Entre les lignes...

[drachenhohle]

Ve Armée
Etat-Major
2e Bureau
N° 1400
Q.G. le 9 juin 1915
Note pour la D.E.S.


Une dame Bompard, femme d’un gendarme de Neufchâtel-sur-Aisne ( gendarme du territoire résidant actuellement à Muizon) a pu se rendre le 7 juin de Dormans à Verneuil sans laissez-passer puis de Verneuil à Pargny-les-Reims avec un laissez-passer qui lui a été délivré par le secrétaire de la Mairie de Verneuil, comme à une personne domiciliée dans cette commune.
Le Général D.E.S. est prié d’ouvrir une enquête au sujet de ces faits.
Il y aura lieu d’établir en particulier :
1°) en ce qui concerne le gendarme Bompard : si sa femme est venue dans la zone des Armées avec son assentiment. Ci-joint un rapport de l’officier interprète Schreiber qui s’était rendu auprès de lui pour recueillir des renseignements intéressant le 2ème Bureau de mon Etat-Major sur la région de Neufchâtel et d’où il ressort que Bompard et ses camarades de Muizon semblent avoir été de connivence dans cette affaire.
2°) en ce qui concerne Madame Bompard : quels moyens elle a employés pour s’affranchir des règles établies sur la circulation.
3°) quelles sont les négligences de service ou les complaisances qui ont permis à Madame Bompard, d’aller sans laissez-passer de Dormans à Verneuil.
4°) dans quelles conditions le Maire de Verneuil a délégué sa signature à son secrétaire, et comment il se fait que celui-ci ait délivré à Madame Bompard une attestation fausse de domicile.
Le Maire de Verneuil, son secrétaire et Madame Bompard seront maintenus à Savigny pendant toute la durée de l’enquête. Quand celle-ci sera terminée vous m’adresserez un rapport me proposant telles sanctions que vous jugerez convenables.
Ci-joint :
1°) le rapport de l’officier interprète Schreiber
2°) un rapport établi par la S.G. de l’armée sur cette affaire.


Il vous appartiendra dans l’intêret de l’administration de la commune de Verneuil de décider après un premier interrogatoire s’il y a lieu de mettre en liberté provisoire soit le mari soit le secrétaire, soit même l’un et l’autre ou de déléguer les fonctions de maire à l’adjoint ou au plus ancien conseiller municipal.

Ve armée
Etat-Major
2e Bureau
Q.G. le 9 juin 1915
Rapport
Compte-rendu d’une mission auprès du gendarme Bompart de Muizon.

J’ai l’honneur de vous rendre compte que je me suis rendu le 7 juin vers 17 heures à Muizon dans le but de remplir une mission auprès du gendarme Bompart, de la brigade de Neufchâtel-sur-Aisne, actuellement à Muizon.
Le gendarme Bompart ne se trouvait pas à Muizon à mon arrivée. Son adjudant, questionné, me déclara qu’il était parti pour chercher un fût de vin à Pargny-les-Reims ou à Jouy et que si je m’y rendais immédiatement je le rencontrerais certainement.
Il m’indiqua les adresses des maisons de ces deux localités où je le trouverais.
Je me rendis aussitôt à Pargny-les-reims, aux établissements Goulet-Turpin. Je ne trouvai pas le gendarme Bompart, mais un de ces camarades, gendarme également, qui me déclara que Bompart venait de quitter Pargny, ayant une course à faire dans les environs, mais qu’il serait sûrement de retour à 18 heures et que lui-même l’attendait.
Je me rendis alors à Jouy chez un marchand de vin en gros dont l’adresse m’avait été donnée par l’adjudant, mais n’y trouvai pas le gendarme Bompart.
A 18 heures je revins à Pargny, aux Établissements Goulet-Turpin, où le gendarme qui m’avait renseigné la première fois, me déclara que Bompart n’était pas revenu.
Je lui ai alors donné l’ordre de dire au gendarme Bompart de se trouver le lendemain entre 7 et 8 heures à Jonchery, au Quartier Général pour me fournir les renseignements que j’étais chargé de recueillir.
Sur le chemin du retour je rencontrai une voiture attelée d’un cheval, conduite par deux gendarmes auxquels je demandai s’ils connaissaient le gendarme Bompart. Ils me répondirent qu’il était parti à bicyclette de Muizon avec un de ses camarades pour Pargny. Eux-mêmes se dirigeaient vers Pargny et m’ont paru s’occuper du ravitaillement en vin dont l’adjudant de Muizon m’avait dit que Bompart était chargé.
Le 8 juin à 8 heures, le gendarme Bompart est venu au 2ème bureau et m’a fourni les renseignements que je lui ai demandés. Je lui ai demandé en outre où se trouvait sa femme actuellement. Il me répondit qu’elle avait été évacuée dans l’Isère et qu’elle devait se rendre à Montdidier dans sa famille, mais qu’il doutait fort qu’elle obtiendrait l’autorisation vu que Montdidier était dans la zone des armées.
Je lui ai demandé s’il avait des nouvelles récentes de sa femme. Il m’a répondu que non, qu’il y avait longtemps qu’il n’en avait point eues.
Ces déclarations sont en contradictions avec le fait que sa femme se trouvait le 7 juin à Pargny, aux Établissements Goulet-Turpin, où Bompart se rencontra avec elle.
Signé : l’officier interprète.