Les fragments d'Antonin

chanteloube
Messages : 1547
Inscription : mer. nov. 10, 2004 1:00 am

Re: Les fragments d'Antonin

Message par chanteloube »

Bonjour,

Une association du Var vient de me proposer de présenter ce film dans le cadre des commémorations, un psy sera aussi présent pour la discussion qui suivra.
Je me pose une question, après avoir revu le film : soldats choqués et grands blessés cohabitaient-ils ainsi dans les mêmes hôpitaux?
Se pose la question des "erreurs" commises ou des approximations présentes dans ce film, par ailleurs fort émouvant, donc de la licence artistique.
Qu'en pensez-vous?
A bientôt
CC
Avatar de l’utilisateur
Eric Mansuy
Messages : 4290
Inscription : mer. oct. 27, 2004 2:00 am

Re: Les fragments d'Antonin

Message par Eric Mansuy »

Bonsoir à tous,
Bonsoir Claude,

Un très bon point dans ce film : la présence musicale d'Erik Satie.

Je vais parcourir mes numérisations du service de santé afin de tenter de répondre à ta question, cela étant tout cela se déroule après guerre, et il est possible que la donne ait changé. Peut-être des éléments se trouvent-ils dans l'excellent ouvrage de Stéphane Tison, Du Front à l'asile. A voir.

Quant aux ""erreurs" commises ou approximations", l'intégration d'Antonin à un peloton d'exécution (si ma mémoire est bonne, un capitaine lui dit, grosso modo, "je vous désigne, vous ne connaissez pas l'accusé") relève de la pure fantaisie, tout comme les modalités de l'exécution. Le jour où un réalisateur filmera ce qui figure dans le Service de Place d'octobre 1909, ça nous changera. Ce n'est pourtant pas si compliqué.

Bien sincèrement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
chanteloube
Messages : 1547
Inscription : mer. nov. 10, 2004 1:00 am

Re: Les fragments d'Antonin

Message par chanteloube »

Bonjour Eric,

Bonjour à tous,

Je ne sais rien de définitivement précis sur les modalités d'exécution car j'ai lu à Vincennes des notes de Joffre qui ajustaient ou simplifiaient ou modifiaient ou "humanisaient" les prescriptions du service de place au fil du temps.
Ce qui me surprend c'est que ces exécutions censées terroriser les hommes, ou en tous cas censées avoir valeur d'exemple, se passaient au petit jour, dans un lieu écartée. Devant la troupe certes, mais loin des civils. Si tu as des informations sur la manière dont on désignait vraiment les membres du peloton et celui qui le commandait je suis "preneur".
Le pigeonnier roulant….juste ou fable…. ?
L’exécution sommaire dans la tranchée …. ?
Les médailles d’identification au cou……juste….. ou erreur dans le temps ?
Je vais devoir déblayer bien des questions avant d’en venir au sujet qui est le choc de guerre. J'ai déjà entendu ce psy décortiquer certaines séquences du film et parler de la manière dont il est construit et monté, c'est assez étonnant.
Quant à Sati..... je trouve moi aussi que c'est une idée heureuse d'avoir choisi cette musique un peu hors du temps…lui qui qualifiait parfois certaines de ses compositions comme musique d’ameublement ……
cordialement CC
Avatar de l’utilisateur
Eric Mansuy
Messages : 4290
Inscription : mer. oct. 27, 2004 2:00 am

Re: Les fragments d'Antonin

Message par Eric Mansuy »

Bonjour Claude,
Bonjour à tous,

Un cas très concret concernant les modalités d’exécution, tiré d’un dossier de conseil de guerre du SHD. Je le transcris :

...ème régiment d’infanterie

Note de service

EXECUTION CAPITALE

Le … décembre 1915, à 15 h 30, il sera procédé à l’exécution capitale du soldat …, de la 10e Cie du …ème Rgt d’Inf. condamné à la peine de mort par le Conseil de Guerre spécial (prescrit conformément au décret du 6 septembre 1914, par le général commandant la …ème DI), dans sa séance du … décembre 1915, pour : « Violence à main armée sur une sentinelle » (article 220, 1er alinéa du Code de J.M.).

L’exécution aura lieu dans les conditions fixées par l’art. 52 du Décret du 7 octobre 1909 portant règlement sur le service de Place.

a) Commandant des troupes : commandant P.
b) Troupe devant assister à l’exécution :
3ème bataillon constitué par 4 Cies de 100 hommes. Chaque compagnie commandée par son Cdt de Cie formée à 3 sections de 32 hommes (sections commandées par un officier, deux par un sous-officier)

Les tambours et clairons des 1er et 3ème bataillons seront présents à l’exécution sous les ordres du Tambour Major.

c) Peloton d’exécution :
1 adjudant : adjudant V.
4 sergents : sergent C., sergent G., sergent D., sergent O.
4 caporaux : caporal M., caporal B., caporal N., caporal A.
4 soldats : soldat C., soldat D., soldat P., soldat B.

d) Un sergent (sergent S.) pour donner le coup de grâce (armé d’un revolver chargé). Un soldat (C.) pour bander les yeux et faire mettre à genoux (détenteur d’un bandeau et d’une grande corde de tente).

e) Un peloton de 50 hommes fourni par les 3ème et 4ème Cies et commandé par le sous-lieutenant P. sera rendu au poste de police de … pour 15 heures pour escorter le condamné jusqu’au lieu d’exécution.

f) Le commandant P., commandant les troupes, donnera les ordres nécessaires pour que le 3ème bataillon, le peloton d’exécution, les tambours et clairons, soient en place au lieu d’exécution pour 15 h 15.

g) Tenue de campagne (sans sac pour la troupe).

h) Le médecin chef de service du …ème fournira une voiture d’ambulance pour conduire le condamné du poste de police au lieu d’exécution et transporter le corps.
Le médecin du 3ème bataillon assistera à l’exécution avec deux brancardiers porteurs d’une couverture et d’un brancard.

L’inhumation aura lieu au cimetière de … après entente avec le maire ; la fosse devra être creusée pour 15 h 30.

i) Le caporal sapeur fera placer le poteau à l’endroit voulu après entente avec le commandant P.

Le commandant P. fera procéder réglementairement à la remise du condamné au peloton d’escorte.
Il donnera les ordres nécessaires pour que les membres du Conseil de Guerre qui doivent assister à l’exécution s’y trouvent en temps voulu.

Le procès verbal d’exécution à mort modèle sera établi par les soins du commandant P.

En campagne, le … décembre 1915
Le Lt-colonel C., commandant le …ème Rgt d’Inf.

______________________________

Ensuite, « Ce qui me surprend c'est que ces exécutions censées terroriser les hommes, ou en tous cas censées avoir valeur d'exemple, se passaient au petit jour, dans un lieu écartée. » Pas forcément. Je prends le département des Vosges en exemple : pour 16 exécutions entre le 5 septembre et le 14 octobre 1914, 4 ont lieu entre 3 heures et 7 heures 45, 4 ont lieu entre 8 heures et midi, 8 ont lieu entre midi 30 et 20 heures.

Enfin, « Devant la troupe certes, mais loin des civils. » Pas forcément non plus. Le cas de Wesserling est pour moi le plus emblématique, des civils se rendant sur les lieux de l’exécution pour y assister, après avoir suivi la veille les débats du conseil de guerre.
Quant au lieu de l’exécution, si je reprends les cas des 16 cités plus haut, l’on fusille en plein centre d’un village, au vu et su de civils, tout comme à l’écart d’un hameau. On trouve ensuite, entre 1915 et 1918, les lieux les plus variés : près du cimetière ; au stand de tir ; dans une carrière ; près d’un étang ; à un croisement de routes ; contre un arbre ; près d’une maison forestière.

A suivre, j’espère,
Bien sincèrement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
Avatar de l’utilisateur
marcel clement
Messages : 1862
Inscription : mar. janv. 08, 2008 1:00 am

Re: Les fragments d'Antonin

Message par marcel clement »

Bonsoir,


Pour le pigeonnier roulant, il y a un camion de ce type au musée de Meaux.


Amicalement,

Alain MC
chanteloube
Messages : 1547
Inscription : mer. nov. 10, 2004 1:00 am

Re: Les fragments d'Antonin

Message par chanteloube »

bonjour Alain, bonjour Eric,
merci de vos réponses rapides.
Alain, j'ai visité Meaux sans faire le rapprochement...il y a tant de choses à voir.....
Eric, merci de tes réponses précises et ouvertes....Je ne dispose pas d'autant d'informations que toi sur les exécutions.
Il me semble, mais il est probable que ce soit en gestation, qu'il y aurait là un beau travail à faire....
Cordialement
CC
st lambert
Messages : 18
Inscription : mer. févr. 12, 2014 1:00 am

Re: Les fragments d'Antonin

Message par st lambert »

..Bonjour à toutes et à tous .Juste un extrait des mémoires d'un jeune Lorrain : "...il y avait un autre cimetière où l'on enterrait les soldats que l'on fusillait pour avoir déserté le front .J'ai vu plusieurs exécutions devant la gendarmerie devant chez mon grand-père ".
A considérer avec la prudence requise s'agissant de souvenirs ...
Bien à vous . Philippe
philippe
chanteloube
Messages : 1547
Inscription : mer. nov. 10, 2004 1:00 am

Re: Les fragments d'Antonin

Message par chanteloube »

bonjour,

merci pour cet exemple Pouvez-vous préciser un peu car
il semble que l'on n'écoute pas toujours les Lorrains...
Cordialement
CC
st lambert
Messages : 18
Inscription : mer. févr. 12, 2014 1:00 am

Re: Les fragments d'Antonin

Message par st lambert »

Bonsoir Chanteloube , le rédacteur de ce texte non destiné à être publié était enfant en 1914 à Villotte (Meuse) en arrière des fronts de Verdun et de Saint Mihiel . Le village servait de cantonnement (Français puis Américains) . La détentrice de ce document m'en a permis l'utilisation sous
réserve d'anonymat .
Des notations brutes plutôt crédibles . Bien à vous .
philippe
Avatar de l’utilisateur
Eric Mansuy
Messages : 4290
Inscription : mer. oct. 27, 2004 2:00 am

Re: Les fragments d'Antonin

Message par Eric Mansuy »

Bonjour,

Pouvez-vous nous confirmer qu'il s'agit de Villotte-sur-Aire, et non de Villotte-devant-Louppy ? C'est a priori le plus proche de Saint-Mihiel, semble-t-il.

Merci bien !

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
Répondre

Revenir à « Sujets généraux »