Inondation de l'yser (suite)

Piou-Piou
Messages : 2036
Inscription : ven. août 18, 2006 2:00 am

Re: Inondation de l'yser (suite)

Message par Piou-Piou »

Bonsoir à toutes et tous,

Sujet déjà évoquer sur l'yser, voici ce qui suit.

l'inondation.

Occupant, le 25 octobre, le Noordvaart et le Beverdyk, d'où elle se reliaient, de part et d'autre, aux têtes de pont de Nieuport et de Dixmude, nos troupes (belges) avaient atteint l'extrème limite de la résistance physique. Mal nourries, elles tombaient d'épuisement; la soif surtout, qu'elles ne pouvaient étancher qu'avec l'eau croupissante des fossés et des mares, leur causait d'intolérables souffrances. Sur de nouvelles instances du Roi, formulées dans l'après-midi du 24, le général Foch décida de porter le lendemain toute la division Grossetti derrière le centre belge. Il était temps, car de toute évidence, une poussée allemande nouvelle devait infailliblement bousculer notre front.
C'est alors, qu'afin de tenir coûte que coûte sur l'ultime ligne défendable: le remblais du chemin de fer courant de Nieuport à Dixmude, notre commandement résolut d'inonder le terrain entre cette voie ferrée et le cours même de l'Yser. La première idée, vraiment effective, d'appeler, en cas de besoin, les eaux de la mer à notre secours, appartient au capitaine-commandant d'état-major Nuyten, adjoint à cette époque au G.Q.G.

A suivre.
Cordialement.
Phil.
Phil.
Avatar de l’utilisateur
terrasson
Messages : 1252
Inscription : dim. mai 01, 2005 2:00 am
Localisation : nouvelle aquitaine
Contact :

Re: Inondation de l'yser (suite)

Message par terrasson »

Bonsoir a tous
bonsoir Phill
Acte grave quand on connait l effet de l eau salée ce qui en disait long sur la volonté tenacité et determination des Belges.Si je ne m abuse le roi lui meme en avait donné l ordre
bien cordialement Christian terrasson
adischats
soldat forcat a pas jamai portat plan lo sac.Es pas l'ome que gana es lo temps vai i mesme pas paur
Piou-Piou
Messages : 2036
Inscription : ven. août 18, 2006 2:00 am

Re: Inondation de l'yser (suite)

Message par Piou-Piou »

Bonsoir à toutes et tous,

A peine arrivé sur l'Yser, constatant la fragilité des positions à défendre et l'état de lassitude de notre pauvre armée, il s'était inquiété des moyens de réaliser semblable projet, sans toutefois s'en ouvrir encore à ses chefs. Il prit langue d'abord avec le chef-éclusier Kogge, qu'on lui avait renseigné comme étant famillier, depuis de longues années, avec le régime hydrographique particulier de cette région des Polders. Il apprit ainsi que l'on pourrait, par une manoeuvre des écluses et après excécution de travaux préliminaires, consistant à boucher tous les aqueducs de la voie ferrée, faire affluer le flot marin dans les, vaarten et grachten, qui se gonfleraient d'eau progressivement, puis déborderaient, étalant, sur toute la région, un blanc-d'eau infranchissable. Il ne s'agissait donc pas, comme d'aucuns l'ont écrit sans beaucoup y réfléchir, de faire déborder l'Yser même, endigué sur tout son cours. Ainsi documenté par Kogge, sa conviction bien établie quand aux possibilités de réalisation, le commandant Nuyten, à l'heure même où la bataille était secouée par la plus alarmantes des crises, exposa le projet qu'il avait pu mûrir. Ce projet fut soumis au Roi, le 25, et adopté séance tenante. Telle est, dans sa simplicité véridique, la genèse des inondations de l'Yser.
La décision du Roi une fois prise, le G.Q.G. ordonna d'entreprendre les premiers travaux de barrage, dans la nuit du 25 au 26. Ils furent menés activement par nos troupes du génie, aidées des précieux conseils du maître-éclusier Kogge. Si le salut devait venir de là, il n'y avait pas de temps à perdre. En effet, au cours de cette nuit mémorable où d'humbles travailleurs se hâtaient de boucher, à l'aide de sacs à terre, les aqueducs du chemin de fer, l'ennemi, pressé d'en finir, lança encore sur divers points des attaques plus ou moins violentes, qui furent heureusement contenues.
Au lever du jour, il accentua ses efforts pour tenter de desceller les deux pierres angulaires de notre résistance: Nieuport qu'il s'évertua vainement à encercler par le sud; Dixmude qu'il tenta, sans pouvoir y réussir, de déborder par le nord dans la région de Stuyvekenskerke. S'il fut tenu en échec, c'est en grande partie parce que les troupes allemandes exténuées, affaiblies par leur lourdes pertes, ne répondaient plus qu'imparfaitement à la volonté du commandement.
Chez l'adversaire aussi, les réserves s'épuisaient, les unités réclamaient du répit pour se refaire et pour se reformer. Et c'est peut-être là ce qui nous sauva de l'irrémédiable désastre.
Le 26 au soir, nos troupes et celles de Grossetti s'étaient repliées progressivement vers la voie ferrée à laquelle on donna un rudiment d'organisation défensive, depuis le sud de Nieuport jusqu'au delà de Pervyse, d'où notre ligne, s'infléchissant vers Oud Stuyvekenskerke, allait rejoindre l'Yser à hauteur de la borne 16 et se reliait enfin à l'imprenable tête de pont de Dixmude.
Dans la nuit du 26 au 27, le bouchage des aqueducs étant suffisamment assuré, on décide, avec l'aide du batelier Geeraerts, de manoeuvrer les écluses du, Veurne Sas, où aboutit le Noordvaart. Mais sous le violent afflux des eaux de marée, les lourdes portes se referment soudain et la manoeuvre échoue. Il faut attendre la nuit suivante pour la renouveler.

A suivre.
Cordialement.
Phil.
Phil.
Piou-Piou
Messages : 2036
Inscription : ven. août 18, 2006 2:00 am

Re: Inondation de l'yser (suite)

Message par Piou-Piou »

Bonsoir à toutes et tous,

Elle réussit cette fois. La journée du 27, heureusement, a été relativement calme. L'état d'épuisement de l'ennemi se confirme. Il ne faudrait point, pourtant, se bercer d'illusions dangereuses, car trop d'indices montrent que l'adversaire s'occupe à regrouper ses forces, à faire prudemment avancer les batteries qui vont préparer l'assaut final, qu'il médite de porter contre le dernier rempart encore dressé sur la route de Dunkerque à Calais. Mais chez nous aussi, tandis que la bataille gronde au sud, du côté d'Ypres, l'accalmie a été mise à profit pour rétablir une apparence d'ordre dans les unités éprouvées, procéder à quelques relèves, renouveler les provisions de cartouches, distribuer quelques vivres. Le Roi, une dernière fois, a fait appel au courage de ses hommes, a prononcé des paroles de confiance et d'espoir, les a encouragés de sa propre présence.
Et pendant ce temps, petit à petit, l'inondation commence son oeuvre sournoise et lente. Les fossés, les canaux, les ruisseaux se gorgent d'eau saumâtre. A la prochaine marée, ils commenceront de déborder; et dans un jour ou deux la nappe liquide submergera ces plaines sacrées, où tant de sang fut répandu.
Sans que l'ennemi ait bien conscience encore de la réalité, il s'inquiéte pourtant de cette eau qui monte insidieusement dans les, grachten, maudits, où ses hommes pataugent et font d'inutiles efforts pour se débarrasser de la boue envahissante. Sont-ce les pluies de ces derniers jours qui provoquent cet état de choses alarmant ?. Les Allemands s'interrogent et ne savent que répondre. Mais s'ils se perdent encore en conjectures, ils comprennent cependant la nécessité de prononcer sans retard le dernier effort duquel la victoire doit jaillir.
Le 29 au soir, alors, toute l'artillerie prend pour cible le remblai du chemin de fer. Et pour nos pauvres soldats, le supplice recommence sous l'infernale pluie d'obus. Cela dure des heures; puis vers la fin de la nuit, l'attaque se déclenche sur tout le front, de Nieuport à Pervyse, tandis que le tir s'allonge. Tout de suite, nos fantassins ont surgi derrière leur dernier rempart bouleversé; nos canons concentrent leurs feux sur les colonnes qui s'avancent; l'assaut est anéanti.
L'ennemi s'obstine, revient à la charge, se fait presque partout décimer sans pouvoir aborder nos lignes. Mais s'il ne relâche point son effort, c'est qu'il tient pour inévitable qu'un point faible quelque part finira par céder, par où la percée décisive s'opérera. En effet, aux premières clartés de la journée du 30, la position que le 5e de ligne tient devant Ramscappelle, et où il à brisé trois attaques successives, est finalement emportée par les trois régiments de la 5e division de réserve prussienne, qui se sont acharnés contre ce point.
La lutte dégénère dans un corps à orps à la suite duquel l'assaillant, poursuivant nos éléments qui refluent en désarroi, fait irruption jusque dans le village. Notre dernière ligne de défense est rompue.
Coûte que coûte, il faur écarter la menace mortelle, afin que l'inondation achève de nous sauver. Déjà au nord, à l'ouest, au sud de Ramscappelle, les troupes de soutien accourues ont dressé une fragile barrière qui suffit, cependant, à arrêter l'ennemi quand, dans l'après-midi du 30, avec l'appui de ses satanées mitrailleuses, il tente de déboucher du village ruiné. Mais ce n'est point assez de le clouer sur place, il faut chasser l'ennemi de la position envahie. Cette évidence s'est imposée tout de suite à l'esprit de tous les chefs présents, Français et Belges. La même volonté, la même initiative les animent; une entente immédiate s'établit, si bien que même avant la réception de l'ordre de contre-attaque, les unités disponibles ont commencé leur mouvement.
Phil.
Piou-Piou
Messages : 2036
Inscription : ven. août 18, 2006 2:00 am

Re: Inondation de l'yser (suite)

Message par Piou-Piou »

Il y a là, encerclant Ramscappelle à quelque six ou sept cents mètres de distance, du nord au sud : les débris d'un bataillon de notre 7e de ligne, de trois bataillons du 6e, d'un bataillon à deux compagnies du 14e; dans leur ligne s'intercalent fraternellement, coude à coude avec eux, le 16e bataillon de chasseurs et un bataillon du 151e de ligne français.
Le moulin qui, là-bas sur sa butte, agite au souffle du vent ses grands bras décharnés, semble leur adresser des appels de détresse. Il sera, pour ces braves, qu'enfièvre une même ardeur d'émulation, comme un point de ralliement vers lequel vont tendre leurs magnifiques énergies. Et sous les rafales des mitrailleuses crachant la mort, sous la fusillade intense qui crépite aux lisières de Ramscappelle, la ligne des tirailleurs français et belges ondule dans la plaine nue, se meut par bonds successifs, avance toujours envers et contre tout. Quand le soir tombe, elle n'est plus qu'à 100 mètres des boches. Un premier assaut partiel, mené par quelques éléments trop fougueux, pousse jusqu'aux premières maisons du village, mais ne peut s'y accrocher. L'ordre circule de remettre à l'aube du 31 l'attaque simultanée qui se déchaînera, au même signal, du nord, de l'ouest et du sud. Il fait presque nuit encore, quand les clairons du 6e de ligne - à qui les Français chevaleresques ont abandonné cet ultime honneur - lancent les notes stridentes de la charge. Et c'est, dans la clameur des, Vive le Roi !, Vive la France, un irrésistible assaut.
L'ennemi ne l'a pas attendu. Il a déguerpi pendant la nuit, ne laissant là qu'une arrière-garde que notre élan submerge. Le bataillon du 14e de ligne atteint le premier la halte du chemin de fer, d'où l'adversaire est délogé. A peine fait-il jour que la position, un moment perdue, est totalement reconquise. Et le soleil qui luit éclaire à la fois la victoire des héros de Ramscappelle et la déroute alemande.
Car le flot glauque, maintenant, a envahi la plaine, ne laissant émerger que les routes et les rares chemins par où se replient, dans une fuite précipitée, les dernières unités allemandes que la mer vengeresse a surprises. Et le flot monte encore, s'élargit et s'étend, tel un immense et sinistre suaire, sur les blessés que l'ennemi a dû laisser agoniser, sur les vivants qui s'enlisent sans secours possible, dans la vase gluante.
La bataille de l'Yser est finie, Dunkerque et Calais sont sauvés. L'Allemand ne passera plus. Mais de l'armée du Roi Albert, il ne subsiste que de glorieux débris. Elle a perdu, en tués, blessés, disparus ou malades d'épuisement, près de 25.000 hommes. Son infanterie héroïque est réduite à 32.000 fusils; la moitié de ses canons sont momentanément hors d'usage; son corps d'officiers a tellement souffert, que certain régiments en comptent encore douze à peine.
C'est dire au prix de quelle abnégation, de quelle immolations, de quels indicibles tourments, elle a conquis le droit d'inscrire sur ces drapeaux, ce nom tout frémissant de gloire et de souffrance, qui lui appartient tout entier : YSER.

Source : L'épopée Belge dans la grande guerre. 1923.

Cordialement.
Phil.
Phil.
nono26
Messages : 697
Inscription : lun. juin 22, 2009 2:00 am

Re: Inondation de l'yser (suite)

Message par nono26 »

Bonjour,
Superbe page d'héroïsme collectif...merci Phil de nous faire partager cet épisode trop méconnu .. Et c'est superbement écrit..
Cordialement Nono
Répondre

Revenir à « Batailles & lieux de combats »