Bonsoir à toutes et à tous,
Une premiere critique du texte original, dont l'auteur est une grande figure de la seconde guerre mondiale, etait certes necessaire pour jauger s'il s'agit bien d'un temoignage a valeur historique pour les faits qui nous concernent.
Crodialement
<<Etait certes nécessaire>> : merci

Oh que oui! Témoignage à valeur historique inférieure à zéro.
Edité pour insérer le texte dont le lien a mystérieusement disparu :
<< LUCIE AUBRAC
conférence scolaire
Compte-rendu de la rencontre avec les élèves cosnois préparant le concours de la résistance, vendredi 13 mars 1998, Lycée G. Sand, salle polyvalente.
Le thème du concours de la Résistance porte cette année sur le rôle des étrangers dans l’engagement contre l’occupant nazi. Lucie Aubrac devait donc montrer comment la Résistance s’était peu à peu constituée, évoquer les sentiments et les valeurs qui déterminent le choix d’un engagement contre l’oppression, et saluer le rôle important des étrangers dans les différentes organisations de l’époque.
Le 30 septembre 1939, la France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne nazie. Tous les hommes en âge de se battre reçoivent un fascicule de mobilisation leur ordonnant de se rendre dans leurs casernes respectives ; le départ est obligatoire, les récalcitrants sont embarqués par les gendarmes. S’installe alors la " drôle de guerre ", sans batailles, qui dure jusqu’en avril 1940. Puis Hitler lance son offensive-éclair (Blitzkrieg) contre l’Europe occidentale. Le contraste est saisissant : une armée allemande organisée, surentraînée et fanatique submerge ces soldats déjà minés par l’attente et l’inaction ; c’est d’autant plus facile, du reste, que le souvenir horrifié du premier conflit mondial - la " der des der " - rend cette seconde guerre inacceptable aux yeux des populations attaquées, et démoralise les troupes qui les défendent. S’ensuit une débâcle insensée, un véritable désastre militaire, qui se solde en France par un renversement du Conseil des Ministres.
On nomme à la présidence du Conseil un vieillard né en 1858, ancien général de la Première Guerre, auréolé de gloire et considéré comme le " héros de Verdun ". Il s’agit du maréchal Pétain, persuadé que la défaite est irrémédiable et qu’il faut se soumettre au Reich. L’Assemblée Nationale lui donne pratiquement les pleins pouvoirs ; dans un discours prononcé le 17 juin 1940, il demande alors l’armistice, et affirme qu’il va rétablir la paix. A cette époque de l’année, la France, pays profondément rural, doit faire les foins, les moissons, les vendanges, or l’ensemble de la production a été stoppée par la guerre et le pays s’est vu vidé de ses hommes pendant plus d’un an. Dans un tel contexte, le maréchal apparaît donc comme celui qui va sauver la France.
Certes, la réalité du " sauveur " est tout autre : son " héroïsme " à Verdun avait essentiellement consisté à pratiquer la décimation sur ses soldats, c’est-à-dire à en fusiller un sur dix au hasard pour leur redonner du courage ! Mais, pour l’heure, l’urgence de la situation permet d’occulter ce passé monstrueux. Or, le 18 juin 1940, un jeune général en poste à Londres, Charles de Gaulle, lance un appel radiophonique dans lequel il refuse clairement l’idée de la défaite et où il invite tous les hommes volontaires en âge de se battre à le rejoindre. L’Angleterre de Churchill, isolée après la guerre-éclair, hérite ainsi peu à peu d’alliées inédites : les Forces Françaises Libres. L’appel n’est d’abord entendu que par ceux qui disposent d’un poste de T.S.F. Cela explique l’adhésion précoce de marins bretons et de militaires. Mais, au fur et à mesure, l’information circule et des gens de tous les horizons rejoignent les F.F.L., notamment des étrangers. Se constitue ainsi une première Résistance, à dominante militaire et masculine, à la fois contre le Reich et contre le régime de collaboration installé en France.
Qui sont les étrangers dans la France de l’époque ? 1) L’immigration économique, la plus ancienne, est composée de célibataires d’origine modeste, recrutés pendant l’entre-deux-guerres, des Italiens et des Polonais notamment, afin de pallier la pénurie de main-d’oeuvre. Cette immigration a vécu dans les conditions du monde ouvrier de l’époque. Ces hommes sont bien intégrés, ils parlent couramment le Français, s’amusent dans les bals populaires, rencontrent des filles et se marient. La plupart du temps, ils sont naturalisés, donc mobilisables, et ils rejoignent l’armée en 1939. 2) L’immigration politique est constituée de réfugiés venus de toutes les dictatures qui entourent la France des années 30 : des Allemands, des Autrichiens, des Européens d’Europe centrale fuyant le nazisme, des Italiens qui s’opposent à Mussolini, des Espagnols qui ont quitté l’Espagne de Franco, des slaves qui fuient déjà le stalinisme. Une foule de socialistes, de communistes, de syndicalistes, d’intellectuels, de gens qui craignent pour leur vie. Ces émigrés ne sont pas naturalisés et sont moins bien intégrés que les précédents : ils ne désirent pas s’installer, leur rêve le plus cher étant de retourner gouverner leur pays après la fin de la dictature. Ils ont un avantage : comme ils n’ont pas la nationalité française, ils n’ont pas été mobilisés ; ils peuvent ainsi très rapidement rejoindre la Résistance. Les Brigades Internationales sont un des réseaux nés essentiellement de cette immigration de réfugiés politiques, Espagnols notamment. 3) L’immigration raciale, juive, vient d’Allemagne ou de pays alliés à elle, où existait, du reste, bien avant le Troisième reich, une tradition antisémite très forte.
Le rôle des étrangers dans la Résistance est prépondérant. Il faut dire que l’armée française a prévu un corps spécial pour les ressortissants étrangers qui veulent participer à la défense nationale : la Légion Etrangère. Des étrangers s’y étaient engagés par conviction en 1939 pour défendre la France contre l’envahisseur nazi. La légion n’a pas été mobilisée, il n’y a pas de prisonniers, un nombre important de légionnaires gagnent alors Londres en 1940, et des Africains du nord et du sud, venant des colonies, rejoignent eux-aussi les F.F.L. Excepté les immigrés économiques naturalisés qui connaissent dès 1940 le sort des soldats réguliers, c’est-à-dire les camps de prisonniers de guerre, les étrangers rejoignent ainsi massivement l’état-major du général de Gaulle, à tel point qu’on dénombrera en 1941 plus d’étrangers que de Français dans les F.F.L. La question de l’immigration se pose donc d’une manière très originale : ce qui caractérise cette époque, c’est le volontariat d’abord militaire (légion), ensuite dans les F.F.L., de ces étrangers, leur volonté de faire corps avec le pays d’accueil contre un type d’oppression qu’ils ont trop bien connu dans leurs pays d’origine.
Chez les étrangers comme chez les autres, la Résistance émerge de toute manière à partir des mêmes motivations, quelles que soient ensuite les formes d’actions envisagées. 1) Il se constitue tout d’abord un refus patriotique diffus, un sentiment de malaise général vis à vis de l’occupant et de l’occupation. Des affiches insolites exaltent la " protection " de l’armée nazie. Les administrations habituelles sont remplacées par une Kommandantur allemande. Des actes de sabotage spontanés apparaissent ; l’occupant réplique par des exécutions inacceptables, dont la population est témoin. De grandes bannières avec des croix gammées cachent les frontons des hôtels de ville. La circulation est réglementée ; il faut des Aussweiss... Tout change, jusqu’au langage. L’intolérance à cette atmosphère inquiétante et inhabituelle constitue dès lors le premier visage de la Résistance. 2) S’établit ensuite un refus civique, contre les mesures insupportables prises par le maréchal Pétain. Les " actes constitutionnels " chamboulent toutes les règles héritées de la république ; Liberté-Egalité-Fraternité fait place à Travail-Famille-Patrie. S’installe un culte du chef érigé en devoir suprême... On assiste, révolté, à des révocations de fonctionnaires : Lucie Aubrac, alors professeur d’Histoire dans un lycée de Lyon, est interloquée par le départ de Madame Brunschwick, la directrice, d’origine juive. Les rassemblements sont interdits ; sont abolis le système parlementaire et la représentation populaire. Dans un tel contexte, la gauche syndicale et politique de l’époque, déjà clandestine, ainsi que les étrangers venus des dictatures, jouent un rôle remarquable : ces hommes et ces femmes essaient à leurs risques et périls de mettre en garde la population contre ces dérives du régime et contre l’indifférence criminelle avec laquelle certains les considèrent.
La République Française s’efface devant l’Etat Français, mais l’essentiel de la Résistance est née, celle de tous les jours, discrète, qui consiste à désobéir, à cacher des gens, à diffuser des tracts, ou tout simplement à s’indigner. L’arme privilégiée du combat est l’écriture clandestine : les tracts, plus tard de véritables journeaux clandestins, diffusent de l’information sans relâche, décrivant les injustices du régime. Seconde arme : la profonde solidarité qui unit les résistants entre eux. " On peut enlever la liberté, l’égalité, mais on ne peut pas enlever la fraternité ", a montré Lucie Aubrac. " La Résistance, c’était le seul lieu où le racisme n’existait pas, nous étions tous des camarades, et on ne perdait pas son temps à savoir si l’un était italien, tchèque, juif, ou autre. D’ailleurs, on ne se connaissait souvent que par nos surnoms ", a-t-elle rajouté avec humour. Ainsi s’organise et s’installe la Résistance quotidienne de terrain, celle qui est essentiellement faite de désobéissance, idée sur laquelle la conférencière a particulièrement insisté. Un des aspects prépondérants du combat était la confection de faux-papiers, parfois il suffisait de convaincre un secrétaire de mairie pour qu’il falsifie une ancienne carte. " La Résistance ne commence pas par les armes - nous, nous n’en avions pas - elle commence par la réflexion, et donc par l’engagement. Des tas de résistants n’ont jamais touché une arme. "
Lucie Aubrac a terminé en insistant sur la profonde actualité du problème. La Résistance n’est en aucun cas un simple thème historique, inscrit dans une période révolue. Il s’agit d’une attitude citoyenne de vigilance qui doit se renouveler en permanence. " A notre époque aussi, des gens disait A bas les métèques, et, en parlant des hommes politiques, Ils sont tous pourris, voter à quoi ça sert ?... Des partis extrémistes à l’heure actuelle tiennent le même discours : raciste, haineux. Alors qu’on profite au moins de cette leçon, qu’on essaye de ne pas en arriver aux extrémités qu’on a connu. Il faut voter. Allez voter dimanche ! Sinon de quel droit pourriez-vous demander des comptes, si une mesure politique ne vous convient pas ? La Résistance commence par le droit de vote. " Sur cet encouragement au devoir civique, Lucie Aubrac s’est tue un instant pour laisser place aux questions des élèves.
QUESTIONS DES ELEVES
C’est sur une question sentimentale que le débat s’est ouvert, à propos de ce qui unit Lucie et Raymond Aubrac depuis si longtemps. Une réponse a tout résumé : " Nous n’avons jamais été séparés les 14 mai en cinquante-neuf ans de vie commune, le 14 mai étant la date anniversaire de notre mariage. "
D’autres questions ont porté sur les modalités concrètes de la Résistance, notamment sur l’organisation à laquelle appartenait Lucie Aubrac. Elle faisait partie d’une groupe appelé Libération qui diffusait un journal clandestin portant ce nom (il a été racheté par la suite). Lucie Aubrac a expliqué qu’au sud de la France s’était organisée une sorte de guerrilla à l’espagnole (cf. le rôle des étrangers d’origine ibérique, anti-franciste), tandis qu’au nord (zone occupée) une immense grève des mineurs (essentiellement polonais), dont on parle peu à présent, avait constitué un des actes de résistance les plus efficaces : l’Allemagne nazie avait besoin de charbon pour son industrie d’armement et cette grève lui avait infligé des pertes matérielles sévères.
Lucie Aubrac a insisté aussi pour que le rôle des anonymes - et notamment des anonymes étrangers - ne soit pas minimisé. Bon nombre ont péri pendant la guerre, dont on ne connaissait que les pseudonymes. Ils sont aujourd’hui enterrés avec la mention " inconnu ", et leurs descendants eux-mêmes ignorent où ils sont vraiment, et ce qu’ils ont fait. On a tendance à méconnaître leur rôle, et à préférer les exemples célèbres, ce qui est dommageable : ces anonymes, qui n’ont parfois jamais manié une arme, sont la base de la Résistance, qui se serait difficilement constituée sans eux.
Lucie Aubrac a montré, dans cette optique, l’importance des derniers thèmes du concours, en 1996, 97, et 98 : les jeunes, les femmes, les étrangers. Il y a là trois catégories dont on a minimisé le rôle, l’histoire officielle et les médias préférant les exemples spectaculaires et les coups de force de la Résistance de type masculine et militaire. Les étrangers, tout particulièrement, voient leur rôle un peu effacé par l’enthousiasme, mi-patriotique mi-nationaliste, de l’après-guerre. Les déportés eux-mêmes, affaiblis, soignés dans des hôpitaux, n’oseront pas tellement témoigner et se manifester dans un pays qui se reconstruit et qui cherche à oublier les horreurs passées. Les déportés sont pourtant eux-mêmes des résistants : une femme qui accouche en cachette pour épargner les camps à son bébé, une inconnue qui refuse de parler sous la torture, quelqu’un qui s’évade et qui témoigne...
C’est en arborant quelques instants une étoile jaune que Lucie Aubrac a mis les élèves en garde contre la permanence des thèmes extrémistes et racistes dans l’Histoire. " Cette étoile, c’était au départ un symbole très fort, celui de la communauté juive ; les nazis en ont fait une marque d’infamie. Mais qui vous garantit qu’un jour ce ne sera pas un croissant, ou un totem, ou autre chose, que certains de vos copains seront forcés de porter sur la poitrine en venant au lycée ? "
Une question a porté alors sur l’actuel parti d’extrême-droite, le Front National, dont les principes discriminatoires sont à l’antithèse des valeurs résistantes décrites par Lucie Aubrac, antiracisme, antifascisme, et féminisme. La conférencière a clairement soulevé le contentieux : " Ces gens là sont des voleurs ; ils ont pris l’expression " Front National ", qui désignait un mouvement de résistants à majorité communiste, afin de brouiller les esprits, de rassurer à la fois les conservateurs et les progressistes. " Front ", bien sûr ! Qui ne voudrait pas s’engager, combattre ? " National ", évidemment ! Qui n’aime pas son pays ? Voilà comment des idées généreuses sont récupérées par des gens qui n’aiment personne - surtout pas les jeunes - et qui n’ont d’autres discours que celui de la haine. " A l’encontre de certains candidats d’extrême-droite qui se présentent aux élections sous l’étiquette " ancien résistant ", elle a même ajouté avec humour : " Résistants ? A quoi ? Ils sont vaccinés contre la grippe ? " Lucie Aubrac a insisté alors une nouvelle fois sur la profonde actualité du problème de la Résistance : " On voit quelqu’un humilié dans la rue parce qu’il n’a pas tout à fait la même tête que les autres ; on voit des gens qui avaient des papiers, la Préfecture leur a repris, ils sont devenus des sans-papier ; on voit toute une foule d’injustices qui laissent indifférent, on se dit : ce n’est pas pour moi. Et puis, on s’apercoit un jour qu’on est aussi visé, et quand on s’en aperçoit, c’est déjà trop tard. La résistance commence avant la résistance. Ne laissez jamais quelqu’un devant vous être humilié. Il faut savoir dire : je refuse et je désobéis. " >>
Club-réflexion du Lycée G. Sand
Cordialement
IM Louis Jean
sesouvenir
PS superbe la phrase du JMO non?
<< On peut critiquer les parlements comme les rois, parce que tout ce qui est humain est plein de fautes.
Nous épuiserions notre vie à faire le procès des choses. >> Clemenceau