s’agit d’un élargissement de la réaction contre les abus. En mai 1917, le Ministère de la Guerre décrète une majoration des salaires, en juin de la même année, la loi sur la semaine anglaise est votée. lien
L’activité et les engagements de Gabrielle Duchêne se poursuivent après la GG, il est intéressant de lire la thèse en entier.

Source photo : https://en.wikipedia.org/wiki/Gabrielle_Duch%C3%AAne
concernant la règlementation du travail féminin, un lien qui nous vient de Régis /Air 339

Cordialement
Brigitte
oups, le lien! : pages1418/forum-pages-histoire/autre/fe ... tm#t119708
Dernière modification par Skellbraz . le mer. mars 07, 2018 10:22 pm, modifié 1 fois.
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air339
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Re: les femmes pendant la Grande Guerre (en p 1: accès au sommaire)

Message par air339 »

Bonjour Brigitte, bonjour à tous,



Ces éléments sur l’action de Gabrielle Duchêne sont très intéressants.

Dans la foulée, voici d’autres éléments sur le travail féminin, tirés essentiellement d’une publication de 2014, « 14 18, l’autre front. Les femmes de Gironde au temps de la Grande Guerre », éd. Archives Départementales de la Gironde, et quelques indications issues d’un article d’octobre 1920, « main d’œuvre militaire et civile au 1er janvier 1918 », par le lt-colonel d’artillerie Delavallière, éd. Berger-Levrault. Et quelques souvenirs de la mémoire familiale…


Avant le 2 Août

A la veille de la guerre, un recensement compte 7,7 millions de femmes actives, dont 3,5 sont dans le secteur agricole. Au total, 39% des femmes sont considérées comme actives (66% aujourd’hui, mais les critères INSEE sont différents).

On a déjà relevé, sur le forum, pour l’immédiat avant-guerre, des fortes disparités de revenu selon les régions, mais aussi selon leur mode de calcul (à la journée, à la pièce), ou encore le lieu de travail (usine, atelier, domicile).
La diversité des métiers (il n’y a ni répertoire ROM définissant les métiers et leurs compétences, ni conventions collectives) brouille aussi toute comparaison. Une employée de maison peut être : femme de service, de chambre, de ménage, de garde, servante, cuisinière, lingère, bonne à tout faire, etc… dont la rémunération dépendra du statut social de l’employeur. Pendant la guerre, une de mes grand-mères (âgée alors de 16 ans) était employée de maison dans l’hôtel particulier, rue de Médicis à Paris, de propriétaires d’un grand magasin parisien. Je serais bien en peine de savoir à quel emploi précis la rattacher ! Dans un atelier de textile, on va différencier les coupeuses, rencontreuses, surjeteuses raseuses, presseuses, bottineuses, doubleuses, finisseuses, rabatteuses, laveuses essoreuses, savonneuses, lisseuses à la main, lieuses, piqueuses calendreuses, repasseuses, etc, puis toutes les spécialités de mécaniciennes, aides-mécaniciennes…

A chaque activité peut s’appliquer un « tarif » différent.


Au 2 Août

La mobilisation entraine la fermeture de nombreux ateliers ou activités artisanales (départ du patron, des ouvriers qualifiés). Toujours dans la mémoire familiale, le départ des ouvriers qualifiés dans la petite taillerie de pierres précieuses, cette fois à Gex (Ain), cause de sérieux problèmes d’après les courriers échangés.
La loi du 5 août 1914 prévoit une allocation aux femmes de mobilisés sans ressources : 1fr 25, majorée de 50 cts par enfant à charge. A noter qu’avant la fin août 1914, les prix des denrées ont déjà sérieusement flambés, parfois de 20%... ce qui va amener le gouvernement à légiférer et encadrer le prix du pain (aliment de base et cause de révoltes « frumentaires »).

Dans le monde agricole, en pleine moisson, il n’y a pas besoin de l’appel aux femmes du Président du Conseil, le 7 août, pour savoir ce qu’il reste à faire ! 850 000 femmes se retrouvent de facto chef d’exploitation, il y va de la survie de la ferme de finir les moissons avec tout le travail, très physique, qui s’ensuit. Concrètement, un sac de blé à monter au grenier, c’est plus de 40 kg sur les épaules. Mon beau-père évoquait les concours des jeunes hommes, à celui qui porterait le chargement le plus lourd, sous le regard attentif de toutes les jeunes filles ! Et monter le foin à la fourche dans un char, c’est autant un savoir-faire qu’une performance physique.
Les travaux agricoles seront difficiles à terminer – environ 30% des hommes sont partis, plus tard ce sera 60% – et les chevaux les plus vaillants sont réquisitionnés. Un grand-oncle mobilisé, agriculteur à Peron (Ain), s’inquiète dans ses courriers du devenir de la jument « Cocotte » qui rend de louables services à l’exploitation… Mais le travail sera effectué, pas uniquement par les femmes : les « vieux » fournissent une aide précieuse, ne serait-ce que par leurs conseils, les enfants participent largement, toutes les familles s’entraident en oubliant le temps d’une moisson leurs querelles.

Dans l’industrie, il y a un double mouvement : ralentissement de l’activité, chômage, mais aussi l’embauche de 8 400 ouvrières, prévue par la dépêche ministérielle du 13 mars 1912. Ces ouvrières viennent compléter les effectifs des établissements constructeurs et de l’artillerie ainsi que les poudreries. Les cartoucheries ne sont pas encore concernées.


Après le 2 Août

Le 20 septembre 1914, le risque de pénurie de matériel face à une durée maintenant inconnue de la guerre, entraîne une mobilisation de l’industrie privée, qui va employer les femmes dans les nombreux secteurs qui leurs sont habituellement dévolus, et donc dans un premier temps hors métallurgie, synonyme de métiers physiques et virils réservés aux hommes. Mais malgré le rappel des ouvriers métallurgistes dans les usines (ordre du 11 octobre 1914 par la Direction de l’Artillerie, section des Budgets et Comptes), ou la possibilité offerte aux employeurs de réclamer un mobilisé (lettre d’accréditation « 864 », puis « 935 », puis, face aux falsifications, la « lettre 23 600 » de février 1915), il faut bien se tourner vers la main-d’oeuvre féminine, pour les tâches les moins physiques. Le lieutenant-colonel Delavallière indique que les femmes seraient réticentes à ces métiers en usine (perçus comme pénibles, dangereux, salissant ?). D’où une politique salariale attractive et les nombreuses incitations auprès des industriels à faciliter les tâches par du matériel de levage ou de manutention (voir le Bulletin des Usines du sous-secrétariat aux munitions, et les "vœux" exprimés par le Comité du Travail Féminin, créé en avril 1916).

Le 20 juillet 1916, il est fait interdiction d’employer des hommes mobilisés là ou des femmes peuvent les remplacer. Une liste précise les tâches concernées :

- Fabrication des obus de 75 à 220 en acier forgé
- Fabrication des têtes et corps de gaines
- Emboutissage des étuis de cartouches et douilles de 75
- Assemblage des bombes LS et DLS (soudure des bombes du mortier de tranchée de 58).

En septembre 1916, cette liste s’étend à certaines opérations de fabrication des obus en fonte ou fonte aciérée des calibres 95 à 220, à toutes les grenades (dont la VB).


De fait les effectifs féminins s’accroissent dans les secteurs travaillant pour l’armée :

3 août 1914 : 13 000
Janvier 1916 : 104 000
Janvier 1917 : 345 000
Janvier 1918 : 401 000

Les salaires restent disparates, toujours selon les régions, et selon les qualifications demandées. Pour les entreprises travaillant pour les marchés publiques, ils sont connus, un décret du 10 août 1899 obligeant leur déclaration pour souscrire à un marché.
Des commissions (instruction du 1er decembre 1916) sont instaurées par Région pour établir un « bordereau » (on parle aussi de « tarif ») établissant les grilles salariales par activité. Ces salaires sont calculés sur le salaire moyen relevé dans la Région, entérinant ainsi les disparités.

La loi du 10 juillet 1915, relevée dans l’article sur Gabrielle Duchêne, impose un salaire horaire pour les ouvrières confectionneuses (capote, vareuse, pantalons…) à domicile travaillant pour l’industrie de guerre : 0,275 fr/heure, et 0,30 fr/h pour les ouvrières en équipement militaire (par ex. musettes).
Cette loi fait suite à des scandales : l’intendance paye 4fr 11 une capote militaire aux fournisseurs ayant obtenu un marché (soumissionnaire). Dans la région bordelaise, certains soumissionnaires sous-traitent ensuite à des sous-entrepreneuses qui font travailler leur « réseau » de petites mains, ces dernières effectuant l’intégralité du travail : assemblages à la machine à coudre des pièces qui leur sont livrées par l’Intendance déjà coupées, repassage, voire livraison des pièces finies à l’Intendance. Leur rémunération, pour une capote complète, soit 10 heures de travail, a dans certains cas frisé l’aumône : 1fr 50 (somme de laquelle il faut déduire 40 cts de fils et usure de machine). La sous-entrepreneuse, perçoit 1fr 80 (soit 30 cts de bénéfice), le soumissionnaire perçoit 4fr 11 (bénéfice de 2fr 31). Dans une entreprise de textile de la même région bordelaise, pour le même travail, les couturières touchent 2fr 60 à 2fr 75. La loi du 10 juillet 1915 permet ainsi de garantir une rémunération de 2fr 75 par capote assemblée, quelque soit le lieu du territoire.

Une loi du 17 août 1915 revalorise les salaires dans les entreprises travaillant pour l’armement.

Un arrêté du 15 juin 1917 impose, pour les femmes de plus de 18 ans, un minimum dans les usines de guerre : 40 cts/heure pour une ouvrière non spécialisée, 50 cts pour une ouvrière spécialisée.
Dans le même temps, en août 1917, l’allocation aux femmes de mobilisés passe à 1fr 50 (1fr 25 en 1914) et à 1fr par enfant (50 cts en 1914).

En 1917, en Gironde, on peut relever les salaires suivants :
  • Dans l’usine Carde (munitions), les discussions du 30 mai 1917 tournent autour de 40 cts/h pour les femmes manœuvres, 70 cts/h pour les ouvrières. Le salaire réellement perçu est supérieur, car il englobe des primes (performance individuelle), des boni (performance d’équipe) et une prime de cherté de vie (autour de 10 cts/h, avec un maximum d’1fr/jour). Dans ce cas, un salaire de 8fr/jour doit être envisageable, mais ces efforts tarifaires de 1917 ne sont que la conséquence d’une inflation atteignant 25% à la sortie de l’hiver.
Après le 11 Novembre

Une lettre aux ouvrières du ministre de l’armement Louis Loucheur, le 13 novembre 1918, invite les femmes à se rendre utiles au pays « En retournant à vos anciennes occupations ou en vous employant à d’autres travaux du temps de paix ». La prime de départ allouée est d’un jour de salaire par trimestre travaillé, majoré de 30 jours de salaire, à condition de partir avant le 5 décembre…

Une loi du 22 novembre 1918 va encore plus clarifier la situation : pour toute femme occupant le poste d’un mobilisé, au retour de celui-ci elle doit lui céder la place à sa demande.



Ce tour d'horizon demanderait à être consolidé par d'autres relevés de "tarifs" régionaux, de nombreuses études l'on certainement fait, mais avec une diffusion très locale. On peut néanmoins supposer que notre bretonne à coiffe traditionnelle de l'Atelier de Brest gagne ses 4 fr par jour, ce qui était peut-être ses meilleures années salariales.


Bien cordialement, :hello:


Régis
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Message par Skellbraz . »

*
Bonjour à chacune et chacun,
Merci Régis pour cette étude fouillée que je m'emploie à lire attentivement.
[:cd9362] également pour la suggestion du salaire de ma voisine de Plougastel, j'y reviendrai.
chaleureusement
Brigitte
Dernière modification par Skellbraz . le mer. mars 07, 2018 11:59 pm, modifié 2 fois.
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