Section disciplinaire

[bernard larquetou]

Bonsoir,

En parcourant les dossiers de jugement du conseil de guerre de la 158° DI, j'ai vu que plusieurs hommes appelés à comparaître appartenaient à la "section disciplinaire de la 158° DI".

Ces hommes avaient apparemment déjà été condamnés par le conseil de guerre.

En quoi consistait ces sections ?

Quel était le régime auquel les hommes étaient soumis ? Se trouvaient-ils éloignés du front ?

Merci par avance des réponses que vous pourrez apporter à ces questions.

Amicalement

Bernard.

[Charraud Jerome]

Bonsoir
Bernard, voici un témoignage du colonel Eggenspieler, chef de corps du 290e RI

"La section de discipline.
J'ai parlé plus haut de la S.D. C'était une formation bien encombrante pour les régiments. Toutes les mauvaises têtes de la Division étaient réunies et formaient une section, commandée par un Officier et des Sous-Officiers choisis. La section était affectée à tour de rôle à chaque régiment de la Division. Notre Division étant composée de quatre régiments, chacun d'eux était chargé de la section pendant trois mois. Le 290e a eu la malchance de l'administrer pendant son séjour dans l'Aisne. Comme je l'ai dit, pendant tout le temps que les hommes passaient à la section ils n'allaient pas en permission. De toutes les privations c'était celle qui était la plus redoutée. Quand le régiment était en secteur la section restait constamment en ligne. Elle devait être employée aux corvées les plus périlleuses. Il était rare que pendant les trois mois que la section comptait à un régiment, celui-ci n'eût pas quelque histoire désagréable à régler pour elle".

Nota Charraud: Période concernée: juin 1917

Lorsqu'Eggenspieler parle d'un passage "plus haut", voici le passage concerné:
"Tous les régiments du Corps d'Armée s'en étaient allés vers l'arrière la 304e Brigade seule avait été maintenue près du front. Je crus utile, étant donné l'état d'esprit qui régnait autour de nous, de donner quelques explications de la mesure prise, aux soldats du régiment. Un matin je les rassemblai donc à l'extérieur sur un terrain en pente d'où je pus dominer mon auditoire. Je justifiais notre maintien près des lignes par la grande confiance que le Commandement avait en nous. Si un accident se produisait dans les troupes en ligne on était sûr de pouvoir compter sur notre esprit du devoir. J'ajoutais que si on était nomentanément privé de permissions nous n'étions pas en retard au régiment. A ces mots un murmure se fit entendre du fond de l'assistance. Je fus indigné que des hommes du régiment pussent protester contre mes paroles qui étaient justes. Je sommai les lâches qui avaient protesté de venir s'expliquer devant tout le monde au centre du cercle. Je répétai ma sommation plusieurs fois, personne ne se présenta, les protestataires restèrent anonymes. Cette scène qui avait eu plutôt un caractère tragique, avait cependant eu également son côté comique. Il y avait des loustics qui n'appartenaient pas au régiment qui étaient grimpés dans les arbres environnants et qui m'approuvaient. J'en ai entendu un nettement dire: ? Laissez parler Monsieur le Colonel, il a raison.
De toute l'assistance seuls quelques soldats de la S.D. (section de discipline) osèrent franchement me faire connaître leurs doléances. Ils se plaignaient de ne pas avoir de permissions. Je leur répondis qu'ils savaient bien que par définition, il n'y avait pas de permission ? la section, que s'ils en voulaient ils n'avaient qu'à se conduire de façon à en sortir au plus vite.
Cette séance sans lendemain resta la seule manifestation de la propagande défaitiste au régiment. Le terrain du 290e n'était pas celui qui convenait à l'éclosion du défaitisme.
Le Commandant de Corps d'Armée de son côté se dépensa activement à faire des tournées dans ses régiments pour leur tâter le pouls. Un matin, il vint également nous voir. Le régiment l'écouta attentivement. Seuls quelques étourdis furent mis au piquet au milieu du cercle, selon l'habitude du Général Niessel".

Sources: Colonel Eggenspieler - Histoire d'un régiment de réserve du Berry Le 290e RI - Bourdier Paris 1932

Corrdialement
Jérôme Charraud

[armand]

Bonsoir

Apres le conseil de guerre, les condamnés vont en prison militaires ou travaux forcé puis sections spéciales ou compagnie disciplinaire puis si suspension de peine BILA. les condamnés et les disciplinaires achèvent presque nécessairement leurs temps aux Bataillons d'Afrique ou BMILA (qui part au front) ou unité "normale" pour les volontaires ce qui suspend leur peine. Voir article 48 de loi de 1913 sur le recrutement.

L'emploi des condamnés militaires a évolué en fonction de la période, des besoins et de la gestion du paradoxe de "la prime au vice", (évoqué aussi par A. Loez Une volonté de la discipline militaire pour ne pas favoriser l'indiscipline)

Source Dominique Kalifa : Biribi, les bagnes coloniaux de l'armée française, Perrin, 2009
Cdt
Armand
POST EDIT: J'ai écrit sans voir l'apport de Jerome (voir le timing)

[Patrice Pruniaux1]

Bonsoir à vous,
Des sections disciplinaires existaient dans certains régiments.
D'après ce que j'ai lu, elles restaient en 1ère ligne plus longtemps, étaient soumises à des corvées, travaux plus importants ( plus durs, plus exposés ? )...
Je pense qu'il faut faire une diffèrence avec les Sections Spéciales qui, sous cette appelation, peuvent être des grenadiers d'élites, des équipes de lance-flammes et probablement d'autres spécialités.
Cordialement, P. Pruniaux.

[bernard larquetou]

Bonjour à tous,

Merci pour toutes ces précisions.

Amicalement

Bernard.

[bonifacio]

et rien a voir avec les groupes speciaux? bien sur

[bernard larquetou]

Bonjour à tous,

Encore merci à Jérôme, Armand et Patrice pour leurs réponses.

Au fur et à mesure que je traite les documents trouvés (et qui ne concernent que le 329° RI), je m'interroge sur un point : ces condamnés étaient exposés comme tous les autres, voire davantage.

Or je n'en trouve que très peu sur MDH, ou ailleurs...

Qu'en penser ?

J'ai également trouvé des condamnations de soldats de 2° classe assorties de "dégradation militaire". Quel peut être le sens de cette peine pour de simples soldats ?

D'avance merci de vos réponses.

Amicalement

Bernard.

[Charraud Jerome]

Bonjour

ces condamnés étaient exposés comme tous les autres, voire davantage.
Or je n'en trouve que très peu sur MDH, ou ailleurs...

Sur MDH, les sections disciplinaires ne sont pas identifiables, puisque le soldat dépend toujours de son unité. Il faudrait avoir les listes des compositions de la section, pour pouvoir déterminer qui est décédé ou pas pendant son séjour à la SD (Ce qui semble être ton cas).
Même si la statistique est certainement en défaveur des "hôtes" de la SD, le but principal est surtout l'absence de repos avec les autres, plus que les risques d'être tué suite à la surexposition dûe à un séjour en première ligne.

Cordialement
Jérôme Charraud

[gil alcaix]

Bonjour
Je découvre les sections disciplinaires à travers l'exemple de Joe Bousquet et du 156e R.I.
Savez-vous s'il existe des documents officiels d'époque (JMO, etc.) consacrés spécifiquement à ces sections ?
Et d'autres sources (témoignages) ?

Au passage, si quelqu'un en sait plus sur le 156e et sa S.D., je serais ravi ...

Merci d'avance
Gil

[stcypre]

Bonjour,

Il y a quelque temps j'avais posé une question sur les sections spéciales ordinaires..
En effet après des recherches généalogiques par ma fille, elle a trouvé un frère de mon grand père (occulté par toute la famille) qui a le parcours suivant:
- affecté le 7/7/12 au 123 RI (section spéciale ordinaire)
- le 27/02/13 il est affecté au 1 RE par décision ministérielle et envoyé au Maroc oriental...
- En 1914 il est affecté au 14 RI, régiment qui combattit à La Harazeé où mon grand oncle a été tué... le 8/09/1915
Pourrais je savoir un peu plus sur ce parcours ?
merci.