Autret, fusillé dont le dossier de procédure a disparu

garigliano1
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Autret, fusillé dont le dossier de procédure a disparu

Message par garigliano1 »

Bonjour à tous

A la suite de l’article sur le soldat Piedevache condamné 3 fois de suite à mort, ce dernier article présente le cas du soldat Autret dont le 1er jugement a été annulé mais qui, au final, n’a pas été gracié.

L’action des conseils de révision temporaires qui ont remplacé la Cour de cassation durant le conflit, a été très importante. Ainsi, 206 jugements ont été cassés par les conseils de révision temporaires entre le 8 juin 1916 et la fin du conflit. Parmi tous les militaires qui ont été rejugés, cinq militaires ont été recondamnés à mort puis fusillés dont ce militaire.
autret 3.jpg
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Malgré la disparition du dossier de procédure de ce soldat, les recherches et l’analyse des documents permettent d’obtenir une très bonne vision du cas de ce fusillé. C’est cette démarche qu’il faut adopter pour chaque dossier manquant ou incomplet. Comme la réhabilitation, c’est une démarche individuelle.
https://prisme1418.blogspot.com/2025/11 ... le-le.html

Bonne lecture
Cordialement
Yves
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La Falouse
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Re: Autret, fusillé dont le dossier de procédure a disparu

Message par La Falouse »

Bonjour Yves.

Le lieu de l'exécution ce jour.
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Cordialement.
Frédéric RADET
garigliano1
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Re: Autret, fusillé dont le dossier de procédure a disparu

Message par garigliano1 »

Bonjour à tous, bonjour Frédéric

Bel endroit pour un triste évènement.
Dans cette affaire, la tentative des camarades d’Autret pour l’extraire de sa cellule l’a conduit au peloton d’exécution. On peut difficilement contredire l’avocat d’Autret (avocat à la Cour de Paris), c’est lui qui évoque le coup de pied au ventre et le canon du fusil braqué sur la hanche du sergent Keryvin en tentant de les minimiser. Avocat dans le civil, il a peut-être oublié que la loi militaire, contrairement à la loi civile, ne sanctionne pas le geste mais l’insubordination.

Sans l'action de ses camarades, même si le général Bouisson avait porté plainte pour outrages, Autret aurait pu être condamné à 5 à 10 ans de TP.
article 150.jpg
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Ces courtes peines étaient très souvent suspendues car l’autorité militaire avait besoin de tous les soldats disponibles. Dans la lettre ci-dessus, le Ministre de la guerre a d’ailleurs recommandé de suspendre les peines en usant de l’article 150.
Même si Autret avait été condamné pour outrages et ivresse, il serait ressorti de prison quelque temps plus tard comme cela a été le cas pour beaucoup d’autres condamnés.

Cordialement
Yves
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La Falouse
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Re: Autret, fusillé dont le dossier de procédure a disparu

Message par La Falouse »

Bonjour Yves.

Sans parler de réhabilitation, le fait que sur la plaque de la tombe d'Autret (NN de Dugny/Meuse) figure la mention "Mort pour la France", cela peut-il déjà s'apparenter à une sorte de réhabilitation, même toute relative ?

Bien cordialement.
Frédéric
garigliano1
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Re: Autret, fusillé dont le dossier de procédure a disparu

Message par garigliano1 »

Bonjour Frédéric

Tout d’abord, cette localisation est-elle correcte ?
lieu d'exécution d'autret.jpg
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Pour revenir à la question que vous posez :
tombe autret.jpg
tombe autret.jpg (17.35 Kio) Consulté 304 fois
On peut répondre de 2 manières :
1-on peut considérer que cette mention est « officieuse » et s’en contenter

2-de manière tout à fait impartiale, en s’en référant strictement qu’à la loi, il faut constater plusieurs choses :
A-Depuis la loi du 4 avril 1915, un condamné même à mort qui a été gracié pouvait être réhabilité s’il avait été cité pour acte de bravoure. Après un processus administratif, le militaire était réhabilité par un jugement prononcé par un Cour de justice. Au cours de nos recherches, nous en avons trouvé beaucoup dont 2 décrits dans des précédents articles. Évidement, ce processus s’est naturellement tari.

B-De par la loi de 1924, les exécutés sommaires et les abattus ont pu individuellement être réhabilité par une Cour d’appel sur simple demande de la famille. Pour ces militaires qui n’avaient jamais été jugés, il était impossible de réviser leurs jugements puisqu’il n’y a pas eu de jugement.

Aujourd’hui, ces 2 processus n’existent plus.

C- De par l’article 6 de la loi d’amnistie du 3 janvier 1925, tous les infractions commises pendant la guerre (contraventions, délits et crimes) ont été amnistiées pour les motifs indiqués dans l’article 6.
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Nous avons rédigé un article en février 2024 sur ces lois d’amnistie. Tous les militaires condamnés à mort ou pas, graciés ou fusillés ont été amnistiés pour les motifs indiqués.
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valet.JPG (119.54 Kio) Consulté 304 fois
Regardez la fiche de matricule du soldat Valet, fusillé le 31/03/1915 pour abandon de poste en présence de l'ennemi, il a été amnistié. L’amnistie est une mesure collective qui a concerné tous les militaires jugés pour les motifs prévus par l’article 6.

D- Aujourd’hui, la réhabilitation est une mesure individuelle qui dépend uniquement de l’autorité judiciaire. Il existe 2 formes de réhabilitation :
-la réhabilitation légale : le condamné est réhabilité à la fin de sa peine
-la réhabilitation judiciaire : le condamné demande sa réhabilitation à la moitié de la peine effectuée par exemple. Un juge la lui accorde ou pas en fonction de son « comportement ».

E-En 2020, le Conseil constitutionnel a rendu une décision n° 2019-827 QPC concernant les conditions de recevabilité d’une demande de réhabilitation judiciaire pour les personnes condamnées à la peine de mort. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 décembre 2019 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 2805 du même jour) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). L’affaire concerne un condamné à mort guillotiné en France dont le fils demande la réhabilitation de son honneur (le guillotiné avait tué un policier).

Dans sa réponse, le conseil constitutionnel a déclaré :

La réhabilitation a pour objet de rendre à la personne ayant fait l’objet d’une condamnation tous les droits qu’elle a perdus. Elle est définie par la doctrine comme le rétablissement du condamné dans son honneur et sa probité par l’effacement de la condamnation et de toutes les déchéances et incapacités qui peuvent en résulter. […..] L’article 133-1 du CP prévoit que la réhabilitation « efface la condamnation ». Plus précisément, elle produit, en vertu de l’article 133-16 du CP, les mêmes effets que l’amnistie et « efface toutes les incapacités et déchéances qui résultent de la condamnation ». […..] La réhabilitation ne peut en principe intervenir que lorsque le condamné a exécuté entièrement la peine principale prononcée à son encontre. [….] Toutefois, la réhabilitation légale est exclue pour les peines criminelles ainsi que pour les peines correctionnelles uniques dont le quantum est supérieur à dix ans et, en présence d’une pluralité de peines, dont le quantum est supérieur à cinq ans. Ainsi, la réhabilitation ne peut jamais être automatiquement acquise pour les peines les plus lourdes. […..] La Cour de cassation a considéré que « les articles 785 et 786 du code de procédure pénale subordonnent la recevabilité de la demande en réhabilitation à des exigences de délais cumulées, qui deviennent incompatibles entre elles lorsque la demande concerne un condamné à mort dont la peine a été exécutée. En effet, l’article 785 prévoit que la demande de réhabilitation doit être présentée du vivant du condamné, ou dans l’année de son décès, alors que l’article 786 exige qu’elle soit présentée après un délai de cinq ans, pour les condamnés à une peine criminelle, ce délai partant, pour les peines autres que l’emprisonnement ou l’amende, prononcées à titre de peine principale, à compter de l’expiration de la sanction subie ». Il en résulte qu’une personne condamnée à mort dont la peine a été exécutée ne peut donc pas bénéficier d’une réhabilitation judiciaire. […..].
Le demandeur a donc été débouté.

La Cour de cassation, ne pouvant répondre, a demandé au conseil constitutionnel de trancher cette question. Les points importants sont soulignés et en gras :
-la réhabilitation produit les mêmes effets que l’amnistie
-la réhabilitation légale ne s’applique pas aux peines criminelles
-la réhabilitation judiciaire ne s’applique pas aux condamnés à mort dont la peine a été exécutée

Il s’avère que tous les militaires français fusillés durant le conflit 14/18 jugés pour les motifs mentionnés dans l’article 6 de la loi du 3 janvier 1925 ont déjà été amnistiés.

Il ne faut pas confondre « réhabilitation » et révision d’un jugement par une Cour de justice. Ces 2 processus induisent des conséquences très différentes. Cela a été le cas par exemple pour Lucien Bersot et les 4 caporaux de Souain qui ont été rejugés et déclarés innocents des faits qui leur étaient reprochés.

Avant 2006 et surtout avant la loi de 2012, aucun texte ne réglementait les écritures sur les MAM donc les mairies ont pu écrire ce qu’elles voulaient sur ces MAM. 210 fusillés figurent sur les MAM. Là se pose un double problème moral dont la réponse ne trouve pas parmi les groupes d’influence mais parmi chacun d’entre-nous. Un fusillé a-t-il le même statut qu’un combattant mort en 1ère ligne ? Les maires avaient-ils les informations correctes pour inscrire ces fusillés ? on doit s’interroger quand on remarque que la liste de 639 fusillés pour l’exemple présente sur le site de la mairie de Chauny comporte nombre de cas douteux comme Lamide auteur d’un meurtre sur monsieur Charles Hupp ou Célestin Petit qui a assassiné l’enfant Julien Lutringer

Suivant la loi, Lucien Bersot et tous ceux qui ont été favorablement rejugés par une Cour peuvent légalement figurer sur ces MAM. Pour les autres fusillés, c’est un point que le législateur devrait trancher : l’amnistie permet-elle l’attribution de la mention MPLF alors que les conditions d’attribution ne sont pas remplies ?

Tout cela est un peu long mais la réponse appartient à chacun d’entre nous et surtout pas à certains individus qui prétendent parler des fusillés mais dont les connaissances sont très très en deçà de celles du général Bach.

Cordialement
yves
La Falouse
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Re: Autret, fusillé dont le dossier de procédure a disparu

Message par La Falouse »

Bonjour Yves.

Merci beaucoup pour ces précisions qui doivent faire réfléchir ceux qui veulent réhabiliter à tout va.
Il faut savoir raison garder dans ce domaine ample et complexe qu'est la connaissance et la compréhension en matière de justice militaire. Chaque cas est différent et demande des recherches approfondies et sérieuses.Ce que vous faite.
Pour en revenir aux plaques de certains fusillés j'ai toujours en tête celle du soldat Allard, NN de Verdun-Glorieux. Je n'ai pas de photo (je regrette de ne l'avoir pas fait à l'époque) mais j'ai vu sur sa plaque la mention "Fusillé", ensuite celle MPLF, et aujourd'hui "décédé". Il y a de quoi s'interroger quelques fois...
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Cordialement.
Frédéric
garigliano1
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Re: Autret, fusillé dont le dossier de procédure a disparu

Message par garigliano1 »

Bonjour Frédéric

Concernant les plaques, je ne pense pas que cela constitue une priorité pour l’ONAVG. Ces divergences se corrigeront au fur et à mesure des interventions de personnes qui fourniront des éléments de preuve à l’ONAVG.

Comme souvent, cela se fera petit à petit. En 2014, le fusillé Charles Clerc n’existait pas sur MDH. En août 2023, nous avons publié un article sur ce fusillé que nous avons découvert plusieurs mois auparavant. Depuis février 2025, ce fusillé apparaît désormais sur MDH alors que nous n’avons adressé aucun message à cet organisme. https://prisme1418.blogspot.com/2023/08 ... e-des.html

Je voulais revenir un instant sur l’amnistie d’un militaire français fusillé. Il s’agit d’un des 7 fusillés de Pétain en l’occurrence Georges Fraisse. En 1961, sa veuve a demandé un extrait du jugement qui aurait réhabilité son mari. La révision d’un jugement ou la réhabilitation d’un jugement apparaît sur le casier judiciaire du condamné.

Le jugement de Georges Fraisse n’a jamais fait l’objet d’une révision ou d’une réhabilitation qu’elle soit légale ou judiciaire (ce qui est impossible selon le conseil constitutionnel pour ce dernier cas). Par contre, comme vous pouvez le voir, Georges Fraisse a été amnistié en application de l’article 6 de la loi du 3 janvier 1925. Georges Fraisse avait été condamné pour un refus d’obéissance, il rendrait donc parfaitement dans le cadre de l’article de cette loi.

Sa veuve, peut-être mal conseillée ou mal renseignée, n’a pas compris l’impact de la loi d’amnistie de 1925 ce qui est malheureusement toujours le cas aujourd’hui pour certaines personnes. C’est ce document qui a été adressé à sa veuve.
fraisse.jpg
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Sur le document ci-dessus, il est écrit : Ces infractions sont amnistiées par les articles 6 et 23 de la loi du 3 janvier 1925. Le document évoque le refus d’obéissance pour marcher contre l’ennemi et la provocation à la désobéissance.

Autret comme Fraisse et tous les fusillés rentrant dans le cadre de la loi ont été amnistiés en 1925. Selon le conseil constitutionnel, il est clair que la réhabilitation (quand elle peut être appliquée) produit les mêmes effets que l’amnistie. Si on lit bien cette décision, l’impact de l’amnistie est plus important que la réhabilitation.

Le pouvoir législatif a bien œuvré à travers ces différentes lois d'amnistie (celle de 1925 a été mieux formulée que celle de 1921, une partie des députés sont d’anciens combattants). Comme le disait le député Gamard : nous sommes pour l’amnistie mais pour certains cas (il faisait référence à quelques cas dont les caporaux de Souain), il faut aller plus loin ce qui a été fait par la Cour spécial de justice militaire.

La réhabilitation ne doit pas être confondue avec la révision. Alors que la révision permet d’innocenter un coupable injustement condamné, la réhabilitation concerne une personne frappée d’une peine criminelle, délictuelle ou contraventionnelle, qui ne conteste pas sa culpabilité.

Plusieurs fusillés dont les jugements ont été favorablement révisés comme Lucien Bersot ou les 4 caporaux de Souain, ont été innocentés car manifestement il y a eu vice de procédure.

Aujourd’hui, tous les militaires français fusillés ont été amnistiés sauf les cas d’espionnage, de débauchage, de capitulation, de désertion à l’ennemi, de pillage et les crimes punis par le code pénal.

Pourquoi certaines personnes veulent-elles refaire ce qui a été fait et bien fait en 1925 ? Sauf à méconnaitre le droit, sauf à ignorer les lois d’amnistie, sauf à vouloir amnistier les cas exclus de la loi de 1925, sauf à vouloir promouvoir une idéologie, on ne voit pas bien la finalité de la demande puisque comme l’a écrit le conseil constitutionnel : la réhabilitation « efface la condamnation ». Plus précisément, elle produit, en vertu de l’article 133-16 du CP, les mêmes effets que l’amnistie.

Il ne suffit pas de mentionner globalement les fusillés comme l’a fait la mairie de Chauny (avec beaucoup d’erreurs) pour décréter qu’ils ont rejoint la mémoire nationale, c’est un long travail d’explication qui est nécessaire de réaliser.

Cordialement
Yves
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