Le massacre de notre infanterie. 1914-1918.

chanteloube
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Re: Le massacre de notre infanterie. 1914-1918.

Message par chanteloube »

Bonjour Guy François,

Vous dites:

Certes la "fiche" d'un lieutenant ou d'un capitaine n'a eu que peu d'incidence sur le déroulement ultérieur des carrières, il en est tout autrement des officiers supérieurs et je vous invite à comparer la situation des officiers à "avancement rapide" et en état d'accéder à une carrière "brillante" avant, pendant et après l'affaire des fiches (travail long mais qui peut être fait avec un peu de méthode).

et je serais tenté de vous suivre. Présentées ainsi les choses semblent évidentes…mais, sauf erreur de ma part, la liste des "spoliés" de l'affaire des fiches n’est pas plus longue que celle des "écartés" pour raison de "mauvais choix" en 70.
Vous savez bien que la carrière des militaires de haut rang, comme celle des hauts fonctionnaires est sujette à de tels avatars. Tel qui déplait se retrouve Préfet en disponibilité….ou pour citer une autre « institution » évêque en Afrique (exemple de Monseigneur Gaillot).
Les notations individuelles des militaires montrent que le cours d’une carrière peu facilement basculer.
Le nombre des ralentis pour cause de "catholicisme militant" n'est pas bien grand et de peu d'influence, à mon sens, sur la qualité du commandement. On n'a certainement pas favorisé l'émergence de "mauvais généraux" où alors c'est que l'institution elle-même n'avait pas été capable, antérieurement à l'affaire, de distinguer les bons des moins bons. Par ailleurs, mais je quitte alors de notre propos de départ, une institution, qui, la guerre terminée, est capable, quelles qu'en soient les bonnes ou mauvaises raisons, de ramener au rang de seconde classe des jeunes gens élevés au rang de lieutenant pilote lorsqu'ils demandent leur engagement dans l'armée de métier ou, à l’inverse, de procéder à des rattrapages de carrière (ici je parle de la seconde guerre) pour des officiers de marine ayant fait le choix de ne pas rallier la France Libre, de proposer le grade de sergent à des jeunes gens ayant commandé des escadrilles en Angleterre (Cf Closterman) ne peut trouver matière à se plaindre de son sort lorsque la carrière de certains membres, peu en vérité, non l'efficacité du commandement, je tiens beaucoup à cette notion, est mise en cause.
Si vous me permettez une remarque plus moderne, je dirai que c'est une curieuse manie qu'on toujours eu tous les "serviteurs de l'Etat de haut rang" de considérer que leur carrière personnelle passait avant leur service. J'ai constaté cette chose étrange au contact de gens qui parlaient plus d'avancement et de taille d’appartement de fonction que des contraintes ou difficultés professionnelles liées aux matériels ou aux circonstances et qui s'efforçaient, avant tout, de ne pas déplaire.
Pour résumer: je dirais que l'affaire des fiches est une honte, que le fichage des "fonctionnaires au sens large" par le pouvoir politique est toujours honteux, mais qu'on ne peut tout de même pas comparer ce qui est arrivé à quelques généraux aux purges staliniennes dans le commandement de l'Armée rouge.

Bien cordialement.
CC
ALVF
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Re: Le massacre de notre infanterie. 1914-1918.

Message par ALVF »

Bonjour Chanteloube,

Certes, l'affaire des fiches ne peut être comparée aux "purges staliniennes" ou aux "nuits des longs couteaux" d'autres régimes, mais il y a toutefois une longue "tradition" de purges politiques dans l'Armée française au hasard de la succession des régimes politiques du pays au cours du 19ème siècle(Restauration, Louis-Philippe, 1848, 1851, 1870, etc...).
Le seul problème c'est que ces "épurations" touchaient avant tout le haut-commandement et beaucoup plus rarement les sous-ordres et ce, pour des attachements ou des comportements politiques prouvés, connus, "palpables".La différence de l'affaire des fiches est que cette épuration est cachée, secrète, se nourissant des plus infâmes ragots, en un mot ne permettant ni de parer les coups, ni d'apporter la preuve de sa bonne foi et de ses compétences.Voilà pourquoi, j'estime que les conséquences morales de l'affaire des fiches sont importantes.La lecture de nombreuses archives privées me conforte dans cette opinion mais je sais aussi que le sort ou le déroulement de carrière des officiers n'intéresse généralement que peu d'historiens et c'est dommage car les "Mémoires", "Souvenirs" et autres documents publiés par des généraux "célèbres" n'amènent souvent que peu d'informations sur ces délicates questions.
L'étude des conceptions de la guerre et de l'évolution des plans de l'état-major reste à faire en France pour les années 1890 à 1914 en la comparant aux politiques des dirigeants du pays et à leur conception du rôle des Armées, une telle étude permettrait tout de même de comprendre bien des événements des années 1914-1918 au seul plan militaire.
Cordialement,
Guy François.
adalberon
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Re: Le massacre de notre infanterie. 1914-1918.

Message par adalberon »

Bonjour à tous,

Ce débat est passionnant mais j'aimerais juste rappeler que les "tirs amis" sont inhérents à la guerre elle-même : pendant la 1ère guerre du Golfe (1991), malgré l'incroyable technologie mise en oeuvre, près de la moitié des soldats de la coalition tués au combat l'a été à cause d'erreurs de tirs.

Cordialement,

Adal
Adal
Piou-Piou
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Re: Le massacre de notre infanterie. 1914-1918.

Message par Piou-Piou »

Bonjour à toutes et tous,

Pour Adal, je sais hors sujet, mais permettez moi.
Vous pouvez me joindre en MP.
1er guerre du Golfe 1991 : opération; Tempête du désert.
Quel sont les documents, sources ou imformations précise détenner vous pour affirmer que plus de la moitié des soldats de la coalition furent tués par des tirs amis.
Pas à ma connaissance, les frappes autorisées sur haut commandement, furent chirurgicale (c'est notre époque du modernisme, informatisé), avec bien entendus des dommages collatéraux mais au niveau civil.
Un menbre sur le Forum qui se reconnaitras peux éventuellement intervenir et vous prendre en MP.

Cordialement.
Phil.
Phil.
Piou-Piou
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Re: Le massacre de notre infanterie. 1914-1918.

Message par Piou-Piou »

Re,

Revenons à nos moutons, pour l'histoire.

Le 22 août 1914, le 1er régiment d'infanterie coloniale, commandé par le colonel Guérin, aujourd'hui général de division, suivait, en colonne de route, avec un peloton de chasseurs d'Afrique, quelques dragons éclaireurs et une batterie du 2e régiment d'artillerie coloniale, la route qui va de Saint-Vincent à Neufchâteau où il avait reçu l'ordre d'aller cantonner. Pour arriver à Neufchâteau, il fallait traverser une forêt profonde de 10 kilomètres et large de 25.
A 7 heures du matin, le régiment débouche du village de Rossignol, à 800 mètres au sud de la forêt, et il s'engage dans le couloir de la haute futaie. A peine avait-il fait 500 mètres, qu'il essuie une vive fusillade.
Et cependant, depuis la veille, le colonel Guérin était prévenu, par les habitants de Saint-Vincent et par ceux de Rossignol, que la forêt était occupée par l'Infanterie ennemie.
L'Etat-Major de la division était prévenu également. Mais, tous avaient résolu de passer outre. Le général Raffenel avait même dit, envoyez-moi quelques marsouins pour balayer ces pouilleux-là.
Ces pouilleux-là, hélas! étaient extrèmement nombreux et admirablement embusqués dans les bois.
La colonne pénètre dans la forêt. La surprise est terrible. La batterie d'avant-garde fait demi-tour, et se retire en désordre. Le régiment est bientôt engagé tout entier. Il a devant lui trois régiment allemands. Il résiste dans la forêt. Il résiste sur la lisière. Il résiste entre cette lisière et le village de Rossignol. Son héroïsme est prodigieux, mais les pertes sont épouvantables.
Vers 15 heures, la résistance devient impossible.

A suivre.
Phil.

Phil.
Piou-Piou
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Re: Le massacre de notre infanterie. 1914-1918.

Message par Piou-Piou »

Le régiment ne recevant aucun ordre, les unités isolées se retirent en combattant, sous la conduite des deux ou trois officiers subalternes restés indemmes et de quelques sous-officiers énergiques.

Malheureusement, dans ce combat, d'où la direction supérieur est absente, et où chacun agit de sa propre initiative, le gros de l'Artillerie est venu s'établir en batterie, sans mission, à 400 mètres au sud du village de Rossignol. Aucune liaison n'est organisée entre les deux armes. L'Artillerie ne sait pas où est l'Infanterie et vice versa. Elle l'apprend par les obus qu'elle reçoit, les batteries ayant ouvert le feu sur la lisière de la forêt, que les divers éléments d'infanterie en retraite franchissent successivement, sous la poussée des Allemands.
Le 1er régiment d'infanterie coloniale, subit de ce fait, des pertes cruelles.
Il est bien difficile de discerner, dans ces pertes, la part qui provient de l'Artillerie amie, de la part qui provient de l'Artillerie et de l'Infanterie ennemies. Mais l'impression général des survivants est que le tiers, au moins de nos pertes est imputable à notre artillerie, dont le tir extermine les combattants qui s'acharnent à défendre la lisière de la forêt.
Aussi, à la fin de la journée, outre 20 officiers tués, parmi lesquels le général de division Raffenel et le général de brigade Rondeny, outre 21 officiers blessés, le 1er régiment d'infanterie coloniale, dont l'effectif initial était de 3.250 hommes, a t-il perdu 3.000 hommes, dont 2.000 tués et 1.000 blessés ou prisonniers.
Le canon français a donc, faute de liaison des armes, massacré plus de 1.000 fantassins amis, dont 666 tués et 334 blessés.
Le rédacteur de l'historique du régiment avoue bien les 2.000 morts et les 1.000 blessés; mais, par camaraderie, sans doute, pour les artilleurs coloniaux, il s'abstient de dire que ces derniers ont tiré sur l'Infanterie amie. Il dit simplement : Notre artillerie fait rage.
C'est la rage au coeur, en effet, que les 250 survivants du malheureux régiment sont rentrés en France, et que plusieurs d'entre eux m'ont fait cet émouvant récit.

Voilà, l'auteur donne dans ce volume, beaucoup d'exemples de tout au long de la guerre.
Reste à l'histoire de juger, de tirer les conclusions.

Cordialement.
Phil.
Phil.
ALVF
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Re: Le massacre de notre infanterie. 1914-1918.

Message par ALVF »

Bonjour,

Voici un merveilleux exemple de la "prose historique" du Général Percin, il n'est pas besoin d'expliquer l'étendue des pertes de l'Infanterie Coloniale à Rossignol par le seul fait de l'artillerie française!En s'appuyant sur quelques témoignages soigneusement choisis, il en arrive à déterminer à l'unité près le nombre des pertes, "admirons" le 666 tués et 334 blessés pour faire un compte rond à 1000!
Heureusement que des historiens sérieux et en premier lieu le Lt-Cl Grasset ont enquêté, eux, sérieusement sur ce terrible combat de Rossignol.
Les causes de l'écrasement de la 3ème Division Coloniale sont à chercher ailleurs que dans les seules défaillances de l'artillerie.
Il serait souhaitable de citer des exemples de combats plus réduits relatés par la "méthode" de l'historien Percin, nous avons assez de spécialistes de l'histoire des unités sur ce Forum pour nous éclairer sur les faits cités dans ce livre.On doit bien sur le nombre en trouver de véridiques, mais l'outrance même des propos et la finalité politique de ce livre sont bien loin de la méthode de l'historien! (du moins celle que m'ont appris de "vieux" maîtres de l'Université des années 1964-1968!Ce qui ne nous rajeunit pas!).
Cordialement,
Guy François.
Piou-Piou
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Re: Le massacre de notre infanterie. 1914-1918.

Message par Piou-Piou »

Bonsoir à toutes et tous,

Merçi pour les informations concernant le général Percin.
Bon, je vais continuer de lire, le temps ne se prête pas au boulot, ce qu'il à écrit, drôle de petit bonhomme ce général.

Cordialement.
Phil.
Phil.
chanteloube
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Re: Le massacre de notre infanterie. 1914-1918.

Message par chanteloube »

rebonjour Guy François
Je rentre tout juste d'un petit voyage aller retour jusqu'à Briançon...

Pour Percin je vous suis totalement , pour ce que vous dites plus haut, je suis en accord avec vous...un travail de fond reste à faire. Je doute qu'il le soit un jour....sauf si un fin connaisseur s'y met....et encore il lui faudra, comme vous semblez l'avoir fait, consulter bien des archives privées et les croiser avec ce qu’on lit dans les dossiers personnels des généraux. Quand à travailler sur le corps de doctrine de notre haut commandement, c'est une toute autre affaire...il faudrait reprendre les cours professés à l'Ecole de guerre par nos noms connus et ...bon....gros travail!!
Merci de cet échange serein.
Cordialement CC
ANTONA Antoine
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Re: Le massacre de notre infanterie. 1914-1918.

Message par ANTONA Antoine »

Les Allemands ont perdu, dans les mêmes conditions:
2.049.366 hommes, tués ou disparus;
4.143.536 blessés.
Le total de ces pertes est de 6.200.000 hommes, en chiffre rond.
Les pertes allemandes ont donc été nettement supérieur aux nôtres.
Mais les Allemands n'ont pas eu affaire aux Français seulement. Ils ont eu affaire encore aux Anglais, aux Belges et aux Russes.
Pour comparer les pertes que les Allemands et les Français se sont infligées mutuellement, il faut considérer, non pas les valeurs absolues des nombres de blessés, tués ou disparus, mais les valeurs de ces nombres pour 100 combattants.
On trouve ainsi que, pour 100 combattants il y a eu:
chez les Français, 66 blessés, tués ou disparus;
Chez les Allemands, 41 seulement.
Nos pertes ont dons été, sur les parties du front où les Allemands n'ont eu que nous en face d'eux, supérieures de plus de moitié à celles de notre adversaire.
Bonjour le forum,une telle précision me laisse perplexe tant les Allemands ont été et demeurent flous quant à leurs pertes.Cordialement , Antoine.
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