Germaine Persem, une infirmière de la Grande Guerre. Le bombardement de Longwy

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bruno17
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Germaine Persem, une infirmière de la Grande Guerre. Le bombardement de Longwy

Message par bruno17 »

Bonjour,
Germaine Marthe Persem naquit le 21 janvier 1893 dans une famille originaire de Longwy qui avait quitté la Lorraine pour la Normandie après la guerre de 1870-1871. Devenue tôt orpheline, revenue en Lorraine, Germaine fut élevée par les Filles de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul à l’asile Margaine de Longwy-Bas, anciennement Établissement de bienfaisance Saint-Gabriel. En 1910, âgée de 17 ans, elle y travaillait en tant que sous-maîtresse, garde-malade.
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Lorsque la guerre survint, dès le 2 août 1914, la jeune lorraine âgée de 21 ans, signa un engagement d’infirmière bénévole de la Croix-Rouge, Association des Dames Françaises, et entra en fonction à l’ambulance Margaine, en ce même asile de Longwy-Bas où elle travaillait, désignée pour le Service des grands blessés dont le docteur Gentin était le médecin-chef.

Le bombardement de Longwy par les troupes allemandes commença le 15 août 1914 et l’ambulance Margaine se remplit alors de nombreux soldats blessés que les sœurs et les infirmières soignaient nuit et jour avec le plus sublime dévouement malgré le danger qui allait croissant. En plus de son lourd travail de la journée, Germaine, afin de ravitailler les soldats d’un poste avancé, partait régulièrement chaque nuit pour les lignes, risquant sa vie à l’aller et au retour.
Le mardi 25 août 1914, vers midi et demi, l’artillerie allemande se mit à bombarder Longwy, dont l’asile Margaine où Germaine travaillait ce jour-là. Alors que la jeune soignante se penchait sur la civière d’un grand blessé pour lui donner à boire, elle fut projetée en l’air par l’explosion d’un obus et criblée de la tête aux pieds. La sœur supérieure à ses côtés fut mortellement touchée, l’infirmier-chef Potier tué sur le coup, la sœur Joseph, infirmière-major, atteinte à la tête.
Germaine, grièvement blessé, gisait contre la porte de sortie et tout le personnel de la salle fuyait, éperdu de terreur. Un des poilus du poste avancé, le sergent Auguste Malher, du 45ème territorial, reconnaissant la jeune infirmière qui venait les ravitailler la nuit, la voyant dans sa robe blanche d’infirmière avec son brassard, baignant dans son sang, eut pitié d’elle et la transporta au pied d’un bouquet d’arbres à proximité de l’asile où elle resta là, par terre, tandis que le sergent s’affairait à retourner dans les décombres tentant de sortir d’autres blessés. Dans la panique, Germaine, laissée pour morte, fut oubliée là pendant cinq heures, jusqu’à ce qu’une religieuse, aidée d’une orpheline, finit par la relever et la transporta dans la cave où près de 200 personnes étaient réfugiées.
A peine Germaine était-elle descendue dans la cave, son brancard adossé près d'un escalier, qu’un nouvel obus éclatait, brisait la porte, la criblant d’éclats une seconde fois. Le Chanoine Muel, curé de Longwy, présent sur les lieux et la croyant perdue, donna à Germaine les derniers sacrements.
Dans la nuit, on transporta la pauvre agonisante qui avait perdu l’usage de la parole, à l’ambulance des Récollets ; la cave était bondée de blessés, il fallut laisser les morts et les mourants sous une véranda exposée au bombardement tandis que l’hospice flambait !

Le 26 août, Germaine, encore vivante, fut prise en charge, une opération à la jambe fut jugée nécessaire par le docteur Coliez qui réussit à extraire les plus gros éclats de sa jambe gauche. Le 27 août, le bombardement redoublant, on transporta Germaine à l’hôpital de Chiers où l’amputation de la cuisse gauche fut décidée pour le soir, une gangrène gazeuse s’étant déclarée. Le chirurgien Fréchard, sortant des casemates après la reddition de la ville, pratiqua l’opération, enleva également une partie des éclats à la tête, au corps, jambes et bras droit de Germaine, seul son bras gauche étant resté indemne.
Quelques jours plus tard, à peine remise, la jeune infirmière, s’appuyant sur des béquilles, aidait les sœurs à soigner les civils, consolait les moribonds, assistait aux opérations, travaillait à la lingerie avec une seule jambe, pour faire du linge à des prisonniers internés dans un camp voisin et dénués de toute ressource.

Quelques temps plus tard, elle fut envoyée dans un camp de prisonniers en Allemagne où elle resta jusqu’au 26 janvier 1916, date où, à la faveur d’un échange de grands blessés, elle fut rapatriée par Strasbourg sur Genève et rentra en France dans un état de dénuement complet avec une jambe artificielle des plus défectueuses. Bien qu’épuisée par les fatigues de la captivité, elle demanda à retourner aux armées et le 17 janvier 1918 était affectée, en tant qu’infirmière-lingère militaire, à l’hôpital complémentaire n°30, secteur 3, équipe Rolland, à Épernay dans la Marne.
On l’équipa alors d’une nouvelle jambe artificielle en liège, don de l’œuvre des mutilés de Maurice Barrès. Sa douloureuse mutilation lui interdisait le pénible travail des salles de pansement mais il lui restait encore assez de volonté et de vigueur pour continuer son œuvre de dévouement, prenant la direction de la lingerie de l’hôpital.
Bientôt Germaine Persem fut décorée de la Croix de guerre avec palme avec cette citation :
A fait preuve d’un dévouement remarquable en qualité d’infirmière à l’ambulance de Longwy, pendant le bombardement de la ville. Blessé grièvement le 25 août 1914 par éclat d’obus pendant qu’elle soignait un blessé, a dû subir l’amputation de la cuisse gauche. A peine remise, prisonnière des Allemands, a continué, quoique infirme, à donner ses soins aux blessés jusqu’en janvier 1916, époque à laquelle elle est rentrée en France.
Germaine recevait en outre une somme de douze cents francs sur les revenus de la fondation Clément Livet destinée à récompenser un acte de dévouement soutenu ou spontané envers le prochain, un grand service rendu à l’humanité.

Le 31 mai 1918 elle fut citée à l’ordre du régiment puis le 9 novembre 1918 reçut une nouvelle citation par le médecin-chef Dubrisay.
Le 15 juillet 1918 elle était envoyée à Paris où elle travailla dans des baraquements aménagés exclusivement pour les gazés. Le 11 août 1918, elle reçut la Légion d’honneur qui lui fut remise solennellement par le colonel Merlat, directeur du Service de Santé de la région d’Épernay devant toutes ses compagnes infirmières, les officiers et les blessés.
Germaine déclara alors avec fierté : J’ai encore une jambe à offrir à la France !
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Remise de la Légion d’honneur à Germaine Persem par le colonel Merlat

Le 7 janvier 1919, l’officier gestionnaire de l’hôpital complémentaire n°30 écrivait dans une lettre :
En ce qui concerne mademoiselle Germaine Persem, j’ajoute qu’il serait infiniment désirable de relater la magnifique conduite de cette courageuse jeune fille sur tous les Manuels d’instruction morale et civique destinés à l’éducation des enfants.

Germaine continua ainsi jusqu’à l’armistice son œuvre de vaillante infirmière puis, le 2 février 1919, l’héroïne Lorraine fut désignée pour l’hôpital Plantières à Metz. Démobilisée le 24 septembre 1919, le 14 octobre suivant elle épousait à Châlons-sur-Marne Henri Géraudel, un héros de la Grande Guerre adjudant à la 23ème Section d’infirmiers militaires.
Germaine Persem fut ensuite couronnée par l’Académie française, le 17 novembre 1919 où on lui attribua un prix Montyon de 1000 francs sur les revenus de la Fondation Le Blanc de la Caudrie.
Le 29 octobre 1920 arriva la plus belle des récompenses pour une "Dame Française" : un petit Pierre, né à Châlons-sur-Marne, futur soldat de la classe 1940 !

Germaine Persem continua tranquillement sa vie dévouée aux autres, représentant par sa personne l’héroïsme de toutes les infirmières françaises de la Grande Guerre et s’éteignit trop tôt, le 26 août 1936, âgée seulement de 43 ans dans la région de Reims où elle vivait. Elle est inhumée dans le caveau de famille Geraudel-Persem, cimetière Est, section C, rangée 9, tombe 11, à Châlons-sur-Marne.
Dans le discours sur les prix de Vertu de l’Académie de Lyon figurait cette phrase caractéristique: L’histoire de mademoiselle Persem est courte mais elle est presque aussi invraisemblable et merveilleuse qu’un épisode de la Légende dorée.
Cdlt
BB
Bruno BAVEREL - Romans: "La voiture de Vandier" - "Les aventures du lieutenant Maréchal" - "Le manuscrit de Magerøya ou le Tombeau des quatre ours" (Éditions des Indes Savantes)
girodacle
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Re: Germaine Persem, une infirmière de la Grande Guerre. Le bombardement de Longwy

Message par girodacle »

Bonjour Bruno,
magnifique cette bio de Germaine PERSEM. J'ai fleuri l'an dernier sa sépulture à Châlons, à l'occasion de la Journée de la Femme, tout comme les sépultures de Jeanne et de Marguerite Moing, infirmières géalement.
Bel exemple de l'importance des femmes dans la Grande Guerre et partout d'ailleurs.
J'ai présenté l'an dernier une conférence sur Jeanne ONRAET, infirmière châlonnaise originaire d'Inde, et ta biographie ravirait sans doute la SACSAM de Châlons et ses habitués.
Bien cordialement
Alain
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bruno17
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Re: Germaine Persem, une infirmière de la Grande Guerre. Le bombardement de Longwy

Message par bruno17 »

girodacle a écrit : lun. févr. 24, 2025 12:17 pm Bonjour Bruno,
magnifique cette bio de Germaine PERSEM. J'ai fleuri l'an dernier sa sépulture à Châlons, à l'occasion de la Journée de la Femme, tout comme les sépultures de Jeanne et de Marguerite Moing, infirmières géalement.
Bel exemple de l'importance des femmes dans la Grande Guerre et partout d'ailleurs.
J'ai présenté l'an dernier une conférence sur Jeanne ONRAET, infirmière châlonnaise originaire d'Inde, et ta biographie ravirait sans doute la SACSAM de Châlons et ses habitués.
Bien cordialement
Alain
Bonjour Girodacle,
Merci et si cette biographie peut être utilisée pour la SACSAM, ne pas hésiter!
Cordialement
Bruno
Bruno BAVEREL - Romans: "La voiture de Vandier" - "Les aventures du lieutenant Maréchal" - "Le manuscrit de Magerøya ou le Tombeau des quatre ours" (Éditions des Indes Savantes)
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Re: Germaine Persem, une infirmière de la Grande Guerre. Le bombardement de Longwy

Message par girodacle »

Bonjour Bruno,,
merci pour le retour.
Je proposerai.
Bien cordialement
Alain
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