Que penser de ce témoignage?

Parcours individuels & récits de combattants
Christine Leroy
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Re: Que penser de ce témoignage?

Message par Christine Leroy »

Bonsoir à tous

Soldat au 313ème jusqu'en nov 1915, né en 1874, mon arrière-grand- père a laissé une abondante correspondance. Parmi elle, ce témoignage a retenu mon attention. N'ayant pas encore une grande expérience en la matière, et n'ayant pu confronter ce témoignage à aucun autre, je ne sais trop quoi en penser.
Ces faits étaient-ils marginaux ou au contraire les retrouvaient-on dans d'autres régiments?
Connaissez-vous d'autres témoignages convergents pour le même régiment ou pour d'autres?
D'une manière générale, quels commentaires appelle, chez vous, cet extrait? Votre avis m'intéresse.

Merci

22/10/1915

......Pendant les derniers 39 jours que nous avons passés sur la ligne, la compagnie comptait peut-être encore 170 hommes à son effectif et pour faire les corvées en réserve ou prendre la garde en 1ère ligne, on ne pouvait trouver plus de 80 hommes. Tous les autres sont employés par le bureau du colonel jusqu’au simple sergent, par un emploi quelconque qui les distrait de leur véritable service, si bien que c’est toujours les mêmes qui travaillent et qui prennent la garde. Je suis du nombre mais je t’assure que je ne me décourage pas pour cela....
Si nous les petits, nous ne remplissons pas tout à fait notre devoir de Français, nous avons des officiers qui nous montrent bien l’exemple.
Nous en avons eu les meilleurs preuves, à La Fille Morte au moment de l’attaque et des contre-attaques. Pas un seul officier, ni même un sous-officier n’était avec nous. Ils étaient tous restés cachés dans leurs sapes et ils sont restés ainsi pendant les 12 jours !
Même, le jour de l’attaque comme les fils téléphoniques avaient été coupés par les obus et que nos canons de 75 n’étaient plus renseignés sur la portée de leurs tirs, ils tiraient trop court et fauchaient ces pauvres soldats du 82ème où était André. Par 3 fois, on a envoyé un homme pour le signaler à notre lieutenant et aux 3 fois, il a été impossible de le trouver. J’y suis allé 2 fois pour ma part, voyageant dans la tranchée sous les obus et je n’ai pu transmettre qu’aux agents de liaison qui n’auraient pas dû quitter les officiers. On nous dit ne pas savoir où ils étaient. Tous les soldats en était indignés. Il ne faut donc pas s’étonner si nous ne sommes pas victorieux, la faute ne doit pas en incomber à ces pauvres martyrs impuissants à se défendre et victimes de ces bandits......
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cordialement.
jean maeso
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Re: Que penser de ce témoignage?

Message par jean maeso »

Bonsoir,

Tout d'abord merci pour nous faire partager ces témoignages.

Le premier commentaire qui me vient à l'esprit est l'éternelle rivalité entre les officiers et la troupe. Mais qu'est-ce qui définit l'écart entre "le troupeau" des poilus et "la caste" des officiers ?
A mon avis, la distance prise par les seconds sur les premiers et qui fut justement un des point que Pétain tenta d'absorber pour reprendre en main l'Armée mutinée après l'offensive d'avril 1917 au Chemin des Dames.
Certes, il ne fait aucun doute que certains privilégiés ont profité de leur situation mais d'après les nombreuses lectures que j'ai eu l'opportunité de faire, c'est loin d'avoir été une généralité. Que les spécialistes me corrigent, mais il me semble qu'en valeur relative il y eut plus d'officiers tués.

Si vous voulez avoir au moins un avis convergent, je vous encourage à découvrir, si ce n'est pas encore fait, "Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier" ou encore "Le feu" d'Henri Barbusse (même si certains puristes ne le considère pas comme un témoignage évident).

La seconde réflexion concerne tous ceux qui veulent et savent se planquer. Quoi de plus naturel que la peur devant l'horrible blessure ou la mort. Ces pauvres bonhommes la cotoyait quotidiennement ne serait-ce qu'en pensée. A ce sujet lisez... "La peur" de Gabriel Chevalier. Remarquable.

Bien cordialement.

Jean Maéso
Christine Leroy
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Re: Que penser de ce témoignage?

Message par Christine Leroy »

Bonjour

Merci pour vos remarques qui me permettent de mûrir ma reflexion car comme je l'ai déjà précisé, je suis encore nouvelle sur le sujet .
Vos propos rejoignent l'analyse personnelle que j'en faisais mais l'impact affectif de cette correpondance déstabilisait un peu la neutralité de mon jugement. Je vais suivre vos conseils et tenter de me procurer les ouvrages que vous me citez. J'aimerai avoir une vision d'ensemble qui me permette de situer ce témoignage que je ne conteste absolument pas car le "bonhomme" qui l'a écrit avait une réputation d'honnêteté qui lui colle encore à la peau chez les anciens du pays, 40 ans après sa mort mais j'ai besoin de nourrir mon esprit critique par d'autres témoignages.
cordialement
STAN
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Re: Que penser de ce témoignage?

Message par STAN »

Bonjour . Ce temoignage est très interresant . La rivalité entre troupe et officiers existera toujours . Hors , il faut être objectif jamais les officiers n' aurons été aussi exposé que pendant 14/18. Mon grand père etait medecin capitaine , bien sur , il était moins exposé ! La preuve , il a fait venir sa famille sur le frond à Epinal , et ma grand mère a donné naissance à mon père en fevrier 1918 !!! Lorsqu' on lit la vie de Rommel , on y trouve des charges d' officiers allemands , le dimanche après midi , comme pour aller à la chasse , juste pour le sport !!! Comme quoi , tout est question d' affectation et de personalité . On ne peut guère generaliser . Je crois que nous n' avons pas le droit de porter un jugement sur certaines attitudes tant le decalage entre la strategie militaire et les armes utilisées fut grand . Les peurs étaient legitimes , que ce fussent dans la troupe comme chez les officiers . De plus , une armée qui pert ces officiers trop rapidement ne tient pas le coup très longtemps , le moral tombe très vite . la seul exeption est peut être la guerre de Crimée ou vraiment , ce sont les hommes de troupe qui ont gagné , les officiers étant "largués" .
Je crois juste qu' un officier est plus regardé , donc , plus critiqué . C 'est normal , un officier doit être un exemple , c' est le revers du grade . Quand , j' ecoutais mon père , directeur departemantal à l' office des anciens combattant et victime de guerre , il était bien plus critique sur le comportement des officiers en 1939 que sur ceux de 14/18 ....Je pense qu' il avait ces raisons...........Très cordialement , Stan .
Christine Leroy
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Re: Que penser de ce témoignage?

Message par Christine Leroy »

Bonjour

C'est bien parce que j'avais à l'esprit que les choses n'étaient pas si simples que je souhaitais vos avis.
D'ailleurs la peur fait l'objet dans les lettres de notre AGP de passages parfois poignants et je conçois d'autant mieux que les officiers n'en étaient pas exempts. Loin de moi l'idée de généraliser son témoignage mais où était la part d'exagération, si toutefois il y en avait ? Comment se faire une idée exacte après si longtemps si ce n'est en confrontant ses écrits à d'autres ?
Compte tenu de bien des éléments de sa correspondance, je me pose la question de savoir si parfois, dans certains régiments, les choses ne dérapaient pas un peu trop et qu'elle était alors la part de responsabilité de l'état-major? Quel était son comportement? Ignorait-il vraiment les faits, faisait-il comme si...., ou tentait-il d'y remédier?
Merci Stan pour cet avis.
Cordialement
Christine
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