Re: Gabriel BICHON Mousse (LA VICTOIRE et MARTHE MARGUERITE)

olivier 12
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Re: Gabriel BICHON Mousse (LA VICTOIRE et MARTHE MARGUERITE)

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Bonjour à tous

Gabriel Bichon est né le 5 Décembre 1901 à Saint Nazaire, fils de Jules Bichon (21/07/1875 Le Clion – 04/12/1906 Pornic), marin du commerce et de Marguerite Gautier (née le 18/12/1875 au Clion), blanchisseuse.

Jules Bichon avait navigué comme suit :

1894 Trois-mâts ASTREE Mais il avait déserté le bord à North Shields et avait ensuite été condamné par le tribunal maritime de Lorient à 2 mois de prison pour désertion. A sa demande, il s’était alors engagé le 30 Mai 1895 à Lorient et avait été dirigé sur le 3e dépôt des Equipages de la Flotte.
1895-1896 LA SAONE
1896 MELPOMENE
1897-1898- 1899 Défense mobile à Toulon
Il sera dégagé des obligations militaires le 1er Octobre 1899.

Il entre alors à la Compagnie Générale Transatlantique comme garçon du service hôtelier et navigue entre 1899 et 1906 successivement sur
- VERSAILLES
- LA FAYETTE
- NORMANDIE
- LA NAVARRE
- LA LORRAINE
- FRANCE
- LA SAVOIE
- LA PROVENCE navire duquel il débarque le 17 Octobre 1906. Il décède à Pornic un mois et demi plus tard, laissant sa femme veuve avec une fille en bas âge et un fils de 5 ans.
Voici Jules Bichon, photographié à New York à bord de La Lorraine, sans doute vers 1904 ou 1905. Il est au 4e rang, debout à l’extrême gauche. De tels clichés nous montrant le personnel hôtel des grands paquebots sont relativement rares.

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Ajoutons que Gabriel Bichon n’a pas de lien apparent de parenté, en remontant jusqu’au 17e siècle et bien qu’ils soient originaires du même secteur de la campagne pornicaise, avec un autre marin de Pornic, Georges Bichon, second capitaine du vapeur Saint Simon torpillé le 3 Avril 1917 en Méditerranée. Mais les deux familles se connaissaient pour trois raisons :
- Elles habitaient à une centaine de mètres l’une de l’autre
- La mère de Gabriel était blanchisseuse et lavait le linge et les draps des gens de son quartier. Elle avait parmi ses clients la famille de Georges.
- Jules, le père de Gabriel, avait un frère de 14 ans son ainé, prénommé Jean. En 1878, ce Jean Bichon avait embarqué comme mousse sur le lougre UNION, de Pornic, dont le capitaine était Victor-François Bichon, le père de Georges.

Voici le lougre Union sur lequel avait navigué l’oncle de Gabriel.

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LA VICTOIRE

Gabriel est un garçon aux yeux bruns et aux cheveux noirs, selon la description de son fichier matricule.
En Janvier 1917, tout juste âgé de 15 ans, il embarque comme mousse sur la goélette de Granville La Victoire, de l’armateur Paul Dutasta. C’est un voilier de 290 tx portant un équipage de 9 hommes sous les ordres du capitaine Joseph Ehrel, de Saint Brieuc.

Le 21 Janvier, le voilier appareille du Verdon avec un chargement de 400 tonnes de poteaux de mines pour Swansea lorsqu’à 21h00, à hauteur de la bouée n° 4, ils entendent un sous-marin allemand qui leur donne l’ordre de quitter le bord dans les 10 minutes. Le canot est mis à l’eau et tous les hommes sont embarqués sur le sous-marin, sauf 4 qui doivent conduire 2 Allemands sur la goélette où ils placent des bombes. Elles explosent dix minutes plus tard, mais le voilier ne coule pas. Le sous-marin s’est éloigné. Le capitaine va ramener son équipage à bord et constater qu’il y a une voie d’eau, mais que les pompes peuvent l’affranchir. Vers 03h00 du matin, il mouille à la bouée du banc de La Mauvaise et reprend un pilote vers 08h00. Une bombe est alors découverte suspendue à un filin et traînant le long du bord. Elle n’avait pas explosé. L’arraisonneur Menhir remorque La Victoire sur rade du Verdon tandis que le bateau-pompe Tours le maintient à flot. Le 24 Janvier à 19h00, le navire est sauvé, amarré dans le dock.
Il a de graves dégâts à la coque, à la mâture, aux manœuvres et à la basse carène. Le commandant du sous-marin a gardé les papiers.

Le commandant a donné le numéro de son sous-marin qui était l’U 52. Selon le capitaine Ehrel, il lui a dit qu’étant de mère française, tout en accomplissant les ordres de son gouvernement, il se montrait toujours bienveillant avec les équipages français. L’équipage du sous-marin se composait d’une quarantaine d’hommes dont 4 officiers qui tous parlaient français. Les officiers mécaniciens étaient d’anciens officiers au long cours réservistes.

Il se trouve que l’U 52 est bien connu car c’est lui qui avait torpillé le cuirassé Suffren le 25 Mars 1916. Et quelques jours plus tard il avait aussi coulé le voilier Emma Laurans et avait recueilli à son bord tout l’équipage français qu’il avait débarqué deux jours plus tard à Maspalomas, Grande Canarie. Allemands et Français avaient donc cohabité, en bonne entente d’ailleurs, dans ce sous-marin et le capitaine d’Emma Laurans a laissé une description très précise des officiers de l’U 52. Lui aussi avait été surpris par leur bonne connaissance de la langue française. Il décrit le commandant dont nous savons que c’était le Kapitänleutnant Hans Walther, comme un homme très énergique, avec des yeux très vifs et ne portant pas de galons. Il décrit aussi le second, grand, maigre, d’un caractère jovial, facile, aimant beaucoup parler et rire. Il précise qu’il parle un excellent français car il est le fils d’une Suissesse romande. On retrouve là l’indication fournie par cet officier qui dit au capitaine Ehrel, de La Victoire, que sa mère est d’origine française. Il est évident que les hommes de La Victoire, qui sont restés sur le sous-marin quelques dizaines de minutes, et dans l’obscurité de la nuit, ont confondu le commandant du sous marin avec son second. Cet officier était l’Enseigne de Vaisseau Otto Cilliax. Plus tard, il deviendra amiral et c’est lui qui dirigera en 1941 l’opération Cerberus qui permettra aux Allemands de ramener de Brest en Allemagne, à travers la Manche, les navires Scharnhorst, Gneisenau et Prinz Eugen. Par la suite, il sera le chef de la Kriegsmarine en Norvège. Ce sont donc ces deux hommes, Hans Walther et Otto Cilliax, que le mousse Gabriel Bichon aura sans doute aperçu sur le kiosque du sous-marin en cette nuit de Janvier 1917.

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La belle attitude des marins de La Victoire leur vaudra les récompenses suivantes

Citation à l’Ordre du Corps d’Armée avec Croix de Guerre

EHREL Joseph Capitaine au Cabotage Commandant
« Pour l’énergie et l’ascendant moral sur son équipage dont il a fait preuve en ramenant ses hommes sur son bateau gravement avarié par des bombes que l’ennemi avait placées à bord, sauvant ainsi son navire. »

Citation à l’Ordre de la Brigade avec Croix de Guerre

REGRENY Jean Second
PARRAIN Emile Matelot
DURAND Charles Matelot
« Se sont offerts à accompagner leur capitaine sur leur navire sur lequel l’ennemi avait placé des bombes contribuant ainsi à sauver leur navire ».

Témoignage Officiel de Satisfaction du Ministre

LE FORESTIER Edouard Matelot
LE CROSNIER Désiré Matelot
LASSOURD Jean Matelot
BROUTI Henri Novice
RIVOAL Henri Mousse
BICHON Gabriel Mousse

« Pour la discipline et le courage dont ils ont fait preuve en retournant sur leur goélette sur laquelle l’ennemi avait placé des bombes ».

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MARTHE MARGUERITE

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Le 8 Août 1917, Gabriel Bichon embarque à Nantes sur le voilier de l’armement Fleuriot frères Marthe Marguerite. C’est un trois-mâts barque de 588 tx JB. Il y a 17 hommes d’équipage sous les ordres du capitaine havrais Charles Sautrel et du second malouin Félix Belhôte. L’appareillage de Nantes a lieu le 31 Août et le départ de la rade de Saint Nazaire pour Fort de France le 12 Septembre.
Le voilier est armé de deux pièces de 57 mm américaines placées sur la dunette arrière.

Extraits du rapport de mer du capitaine Sautrel

Du 13 au 17, petite brise. Aperçu deux quatre-mâts et une goélette. Le 18, coup de vent de SW. Mer grosse avec très violents coups de roulis.
Le 19 au lever du soleil, vers 6 heures, saute de vent au N.O., faible brise et calme. Etabli volants, perroquets et brigantine. Vers 14h15, par 46°18 N et 11°25 W, aperçu un sous-marin à deux quarts bâbord à 5 ou 6 milles. Il tire un coup à blanc suivi immédiatement d'un obus qui passe au-dessus de la mâture et tombe à 500 mètres du bord. Puis le voilier est encadré par le tir de l’ennemi. Quelques schrapnels tombent très près autour de nous et on entend des chocs sur la coque. Mis au poste de combat, mais impossibilité complète de faire usage de nos canons, le sous-marin étant à 10000 m et le navire encalminé. Un obus atteint le rouf équipage et un autre traverse la coque de part en part. Décidé, d'un commun accord, d'abandonner le navire, ce qui s'est passé dans le plus grand ordre, l'équipage montrant beaucoup de calme et de sang-froid. Il était 14h25 et nous étions à 330 milles de la pointe de Penmarch.
A 15h25, le pauvre navire coulait après avoir essuyé plus de cinquante coups de canons. Je m'attendais à ce que le sous-marin vînt sur moi, il n'en fut rien. Etabli la voilure et fait route pendant deux jours pour rallier la côte d'Espagne. A 18h00 le 22, aperçu un vapeur. Manœuvré pour lui couper la route et à 18h45 nous sommes recueillis par l’Amiral Troude des Chargeurs Réunis, se rendant à Dakar. Nous étions exactement par 45° 21' N. et 7° 39' W.
A bord, nous reçûmes des soins empressés, des vêtements secs et un bon repas qui nous firent un bien immense. Pendant ces trois jours et quatre heures passés dans la baleinière, nous avons souffert affreusement de l'humidité et du froid, principalement la nuit car, en plus des paquets de mer qui embarquaient, notre embarcation faisait passablement d'eau et ce, à la suite d'un choc lors de la mise à l’eau. Sans arrêt, jour et nuit, un homme a été occupé à vider l'eau.
Le 23 vers 08h30 du matin, la sirène de l'Amiral Troude se fit entendre sinistrement : une torpille venait d'être lancée par bâbord à 800 mètres environ. Heureusement, elle nous manqua, ne passant qu'à 20 mètres de l'arrière. Une fois encore, nous l'échappions. Personne n'avait vu le périscope et le sous-marin ne se montra que 25 minutes après, hors portée des canons et dans le soleil.
Navigué ensuite sans encombre jusqu'à Dakar où nous avons mouillé le 30 septembre 1917.

Le récit du mousse

Gabriel Bichon a écrit un récit du naufrage sur un cahier d’écolier, qu’il a envoyé à sa mère et que sa famille a précieusement conservé. Voici, reproduit in extenso, avec ses mots d’adolescent, ses maladresses de style, de ponctuation, et ses fautes d’orthographe ce texte écrit, sans doute avec l’aide d’autres marins, par un gamin de 15 ans. C’est un récit vraiment impressionnant.

« Commencé à bord de la Marthe Marguerite, Saint Nazaire, le 12 du 8e mois 1917

Nous quittons Saint Nazaire cet après midi ayant à l’avant le remorqueur qui nous dirige en rade des Charpentiers arrivés à très proche distance on commence à régler le tir des deux pièces de 57 se trouvant à l’extrémité arrière de la dunette avant que l’on prenne la mer. Dès que le tir fut achevé nous mouillons quelques instants puis voyant que le vent était favorable nous repartons sans délai continuant ainsi à nous éloigner de la côte le navire plongé dans une profonde obscurité car la moindre lumière aurait pu dévoiler notre présence. Toute la nuit le vent s’est maintenu le lendemain le vent continu jusqu’au soir dans la nuit il se produit une légère accalmie les deux jours suivant pas de changement ce n’est que vers 11 heures du soir que la brise devient très forte ; On accélère progressivement de vitesse, bien qu’étant au plus près, nous allions à une belle allure par intervalles la mer grossissait et le vent souflait avec une violence extrême nous obligeant à amener une grande partie des voiles vers la fin de la journée le vent s’atténuait peu à peu. Le 16 nous apercevons 3 voiliers dont 2 se dirigent dans la même direction que nous mais nous les perdons au bout de quelques heures pendant la plus grande partie de la nuit le calme règne ce n’est que le lendemain que le vent augmente sensiblement la mer devient houleuse nous continuons notre route directement peu avant la nuit le calme revient rien d’anormal à signaler. Ce n’est que le lendemain 19 date à laquelle je garderai un souvenir. La matinée venait de se passer dans le calme le plus complet lorsque soudain vers 2 heures et demi de l’après midi nous apercevons à l’horizon d’un bleu une forme sombre paraissant être celle d’un sous-marin. Tout à coup l’on crie fort haut au poste de combat chacun son poste rapidement nous courons à l’arrière près des canons en regardant dans la même direction que la précédente. Je ne puis dire précisément la distance mais je l’évalue à plus de dix milles sans exagéré on aperçoit un nuage de fumée d’après le son c’était bien un coup de canon tiré à blanc par le pirate. Nous voyant dans l’impossibilité de riposter vu que nos pièces ne portaient qu’à cinq milles nous avons pris immédiatement la décision de l’abandonner le plus vite possible car les coups se succédaient sans relache et passaient à très faible distance du navire à peine avions nous débarqué du bord qu’un obus venait de fracasser le roufle où logeaient l’équipage évacué depuis quelques secondes projetant des débris à une assez grande hauteur continuant son ravage il pénètre dans les flancs de tribord produisant un trou assez béant environ à 1 mètre de la ligne de flotaison et pouvant atteindre 1,30 de diamètre. Il était grand temps que nous poussions du bord un retard de quelques minutes nous aurait certainement couté la vie à tous car les frangements après avoir resortis voltigèrent sa et la dans des directions différentes et à 4 ou 5 m de l’embarcation ne causant aucun dégats personnels ni matériels heureusement. Les obus continuaient à pleuvoir dru comme grele sur le malheureux navire abandoner depuis quelques instants mais néanmoins résistait aux coups. Nous autres restions impassibles devant le danger et nagions force de rame de manière à nous dérober aux obus qui auraient pu nous atteindre avant que le bateau sombre nous vîmes l’extrémité du grand mat ainsi que les huniers s’abattre sur le pont comme une masse a ce moment précis nous étions très éloigner et ne pouvions rien distinguer précisément pendant un moment la fumée parait à l’avant le bateau donnait de la bande sur tribord puis disparaissait dans deux ou trois secondes dans le gouffre à jamais. En somme il a mis plus d’une heure avant de couler à fond.
Dès que la nuit vint nous avions tous les idées moroses de nous voir à plus de deux cent cinquante milles au large, en outre dans une embarcation surchargée par 21 hommes qui composait l’effectif de l’équipage et dans des parages peu fréquentés. Il fallait vider l’eau continuellement et peu de place à se mouvoir l’essentiel était que nous étions hors de danger maintenant il fallait prendre patience dans l’attente qu’on nous recueille car pour atteindre la cote la plus raprochée il nous fallait plusieurs journées de vent favorable et très peu de vivres avec nous des précautions à ce sujet n’avaient pas été prises à l’avance.
La nuit nous parut très longue car le froid était intense nous nous aidions mutuellement de notre mieux
Au jour nous avions plus de réconfort bien que n’apercevant rien en vu peu de temps avant minuit nous nous voyons dans l’obligation de mettre à l’aviron jusqu’au soir à 6 heures pendant cette journée écoulée nous avons rencontré une baleinière qui était chavirée elle pouvait avoir la même dimension que la notre soit une moyenne de 6 mètres nous continuons toujours notre route sans inquiétude ce n’est que le soir du lendemain 22 tous les vivres venaient d’être distribués et ceci nous inquiétais de plus en plus nous étions à mi jambe dans l’eau on la vidait au fur et à mesure qu’elle embarquait vers 5 heures et demi le temps devenait sombre tout à coup une éclaircie se fit nous distingons nettement la forme d’un vapeur qui se dessinait à une grande distance.
Dès sa vue les visages deviennent radieux le capitaine nous donne l’ordre de hisser le pavillon Français immédiatement il se dirige vers nous et ne tarde pas à nous rejoindre arrivés à très faible portée nous reconnaissons que c’est un vapeur Français faisant partie des Chargeurs Réunis, l’Amiral Troude qui allait à destination de Dakar les canonniers sont à leurs pièces craignant l’approche d’un pirate
en admettant que ce dernier se serait trouvé dans les parages il aurait pu saisir la balle au bond
on embarque à bord le plus vite possible tout en embarquant la baleinière qui nous avait rendu de si grands services. Puis il démarre et reprend sa route on se change car il y en avait parmi nous qui avaient les effets mouillés par les embruns. Nous étions accueillis favorablement par l’équipage. On nous sert un copieux repas puis on se couche très satisfait de cet aimable accueil. La fatigue des nuits précédentes nous torturait. Dans des cas semblables il faut accepter les peines et les privations qu’imposent les circonstances. Enfin bref, brisons la dessus le lendemain 23 on déjeune tranquillement après s’être bien reposés pendant la nuit. Lorsque vers 9 heures la sirene venait de se faire entendre, au même moment on voit passer à une dizaine de mètres de l’arrière une torpille que venait de lancer un sous-marin aperçu à temps cette dernière a manqué son but car le vapeur en maneuvrant brusquement sur babord a su l’éviter vraiment nous avions la malchance quand même nous avons été plus de deux heures prêt à mettre les embarcations à la mer pendant que le bateau continu sa route à grande vitesse
Finalement nous lui avons brulé la politesse. Les jours suivants pas de changement »

Achevé sur l’Amiral Troude Signé Bichon G »


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AMIRAL TROUDE

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Extrait du rapport de mer du capitaine Charles Néron, de l’Amiral Troude


« A 09h00 aperçu, dans la trainée de la réverbération du soleil sur l'eau, le sillage d'une torpille venant de l'arrière tribord, lancée à environ 500 m du navire. Mis toute à droite pour présenter l'arrière. La torpille passe à 30 m sur tribord, par le travers. Fait ensuite une route en lacets. C'est grâce à l'esprit de décision dont a fait preuve l'officier de quart, Monsieur Le Corre, que nous avons échappé à la torpille. Cet officier s'était muni de lorgnons noirs et a pu voir le départ et le sillage de la torpille dans le soleil. Il a aussitôt lancé le signal d'appel aux postes de combat. J'étais à ce moment-là sur le pont bâbord, donnant des instructions au second capitaine pour les travaux du jour. Je suis arrivé sur la passerelle en quelques secondes et l'abattée sur tribord était déjà faite. Le sous-marin était dans le soleil et devait attendre que nous passions devant lui en faisant un lacet sur bâbord. Or Monsieur Le Corre est venu à deux reprises sur tribord. Le sous-marin a alors pensé que nous l'avions aperçu et a lancé sa torpille. La rapidité de la réaction lui a fait manquer son but. »

Le sous-marin qui a coulé au canon Marthe Marguerite était l’U 54 du Kapitänleutnant Kurt Heeseler. Mais il se trouve que c’est aussi le sous-marin qui, quatre jours plus tard, a lancé une torpille sur Amiral Troude. Voici le journal de guerre du sous-marin pour le 19 Septembre.

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Le 23 Septembre le commandant Heeseler écrit :

« A 10h08 heure allemande, lancé une torpille sur un vapeur que nous savons être Amiral Troude. Coup manqué. »

Cherchant à se rapprocher de la côte espagnole, le sous-marin avait suivi pratiquement la même route que l’embarcation des naufragés.

Gabriel Bichon aura donc échappé à deux reprises à l’U 54, après avoir échappé quelques mois plus tôt à l’attaque de l’U 52. Il a fait partie de ces mousses de 15 ou 16 ans, (comme Edouard Zanker, de Rochefort, 6 attaques de sous-marins et deux naufrages) qui ont fait preuve d’un courage sans faille pendant la Grande Guerre.

LES GRANDS VOILIERS

AMIRAL DE CORNULIER 05/11/1917 – 02/03/1919


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Gabriel embarque comme novice en Novembre 1917 à Glasgow sur ce trois-mâts nantais construit aux chantiers de Chantenay en 1900. Le voilier, sous les ordres du capitaine Jean-Louis Morvan revenait alors d’un voyage sur la Nouvelle Calédonie et la traversée retour s’était effectuée en 96 jours. Il avait échappé aux dangers de la guerre sous-marine.
Le 5 Mars 1918, il repartit de Greenock pour la Nouvelle Calédonie et revint au Havre le 2 Mars 1919. Voyage sans histoire au cours duquel il échappa encore aux derniers sous-marins allemands.
Le fascicule de Gabriel porte alors, le 1er Avril 1919, la mention « S’engage à se rendre au Havre pour embarquer comme matelot léger sur Amiral Halgan ». Mais cet embarquement n’aura pas lieu.

EDMOND ROSTAND 14/04/1919 – 31/07/1919

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C’est finalement à Nantes que Gabriel embarque comme matelot léger sur Edmond Rostand. Ce trois-mâts barque construit en 1900 appartenait à la Compagnie Générale d’Armement. Il était alors sous le commandement du capitaine Auguste Picard, de Cancale. Le 2e capitaine était Jean Rioual de Binic, le 1er lieutenant Francis Toublanc d’Etables et le 2e lieutenant Guy Jacobsen de Rennes. Le navire avait séjourné à New York du 24 Décembre 1918 au 20 Mars 1919 et était arrivé à Nantes après une traversée de 20 jours seulement.
En fait, pendant 3 mois et 17 jours le voilier restera à Nantes et le 31 Juillet Gabriel, sans doute lassé d’être à quai, se fera muter sur Général Faidherbe.
Edmond Rostand repartira après le débarquement de Gabriel sur lest pour Geelong d’Australie où il chargera du blé. Au retour, il doublera le Horn le 1er Avril 1920 et sera désarmé à Nantes en Juin 1920 pour terminer sa carrière dans le canal de La Martinière.

GENERAL FAIDHERBE 01/08/1919 – 15/06/1920


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Gabriel embarque comme matelot léger sur ce trois-mâts carré à Nantes, et débarquera 10 mois et demi plus tard à Nantes également. Ce voilier, construit aux chantiers de la Loire à Nantes en 1901 appartenait à la Compagnie Maritime Française. Le capitaine était Adolphe Nicolas lors de l’arrivée du voyage précédent. Il laissera sa place le 8 Août 1919 au capitaine Joseph Agnieray, né en 1878 à Gravelines, qui jusque là était le second du navire. Le nouveau second sera Edouard Le Dolledec de Saint Brieuc et le lieutenant Jean Marie Coadou.

L’itinéraire est le suivant
- Nantes 14/08/1919
- Paimboeuf 15/08/1919 04/09/1919
- Saint Nazaire 04/09/1919 25/09/1919
- Melbourne 28/12/1919 04/02/1920
- Nantes 14/06/1920
Voyage sans histoire semble-t-il, si ce n’est le décès d’un matelot originaire de Morlaix, François Déan, le 18 Novembre 1919 dans l’Atlantique Sud. Il sera immergé au cours d’une brève cérémonie le lendemain, par 31°55 S et 27°05 W. Cette position assez éloignée des côtes sud-américaines, ainsi que la durée du voyage retour (128 jours) fait penser que Général Faidherbe a du effectuer un tour du monde complet avec passage du cap de Bonne Espérance à l’aller et du cap Horn au retour.
Gabriel Bichon aura ainsi doublé les trois caps (Bonne Espérance, Leuwin et Horn) et gagné le titre envié s’il en est de Cap-Hornier à l’âge de 18 ans.

Après ce voyage de blé sur l’Australie, Général Faidherbe effectuera une dernière campagne sur la Californie. Il effectuera la traversée San Francisco Falmouth en 149 jours et livrera sa cargaison à Ipswich avant d’être désarmé dans le canal de La Martinière en Octobre 1921.

LIEUTENANT DELORME 01/07/1920 – 27/09/1920

Voici le GENERAL SERRET, un sister-ship de LIEUTENANT DELORME
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Après cet embarquement, Gabriel va poser son sac le 1er Juillet 1920 sur le voilier Lieutenant Delorme. Ce navire, construit à Portland (Oregon) en Juillet 1918 était un schooner à cinq mâts. Il faisait partie de ces navires peu performants, mal construits, toujours en panne et que l’on appela la flotte aux pieds nickelés. Dotés d’une voilure insuffisante pour naviguer à la voile et d’un moteur de trop faible puissance pour marcher à la vapeur, ils étaient inexploitables commercialement. Ces canards boiteux eurent une fort brève carrière. Lieutenant Delorme fut démoli dès 1923.

Notre matelot préférait manifestement les grands trois-mâts cap-horniers et ne resta pas longtemps sur cette sapine. Il profitera du désarmement du navire à Marseille pour débarquer. Il faut ajouter que Lieutenant Delorme avait été en réparation à Cherbourg pendant plusieurs semaines fin 1919 début 1920 ayant eu de graves problèmes avec son gouvernail.
Gabriel Bichon obtiendra néanmoins un excellent certificat de travail.

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GENERAL DE NEGRIER 07/10/1920 – 25/10/1921
27/01/1925 – 29/10/1925


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Gabriel Bichon embarque à Waterford comme matelot léger sur le trois-mâts barque Général de Négrier. Il effectuera à son bord une campagne de plus de 12 mois et débarquera à Hull. Ce navire, construit en 1901 aux chantiers de Chantenay pour l’armement Norbert et Claude Guillon, appartenait depuis 1912 à la Société Générale d’Armement.
Le capitaine était Louis Bret, né en 1874 à Oyonnax, le second Joseph Cotel de Saint Quay Portrieux et le lieutenant Gabriel Pihour du Croisic.
Le capitaine Bret était un vétéran de la Grande Guerre qui avait eu bien des malheurs. En 1917, il commandait le trois-mâts Maréchal Davout et faisait route de Geelong vers Dakar avec 3000 tonnes de blé. Le 14 Décembre, étant passé au Sud de la Nouvelle Zélande et ayant ensuite doublé le Horn, il aperçut dans l’Atlantique Sud un paquebot qu’il prit pour un croiseur allié. Le lendemain au matin celui-ci hissa le pavillon anglais et tira un coup de canon. Le capitaine Bret stoppa (bien qu’armé de deux canons de 90) pensant à une inspection et laissa une embarcation s’approcher. Le paquebot hissa alors le pavillon de guerre allemand. C’était le croiseur Wolf du CF Karl August Neger. Une quarantaine d’Allemands prirent d’assaut le voilier et le capitaine fut gardé par deux hommes armés. L’équipage français fut fait prisonnier. Le voilier fut pillé et coulé. Bret et son équipage restèrent sur le Wolf jusqu’en Mars 1918 puis furent internés jusqu’à la fin de la guerre au camp de Karlsruhe. Ils seront rapatriés en France en Décembre. Aucune sanction ne fut prise contre le capitaine Bret qui au cours de sa captivité fit preuve d’un grand courage. Il se livra à trois tentatives d’évasion très dangereuses.
Après la guerre le Wolf, donné à la France en dommage de guerre, devint le paquebot Antinoüs, des Messageries Maritimes.

L’itinéraire de cette campagne de 1920-21 sera le suivant
Waterford 15/10/1920
Belle Ile 26/10/1920 27/10/1920
Port Adélaïde 16/02/1921 22/02/1921
Port Lincoln 02/03/1921 07/04/1921
Queenstown 09/10/1921 09/10/1921
Hull 24/10/1921

Ce voyage d’Australie sera particulièrement dur. Parti de Port Lincoln le 7 Avril 1921, Général de Négrier prit la route du retour par le cap de Bonne Espérance ; mais, faute de vents favorables, il lui fallut 185 jours pour atteindre Queenstown d’Irlande le 9 Octobre 1921. A court de vivres, le capitaine dut par deux fois demander des provisions à des navires rencontrés. Il alla décharger sa cargaison de blé à Hull et sera ensuite désarmé dans le canal de La Martinière, donc pratiquement en même temps que Général Faidherbe.
Le capitaine Bret délivrera un excellent certificat de travail à son jeune matelot, notant qu’il est un très bon voilier et matelot. Nul doute qu’ils avaient du évoquer bien souvent, lors de ce voyage, leurs expériences respectives de la Grande Guerre…

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Mais Général de Négrier reprendra du service en 1922 sur la ligne du golfe de Guinée pour charger du bois pour traverses de chemins de fer. Ces campagnes du Cameroun étaient particulièrement pénibles, en raison des calmes équatoriaux et des tornades, peu favorables aux grands voiliers. En 1925, Gabriel retrouvera Général de Négrier, sous les ordres du capitaine Emile Prat, de Lanildut. Le 2e capitaine est alors Désiré Samzun, de Locmaria, et le lieutenant Ernest Le Coq, de Plouezec. Il restera près de 10 mois à bord avec embarquement et débarquement à Gand.

Voici l’itinéraire :
Gand 05/01/1925 12/02/1925
Douala 20/04/1925 07/07/1925
Gand 28/10/1925

On remarque la longueur des escales et des traversées : 111 jours pour aller de Douala à Gand. En réalité, l’escale de chargement n’a pas lieu à quai à Douala, mais au mouillage de Manoka, petite île située dans le delta du Wouri à 10 km de Douala. Aujourd’hui encore aucune route ne la relie à Douala et le seul moyen de transport vers le grand port du Cameroun reste la pirogue. Le voyage sera très dur et le matelot Pierre Le Bot, de Pont Aven décèdera en mer le 13 Septembre 1925, pendant la traversée de retour. On sait qu’au voyage suivant, très dur également, plusieurs marins furent atteints du béribéri. Voici comment s'effectuait le chargement des grumes à Manoka :

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et le transport des dockers

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SERVICE MILITAIRE


Gabriel effectuera son service militaire pendant trois années, du 5 Décembre 1921 au 5 Décembre 1924. Il sera affecté successivement à Lorient, Brest, Morlaix de Mars 22 à Mars 24 et enfin Toulon d’Avril à Décembre 24. A Toulon, il sera embarqué du 1er Avril au 20 Novembre 1924 sur le cuirassé Courbet.
Voici le COURBET (à droite) en 1923 à Alger

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L’ENTRE-DEUX GUERRES

Entre 1925 et 1939, Gabriel va naviguer comme matelot sur de nombreux navires de diverses compagnies. Ses embarquements se résument ainsi

12/12/25 – 13/07/26 CARBET Compagnie Générale Transatlantique
29/07/26 – 04/12/26 AMIRAL DUPERRE Chargeurs Réunis
04/05/27 – 14/09/27 UNION Compagnie Française d’Armement
11/05/27 – 14/02/30 YANG TSE Messageries Maritimes
26/10/27 – 09/04/28 COMMANDANT DORISE Messageries Maritimes (intermède)
01/04/30 – 22/06/32 SI KIANG Messageries Maritimes
10/01/33 – 21/04/33 FORT DE VAUX Chargeurs Réunis
22/09/34 – 18/10/34 CDT CHARLES MERIC Dumartin et Lourties (Bayonne)
23/10/34 – 27/05/35 FORT DE DOUAUMONT Chargeurs Réunis
05/06/35 – 15/07/35 TENERIFFA Union Maritime Méditerranéenne
06/04/35 – 06/05/38 SI KIANG Messageries Maritimes
18/08/38 – 03/08/39 YALOU Messageries Maritimes
17/01/45 – 31/03/45 CEPHEE Louis Dreyfus
18/09/45 - 19/11/45 ISAC Cie Nantaise des Chargeurs de l’Ouest

Voici TENERIFFA par Victor Adam

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Sur ces différents navires, Gabriel Bichon aura parcouru le monde entier. Afrique du Nord avec Carbet, Asie du Sud Est et sans doute Japon avec les Messageries Maritimes, Afrique de l’Ouest avec les « Fort » des Chargeurs Réunis. On note des embarquements parfois très longs. Il reste aussi longtemps affecté aux mêmes navires, mais avec des petites périodes de congés, comme sur Yang Tse et Si Kiang dont voici les photos

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Mais on remarque que sur tous les navires sur lesquels il est embarqué, il est toujours apprécié par les commandants et les seconds capitaines. C’est un matelot de premier ordre, bon marin, bon veilleur à la passerelle, bon pointeur dans les cales, sérieux et rigoureux. Voici quelques appréciations particulièrement élogieuses :

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LA 2e GUERRE MONDIALE

ENSEIGNE MAURICE PRECHAC 17/10/1939 – 20/07/1940


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Le 17 Octobre 1939, Gabriel Bichon embarque comme matelot sur Enseigne Maurice Préchac à Nantes. Ce navire de la série dite des 6800 tonnes, construit aux chantiers de Harfleur en 1922, venait d’être vendu par l’Union Industrielle et Maritime à la Compagnie Générale Transatlantique.
La famille de Gabriel se souvenait avoir vu le navire appareiller de Bordeaux avec à son bord des chasseurs alpins, mais la date n’est pas connue. Toutefois, cela correspond parfaitement à l’emploi qui fut fait de ce navire.
Le 26 Octobre 1939 il appareille du Verdon en convoi escorté par l’aviso-dragueur Gazelle et arrive à Casablanca le 2 Novembre. Puis il revient à Bordeaux. Il participe ensuite aux convois suivants :
Convoi 19XS : Départ du Verdon le 13 Décembre Arrivée Casablanca le 19 Décembre
Convoi KS45 : Casablanca – Bordeaux – Brest du 2 au 9 Janvier 1940
Convoi 25BS : Départ Brest le 4 Février Arrivée Casablanca le 10 Février Retour Bordeaux
Convoi 40XS : Départ du Verdon le 14 Mars Arrivée Casablanca le 22 Mars
Convoi KS83 : Départ Casablanca le 4 Avril Arrivée Brest le 16 Avril.
Le Préchac fait alors partie d’un convoi de 3 navires immunisés contre les mines magnétiques qui rejoint Greenock avec du matériel pour l’expédition de Norvège. Appareillage de Brest le 23 Avril pour Greenock, puis Scapa Flow.
Convoi FS3 : Départ Scapa Flow le 1er Mai avec le Truppenkonvoi FS3 escorté par les destroyers Havelock, Veteran, Viscount et Vansittart. C’est un convoi d’hommes et de matériel comportant 8 cargos. Il transporte la 13e demi-brigade de la légion étrangère et une brigade de montagne polonaise destinées à l’attaque de Narvik. Le convoi arrive à Harstad le 5 Mai, puis à Narvik le 9 Mai. En tout, 18 navires marchands français sont affectés à cette force Z placée sous le commandement du contre-amiral Derrien.
Du 7 Mai au 3 Juin les navires du convoi seront durement bombardés sans être directement touchés. Ils resteront en Norvège jusqu’à l’évacuation finale. Le 1er Juin ils quittent Harstad et arrivent sains et saufs à Scapa Flow le 10 Juin et à Greenock le 14 Juin. Le 15 Juin, le Préchac quitte la Clyde pour Brest, mais est dérouté sur Milford Haven suite à l’évacuation de Brest. Le 20 Juin, le Préchac est à Cardiff. Le 3 Juillet 1940, de retour à Milford Haven, il est saisi par les Anglais et passe sous les ordres du Ministry of War Transport.

La belle conduite de l'équipage fait que le bâtiment est cité à l'ordre de la Nation par la Marine de Guerre et la Royal Navy.

Citation à l'ordre de l'armée de mer pour sa participation à la campagne de Norvège

"A contribué au transport du corps expéditionnaire français en Norvège sous les attaques violentes de l'ennemi et dans des conditions de manœuvre et de navigation difficiles"

Quant à Gabriel Bichon, il recevra un diplôme signé de la main du Roi Haakon VII de Norvège dont voici la traduction :

« A, au cours de la campagne de Norvège de 1940, participé à la défense de la patrie d’Avril à Juin 1940. La Norvège vous remercie pour vos efforts dans la lutte pour la liberté »

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Le roi Haakon VII (1872-1957), issu de la maison d’Oldenbourg et né Prince Karl de Danemark, avait été élu roi de Norvège suite à la dissolution de l’union entre la Suède et la Norvège en 1905. Il fut le symbole de la résistance contre l’occupation allemande pendant la 2e guerre mondiale.

ENTREE DANS LES FNFL

Les FNFL sont crées le 3 Juillet 1940 par l’amiral Muselier. 135 navires de commerce sont alors immobilisés en Angleterre, armés par 2500 marins. Mais la tragédie de Mers El Kébir ne va pas favoriser les ralliements à la France Libre. Fin Juillet 400 marins environs ont décidé de continuer la lutte. Mais l’ossature des FNFL va commencer à se constituer avec des hommes venus de la Marine Marchande.
Sur son fichier matricule, Gabriel Bichon est alors porté débarqué d’Enseigne Maurice Préchac le 20 Juillet 1940 avec la mention « resté en Angleterre ». Son fichier ne sera remis à jour qu’en Janvier 1945.
En fait, le Préchac ne reprendra la mer qu’en Octobre 1940 pour une traversée en convoi vers Halifax, puis participera à d’autres convois. Il sera coulé le 27 Mai 1942 au large des Açores. Il est donc probable que Gabriel va rester quelques semaines en attente sur le cargo, mais il ne repartira pas avec lui. Il sera sans doute cantonné ensuite à Londres.
Le 11 Septembre 1940, il s’engage dans les Forces Navales Françaises Libres et sera alors porté comme présent au dépôt FNFL du 11 Septembre au 31 Décembre 1940.

Voici son acte d’engagement établi en 1942, mais validé au verso pour un engagement du 11 Septembre 1940.

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On va lui établir un fascicule de marin à Londres le 8 Octobre 1940

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Sur ce fascicule, conservé par sa famille, seront portés tous ses embarquements sous régime britannique.

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TOMBOUCTOU 01/01/1941 – 07/02/1941

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Le 28 Août 1940, ce navire de la compagnie Fraissinet avait été abandonné à Pointe Noire par son équipage. Avec quelques marins, il avait alors rallié la France libre à Libreville au moment du passage du Gabon dans le camp allié. Le 8 Septembre il est saisi à Douala.
Lorsque Gabriel embarque, il est très probablement en Afrique Equatoriale Française.
Notre marin en débarquera dès le 7 Février à Pointe Noire, étant muté sur le Fort Binger. Pendant toute la guerre Tombouctou naviguera essentiellement entre l’Afrique et l’Amérique. En Décembre 41, il aura un sérieux abordage avec le Charles LD à Punta Delgada (Açores).

FORT BINGER 08/02/1941 – 26/01/1942

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Immobilisé à Pointe Noire le 9 Juillet 1940, ce vieux navire des Chargeurs Réunis, datant de 1919, fut abandonné par son équipage le 28 Août suivant. Seuls restèrent à bord et rallièrent la France libre un matelot, un novice, un mousse et un graisseur. Il fut alors saisi fin Août à Douala et affrété par le Ministry of War transport. En Décembre 1940 il est commandé par le CLC Sauvaget, puis à partir de Février 41 par le CLC Ruggieri. Ce sera donc lui le commandant de Gabriel Bichon jusqu'à l'escale de Suez.
Le navire est équipé d’un canon de 37 mm et de deux Oerlikon de 22 mm. Il appareille de Pointe Noire le 11 Février 1941, escorté par l’aviso Commandant Duboc, avec des troupes FFL pour Capetown. L’itinéraire sera :

25/02/41 Le Cap
25/03/41 Durban
12/04/41 Port Soudan puis Suez

Le 15 Mai suivant, il appareille de Suez, sous les ordres d'un marin hors du commun, le lieutenant au long cours Michel Krotoff, pour aller charger 8000 tonnes de sucre à Port Louis de l’île Maurice. Il reviendra à Londres en Janvier 1942 après de longues escales à Durban, East London, Port Elizabeth, Capetown, Freetown et Oban (en Ecosse). Gabriel Bichon débarque à Londres. Michel Krotoff obtiendra alors le diplôme de capitaine au long cours et naviguera ensuite sur les corvettes de la France Libre. Il sera plus tard pilote du canal de Suez. Il est décédé à Nantes dans sa 101e année, le 4 Décembre 2015.
Par la suite, Fort Binger naviguera entre l’Afrique et l’Amérique, comme le Tombouctou. En Mai 1942, alors que Gabriel n’était plus à bord, il livrera un combat au sous-marin U 588 du Kptlt Victor Vogel, au large du cap de Sable. Un homme d’équipage, le cuisinier, sera tué. Mais le navire parviendra à rejoindre Yarmouth au Canada.

Récupéré à la fin de la guerre par les Chargeurs Réunis, il sera démoli en 1950.

CUBA 12/02/1942 – 27/05/1942

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Ce paquebot mixte de la Compagnie Générale Transatlantique lancé en 1923 avait été envoyé le 31 Octobre 1940 par le gouvernement de Vichy de Martinique à Casablanca avec 1300 passagers. Mais en cours de route il avait été intercepté par la Royal Navy. Arrivé à Freetown le 7 Novembre 1940, il avait alors été saisi et affrété par la Cunard White Star Cy. Son équipage avait été rapatrié sur le Maroc en Janvier 1941, par des navires portugais, non sans avoir tenté de saborder la machine, mais sans y parvenir. Quatre pour cent seulement de l’équipage avait rallié la France libre.
En Décembre 1941 il quitte Takoradi avec 6000 tonnes de cacao pour Boston. Transformé en transport de troupes, il embarque 2100 aviateurs canadiens pour Liverpool où il arrive début 1942.
C’est à Liverpool qu’embarque Gabriel Bichon, et il est probable qu’il restera dans ce port que le navire ne quittera que le 17 Juin pour Suez via Le Cap avec des renforts pour la 8e armée. Il sera alors muté sur le Nevada II le 25 Juin.

A noter, fait peu connu, que Cuba fera une escale en Octobre 1943 à Barcelone, venant de Port Saïd avec 800 prisonniers de l’Afrika Korps qui seront échangés contre des prisonniers alliés.
Le paquebot sera torpillé le 6 Avril 1945 par le sous-marin U 1195 du Kptlt Ernst Cordes, lors d’une traversée Le Havre – Southampton, par 50°36 N et 57°00 W. Il n’y eut qu’une seule victime sur 265 hommes embarqués. Ce sera d’ailleurs le dernier navire français (mais sous pavillon britannique) à être torpillé au cours de la 2e guerre mondiale.
Repéré et pris en chasse, l’U 1195 sera coulé le lendemain par une charge lancée par le destroyer HMS Watchman. Cordes disparaîtra avec 31 hommes de son équipage et il y aura seulement 18 survivants.

NEVADA II 25/06/1942 – 04/08/1942

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Ce navire construit en 1917 au chantier Bremer Vulcan fut donné en dommage de guerre à la Cie Générale Transatlantique et rebaptisé Nevada en 1919.
Le 17 Juillet 1940, il est saisi à Glasgow par le Ministry of War Transport. Un officier et cinq marins sur 54 rallient les FNFL. En Septembre, il participe à la tentative menée sur Dakar pour rallier l’AOF à la France libre. En Novembre, il est à Libreville et participe au ralliement du Gabon. Revenu à Liverpool il participera à plusieurs convois pour transporter du matériel en Afrique, destiné aux troupes du Tchad. Il échappe de peu à un torpillage le 8 Mars1942 près des Açores.
Gabriel Bichon embarque donc à Londres le 25 Juin 1942. L’équipage se compose de 61 Français libres plus 5 fusiliers AMBC.
Le navire quitte Londres le 26 Juin pour la Gambie. Il remonte la côte orientale de la Grande Bretagne et passe au Sud des îles Orcades. Il longe ensuite la côte occidentale de l’Ecosse lorsqu’il est surpris par une brume épaisse. Le 19 Juillet, toujours dans la brume, il s’échoue à la pointe Nord de l’île de Coll (pointe Eilean Mor) dans l’archipel des Hébrides par 56°41 N et 06°29 W. Il n’y a aucune victime et tout l’équipage est ramené sain et sauf à Liverpool. C’est le second naufrage de Gabriel Bichon.

FORBIN 07/09/1942 – 30/09/43

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Ce cargo mixte des Chargeurs Réunis avait été construit en 1922 à Graville.
En Juin 1940, il avait embarqué des militaires tchèques à Bordeaux puis avait fait route sur Gibraltar et Liverpool où il était arrivé le 17 Juillet. Les soldats avaient été incorporés dans les armées alliées tandis que l’équipage, rallié à la France Libre, avait repris la mer.

En Septembre 1942 il est à Hull, de retour du Canada et c’est dans ce port qu’embarque Gabriel Bichon. Il avait d’ailleurs eu un grave problème de stabilité au mois de Juillet précédent, prenant 45° de gite. L’équipage avait réussi à redresser in extremis et le navire avait du relâcher à Saint Jean de Terre Neuve. Aucune indication sur la navigation de ce transport de troupe de Septembre 1942 à Septembre 1943. Il est très probable qu’il effectuera des transports de soldats entre l’Angleterre, l’Amérique et l’Afrique du Nord. Le 30 Septembre 1943 il est à Liverpool où débarque Gabriel.

Il terminera sa carrière comme bloc de la digue du port artificiel d’Arromanches.

VILLE DE MAJUNGA 19/11/1943 – 30/04/1944

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Ce cargo mixte de la Havraise péninsulaire avait été construit aux chantiers du Trait en 1931 et sera démoli à Hong Kong en 1959.
Bombardé par la RAF en rade du Havre, Ville de Majunga avait rejoint Brest en Juin 40 pour réparations. Mais désobéissant aux ordres, il appareille en catastrophe de Brest avec 200 marins de l’arsenal, des armes et des munitions et passe en Méditerranée. Il est arraisonné en Mars 1941 par le Cornwall et conduit au Cap. L’équipage, sauf trois marins est rapatrié sur Marseille en Mai 1941, et le navire est réarmé avec des marins FNFL. Il navigue alors entre Liverpool et l’Afrique. Le 6 Décembre 1942 il s’échoue à Camp’s Bay au Cap, et reste en réparations jusqu’en Juin 1943. En Juillet il est de retour à Newcastle.

Gabriel Bichon y embarque donc à Liverpool le 19 Novembre 1943 et participe aux convois suivants :
KMS 37 40 navires. Quitte Liverpool le 25 Décembre. Passe Gibraltar le 7 Janvier 1944. Violentes attaques par l’aviation allemande au large de l’Algérie le 10 Janvier. Deux navires sont coulés. Les survivants se regroupent et arrivent à Port Saïd le 20 Janvier. Ville de Majunga passe le canal et continue sur Aden.

Convoi AKD 15 10 Navires (dont Barfleur de la France libre). Quitte Aden le 13 Février 1944. Arrive à Kilindini (Tanzanie) le 22 Février 1944.

Ville de Majunga revient ensuite en Angleterre et Gabriel débarque le 31 Avril 1944.

CEPHEE 17/01/1945 – 31/08/45
(ex FRANCOIS LD)

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ISAC 18/09/1945 – 19/11/1945

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On ne possède aucune indication sur la navigation de ces deux derniers navires. Gabriel Bichon embarquera sur Céphée à Liverpool et débarquera au Havre et sur Isac à Grimsby pour débarquer à Nantes.

Cette navigation sur les navires marchands de la France libre vaudra à Gabriel Bichon de recevoir une superbe lettre manuscrite, signée de la main du Général de Gaulle, dès Septembre 1945. Le Général lui écrit :

« Répondant à l’appel de la France en péril de mort, vous avez rallié les Forces Françaises Libres. Vous avez été de l’équipe volontaire des bons Compagnons qui ont maintenu notre pays dans la guerre et dans l’honneur. Vous avez été de ceux qui, au premier rang, lui ont permis de remporter la Victoire ! Au moment où le but est atteint, je tiens à vous remercier amicalement, simplement, au nom de la France.
1er Septembre 1945 Charles de Gaulle


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Le 15 Mai 1946, cité à l’Ordre du Corps d’Armée, il recevra la Croix de Guerre avec étoile de Vermeil.

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Le 10 Décembre 1947, il recevra la Médaille Commémorative des services volontaires dans la France Libre.

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Enfin, le 22 Mai 1954, il recevra la Médaille d’Honneur des Marins du Commerce

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Après 1945 il continuera à naviguer pour des compagnies diverses et ses embarquements se résument ainsi :

SONTAY 28/06/46 25/03/47 Messageries Maritimes
ILE DE FRANCE 02/05/47 22/06/47 Cie Générale Transatlantique
MONKAY 24/06/47 31/01/48 Messageries Maritimes
GRANVILLE 01/06/48 01/03/49 Nantaise des Chargeurs de l’Ouest
BAKALA 02/06/49 07/07/50 Chargeurs Réunis
CALAIS 21/09/50 19/03/51 Chargeurs Réunis
SAINT DIE 26/04/51 08/05/52 Chargeurs Réunis
Les embarquements suivants sont effectués dans la fonction de maître d’équipage.

CABINDA 29/07/52 09/07/53 Chargeurs Réunis
SAINT DIE 16/11/53 03/03/55 Chargeurs Réunis
LOUGA 07/06/55 15/11/55 Chargeurs Réunis

Après avoir pris sa retraite, Gabriel Bichon naviguera à la petite pêche sur quelques petits bateaux sardiniers de Pornic.
Ce seront Françoise, Quo Vadis et Notre Dame de Lourdes. Son tout dernier embarquement se terminera le 7 Mai 1960.

Pendant sa retraite, dans les années 55 à 70, il se retirera dans sa maison de la rue de La Boulotte, qu’il vendra ensuite en viager. Aujourd’hui, cette maison a été entièrement rénovée. La voici vers 1960

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et actuellement

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Il s’était marié en 1964 avec Charlotte Demeusy, qu’il avait rencontrée au Havre, et qui décèdera quelques années plus tard, en 1968. Il aimait aussi recevoir ses petits neveux et nièces, les petits enfants de sa sœur, qui avaient quitté Pornic et vivaient dans d’autres villes de France.
Il aimait encore retrouver quelques copains, souvent marins pêcheurs, dans un petit bistrot du centre de Pornic à quelques encablures de son domicile, nommé « Au Bon Coin ». Quelques vieux Pornicais se souviennent encore des chants de marins qu’ils entonnaient, tard le soir, et qui devaient leur rappeler le temps de leur jeunesse, des « bordées d’inscrits » dans quelques ports du monde, quand on cherchait à oublier les dangers encourus ou les camarades disparus… Ils gardent aussi le souvenir d’un homme au caractère bien affirmé, mais qui avait le cœur sur la main.

Gabriel avait toujours fait lui-même les choix qui ont guidé sa vie. Il avait annoncé aux siens : « Quand je ne pourrai plus ouvrir mon couteau, je mettrai ma cravate de chanvre ». En 1971, marqué par la disparition de son épouse et ayant des problèmes de santé (il perdait la vue), il prendra la décision de quitter cette Terre dont il avait parcouru tout le domaine maritime, dont il avait fait le tour à plusieurs reprises. Son dernier mouillage sera le petit cimetière de Pornic. Sa tombe est entretenue par le Souvenir Français.

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Le petit mousse de La Victoire et de Marthe Marguerite aura donc fait partie de ces marins anonymes qui, au cours de deux conflits terribles, ont su faire preuve d’un courage, d’un patriotisme et d’une abnégation à toute épreuve. Ils ont parcouru les océans, en parfaite connaissance de tous les risques encourus, sans jamais renoncer à se battre pour la liberté. Son parcours est particulièrement glorieux et mérite la reconnaissance et le respect.
Pourtant, selon sa famille, Gabriel Bichon ne parlait que rarement de sa navigation. Il n’a jamais cherché à briller, à se vanter. Comme beaucoup de marins, c’était un « taiseux ». Mais comme ses camarades, il n’en fut pas moins l’honneur de la Marine Marchande.

Voici quelques photos de ce marin à la carrière exceptionnelle.

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Tous mes remerciements à Alain Huguet, son neveu, Chantal Bordenave-Mankowski et Michel Bordenave ses petits neveu et nièce pour les renseignements et les documents qu'ils m'ont transmis.

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Dernière modification par olivier 12 le sam. mai 12, 2018 2:03 pm, modifié 1 fois.
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Re: Gabriel BICHON Mousse (LA VICTOIRE et MARTHE MARGUERITE)

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Voici deux autres documents concernant Gabriel Bichon

- la copie de son fichier matricule du Comité Français de la Libération Nationale, inscription maritime de Grande Bretagne

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- sa carte de membre de l'association Les Croix de Lorraine

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Re: Gabriel BICHON Mousse (LA VICTOIRE et MARTHE MARGUERITE)

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Un document intéressant, le badge que portait Gabriel Bichon au cours de son passage dans les forces navales de la France Libre, conservé par sa famille.

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Ce badge d'identification « Merchant Navy » (MN) a été délivré aux marins des navires britanniques en Janvier 1940 et à ceux des navires Néo-Zélandais en Juillet 1941.
La formule "Merchant Navy" (au lieu de "Merchant Marine") avait été adoptée en Grande-Bretagne en 1922, dans le cadre de la reconnaissance formelle par le roi George V du service des marins marchands et de leur sacrifice au cours de la 1ère guerre mondiale. Ce conflit avait coûté à la marine marchande de l'Empire britannique environ 15 000 hommes et 2500 navires.
Au cours de la 1ère guerre mondiale, on n’avait fourni aucun badge d’identification aux marins marchands et ils ne portaient pas d’uniforme. Cela avait conduit beaucoup à se sentir mal à l’aise quand ils étaient à terre. La délivrance de badges MN pendant le 2e conflit mondial indiquait que le porteur prenait une part active à l’effort de guerre.

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Re: Gabriel BICHON Mousse (LA VICTOIRE et MARTHE MARGUERITE)

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Bien qu'il ne concerne pas la période 1914-1918, voici un complément concernant la navigation de Gabriel Bichon,le mousse de MARTHE MARGUERITE et de LA VICTOIRE. Il nous permet de mieux comprendre ce qu'ont vécu les marins marchands de la France Libre entre 1940 et 1945.
Il concerne sa navigation à bord du FORT BINGER, sur lequel il a été embarqué de Février 1941 à Janvier 1942. Or il se trouve que son commandant pendant cette période, Michel Krotoff, a écrit pour sa famille un récit de sa navigation sur FORT BINGER. Ce récit, intitulé "Un marin dans la tourmente 1939-1945" n'a jamais été publié, sauf quelques extraits concernant justement le FORT BINGER dans le journal Le Marin vers 1995. J'ai pu avoir connaissance du texte complet. Il est passionnant et nous fait revivre toute l'aventure de ces marins courageux de la France Libre, avec beaucoup d'émotion. Voici le récit de Michel Krotoff.

Je me rends à bord et prends contact avec les Bretons, Marseillais et Corses constituant l’équipage venu d’Angleterre. Visiter un navire abandonné depuis des semaines sous le soleil tropical réserve bien des surprises, souvent désagréables. C’est le cas du Fort Binger qui présente bien des signes de vétusté dans tous les domaines : chaudières au charbon, machine alternative, treuils et guindeau à vapeur, sondeur à main…Mais il faut faire avec, se retrousser les manches et tout remettre en état de marche. Ces remises en état nécessiteraient des approvisionnements en matériel bien supérieurs aux possibilités locales di moment. C’est le système D dans tous les domaines.

Je décèle rapidement les vrais marins, les Bretons en particulier, travailleurs et débrouillards, assurant des journées de 10 à 12 heures malgré la chaleur, l’inconfort des logements et le rationnement de la quinine dont le ravitaillement est incertain.
(Nota : le maître d'équipage Gabriel Bichon fait de toute évidence partie de ces marins.) Nous faisons du bon travail et après une vingtaine de jours, tout a été remis en état et vérifié. Notre activité surprend tellement les autorités maritimes qu’elles nous décernent un Témoignage Officiel de Satisfaction.
Un homme est resté manifestement hors du coup : c’est celui qui devait nous commander, dont le côté hâbleur a été rapidement décelé et l’incompétence mise en évidence. Un vrai CLC, Ruggieri, le remplace quelques jours avant l’appareillage, et il devient alors second capitaine, me faisant repasser à la fonction de lieutenant.
Nous appareillons de Douala pour Port Gentil et Pointe Noire où nous chargeons des tanks pesant 20 tonnes et un contingent militaire d’une quarantaine d’hommes.
Première constatation, notre coque est tellement encrassée après ce long séjour en mer tropicale que notre vitesse ne dépasse pas 7 nœuds. Deuxième constatation, nos apparaux pour manipuler les très lourdes charges sont en bien mauvais état : câbles métalliques rouillés, treuils à vapeur poussifs. Chaque manipulation est une source d’angoisse pour nous et les militaires. Mieux vaut ne pas imaginer la catastrophe en cas de rupture de câble quand le tank est à 5 m au dessus du navire.
Enfin, l’éventualité de l’hébergement d’un contingent militaire sur ce vieux cargo n’avait jamais été envisagée. Ces militaires vont de Port Gentil à Capetown. Il faut faire preuve d’imagination et transformer rapidement les entreponts en dortoirs. Pour les vivres, nous n’avons même pas de chambres froides et il faudra se contenter de rations congrues à base de boites de conserves.

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La traversée Pointe Noire – Capetown, escorté par l’aviso Commandant Duboc, sera plus longue que prévue étant donné l’état de la coque et des chaudières.

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Nous parvenons enfin à destination dans un état de dénuement pénible, avec un contingent militaire au bord de la révolte. Son débarquement et une satisfaction pour tous.

Le long de ces côtes sud-africaines, la chance fut avec nous et l’ennemi ne se manifesta jamais. C’était pourtant la période des grands raiders allemands de l’Atlantique comme Atlantis, Thor ou Widder, puissamment armés de canons de 150 mm et de torpilles, qui sillonnaient les mers du Sud. Fort Binger est armé d’un canon de 57 mm, et de 2 Oerlikon de 22 mm.

Toujours chargés de matériel militaire, nous passons le cap de bonne Espérance et continuons sur Durban, Port Soudan et Suez. La vitesse est encore faible malgré un nettoyage de coque, et les fuites de chaudières occasionnent des consommations d’eau douce inquiétantes.

11/02/41 Pointe Noire
25/02/41 Le Cap
25/03/41 Durban
12/04/41 Port Soudan
15/04/41 Suez

A Capetown, notre état-major s’est enrichi d’un officier de réserve, jeune enseigne de 23 ans nommé Bertrand Dubreuil, originaire d’Angoulême. C’est un garçon charmant, aux grandes qualités et d’une éducation parfaite. Rapidement, il est devenu mon ami et, pour dire la vérité, mon seul ami sur ce Fort Binger. Ensemble, nous déplorons la désinvolture du commandant, l’incompétence du second capitaine et l’atmosphère déprimante régnant à bord.
Nous sommes en Avril 1941 à Suez.
Avec lui, je prends 3 jours de détente au Caire où nous allons escalader la grande pyramide et visiter le musée.
Au Caire, il règne une atmosphère de crainte, d’appréhension, presque de panique. L’hiver 40 avait été glorieux pour les Anglais avec l’anéantissement des troupes italiennes. Mais l’intervention musclée de Rommel, en Février 41, avec son Afrika Korps, avait déclenché une retraite précipitée et la déroute des alliés. On ne savait si les Allemands seraient stoppés avant la frontière égyptienne…La Grèce était perdue, la Crète occupée, l’Irak avait des sentiments pro nazis inquiétants. A Suez débarquaient Anglais, Australiens, Indiens, Pakistanais, avec un matériel considérable. Tout était acheminé vers l’Ouest dans une course de vitesse avec les Allemands dont le ravitaillement devenait de plus en plus difficile.

Sur Fort Binger, le commandant, qui supportait mal l’éloignement de sa famille, voulait rentrer en métropole. Le second, qui était mal à l’aise dans un rôle auquel il n’avait jamais été préparé, obtint son affectation à l’Etat-major du Caire avec le grade de Lieutenant de Vaisseau ! N’insistons pas !!

Je sers alors de lien entre le bord et le délégué du comité FFL du Caire et nous cherchons un nouveau commandant parmi les pilotes du Canal. Mais tous se défilent, souvent après une courte visite à bord. Nous mettons un point d’honneur à vouloir rester sous pavillon français, mais nous montrons une incapacité à armer ce navire. Allons-nous le remettre piteusement aux Anglais ?
C’est alors qu’on me propose officiellement d’en prendre le commandement. Je demande 24 heures de réflexion, reviens à bord et j’expose la situation à Dubreuil et au noyau dur et fidèle que j’apprécie depuis Pointe Noire. Je n’accepterai cette lourde charge qu’avec leur appui sans restriction. Ils me l’accordent.


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Le 2 Mai, faute de mieux, je suis nommé commandant du Fort Binger. Je n’ai que 26 ans et je suis en charge d’un cargo de 8000 tonnes à l’armement incomplet et désuet, à la tête d’un équipage hétéroclite et aux motivations diverses. Je dois affronter les aléas de la navigation au long cours et les menaces sournoises de l’ennemi. Je réalise mon manque d’expérience.
Mon premier objectif est de compléter l’équipage. Je propose Dubreuil, qui a seulement 23 ans, comme second capitaine. Comme 1er lieutenant je n’ai personne d’autre qu’un grec d’une trentaine d’années titulaire d’un vague diplôme. Enfin, un Egyptien sans diplôme s’intitulera 2e lieutenant. Un jeune belge sera notre officier radio. Un vieil OM1 qui a quitté la navigation depuis 10 ans sera mon chef mécanicien, un OM2 martiniquais de 40 ans le second mécanicien et les autres seront de simples chauffeurs promus au rang d’officiers.
J’ai un équipage de 48 hommes de cinq nationalités aux compétences douteuses. Je ne peux compter que sur Dubreuil qui, malgré son jeune âge, va se montrer un précieux collaborateur et sur une poignée d’authentiques marins, des Bretons, bien de chez nous qui me sont entièrement dévoués et qui sont dirigés par le maître d’équipage Gabriel Bichon.

Fort Binger est pris en gestion par la compagnie Elder Dempster, de Liverpool, pour le Ministry of Transport, immense organisme anglais qui m’inonde de formulaires rédigés en anglais. Je passe une partie de mes nuits à rédiger cette paperasserie.

Le 15 Mai nous appareillons pour prendre un chargement de sucre à l’île Maurice. Je prends un air assuré pour faire virer l’ancre sur la rade de Suez et je mets cap au Sud, avec l’inconscience de la jeunesse. Mais l’inconscience de mes ainés, restés prudemment dans leur confort doré, et qui me voient disparaître à l’horizon avec un ouf de soulagement, n’est-elle pas supérieure à la mienne ? Sans escorte, avec des cartes périmées, nous traversons la mer Rouge, franchissons le détroit de Bab El Mandeb et poursuivons notre route vers l’île Maurice. Ayant surpris mes deux officiers étrangers parfaitement endormis pendant leurs quarts de nuit, je passe des heures innombrables sur la passerelle.
A mi-parcours, mon vieux chef mécanicien m’informe que la consommation d’eau douce est devenue exorbitante sur l’une des trois chaudières. Nous l’isolons, ce qui fait dangereusement baisser notre vitesse. Mais nous arrivons enfin à Port Louis où nous jetons l’ancre. L’accueil de la population est cordial.


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Sacs de sucre et fûts de rhum sont chargés lentement mais méthodiquement. Nous jouissons pendant 20 jours des charmes captivants de cette île qui ignore les affres de la guerre. Des sympathies de toutes sortes se manifestent et pour certains, (et pourquoi pas moi) larmes et soupirs accompagnent notre appareillage.

Notre longue route vers l’Angleterre va être ponctuée de nombreuses escales en Afrique du Sud. Durban pour charbonnage, East London, et surtout Port Elizabeth où nous resterons 3 semaines et Capetown.
A Port Elizabeth, on nous installe un système de dégaussing destiné à nous prémunir contre les mines magnétiques qui pullulent en Manche et Mer du Nord.
Il y aura aussi des incidents désagréables car le personnel égyptien ayant débarqué à Durban, j’avais eu l’imprudence de le remplacer par des éléments de nationalités douteuses qui vont perturber la vie à bord. Après de multiples bagarres il faudra l’intervention de la police pour s’en débarrasser. En accord avec mes anciens, je préfèrerai continuer avec un équipage réduit mais uni, plutôt que renouveler cette déplorable expérience.
Surtout, quelqu’un (je ne saurai jamais qui) va soulever le problème de mon brevet. Seul un CLC, brevet équivalent au Master Certificate, peut commander un navire. Le brevet de LLC n’a pas cette caractéristique.
Au Caire, les autorités avaient solutionné le problème en affirmant par télégramme que j’avais obtenu le brevet de CLC le 2 Mai 1941, veille de ma prise de commandement. Mais la ficelle était un peu grosse et ne passa pas auprès des autorités de Port Elizabeth. Un brevet n’est pas un grade militaire et ne peut être octroyé qu’après examen.

Le faux brevet de Michel Krotoff :

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Notre représentant mit en branle ses nombreuses relations en Afrique du Sud et finit par trouver un viticulteur de 60 ans, authentique capitaine au long cours français, installé depuis plus de 5 ans dans le pays. Il accepta le principe de prendre ma place, mais après 3 jours passés à bord, ce brave homme découvrit rapidement l’aventure dans laquelle il s’était engagé et manifesta le désir de retourner à ses vignobles et au confort cossu de son domaine. Je rencontrai alors ce Monsieur Peillon, qui était la courtoisie personnifiée, et lui présentai les membres les plus déterminés et les plus fidèles de mon équipage. Nous lui proposâmes la solution suivante. Je reprenais le commandement du navire, et lui restait à bord uniquement comme passager, mais passager titulaire du brevet de CLC. Il n’avait pas à intervenir dans la conduite du navire dont je garderai l’entière responsabilité. Les autorités anglaises reconnurent que la législation était alors respectée et autorisèrent l’appareillage.

Pour moi, le dévouement désintéressé de ce Monsieur Peillon restera comme le modèle du patriotisme pur et discret devant lequel on doit s’incliner. D’autant plus que sa gentillesse lui valut l’estime de tous. La fibre française était bien ancrée en lui.

Enfin, les autorités accédèrent à mes demandes : retubage des chaudières et sablage de la coque. Pour cette opération, il fallut débarquer la cargaison, passer en cale sèche à Simonstown, puis revenir à Port Elizabeth reprendre la cargaison. Que de perte de temps !
Le 20 Octobre 1941 nous appareillâmes pour l’Angleterre, via Freetown, puis Oban, en Ecosse. Puis nous fîmes le tour de l’Ecosse dans le froid et la brume pour atteindre Londres avec notre cargaison de sucre embarquée depuis plus de 5 mois.

Si les tentations des ports sud-africains avaient sapé la discipline du bord, l’austérité de la vie en mer la rétablit. Le marin n’est vraiment pas fait pour traîner dans les ports, et plus particulièrement dans les ports sud-africains… !

Vers quelle Europe pointions-nous notre étrave ? Vers une Angleterre blessée, affaiblie par de terribles bombardements de ses grandes villes, vers une Allemagne qui venait d’envahir la Russie et allait de victoire en victoire, semblant invincible dans sa marche vers l’Est, vers une France bâillonnée sous l’étreinte de l’occupant, orpheline de ses milliers de prisonniers.

Si les raiders avaient disparu, il y avait le danger des sous-marins, encore des sous-marins, partout des sous-marins. Et quels sous-marins ? Fini les petits bâtiments peu maniables. Des sous-marins de 1700 tonnes conçus pour de longues croisières, atteignant 15 nœuds, équipés de 6 tubes lance-torpilles et de canons de 110 mm, mis en chantier au rythme effarant de vingt par mois. Dönitz, le grand amiral, pouvait en entretenir une centaine à la mer en même temps. Après l’escale de Freetown, Fort Binger allait affronter les dangers de cette bataille de l’Atlantique contre les meutes de sous-marins en s’incorporant dans un convoi à destination de l’Angleterre.
Arrivés à Londres, avec mon ami Dubreuil, Peillon et tout l’équipage se trouvant à bord depuis un an et qui m’avait fait confiance, nous pouvions dire avec soulagement et fierté « Mission accomplie ».

Le pot d’adieu marqua pour moi la fin de ce premier commandement, suite d’angoisses et de satisfactions qui m’avaient mûri à mon insu. Le jeune homme insouciant n’était plus…
La dispersion commença. Dubreuil s’engagea dans l’aéronavale.

(Nota : Malheureusement, l’EV 1 Bertrand Dubreuil, élève pilote sur un Catalina dans le groupe aéronaval des FNFL aux Etats-Unis, trouvera la mort le 17 Juillet 1943, lors d’une mission au dessus du golfe du Mexique, au large de la base de Pensacola, en Floride.)
Et que dire du reste de l’équipage ? On ne pouvait retrouver les familles. Seule subsistait l’amitié entre « pays ». La majorité resta donc sur le Fort Binger. Quelques uns continuèrent à sillonner des mers de plus en plus dangereuse sur d’autres bâtiments, humbles artisans d’une victoire encore bien incertaine ». (Nota : ce fut le cas pour notre matelot pornicais, Gabriel Bichon)
Ainsi se termine le récit du capitaine Michel Krotoff qui passera alors l’examen de CLC, puis naviguera sur les corvettes de la France Libre. Le 6 Juin 1944 à l’aube, embarqué sur le chasseur de sous-marins Audierne (n° 41), il participera au débarquement sur la côte de Normandie à Juno Beach.

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Cet officier, que le tribunal militaire de Dakar avait condamné à mort pour désertion en temps de guerre et trahison, sera un véritable héros, artisan de la victoire.

Ci-dessous, la condamnation à mort de Michel Krotoff

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Après la guerre, il sera pilote du Canal de Suez. Ce marin hors du commun est décédé à Nantes le 4 Décembre 2015, dans sa 101e année.
Sa relation est particulièrement émouvante, voire même poignante sur la fin, quand il retrouve en 1944 ses parents après 5 ans d’absence. Et aussi, quand il va voir les parents de son ami, Bertrand Dubreuil, dont il découvre avec stupéfaction qu’un an après sa mort, ils ignorent encore le décès de leur fils. Il devra leur annoncer lui-même la tragique nouvelle.
Cette relation donne un éclairage formidable sur les conditions de vie terribles des marins marchands de la France Libre.

Cdlt
olivier
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Re: Gabriel BICHON Mousse (LA VICTOIRE et MARTHE MARGUERITE)

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Un petit complément sur Gabriel Bichon avec cette photo de la très belle plaque déposée tout récemment sur sa tombe par sa famille.

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On y trouve les noms de son père et de sa mère, d'un neveu décédé accidentellement en 1933, et de son épouse.

Une autre photo prise à bord du petit sardinier de Pornic FRANCOISE à l'époque où Gabriel Bichon naviguait à bord. On y voit l'équipage en train d'installer la bolinche. On n'y reconnaît malheureusement pas Gabriel (peut-être dans le canot, a moins qu'il n'ait pas été à bord ce jour-là). Mais de tels clichés montrant les marins pêcheurs au travail sont relativement rares.

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Cdlt
Dernière modification par olivier 12 le sam. mai 12, 2018 2:02 pm, modifié 1 fois.
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Re: Gabriel BICHON Mousse (LA VICTOIRE et MARTHE MARGUERITE)

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous,

Sur ce lien, un article paru dans la revue "Cols Bleus" de la Marine Nationale.

http://www.colsbleus.fr/articles/9539

Cdlt
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pierocells
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Re: Gabriel BICHON Mousse (LA VICTOIRE et MARTHE MARGUERITE)

Message par pierocells »

Bonjour!
merci pour cette superbe biographie de Gabriel Bichon ,égaillée par les photos de bateaux et documents ;elle complète dans mon imagination les récits tourmentés de Mr Pro Schiaffino ,ancien directeur d'une grande école de la marine marchande italienne ,sur son expèrience douloureuse de marin de la marine marchande réquisitionné sous Mussolini pour transporter armes et equipement ,au péril des bombardiers,sous- marins et mines ,avec l'image cauchemardesque des collègues brulés vifs ou noyés quand les explosifs touchaient leurs cibles.quelle pudeur et quelle discrétion,de la part de ces rescapés de tant de péril ;quelle vie pleine de vie ,d'amitiés,de paysages magnifiques,de pays exotiques ....merci
Rutilius
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Re: Gabriel BICHON Mousse (LA VICTOIRE et MARTHE MARGUERITE)

Message par Rutilius »

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Bonsoir à tous,

Sous le titre « Les aventures extraordinaires du mousse Gabriel Bichon », la biographie ci-dessus publiée par Olivier a été reprise par le capitaine de frégate Benjamin CHAUVET dans le numéro 3057 de la revue « Cols bleus » (Version imprimée, p. 32 et 33), daté d’Avril 2017 et uniquement consacré aux « marins au service de la victoire ».

Dans la même livraison, figure un article anonyme intitulé : « Marins des montagnes. Les flottilles des lacs d’Albanie. » (p. 34), signalé par ailleurs par Memgam.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
Esquif
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Re: Gabriel BICHON Mousse (LA VICTOIRE et MARTHE MARGUERITE)

Message par Esquif »

Bonjour,

Détails du naufrage du NEVADA II, photo de l'épave à la côte, ainsi que photos sous-marines
sur le site scottishshipwrecks.com/nevada-ii

cdlt
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