Deux versions parce que le général Colle comprend devant le refus de l'artillerie qu'il va un peu loin....il corrige son message en rétrécissant le nombre des donneurs d'ordre mais il le maintient. Evidemment, les circonstances , en tout début de la guerre et en plein échec de l'offensive , expliquent probablement cet ordre!
Route de Saffais le 24/25/8/1914 16 h
"Si des fractions du 173 ème lachent pied et n'obeïssent pas à l'injonction de reprendre leurs emplacements de combat on fera feu sur elles.
le général commandant la 30DI....puis il rajoute:le général commandant la 59 BI ou un officiers seuls donneront les % .
J'ai trouvé ce document en 1990 dans les cartons 59BI..dont je n'ai plus la côte mais c'est trouvable facilement.
J'en ai fait état dans un texte publié par "les amis du vieux Toulon" et lors d'une conférence en 2005 à l'université Paul Valéry de Montpellier. Il n'est donc pas inédit et peut être cité.( pas l'image qui appartient à l'ex SHAT). Vous trouverez plus de détails sur
provence14-18.org, voir aussi le bouquin de M. MISTRE.
Cordialement CC
Bonjour,
On ne sait pas.
Qui se vanterait de l'avoir exécuté?
Je reviens sur ce que j'avais dit :
Faute de document....pour un historien de métier, la question est d'abord de se demander si un tel ordre peut avoir été donné...?
Suivant les options personnelles ...la réponse est oui ou non.
Devant le document la réponse est oui.....la question est donc de savoir s'il s'agit d'un cas isolé?
Ma réponse intuitive est probablement que non à ce moment de la guerre.....
Mon intuition s'appuie sur ce que je sais de la formation des officiers sup, sur les actions "suicides" que l'on a cru bon de faire faire aux troupes pour vérifier certaines hypothèses....sur la folie des attaques à la baïonnette etc.....MAIS il reste à trouver d'autres documents!
Bonjour,
Comment les troupes éventuellement prises à parti par leur propre artillerie auraient-elles pu savoir qu'il s'agissait d'un acte délibéré et non d'un tir trop court par erreur ?
Est-il imaginable que les soldats du 173e aient été avertis histoire de savoir ce qu'ils avaient à faire ?
Cdlt
Cyrille
"Sur un banc étaient rangés quinze ou vingt bonshommes qui avaient bien une douzaine de jambes à eux tous." (Duhamel)
les troupes certainement pas....les officiers qui les commandaient probablement....
pensez aussi que le 173 ème était, à cette époque, en majorité composé de soldats originaires de Corse donc que .....je n'insiste pas....donc du SUD et ...
CC
Je ne comprends pas les deux versions du document dont l'image est en tête de sujet : il sont rigoureusement identiques sauf un morceau de phrase, faut-il comprendre qu'une partie a été effacée informatiquement pour présenter un second état du document ? Comment êtes-vous arrivé à la conclusion qu'il y avait deux états ?
[quotemsg] La question est donc de savoir s'il s'agit d'un cas isolé ?[/quotemsg]
Je suis d'accord.
[quotemsg] Ma réponse intuitive est probablement que non à ce moment de la guerre.....
Mon intuition s'appuie sur ce que je sais de la formation desofficiers sup, sur les actions "suicides" que l'on a cru bon de fairefaire aux troupes pour vérifier certaines hypothèses....sur la foliedes attaques à la baïonnette etc.....MAIS il reste à trouver d'autres documents![/quotemsg]
Là pas d'accord, non sur la réponse en elle-même (j'ai bien noté les éléments qui indiquent que c'est une intuition, les mots en gras...), mais sur les éléments apportés en justification qui sont bien vagues. Même pas un renvoi à un bouquin...
- La formation des officiers supérieurs... Que faut-il entendre précisément ici ?
- Les actions "suicides" : malgré les guillemets, le mot est utilisé. Des exemples précis ?
- La folie des attaques à la baïonnette : le sujet a déjà été débattu ici, mais je n'aime pas le qualificatif utilisé et la lecture des témoignages (je n'ai pas lu les manuels d'officiers), la tactique était tout de même un peu plus complexe que la charge droit devant.
- etc... : sous-entendu j'ai d'autres arguments, alors il faut les donner, non laisser le lecteur à son imagination fertile.
Le sujet est assez sensible pour que les éléments apportés soient précis. Nous n'avons pas tous les lectures permettant de valider ou non tel argument (moi le premier). Je le dis donc non pour vouloir discréditer une thèse, mais bien pour pouvoir me faire une opinion.
De même, la mise en contexte du document dès le départ aurait été intéressante plutôt que le sous-entendu ("les circonstances") et la vague explication, que je trouve malheureuse, qui arrive plus tard "du SUD..." : les 24/25 août, on est au début du déclenchement de la campagne contre le 15e Corps. Ceci explique peut-être, effectivement, cela.
La question qui m'intéresse le plus ici, c'est celle posée par Jean-François : cet ordre a-t-il été suivi d'un tir ?
Bonsoir,
Je vais m'efforcer d'être clair puisqu'il semble que je ne l'ai pas été:
La formation des officiers supérieurs... Que faut-il entendre précisément ici ? - La folie des attaques à la baïonnette : le sujet a déjà été débattu ici, mais je n'aime pas le qualificatif utilisé et la lecture des témoignages (je n'ai pas lu les manuels d'officiers)
Les officiers supérieurs ont été élevés
(Voir l’armée de Dreyfus du général BACH chez Harmattan et la thèse de Corrine BONNAFOUS –VERRAX à LA DROITE DE DIEU qui explique bien des choses par le devenir politique des acteurs)
dans des institutions religieuses où l’idée de la rédemption par la douleur ou la mort était sans arrêt évoquée, et la loi de 1905 considérée comme un péché de la République qu'il fallait racheter et ce n’est un secret pour personne que les idée de Lyautey sur le fait «qu’un peu plus de considération » pouvait être apportée au soldat en garnison comme au combat, qu’on pouvait par exemple les débarrasser systématiquement de leur fourniment avant de les lancer à l’attaque ( je dis bien systématiquement et pas de temps en temps ) n’ont rencontré que peu d’échos au sein du commandement
( voir pour cette question un ouvrage non militaire mais digne d’être lu: le LYAUTEY de A. MAUROIS publié chez PLON )
Il a fallu globalement attendre Delattre pour ça.
Ce n’est aussi un secret pour personne que la vie des soldats du rang n’était pas la première préoccupation des concepteurs des attaques.
Pardon de faire long mais puisque vous me solliciter d’aller plus loin allons y :
En 1892, l’École de Guerre avait élaboré une doctrine de guerre prudente :
"expectative et combat de démonstration par des avant-gardes laissant au gros de l’armée sa liberté d’action"
Ces idées trouvèrent leur formulation dans le Règlement de 1895 sur la conduite des grandes unités :
" Attendre pour s’engager une manifestation de volonté chez l’ennemi et l’attirer sur un terrain où l’on pourra lutter dans de bonnes conditions"
Le commandement est libre de refuser le combat, les réserves seront engagées pour parer aux incidents ou pour exploiter un succès, non pour le rechercher.
En 1910, fut fondé le Centre des hautes études militaires, qui mit peu à peu au point un nouveau “Règlement “. Il parut le 28 octobre 1913. On y lut, sans surprise, à l'époque, des textes du genre de celui-ci :
“Le premier devoir du chef est de vouloir la bataille. La bataille, une fois engagée, doit être poussée à fond, sans arrière-pensées, jusqu'à l'extrême limite des forces. La résolution de combattre et même le choix de la forme générale du combat doivent être antérieurs à l'engagement. Le chef doit préciser ses intentions dans un plan de manœuvre: chacune de ses décisions doit venir à son heure, même si les données recueillies jusqu'ici sur les forces et les dispositions de l'ennemi sont incomplètes.
Un chef qui cède à la tentation d'attendre, pour agir, l’arrivée de renseignements plus précis, court, en effet, le risque de voir son adversaire déchirer le voile par des actes décisifs […] Le chef profitera du temps qui s'écoulera entre ses décisions successives pour faire rechercher toutes les données susceptibles d'éclairer la situation et de l'aider à développer logiquement son plan.” […]
“Pour vaincre, il faut rompre par la force le dispositif de combat de l'adversaire. Cette rupture exige des attaques poussées jusqu'au bout sans arrière-pensée : elle ne peut être obtenue qu'au prix de sacrifices sanglants. Toute autre conception doit être rejetée comme contraire à la nature même de la guerre... En prenant l'initiative on fait naître les événements au lieu de les subir: Un commandant en chef énergique, ayant confiance en soi, en ses subordonnés, en ses troupes, ne laissera jamais à son adversaire la priorité de l’action, sous prétexte d’attendre des renseignements plus précis. Il imprimera dés le début de la guerre un tel caractère de violence et d’acharnement que l’ennemi frappé dans son moral et paralysé dans son action, se verra réduit à la défensive.”
C'est à tort qu'on a mis sur le compte du seul Colonel Louis Loiseau de Grandmaison, la diffusion d’une doctrine aussi dangereuse. De pareilles théories, mettant en cause la doctrine de guerre de la France, n'avaient pu être développées, à tous les niveaux du Commandement, sans l'accord des plus hauts échelons.
Du Commandement, cette doctrine “descendait “ évidemment jusqu'à la troupe, dans le “Règlement sur le service en campagne”
“L'attaque exige la continuité dans l'effort et une extrême énergie. Chacun ne doit n’avoir qu'une seule pensée: aller de l'avant, quand même, droit sur l'objectif indiqué, pour joindre l'ennemi au plus tôt […] La progression de l'attaque n'a qu'un but: amener la chaîne de tirailleurs à distance d'assaut. C'est avec la baïonnette que l'infanterie brise la dernière résistance de l'ennemi. L'assaut, c'est à dire l'abordage à l'arme blanche, peut seul dénouer la crise.”
D’où la mystique de l’attaque à la baïonnette…
" Une offensive vigoureuse contraint l'ennemi à prendre des mesures de défense et constitue le plus sûr moyen de garantir le commandement aussi bien que les troupes contre tout danger de surprise"
Ce règlement de 1913 modifia radicalement, l'emploi de I'artillerie dans le combat. Au lieu de préparer l'attaque, elle l’appuyait, détruisant, en principe, ce qui s'opposait à sa progression.
Plus de réserves pour garder des lignes de retraite pendant l'attaque ou limiter l'insuccès en cas de revers. Tout le monde en première ligne. Et ces mots terribles:
“Le succès revient non pas à celui qui a subi le moins de pertes, mais à celui dont la volonté est la plus ferme et dont le moral est le plus fortement trempé. En conservant, au moment suprême où la balance menace de pencher du côté de l'ennemi, des réserves destinées à organiser des replis, à garder les flancs ou à couvrir la retraite, on laisse échapper les dernières chances de la victoire. Les réserves ne sont pas destinées à limiter l’insuccès, mais à agir offensivement pour gagner la bataille. Un chef méconnaît son devoir, qui, dans la bataille décisive, renonce à la lutte avant d'avoir épuisé tous les moyens dont il dispose. C'est en avant que le chef doit porter ses regards: en cas d'insuccès tous ses efforts tendront à rétablir le combat et à reprendre l'offensive.”
Ainsi, dans leur ensemble aussi bien que dans leurs détails, dans la théorie comme dans la pratique, ces règlements de 1913 n'envisageaient pas une seconde l'éventualité de la défensive, encore moins la possibilité d'une retraite.
Il consacrait cinq lignes seulement à la fortification !
"Les places fortes et les systèmes fortifiés n'ont de valeur que dans la mesure où ils facilitent les opérations des armées de campagne, tel est le principe fondamental qui justifie leur existence, plus spécialement au début de la guerre, où ils doivent servir d'appui à la couverture et l'aider à protéger la concentration des armées."
Presque rien sur l'aviation qui n’en était pourtant déjà plus tout à fait à ses balbutiements. Rien non plus sur les mitrailleuses, le mot n'est pas même prononcé, ni dans l'un, ni dans I'autre règlement. On n'ignorait pourtant pas sa puissance terrifiante, on savait qu’elle avait eu un rôle majeur dans la récente guerre russo-japonaise puisque, dans un rapport parvenu à l’État-major, on lit que :
"...L’effet produit est à la fois matériel et moral. En raison de la rapidité et de la justesse du tir, l'ennemi éprouve les plus grandes pertes en peu de temps... La mitrailleuse est du feu d'infanterie concentré. Elle a joué un rôle considérable sur le champ de bataille.
On peut affirmer qu'il en serait de même dans une guerre européenne et qu'une armée sans mitrailleuses serait en état d'infériorité sensible en présence d'un adversaire qui en serait pourvu […] C'est surtout dans la défensive que ces engins ont montré une terrible efficacité, et en particulier au moment où, les deux adversaires étant à quelques centaines de mètres les uns des autres, les hommes deviennent nerveux et tirent trop haut alors que les mitrailleuses, dans ces circonstances, fauchent littéralement les assaillants”
La mitrailleuse était tenue pour une intruse dans notre armement. Le modèle proposé en France était une invention mise au point par l'industrie privée dont jamais la Direction de l'artillerie n'avait voulu reconnaître la qualité.
Les faits constatés pendant la guerre russo-japonaise renversaient les théories en vigueur, ils compliquaient la bataille, la rendaient malaisée.
L'artillerie lourde exigeant une infinité d'études complémentaires et spécialement du chemin de fer à voie normale et à voie étroite, on ne voulut donc rien entendre.
Les théories du général Langlois furent érigées en dogme
“l'artillerie seule est impuissante à déloger un ennemi, il y faut la menace de l'infanterie, c'est à dire I'attaque. On ne saurait reconnaître l'ennemi à coups de canon, encore moins l'user ”[…] “Le feu, ne déloge pas d'un point d'appui une bonne infanterie. On dit en Allemagne que l'assaillant ne peut avancer sans grandes pertes contre un ennemi abrité, d'où cette idée de s'arrêter, d'appeler le canon à l'aide, d'accabler l'adversaire sous une grêle d'obus, de l'user ainsi par le feu de l'artillerie sans rien exposer à ses coups. Ne laissons jamais pénétrer chez nous une telle conception de la guerre. Après une dépense épouvantable de munitions sur des points d'appui peut-être occupés par des forces insignifiantes, nous ne serons pas plus avancés, mais les coffres seront vides”.
Le fin mot était dit : “ Les coffres seraient vides… ”
Et enfin ces propos étonnants :
“Les canons lourds dans une artillerie de campagne dont la mobilité doit être une des qualités maîtresses, sont un encombrement inutile et le transport de leurs pesants projectiles, surtout sur route, est une grave complication. Qu'ils restent dans les équipages de siège ! Il ne doit y avoir, dans les batteries de campagne, qu'une sorte de canons, de manière à réaliser l'unité de calibre, canon léger, passant partout, à tir rapide ”
Eclairés par ces quelques lignes, les événements tragiques du premier mois de la guerre s’expliquent plus facilement.
C’est ce que je veux dire en parlant d’attaques suicides et du contexte du document.
la tactique était tout de même un peu plus complexe que la charge droit devant.
Il faut croire que les plans d’attaques locales n’étaient pas aussi élaborés que vous le croyez.
Une « attaque locale » était montée en quelques heures et les documents préparatoires tenaient en quatre ou cinq pages, ce que confirmeront ceux qui en ont lu ailleurs que dans les JMO.
Je redis ici encore une fois que les « Pièces annexes » en apprennent plus que le JMO .
Le sujet est assez sensible pour que les éléments apportés soient précis. Nous n'avons pas tous les lectures permettant de valider ou non tel argument (moi le premier). Je le dis donc non pour vouloir discréditer une thèse, mais bien pour pouvoir me faire une opinion.
Vous avez évidemment raison mais dans une discussion, à peine de suspecter l’autre « de mauvaise foi » il faut bien admettre que ce qu’il dit est sérieux…où alors on ne discute pas....
De même, la mise en contexte du document dès le départ aurait été intéressante plutôt que le sous-entendu ("les circonstances" ) et la vague explication, que je trouve malheureuse, qui arrive plus tard "du SUD..." : les 24/25 août, on est au début du déclenchement de la campagne contre le 15e Corps. Ceci explique peut-être, effectivement, cela.
Je donnais simplement un document qui répondait à une affirmation « un général ne peut avoir donné un tel ordre »
Il ne me semblait pas nécessaire de mettre en situation le document car cela ne change rien du tout à sa réalité matérielle
( à moins de me suspecter de l’avoir fabriqué…ce que je ne pense pas...)
Le document existe ! Point.
Un général a bien donné un tel ordre ! Point.
Les conditions dans lesquelles il a été donné ne changent rien à l'existence physique du document.
Je m’efforçais simplement de dire en peu de mots que les circonstances pouvaient
aider à comprendre le pourquoi de la chose. ( il semble que ce n'était pas suffisant)
Mais étendons nous un peu puisqu’il vous semble le falloir….
Première explication pour le SUD :
L’épisode dit “l’affaire de la Garde”. (voir le texte LAGARDE sur Provence14-18.org et ne relancez pas de polémique s’il vous plait) est aujourd’hui assez connu, moins connues sont certaines de ses conséquences.
Dès que les faits avaient été portés à la connaissance du G.Q.G, ( la grosse bourde de Lagarde qu’il va vous falloir lire) on avait retiré, “pour de bon”, son commandement au Général Lescot.
[ANNEXE N° 188] Histoire de la guerre 14-18 (SHAT) 11 Août
Compte-rendu au G.Q.G. de l'engagement du 11 Août à Parroy, Xures, (2 ème Armée 59 ème Brigade)
Les deux bataillons envoyés hier soir 10 août par le commandant de la 2 ème D.C. à La Garde ont été attaqués très violemment ce matin par une force évaluée à environ une brigade d'infanterie et trois groupes d'artillerie. Ces bataillons ont été soutenus par deux autres bataillons de la 59 ème brigade et un groupe du 19 ème d'artillerie. Les troupes d'infanterie ont du céder. Dans cette retraite deux batteries sont tombées aux mains de l'ennemi.
Le Général commandant le 15 ème C.A a pris d'après mes ordres le commandement des troupes du secteur, y compris la 2 ème D.C. - Il porte deux brigades et quatre groupes dans la région Serres, Bauzemont pour recueillir s'il y a lieu la 59 ème brigade, qui ne paraît pressée.
Le 13 août, le Général Lescot était remplacé par le Général Varin. Cette mise à pied provoqua de graves mouvements d’humeur dans son entourage, si l’on en juge par un courrier “vigoureux” adressé par le Colonel Jaguin au Colonel Marillier en réponse à des propos plus que désobligeants.
15 ème Corps d'Armée
30 ème Division. 59 ème Brigade
Au bivouac près XURES le 15 août 1914
Le Colonel JAGUIN du 58 ème Régiment d'Infanterie
à
Monsieur le Général Commandant la 59 ème Brigade d'Infanterie
J'ai l'honneur de vous rendre compte que dans la journée du 11 août un Lieutenant de l'État-major de la 2 ème Division de Cavalerie qu'on m'a dit être le Lieutenant Antoinat était venu me donner des ordres pour l'occupation de la position de la Fourrasse et de l'organisation du commandement en ce point. J'ajoute que lui ayant demandé des nouvelles des événements qui venaient de se dérouler à la Garde et au Bois de la Croix, il m'avait tenu, presque mot à mot, ce propos :
"Je parle ici au nom du Général Commandant la Division de Cavalerie et déclare que le régiment n'a pas fait ce qu'il devait faire, qu'il a manqué au Devoir militaire en ne tenant pas sur ses positions. Que le temps des discours d'Avignon (sic) était terminé et que la seule façon de laver la faute était de se sacrifier ici, que les Provençaux avaient prouvé ce qu'ils étaient ".
Sur votre conseil je ne vous ai pas transmis de réclamation. Hier, 14 août, le Capitaine Calliès du l9 ème d'Artillerie m'a déclaré, en me disant de faire état de ce qu'il me rapportait, que ce même lieutenant lui avait dit, personnellement, que le régiment était déshonoré après l'affaire du 11 août.
Le Capitaine lui défendit de continuer son injure et lui déclara qu'il avait vu le 58 ème à l'action et avait admiré son héroïsme. Devant la double accusation du Lieutenant Antoinat qui a répandu son jugement autour de lui (je le sais de bonne source) je demande pour l'honneur du Régiment qui a laissé sur le carreau 800 à 900 hommes, que l'affront soit réparé.
JAGUIN
J’avance ici, l’hypothèse qu’une partie des problèmes que va, par la suite, rencontrer le 15 ème C.A, vient des “haines” entre officiers engendrées ce jour là.
En 1915, le 16 février, (Lettre 92) Noël Olive un Soldat du 40 ème s’en fera l’écho. Parlant des soldats du 165 ème de Verdun, il écrit :
" Quand ils sont de garde, en sentinelle, […] ont déjà reçu des marrons sur le nez, au début ils faisaient les malins, mais maintenant ils sont souples car nous ne les ménageons pas, et entre officiers c'est pareil : ils se vomissent entre eux. Çà c'est un détail. Je n'ai eu aucune discussion avec aucun mais à la première c'est la bonne, c'est que nous ne sommes pas à la caserne ici "
[strike]Passons maintenant au 173 ème[/strike]
Le 24 août, le 15 ème Corps, réorganisé sur les hauteurs de Saffais, reposé et repris en mains, mais à effectif réduit, se prépare à entrer dans la contre-attaque de la 2 ème Armée. On a signalé, d’importants mouvements allemands qu’il convient de contrer. Deux compagnies allemandes seraient entrées, très tôt le matin, dans Damelevières et reconstruiraient un pont. A 10 heures, on a signalé qu’une division venant de Luneville marchait sur Blainville, à 11 heures de fortes colonnes traversent la Meuse à Lunéville et Blainville. A la 2 ème Armée, on prend conscience, vers 11 h 30, que l’Armée Rupprecht marche en exposant son flanc droit et on a lancé un ordre d’attaque pour 13 h qui concerne le 20 ème C.A.
Le soir on confirme que les Allemands ont porté 3 CA dans le sud : 2 sur Gerbevillers, un sur Lunéville. La cavalerie de Conneau a gardé le contact et retardé le mouvement.
La 29 ème D.I. passe pour un temps au 16 ème CA qui doit attaquer le lendemain l’ennemi que l’on signale en retraite.
Le 25, l’offensive reprend, la 30 ème D.I. avance, 58ème RI à droite, 40 ème RI au milieu, 173 ème à gauche. La ferme Leumont est occupée mais immédiatement bombardée. Le 173 ème “ renâcle-t-il ” sous le feu ou craint-on qu’il ne “plie”, le Général Colle en tout cas envisage de tirer sur les soldats s’ils reculent puis se reprend, en limitant le nombre de personnes susceptibles de donner un tel ordre,
-Malheureux 173 ème ! Comme le Lieutenant-Colonel Chatillon l'expliquera plus tard au Général de Castelnau, ce régiment de Corse a été formé à la va-vite, presque uniquement de réservistes (troupe et gradés) et envoyé au combat, sans aucune instruction, dès son arrivée sur le front. Dix-sept officiers ont été tués en quelques heures : le quart de l'effectif du régiment- puis se reprend, en limitant le nombre de personnes susceptibles de donner un tel ordre.
Le 61 ème Régiment, renforcé de deux compagnies du 40 ème RI (Bataillon Santini), enlève Charmois. Les Allemands se dérobent et se retirent sur Mont.
Le lendemain, 26 août, l'ennemi réussit à bloquer la progression de ce qui reste des 15 ème, 16 ème, et 20 ème Corps d'Armée.
Un déluge de fer s'abat autour de Mont, autre véritable piège tendu par l’artillerie et les mitrailleuses des Allemands. Le 61 ème, chargé de l'attaque de Mont échoue. Les officiers du 40 ème qui marche juste derrière lui, arrêteront, arme au poing certaines sections qui refluent, en proie à la panique.
Voila pour la mise en situation.
La question qui m'intéresse le plus ici, c'est celle posée par Jean-François : cet ordre a-t-il été suivi d'un tir ?
Il n’y a pas de réponse à cette question.
Ce qui ne change absolument rien au questionnement : « se peut-il qu’un général ordonne de tirer sur ses troupes »
La réponse est oui même si elle est rude à admettre.
Que cet ordre ait été suivi d’effet…est une autre question, et en particulier "Pourquoi n’y a-t-il aucune trace de son exécution puisque les troupes ont effectivement reculé"
Bonsoir,
Claude, nulle polémique, longue transcription de texte mais la question était claire et le sujet bien précis: Se peut-il qu’un général ordonne de tirer sur ses troupes, la réponse est oui. Voir un sujet je crois sur les caporaux de Suippes, le général Réveilhac ordonne (verbalement) de faire tirer sur la tranchée française, mais le cdt d'artillerie demande un ordre écrit. Là plus personne, et Réveilhac méfiant ne le donne pas.
Maintenant les "ordres" notés je crois "%" dans les JMO. Combien d'ordres n'ont pas été suivis d'effet, de déplacements, d'attaques "ordres et contre ordres"...);
Tu ne sembles pas avoir relevé le futur dans cet "ordre"... On fera feu sur elles ! Que cet ordre ait été suivi d’effet…est une autre question (c'est TOUTE la question), et en particulier "Pourquoi n’y a-t-il aucune trace de son exécution puisque les troupes ont effectivement reculé"
Et bien tout simplement parce que le général machin n'a pas voulu prendre la responsabilité (heureusement) d'un ordre (un deuxième faisant suite au premier) écrit ordonnant cette fois de tirer, jour J heure H
Ca me semble clair et simple.
Cordialement,
Bernard