Bonne journéealain51 a écrit : ↑dim. août 11, 2024 10:47 am Bonjour,
Quelle est la proportion d'Alsacien-Lorrains enrôlés dans l'armée allemande : j'ai entendu ce nombre de 88 %... Ce nombre est-il exact ? rien trouvé sur internet ...
Il est vrai qu'après 43 ans, soit 2 générations, une grande partie de la population se sentait certainement germanique, d'autant qu'être allemand offrait certains avantages, par rapport à la nationalité française.
Il est plus difficile de répondre à vos deux questions qu’on pourrait le penser. Compte tenu de tout ce qui s'est passé au cours des deux derniers siècles, ce sont précisément les Lorrains et les Alsaciens qui devraient le moins se prononcer pour un camp ou pour l'autre. Je trouve d’ailleurs particulièrement répréhensible que l’on tente de leur reprocher leur comportement du passé, dans lequel ils n’étaient qu’une sorte de pion dans le concert des puissances européennes.
Mais d’abord sur la situation historique.
Le soi-disant « Empire allemand » de 1871 a été fondé comme une « ligue éternelle » d’États princiers (Bundesstaat). Les royaumes (en particulier la Bavière) et les principautés ont conservé une large indépendance de droit civil. Même après la fondation du Kaiserreich en 1871, les peuples (comme les Prussiens, les Bavarois, les Wurtembergs, les Badois, etc.) conservaient la citoyenneté [Staatsangehörigkeit] de l'État fédéral [Bundesstaat] respectif. L'Alsace-Lorraine n'étant pas un « Bundesstaat [État fédéral] » mais un soi-disant « Reichsland », la désignation « Landesangehörigkeit“ » était présente dans les documents d'identification correspondants. Cela n'a changé qu'en 1914, même si les Alsaciens et les Lorrains étaient formellement traités dans une large mesure sur un pied d'égalité avec les citoyens des Länder (allemands).
Pour simplifier un peu les choses, on pourrait dire que les Alsaciens et les Lorrains étaient, en droit constitutionnel, avant tout des Alsaciens et des Lorrains. En tant que tels, ils étaient cependant administrés directement par le gouvernement (!!!) du Kaiserreich (Berlin) de 1871 à 1918 et devaient notamment faire face à l'ensemble du « programme de service » (voir service militaire, etc. ). Cependant, ils n’ont jamais été des membres égaux de « l’État impérial », même si environ 90 % de la population était germanophone. Aucun référendum sur la question de savoir si les Alsaciens et Lorrains acceptaient d'être incorporés à l'Empire n'a jamais eu lieu ni en Alsace ni en Lorraine. Au moins, on a donné la possibilité de choisir la France (« Option »), mais il aurait fallu quitter votre pays pour le faire (quelle générosité allemande !!).
Le royaume de Bavière a parfois fait de grands efforts pour incorporer la Lorraine allemande voisine dans sa partie palatine du pays (apparemment, cela a été promis aux Bavarois en échange de leur participation à la guerre contre la France en 1870 !!). Le Royaume de Wurtemberg et le Grand-Duché de Bade ont tous deux postulé pour l'Alsace. Cependant, les demandes correspondantes furent toujours rejetées par la Prusse.
Conclusion:
Il n’y avait pas de citoyenneté « allemande » explicite jusqu’en 1934 (!!!) (voir ci-dessus). On pourrait donc dire (les juristes pourraient soulever des objections) que les Alsaciens et les Lorrains n’ont jamais été formellement « Allemands » au sens constitutionnel du terme. C'étaient des Alsaciens et des Lorrains dirigés depuis Berlin, qu'ils le veuillent ou non.
Les Alsaciens et les Lorrains ont-ils bénéficié d'une appartenance temporaire à l'Empire ?
Ici aussi, on pourrait dire de manière quelque peu simplifiée : dans des cas individuels, oui, mais vu dans leur ensemble, plutôt non.
Le commerce et l'industrie, notamment en Lorraine, en ont probablement bénéficié économiquement.
Cependant, selon les contemporains, l’enthousiasme espéré par la partie allemande (en particulier prussienne) n’a jamais éclaté parmi la population. Un rôle majeur a été joué par le fait que les paroisses d'Alsace et de Lorraine appartenaient toujours à des diocèses français et que le français était donc parlé et chanté dans l'église. Les fonctionnaires prussiens, généralement élevés dans la religion protestante, essayèrent désespérément de «germaniser» ici, mais sans succès. Quoi qu’il en soit, leur nature plutôt arrogante n’en faisait pas nécessairement des amis.
Lorsque les lois et règlements administratifs furent « alignés » sur l’Empire, les Alsaciens et les Lorrains découvrirent rapidement, à leur grande déception, qu’ils devraient renoncer à des réalisations importantes de la République française. Dans de nombreux cas, ils ont dû vivre avec une régression.
Sur la question du service militaire.
Je ne dispose malheureusement d'aucune information fiable sur le pourcentage d'Alsaciens et de Lorrains dans l'Armée Impériale. Il peut également être difficile d’obtenir des chiffres exacts.
Le service militaire général obligatoire, théoriquement entre 17 et 40 ans, s'appliquait également aux Alsaciens et aux Lorrains.
Personnellement, je pense qu'un chiffre de 88 % est pour le moins controversé. Mais cela ne veut pas dire que le chiffre doit être erroné.
Lors du triomphe de 1871, l'Empire n'a jamais formé plus de 80 % d'une classe. Dans le royaume de Bavière, ce chiffre ne dépassait guère 60 %.
Pour les familles disposant de contacts et de relations appropriés, il existait « mille » possibilités d’éviter le service militaire. La population urbaine en a bénéficié bien plus que la population rurale.
Je pense qu'il est fort probable que le recrutement ait été effectué de manière particulièrement intensive dans les « Reichsländer [terres impériales] » d'Alsace et de Lorraine.
Cordialement
Joseph