Albert Thierry, du 28e RI, le 10 mai 1915

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vincent le calvez
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Re: Albert Thierry, du 28e RI, le 10 mai 1915

Message par vincent le calvez »

Bonjour à tous,

Suite de l'épisode d'Albert Thierry (extrait de ses "Carnets de guerre", publiés en 1917 et 1918 dans La Grande Revue).

J'aime bien l'histoire des deux B... d'Aubervilliers avec les parents.

Une fois de plus, deux gares importantes : Fismes et Noisy-le-Sec.

Bonne lecture
Vincent

Lundi, 10 mai 1915
Voyage toute la journée, depuis Fismes. Marne, une heure du matin jusqu’à Couturelle, vraisemblablement Pas-de-Calais, neuf heures du soir. Impressions innombrables ; mais debout dans le wagon et presque sans dormir, fatigue excessive !
En chemin de fer depuis Fismes jusqu’à Corbie : installation dans un désordre pénible. Etoiles dans la nuit bleue, Oulchy-Brény et le petit jour, les arbres portant à leur cime l’aurore ; la Ferté-Milon, ce poème de Madame de Noailles ; le paysage admirablement vert et frais, la jeune moisson du seigle déjà grande, l’Avoine, le Blé, Lizy-sur-Ourcq. Nous traversons ainsi en flèche la bataille de la Marne, et nous n’en voyons rien, que deux ponts détruits et raccommodés déjà, l’un par des traverses en bois, l’autre en ciment armé ; Meaux, avec la belle figure de la cathédrale… les femmes et les petites filles commencent à nous acclamer. Vous avez raison, fleurs chéries.
Noisy-le-Sec ; Italiam ! Italiam ! Mais on ne s’arrête pas. Pantin, Saint-Denis ; de l’un à l’autre on voit Paris, les fortifications, la porte de Flandres, les trams, le Sacré-Cœur, la tour Eiffel, comme une chemise grise ; enfin Paris ! la rue Saussure, la rue Tahère ! émotion contenue puisque rien n’est possible encore ! Silence de mes camarades qui chantaient, tristesse…
Les deux B… font appeler leurs parents par une boelle (Petite fille. Patois du Gâtinais) à Aubervilliers : le père arrive temps pour les embrasser, la mère ne peut arrive hors d’haleine à la barrière…
La Courneuve et Stains, Gonesse, de belles gares à glycines ! Louvres, Survilliers ; un admirable Précipice blond et laiteux, avec des châteaux enveloppés de vert comme d’immenses fleurs-ardoises.
Chantilly, une forêt claire…
Au-delà, deux paysages : un Vexin, moisson d’avoine et de blés ras encore, de seigle déjà haut, moiré par une merveilleuse onde, par le venta caressant et profond comme une flamme grise, et de beaux villages neufs, que la guerre n’a pas touchés, et des églises ou chapelles enveloppés de forêts, bouleaux, hêtres, peupliers dorés (maisons de lumière) : enfin une symphonie admirable en gris perle et or.
Et une Picardie, moins de moissons, mais d’immenses eaux éparpillées, pleines de roseaux, tantôt jaunes et tantôt violets, jamais verts ; partout des peupliers dorés, et un pays moins ondulé, plutôt raboteux, avec des villages de briques, des églises rouges et pointues, la flèche d’Amiens, peut être ? visible sur la gauche ; et l’ensemble enfin violet, ocreux et or…
C’est trop vite, mon Dieu ! le temps me manque … Et il y avait de si beaux noms de pays, Saint-Rémy-en-l’Eau, Saint-Just-en-Chaussée…
Corbie, une demi-heure de repos, une cathédrale avec deux tours sans flèches.
Voyage en automobile, au crépuscule et dans la nuit, jusqu’à Couturelle, par Doullens.
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Jean-Claude Poncet
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Re: Albert Thierry, du 28e RI, le 10 mai 1915

Message par Jean-Claude Poncet »

Bonsoir Vincent, bonsoir tout l'monde.
Ces communications sont très intéressantes.
En guise de remerciement, j'ai créé sur le blog un album de photos et vues de Noisy-le-Sec dont il est question dans les carnets.
Cordialement.
Jean-Claude
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