Bonjour,
Bravo, ou plutôt merci, Jean Baptiste, de nous rappeler cette si belle page de poésie, c'est-à-dire de vie -et de mort ! - humaine, juste un peu plus attentive à elle-même, juste un peu plus profondément, plus consciemment vécue jusqu'au fond du coeur de son coeur, et "juste un peu mieux exprimée" que nous ne savons le faire, nous autres piétons ordinaires de "la prose du quotidien" ...
Les poètes dignes de ce nom sont là pour nous introduire, peut être, et s'il se peut, à cette Vérité, plus profonde que la Réalité. - Vérité/Réalité: subtile différence sur laquelle un philosophe disserterait volontiers, sans doute...
Comme, et juste avant, celui de Jean Marc BERNARD, que Violette nous rappelait voilà quelques semaines:
pages1418/forum-pages-histoire/ecrivain ... 7399_1.htm
ce poème de Sylvain ROYÉ avait été publié autrefois par Paul Galland dans son "Histoire de la Grande Guerre 14-18" (Ed. Durassié & Cie 1974, pp. 248-249).
Pour m'associer en apportant ma modeste contribution à l'hommage que vous avez eu la bonne idée et la délicate attention de rendre à Sylvain ROYÉ, je me permettrai de compléter la citation de son poème, par les deux strophes qui précèdent celles que vous reproduisez, et dont les images, de blés et de fruit, nous rappellent que tant et tant des victimes de cette Grande Guerre, étaient des hommes de la campagne. -"Campagne": c'est ainsi qu'on nomme aussi les guerres ! cruelle ironie !...
Je cite, donc, ce début du poème:
I
Les blés sont déjà hauts, dans les sillons de France,
L'été les a dorés, l'été les a mûris.
La moissons sera-t-elle aussi belle qu'on pense ?
Est-ce assez de grandeur, d'héroïsme et de cris ?
Seigneur, nous n'avons pas dans l'abandon des larmes
Oublié votre gloire et trahi votre nom.
Nous n'avons pas douté du retour de vos armes.
Le jour va-t-il sonner des résurrections ?
Notre espoir s'élevait quand nous étions à terre.
Nous n'étions que son ombre et nous étions sans voix.
Seul il tendait vers Vous la foi de nos prières,
Mais nous voici levés, Seigneur, tous à la fois.
Les blés jaunes sont hauts entre les forêts vertes.
La France attend debout le prix de ses douleurs.
Aux moissons de demain les granges sont ouvertes.
Le Jour va-t-il sonner des guérisons, Seigneur ?
II
Seigneur, le fruit est lourd qui fait ployer la branche.
L'odeur du verger clos promet des jours heureux.
Sous l'opulent fardeau l'arbre geint et se penche,
Et la récolte est proche, et le désir nombreux.
Tant de sang abreuva le champ de la Patrie.
Tant de sang accordé pour un immense éveil,
Que chaque fruit de l'arbre en sa pulpe mûrie
Mêle un goût d'héroïsme à son goût de soleil.
Jadis nous n'avions rien que nos paisibles roses.
Le jardin regrettait de n'être qu'un jardin.
Mais le voici grandi sous les métamorphoses,
Tragique de porter l'orgueil de nos destins.
Le fruit est lourd, Seigneur, l'après-midi sommeille.
Nous n'avons épargné ni l'effort ni l'espoir.
Souffrez que le fruit tombe au creux de nos corbeilles
Et que nous rentrions, joyeux, avant le soir.
Fin de citation. La notice introductive, dans le livre de P; Galland nous rappelle que Sylvain ROYÉ était breton.
Jean Marc BERNARD, né dans la Drôme, Sylvain ROYÉ breton... Toutes les Provinces de France ont eu leur poète, "poète assassiné", pour reprendre le mot d'un autre praticien du même artisanat sublime (Apollinaire) pour représenter et chanter -déplorer, au sens fort- la mort de tous les Fils de France en toutes ses Provinces: ces innombrables qui, jamais, ne sont rentrés "joyeux, avant le soir"...
Pour terminer, juste un mot d'un quatrième, plus fameux peut être que les précédents, mais qu'importe: célèbre, méconnu, inconnu, l'artiste est dans son oeuvre, et nulle part ailleurs; il serait bien stupide et grossier, ou vain au moins, d'aller le chercher sur un quelconque "hit parade"... donc, pour terminer, ce mot du célèbre Péguy, Charles, ce "parisien" si profondément Provincial, lui aussi:
"Paix aux hommes de guerre"
Bien à vous,
Achache