La Grande Guerre falsifiée.

ALVF
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Re: La Grande Guerre falsifiée.

Message par ALVF »

Bonjour,

Merci pour ces travaux et documents particulièrement intéressants!
J'aimerai avoir votre avis sur un point particulier.
Dans des notes anciennes, j'avais noté que la Section Technique de l'Artillerie (STA) avait fait délivrer des bombes sphériques de mortiers lisses de 15 cm au professeur Urbain, professeur à la Sorbonne et chef de laboratoire à la STA, à la date précoce du 31 octobre 1914.Ces bombes étaient destinées à des "essais de bombes fumigènes".
Ces bombes ont été essayées à Satory dès le 12 novembre 1914 et il est écrit que "les bombes fumigènes Urbain ont donné les meilleurs résultats".
S'agit-il déjà à cette époque d'essais de fumigérite, produit toujours classé "gaz de combat" dans des documents de 1931, ou s'agit-il d'un autre fumigène?
Cordialement,
Guy François.
Arnaud Lejaille
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Re: La Grande Guerre falsifiée.

Message par Arnaud Lejaille »

Bonjour à tous, bonjour Guy François,

C’est très intéressant et je crois qu’il s’agit d’une « pièce manquante », ce que vous relatez ici.

La fumigérite est le tétrachlorure de titane, une substance principalement fumigène et qui possède des propriétés irritantes.

http://www.guerredesgaz.fr/Agression/ar ... tances.htm

Cette substance fut la première dont l’utilisation fut envisagée par les autorités françaises en réponse à l’attaque du 22 avril 1915. De façon TRES précoce, puisque les premiers essais de munitions chargées en fumigérite eurent lieu le …30 avril 1915. Ainsi, passée la surprise du 22 avril, le temps de réunir quelques personnes autour du sujet de la réplique française lors d’une première réunion le 28 avril, on réussit à produire le corps en question (une seule usine en France susceptible d’en produire… fallait-il savoir laquelle) et on l’essaie le sur-lendemain… 30 avril, devant plusieurs généraux et chargée en munitions !

http://www.guerredesgaz.fr/these/chap6/chap6.htm

C’est évidement très rapide ; il est évident que l’on connaissait cette substance et ses propriétés avant ces essais et qu’elle avait été probablement chargée en projectiles également.

La fumigérite est effectivement un « gaz de combat », mais aux propriétés suffocantes peu marquées. Ce qui est surtout surprenant encore une fois, c’est l’absence de référence à ces travaux dans les archives relatives à la Guerre chimique.

Un autre détail troublant sur les munitions chimiques… Les travaux pour l’élaboration d’un projectile de 75 mm sont débutés au début de juin 1915. En quelques semaines, ils aboutissent… le 24 juin 1915, les essais sont déjà effectués avec des munitions techniquement parfaites. La puissance de la charge d’éclatement est définie par une formule que je vous épargne, qui permet une dispersion du contenu de l’obus adéquate. Juste en dessous ou juste au dessus et les résultats sont quasiment nuls. Les munitions de 75mm françaises ne connurent par la suite aucune modification de leur charge d’éclatement, absolument parfaite.

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Les allemands, pour arriver à ces résultats, mettrons pas moins de 30 mois… Ce type de munitions apparaissant en 1917. Toutes celles utilisées par les armées allemandes avant cette date ne dispersaient pas convenablement leur toxique, d’où diverses solutions palliatives, notamment l’usage d’agressifs moins fugaces et plus persistants.

Les français sont considérés, à juste titre, comme des visionnaires et des pionniers dans le développement précoce de l’artillerie chimique.

Au minimum, on peut se demander si les recherches sur la dispersion d’un agressif au sein d’un projectile, n’avaient pas débutées un peu avant le 22 avril 1915… Aucun document connu à ce jour dans les archives ne permet un début de réponse. Mais cela reste troublant, pour le moins. Je n'arrive pas à me résoudre à penser qu'il ne s'agit que du facteur chance.

Guy François, accepteriez-vous de me communiquer vos sources ?

Bien cordialement
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IM Louis Jean
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Re: La Grande Guerre falsifiée.

Message par IM Louis Jean »

Bonjour à toutes et à tous,

J'ai beaucoup de mal à comprendre le raisonnement qui relie l'absence d'archives et la récupération des brevets allemands. Les Français ayant utilisé des gaz de combat, des recherches avaient à l'évidence été effectuées ! Que le détail reste secret ne me surprend ni me choque.

La lecture d'un volume des AFGG de 1925 d'une note datée de juillet 1915 me conforte :

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Edité pour ajouter la source : AFGG sur Gallica

Cordialement
IM Louis Jean
Etienne
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau
Arnaud Lejaille
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Re: La Grande Guerre falsifiée.

Message par Arnaud Lejaille »

Je vais essayer de résumer ce que nous avons développé au travers de ce post, en reprenant le fil depuis le début, pour plus de clarté.

L’Histoire de la Guerre chimique est l’objet de nombreuses distorsions.

Je me suis étonné de cette constatation dès le début de mon travail universitaire :

http://www.guerredesgaz.fr/Historique.htm

Les archives du Service Historique de la Défense sont la source primaire la plus importante, et de loin, pour reconstituer au plus près le déroulement des évènements avant, pendant et après le conflit. Comprenons que cet aspect était classé à l’époque au niveau du confidentiel défense, donc du secret.

J’ai tenté de résumer la problématique sur cette pages :

http://www.guerredesgaz.fr/Presentation ... tation.htm


Les archives du SHD comportent, à l’évidence, de nombreux trous. On note une absence quasi systématique de documents en rapports à certains aspects, qu’ils soient des sources primaires, mais également des sources secondaires et même tertiaires.

A l’évidence, il ne s’agit pas d’oublis ou de pertes de documents. On peut en effet retrouver des documents manquants dans d’autres archives, d’origines diverses mais versées dans des fonds différents, ou bien au travers de documents annexes adressés à d’autres administrations militaires et qui semblent parfois avoir échappés à un tri.

Pour faire vite, cette absence de sources conduit au postulat de la responsabilité entière de l’Allemagne dans le déroulement des évènements de la Guerre chimique pendant la grande Guerre.

En effet, tous documents semblant attester de la préparation à la Guerre des gaz en France avant la date, bien posée comme un dogme, de la première utilisation « reconnue » de l’arme chimique par l’Allemagne au 22 avril 1915, ont disparus. Tous comme les documents secondaires qui pouvaient s’y référer.

Il en est de même pour les documents faisant constat de l’utilisation de munitions létales, violant incontestablement les Conventions internationales, avant l’avènement par l’ensemble des belligérants d’une guerre chimique à outrance.

Ces points absents des archives et finalement de l’Histoire tel qu’elle fut écrite, font résonance avec tous ceux qui entourent le secret des armes chimiques offensives en France, jusqu’en 1940, pour se limiter à ce qui n’est théoriquement plus classé.

Leur absence concoure donc à une distorsion de l’Histoire qui laisse à supposer une passivité - ou du moins une réponse à mesure tout au plus de l’agression allemande – de la France dans l’escalade des moyens de la Guerre chimique. Du moins, jusqu’à l’apparition récente de travaux sérieux.

Les conditions d’Armistice reconnaîtront l’Allemagne comme seule responsable du déclenchement de la guerre chimique et de facto de l’escalade qui suivie. Conséquence directe, elle fut contraint par le traité à démanteler toute son industrie chimique, à révéler ses secrets de fabrication, ses recherches, et à céder ses brevets. Initialement, cela ne devait concerner que le domaine de l’industrie chimique en relation avec les gaz de combat, mais la France exigeât d’étendre cette disposition à l’ensemble des brevets de la chimie. Rappelons que l’Allemagne détenait 95% du monopole de la chimie, du commerce et des brevets mondiaux ! Les Etats-Unis et l’Angleterre cèderons aux exigences de la France. Il s’en suivi de nombreuses négociations commerciales secrètes, pendant des années. Cela n’est plus l’objet de notre post et il faudrait encore de nombreuses pages pour développer ; je m’arrête donc ici, pour le moment.

Y voyez-vous plus clair ?

Bien cordialement
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IM Louis Jean
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Re: La Grande Guerre falsifiée.

Message par IM Louis Jean »

Bonsoir à toutes et à tous,
En effet, tous documents semblant attester de la préparation à la Guerre des gaz en France avant la date, bien posée comme un dogme, de la première utilisation « reconnue » de l’arme chimique par l’Allemagne au 22 avril 1915, ont disparus. Tous comme les documents secondaires qui pouvaient s’y référer.
Ce sera clair quand vous donnerez le type de documents dont vous avez, par déduction, noté l'absence. Je ne suis pas un chimiste du tout mais je sais lire un dossier et connais l'importance majeure des trous dans certains cas, je ne remets donc absolument pas en cause votre constat ; je le souhaite plus argumenté pour qu'il soit crédible.

Les Allemands ont travaillé sur les gaz délétères (phosgène) dès 1914, la mort d'Otto Sackur en décembre 1914 (et non en janvier 1915 comme vous l'indiquez sur votre site) le prouve. De même que l 'expérimentation de minenwerfer chargés d'un mélange chlore-phosgène à la même époque par Walther Nernst. Ce projectile sera récusé par l'armée car la portée de ces engins était trop faible pour garantir la sûreté des soldats allemands. Vous dites vous-même : << Le Major Bauer nomma une commission scientifique, sous la direction de Walther Nernst, chargée de mener les recherches. Elles aboutissent très rapidement (ce qui permet de supposer qu'elles avaient été débutée avant guerre), le premier toxique utilisé étant le chlorhydrate de dianisidine, dont le nom de code est Niesgeschoss.>>


N.B. les mots ont été soulignés en gras par moi

Cordialement
IM Louis Jean
Étienne
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Gardiendelombre
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Re: La Grande Guerre falsifiée.

Message par Gardiendelombre »

C'est un remarquable travail .
Félicitations !
Arnaud Lejaille
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Re: La Grande Guerre falsifiée.

Message par Arnaud Lejaille »

Bonjour à tous,

Merci pour vos encouragements ! Je suis enchanté que cela en passionne certains d’entre-vous.

Les documents dont j’ai noté l’absence sont bien décrit, je crois, tout au long de ce post. Le rapport Nicolardot, la Commission du Génie de 1910 en sont des exemples. L’absence d’évocation des travaux de Nicolardot dans les archives, alors qu’il travaille dans un laboratoire de la Commission d’agression, sont aussi évocateurs.

Pour une compréhension un peu plus facile du sujet, j’ai placé un résumé sommaire des négociations en 1918-1920 sur la page suivante :

http://www.guerredesgaz.fr/Industrie/Industrie.htm II - L'industrie Chimique et l'après Guerre, les négociations franco-allemandes.


Je vous invite également à lire la première partie de la page sur l’industrie chimique française :

http://www.guerredesgaz.fr/Industrie/In ... ncaise.htm



Bien cordialement.
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