Balles Dum-Dum françaises?

ALVF
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Balles Dum-Dum françaises?

Message par ALVF »

Bonsoir,

Les accusations d'emploi par l'ennemi de projectiles contraires aux conventions internationales sont un "classique" des guerres modernes.
Durant la Grande Guerre, les accusations de viols de la convention de La Haye sont très présentes au début du conflit. Les français accusent les allemands de l'emploi de balles explosives et aussi de l'emploi de balles retournées. D'ailleurs, je citerai prochainement un exemple concret de cet usage qui a conduit un soldat allemand à être fusillé en présence de ses camarades faits prisonniers le même jour au Bois-le-Prêtre car il a été trouvé porteur dans la poche de sa vareuse d'un "clip" complet de balles de Mauser à balles retournées lors de la fouille exécutée par un gendarme.
Les allemands n'ont pas été en reste, la principale accusation est celle d'emploi par l'Armée française de balles "Dum-Dum". Cette accusation est largement diffusée dans la presse avec des "preuves" comme cette carte postale éditée dès 1914 et encore utilisée en 1918:
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B 1.jpg (1022.57 Kio) Consulté 723 fois
Le problème est que l'Armée française a employé pour l'instruction dans les champs de tir de dimensions insuffisantes trois grands types de balles modifiées pour perdre rapidement de la vitesse et abaisser leur portée à 2.000 mètres (la balle du Lebel pouvant largement dépasser 3.000 mètres de portée).
La balle la plus courante, illustrée sur la carte postale, est la balle de stand modèle 1906. On voit aussi la balle fraisée et il existe aussi une balle simplement sectionnée dont je joindrai les illustrations.
Naturellement, l'armée allemande a trouvé dans des casernes et même dans des stands de tir civils de telles cartouches lors de son avance en 1914 et l'accusation a été facile à formuler.
Le Ministre de la Guerre a été obligé de transmettre au GQG français un ordre formel par D.M n° 72727 2/3 du 7 novembre 1914 prescrivant l'interdiction formelle d'employer ou de délivrer pendant la période de la guerre des cartouches de stand. Ensuite, le regroupement de ces cartouches a été ordonné, ainsi dans le Camp Retranché de Paris, 235.305 cartouches de stand ont été reversées au Parc d'Artillerie de Vincennes, 87.380 au Parc de Versailles, 20.597 au Parc annexe de Saint-Denis, 43.142 au Parc annexe de Maisons-Alfort et 13.940 à celui de Montrouge!
Je décrirai dans un prochain message ces trois types de cartouches françaises de stand.
Cordialement,
Guy François.
ALVF
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Re: Balles Dum-Dum françaises?

Message par ALVF »

Bonsoir,

Voici les balles des trois cartouches présentant des caractéristiques destinées à modifier leur trajectoire:

-1: la balle de la cartouche de stand modèle 1906:
Cette cartouche est particulièrement destinée aux sociétés de tir. L'évidement tronconique freine rapidement la vitesse initiale de la balle et donc la portée. Son emploi est strictement limité aux tirs d'instruction.
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-2: la balle fraisée:
L'ogive de tête de la balle porte deux méplats obtenus par fraisage. Là encore, la vitesse initiale de la balle diminue fortement et la portée maximale ne dépasse pas 2.000 mètres.
B 3.jpg
B 3.jpg (496.79 Kio) Consulté 671 fois

-3: la balle sectionnée:
La vitesse initiale de la balle est supérieure de 50 m/s à celle de la balle D mais elle perd rapidement de la vitesse. Le profil particulier de la cartouche exige l'approvisionnement du fusil, de la carabine ou du mousqueton au coup par coup, sans approvisionnement de l'arme.
B 4.jpg
B 4.jpg (396.77 Kio) Consulté 671 fois
Le profil de ces projectiles contrevient évidemment aux conventions de La Haye et l'emploi de ces cartouches est limité à l'instruction.
Reste à savoir si les allemands ont fusillé des soldats français pour avoir été en possession de ces cartouches pendant la Grande Guerre.
Il est par contre certain qu'en 1940, ces cartouches existaient toujours en approvisionnement et que de malheureux soldats et gradés restés dans des casernes occupées par les forces allemandes ont payé de leur vie la présence de pareilles cartouches dans des locaux militaires.
Cordialement,
Guy François.
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dominique rhety
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Re: Balles Dum-Dum françaises?

Message par dominique rhety »

Bonjour,
à lire sur le sujet, le rapport du docteur Reiss, médecin légiste suisse appelé en Serbie pour constater les atrocités Austro-Hongroises et qui dénonce l'utilisation des balles explosives.
Cordialement.
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Dominique Rhéty
humanbonb
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Re: Balles Dum-Dum françaises?

Message par humanbonb »

Bonjour,
Intéressant sujet.

Ma contribution avec cette CPA moins commune :

Image


Bonne journée.
Cordialement.
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kglbayrRIR2
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Re: Balles Dum-Dum françaises?

Message par kglbayrRIR2 »

Bonne journée,
on a l'impression que le problème a été exagéré par les Allemands, notamment après les accusations graves portées contre leurs troupes lors de l'invasion de la Belgique. Pour nous, les générations suivantes, il est étonnant de constater à quel point les actions des troupes allemandes (et malheureusement aussi bavaroises !) contre de prétendus « Franktireurs » sont justifiées dans l'histoire des régiments. De toute évidence, les responsables allemands estimaient que leurs actions contre la population civile étaient couvertes par les lois de la guerre.

Au lieu de se lancer dans un jeu de reproches, la propagande allemande a apparemment opté pour un effacement total des accusations de crimes de guerre. Au lieu de cela, ils ont essayé d’accuser leurs adversaires.
Englische Dum-Dum-Geschosse
Englische Dum-Dum-Geschosse
dum dum geschosse.jpg (278.81 Kio) Consulté 369 fois
On a réagi par la propagande avec les armes qu'elle croyait pouvoir décider de la guerre.
dicke berta
dicke berta
Feldpostkarte_Gruss_aus_Deutschland_1.jpg (113.99 Kio) Consulté 369 fois
Texte d'accompagnement (paraphrasé) :
On ne tire pas avec des balles « dum-dum ». Mais on fait des « boum-boum » ! Quelques objets sont tombés, cependant

Il est difficile de rire de ces tentatives impuissantes de « sauver la face » quand on considère les dégâts et les pertes humaines incommensurables causés par cette guerre.

Cordialement
Joseph
P.S.: Mon grand-père n'a jamais rien dit à propos de soldats français (il n'a jamais eu à se battre contre les Anglais !) utilisant des munitions « illégales ».
.. Les officiers français étaient impuissants. Aucune persuasion n'a aidé, pas même l'avertissement de suivre l'exemple des courageuses troupes bavaroises. ..
Histoire rgtaire du RI Bavarois n°8 : Retraite de Russie (1813); p.380.
air339
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Re: Balles Dum-Dum françaises?

Message par air339 »

Bonjour,

Le sujet a été, à ma connaissance, déjà évoqué, et il est utile de rappeler les bases juridiques qui interdisent certains projectiles, avec la déclaration du 29 novembre/11 décembre 1868, prohibant l’emploi de balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent dans le corps, et les balles explosibles, ou les projectiles explosibles d’un poids inférieur à 400 grammes.

Il s’agissait « d’atténuer autant que possible les calamités de la guerre » et de proscrire « l’emploi d’armes qui aggraveraient inutilement les souffrances des hommes mis hors de combat ».


Les soldats de la Grande guerre n’ont pas manqué de relever que, s’il n’y avait effectivement pas d’emploi de balles « dum-dum », la mitraille qui les atteignait - balle ricochées, éclats d’obus - causaient d’effroyables dégâts qui ont laissé confondus les médecins dans les premiers jours.

A titre d’illustration, ces débris tordus, déchiquetés, jonchent encore les champs de bataille et témoignent des blessures possibles.
Ici des balles qui ont ricoché, ont été prisent dans les barbelés, des gros éclats de 75, 77, et autres plus gros calibres.

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IMG_20250708_183353.jpg (491.62 Kio) Consulté 189 fois

Cordialement,


Régis R
Dernière modification par air339 le sam. juil. 12, 2025 6:59 am, modifié 1 fois.
Rutilius
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Balles Dum-Dum françaises ?

Message par Rutilius »

Bonsoir à tous,


La licéité des moyens de nuire à l’ennemi au regard du droit de la guerre


Les « actes internationaux » signés à La Haye, le 29 juillet 1899, à la suite de la Conférence interna-tionale de la paix réunie en cette même ville, ont été introduits en droit français par le décret du 28 novembre 1900 (J.O. 1er déc. 1900, p. 7.898 ; Bull. des lois, XIIe Série, T. 62, 1er Sem. 1901, n° 2.263, p. 1.268 et s.). Il s’agissait :

1° ― De la Convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux ;

2° ― De la Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre ;

3° ― De la Convention pour l’adaptation à la guerre maritime des principes de la Convention de Genève du 22 août 1864 ;

4° ― De la Déclaration concernant l’interdiction de lancer des projectiles et explosifs du haut des bal-lons ou par d’autres moyens analogues nouveaux ;

5° ― De la Déclaration concernant l’interdiction de l’emploi de projectiles qui ont pour but unique de répandre des gaz asphyxiants ou délétères ;

6° ― De la Déclaration concernant l’interdiction de l’emploi de balles qui s’épanouissent ou s’apla-tissent facilement dans le corps humain ;

7° ― De l’Acte final de la Conférence internationale de la paix.


I. ― La licéité, au regard des principes internationaux du droit des gens, des « moyens de nuire à l’en-nemi », et notamment des armes et munitions, était déterminée en termes très généraux ― et donc fort peu contraignants juridiquement ― par les articles 22 et 23 du règlement annexé à la Convention con-cernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. Ces stipulations étaient ainsi rédigées :

« Art. 22 ― Les belligérants n’ont pas un droit illimité quant au choix des moyens de nuire à l’ennemi.

Art. 23 ― Outre les prohibitions établies par les conventions spéciales, il est notamment interdit :

a) D’employer du poison ou des armes empoisonnées ;
b) De tuer ou de blesser par trahison des individus appartenant à la nation ou à l’armée ennemie ;
c) De tuer ou de blesser un ennemi qui, ayant mis bas les armes ou n’ayant plus les moyens de se dé-fendre, s’est rendu à discrétion ;
d) De déclarer qu’il ne sera pas fait de quartier ;
e) D’employer des armes, des projectiles ou des matières propres à causer des maux superflus ;
f) D’user indûment du pavillon parlementaire, du pavillon national ou des insignes militaires et de l’u-niforme de l’ennemi, ainsi que des signes distinctifs de la Convention de Genève ;
g) De détruire ou de saisir des propriétés ennemies, sauf les cas où ces destructions ou ces saisies se-raient impérativement commandées par les nécessités de la guerre. »


Le règlement annexé à la Convention internationale de La Haye le 18 octobre 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre [dite Convention IV, introduite en droit français par le décret du 2 décembre 1910 (J.O. 8 déc. 1910, p. 9.930 et s.) renfermait, sous la même numérotation, deux articles rédigés en termes strictement identiques. A l’article 23, avait simplement été ajouté par les rédacteurs le paragraphe h. suivant :

« h) De déclarer éteints, suspendus ou non recevables en justice, les droits et actions des nationaux de la Partie adverse. »

II. ― La Déclaration concernant l’interdiction de l’emploi de projectiles qui ont pour but unique de ré-pandre des gaz asphyxiants ou délétères stipulait ce qui suit :

« Les soussignés, plénipotentiaires des puissances représentées à la Conférence internationale de la Paix à La Haye, dûment autorisés à cet effet par leur gouvernements,
S’inspirant des sentiments qui ont trouvé leur expression dans la
Déclaration de Saint-Pétersbourg du 29 ~ décembre 1868,

Déclarent :

Les puissances contractantes interdisent l’emploi de projectiles qui ont pour but unique de répandre des gaz asphyxiants ou délétères.
La présente déclaration n’est obligatoire que pour les puissances contractantes, en cas de guerre entre deux ou plusieurs d’entre elles.
Elle cessera d’être obligatoire du moment où, dans une guerre entre les puissances contractantes, une puissance non contractante se joindrait à l’un des belligérants.
La présente déclaration sera ratifiée dans le plus bref délai possible.
Les ratifications seront déposées à La Haye.
Il sera dressé du dépôt de chaque ratification un procès-verbal, dont une copie certifiée conforme sera remise par la voie diplomatique à toutes les puissances contractantes.
Les puissances non signataires pourront adhérer à la présente déclaration. Elles auront, à cet effet, à faire connaître leur adhésion aux puissances contractantes, au moyen d’une notification écrite adres-sée au gouvernement des Pays-Bas et communiquée par celui-ci à toutes les autres puissances contractantes.
S’il arrivait qu’une des hautes parties contractantes dénonçât la présente déclaration, cette dénon-ciation ne produirait ses effets qu’un an après la notification faite par écrit au gouvernement des Pays-Bas et communiquée immédiatement par celui-ci à toutes les autres puissances contrac-tantes.
Cette dénonciation ne produira ses effets qu’à l’égard de la puissance qui l’aura notifiée.

En foi de quoi, les plénipotentiaires ont signé la présente déclaration et l’ont revêtue de leurs cachets.
Fait à La Haye, le 29 juillet 1899, en un seul exemplaire, qui restera déposé dans les archives du gou-vernement des Pays-Bas et dont les copies certifiées conformes sont remises par la voie diplomatique aux puissances contractantes. »


III. ― La Déclaration concernant l’interdiction de l’emploi de balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent facilement dans le corps humain était ainsi rédigée :

« Les soussignés, plénipotentiaires des puissances représentées à la Conférence internationale de la Paix à La Haye, dûment autorisés à cet effet par leur gouvernements,
S’inspirant des sentiments qui ont trouvé leur expression dans la
Déclaration de Saint-Pétersbourg du 29 novembre–11 décembre 1868,

Déclarent :

Les puissances contractantes interdisent l’emploi de balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent faci-lement dans le corps humain, telles que les balles à enveloppe dure dont l’enveloppe ne couvrirait pas entièrement le noyau ou serait pourvue d’incisions.

La présente déclaration n’est obligatoire que pour les puissances contractantes, en cas de guerre entre deux ou plusieurs d’entre elles.
Elle cessera d’être obligatoire du moment où, dans une guerre entre les puissances contractantes, une puissance non contractante se joindrait à l’un des belligérants.
La présente déclaration sera ratifiée dans le plus bref délai possible.
Les ratifications seront déposées à La Haye.
Il sera dressé du dépôt de chaque ratification un procès-verbal, dont une copie certifiée conforme sera remise par la voie diplomatique à toutes les puissances contractantes.
Les puissances non signataires pourront adhérer à la présente déclaration. Elles auront, à cet effet, à faire connaître leur adhésion aux puissances contractantes, au moyen d’une notification écrite adres-sée au gouvernement des Pays-Bas et communiquée par celui-ci à toutes les autres puissances contrac-tantes.
S’il arrivait qu’une des hautes parties contractantes dénonçât la présente déclaration, cette dénon-ciation ne produirait ses effets qu’un an après la notification faite par écrit au gouvernement des Pays-Bas et communiquée immédiatement par celui-ci à toutes les autres puissances contractantes.
Cette dénonciation ne produira ses effets qu’à l’égard de la puissance qui l’aura notifiée.

En foi de quoi, les plénipotentiaires ont signé la présente déclaration et l’ont revêtue de leurs cachets.
Fait à La Haye, le 29 juillet 1899, en un seul exemplaire, qui restera déposé dans les archives du gou-vernement des Pays-Bas et dont les copies certifiées conformes sont remises par la voie diplomatique aux puissances contractantes.
»

En bref, étaient donc interdites par le droit de la guerre, non pas « la fabrication » et la « mise sur le marché », mais uniquement « l’emploi » de « balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent facilement dans le corps humain ». Cette formulation large incluait nécessairement tous les modèles de balles expan-sives en usage ou à créer, et ce quel que soit le mode opératoire employé pour permettre leur expan-sion au moment de leur impact ou de leur pénétration dans corps humain.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
air339
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Re: Balles Dum-Dum françaises?

Message par air339 »

Bonjour,

Pour aller dans le sens de ce que précise Daniel/Rutilius,
étaient donc interdites par le droit de la guerre, non pas « la fabrication » et la « mise sur le marché
voici ce qui se trouvait dans le commerce (catalogue de la Manufacture d‘Armes de Saint Etienne, édition de 1914), en matière de balles expansives ou fragmentées pour la chasse au gros gibier :

balle sectionnée.jpg
balle sectionnée.jpg (146.95 Kio) Consulté 103 fois


Et, comme le fusil Lebel était en vente libre, voici les cartouches proposées : on y trouve une mention de balle dum-dum, dont le descriptif n’est pas donné. Il est bien entendu que ces cartouches n’ont jamais figuré dans la nomenclature des stocks de guerre. Le marquage ne peut être "ART.".

Lebel dum dum.jpg
Lebel dum dum.jpg (53.97 Kio) Consulté 103 fois


Cordialement,

Régis R.
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