Fusillés : la question des archives judiciaires disparues

garigliano1
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Fusillés : la question des archives judiciaires disparues

Message par garigliano1 »

Bonjour à tous

Prisme vient de publier un article sur la quantité d’archives judicaires disparues.

En effet, le « lieu commun » concernant les fusillés circule, à savoir qu’il manquerait de 20 à 25% des dossiers de militaires français fusillés, reflète-t-il la réalité ?

Comment ce pourcentage est-il apparu ? Nous l’ignorons. Les exécutés sommaires et les abattus ont-ils additionné aux fusillés ? Dans ce cas, l’ajout de plus d’une centaine d’individus peut sensiblement modifier les statistiques sachant que les exécutés sommaires et les abattus n’ont jamais été jugés et donc ne possèdent pas de dossiers de procédure.
chochoi.jpg
chochoi.jpg (41.91 Kio) Consulté 532 fois
Prisme voulait porter un éclairage sur cette question.
https://prisme1418.blogspot.com/2025/12 ... aires.html
Le prochain article portera sur un de ces exécutés sommaires et abattus qui sont difficiles à identifier.

Cordialement
Yves
https://prisme1418.blogspot.com/
La Falouse
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Re: Fusillés : la question des archives judiciaires disparues

Message par La Falouse »

Bonjour Yves.

Merci pour cette mise au point et ces articles toujours très instructifs.

Bien cordialement.

Fréséric RADET
garigliano1
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Re: Fusillés : la question des archives judiciaires disparues

Message par garigliano1 »

Bonjour à tous, Bonjour Frédéric

Il existe d’autres sujets relatifs aux fusillés pour lesquels, la vision des « choses » de nos contemporains est à « géométrie variable ».

C’est le cas de la « définition » de "fusillés pour l'exemple" : chacun y voit ce qu'il veut y voir. On appelle cela la polysémie d'un concept.

Dans l’article 56 de son commentaire abrégé du code de justice militaire pour l’armée de terre de 1876, le commandant Vexiau, professeur de législation à St Cyr, licencié en droit, ancien substitut auprès du conseil de guerre de Paris, a défini les 2 types de crimes commis par les militaires :

1- les crimes de droit commun prévus par le code pénal et les diverses lois pénales.

2-les crimes militaires prévus spécialement par le code de justice militaire.

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loi 1925-4.jpg (136.69 Kio) Consulté 57 fois
Ce tableau repris sur le modèle utilisé par le général Bach lors de la rédaction du rapport sur le centenaire, illustre les motifs sanctionnés par la peine de mort suivant le type de crime défini, ici, par le commandant Vexiau. D’ailleurs, en 1876, il ne pouvait pas évoquer le terme « fusillé pour l’exemple » puisqu’il n’était pas usité.

En 1925, le législateur n’a pas défini qui était un fusillé pour l’exemple ou pas (il aurait dû innover pour cela car comme nous l’a dit une de nos connaissances qui était magistrat : je ne peux pas vous répondre, cette expression ne fait pas partie de la terminologie judiciaire). Mais le législateur a déterminé qui pouvait être amnistié. A savoir tous les militaires français fusillés sauf les cas d’espionnage, de débauchage, de capitulation, de désertion à l’ennemi, de désertion avec complot, de pillage et les crimes punis par le code pénal.

En 2014, les archivistes du SHD ont décrété que tous les militaires français fusillés étaient des « fusillés pour l’exemple » sauf les cas d’espionnage et les auteurs de crimes punis par le code pénal. Cela a abouti au chiffre absurde de 639 comportant entre autres des exécutés sommaires qui, par essence, n’ont jamais été jugés par un conseil de guerre. Ce chiffre a été « validé » en 2023 par un historien patenté (pas auto-proclamé ce qui aurait été plus pardonnable) que le général Bach avait déjà « recadré » pour ses erreurs dans son billet d’humeur du 17 avril 1917 publié post mortem en août 2017 par la Nouvelle Revue d’histoire.

Si l'on va plus au fond des choses, toute condamnation en temps de guerre d'un soldat est pour l'exemple.
En effet, dans son introduction au titre II "Des crimes, des délits et de leur punition", le code Justice militaire énonce :

C'est l'intimidation que l'on doit toujours avoir en vue ».

Dans l’introduction du Livre IV, on lit :

1-dans la version 1876 : Les peines n’ont pas seulement pour but de punir les coupables, mais aussi de servir d’exemple à tous, et de prévenir ainsi, autant que possible les infractions aux lois.

2-dans la version 1882 : Le droit de punir, que possède la société, réside [….] dans l’utilité pour la société de corriger, et d’amender les coupables, de prévenir les infractions aux lois par l’exemple des peines qu’elle inflige.

Il y a dans toute justice une idée qui renvoie à l'exemple, à savoir dissuader par les jugements, les délinquants à aller tâter de la prison.

C'est plus net en justice militaire. Les condamnés pour crimes de sang l'ont été aussi pour l'exemple dans l'esprit des juges militaires.

Le général Bach avait depuis longtemps plaidé pour la mise en communication publique des archives de Justice militaire, ce qu’il avait d’ailleurs recommandé dans le rapport sur le centenaire, c’est ce qui a été fait un an plus tard. Il voulait que l’accès à ces documents fassent disparaître le soupçon qui pesait sur ces archives (si les archives sont interdites, c’est qu’on nous cache des choses) mais si aujourd’hui, chacun a accès aux dossiers des fusillés, il n’est reste pas moins qu’il est « conseillé » de connaître certains fondamentaux comme le Leclerc de Fourolles, le Pradier/Fodéré, le Foucher, l’Augier/Le Poittevin, les Vexiau dont celui de 1882 ci-dessous.
vexiau -amnistie.jpg
vexiau -amnistie.jpg (197.26 Kio) Consulté 57 fois
Aujourd'hui, on constate que des entités ou des individus continuent à se nourrir de l'ignorance de la réalité, du fonctionnement de la justice militaire et de son évolution, du droit français et même des décisions du conseil constitutionnel.

Cordialement
Yves
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