Le blé, le pain : leçon d’un instituteur à ses élèves en octobre 1917.

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bruno17
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Re: Le blé, le pain : leçon d’un instituteur à ses élèves en octobre 1917.

Message par bruno17 »

Bonjour,
Extrait de "Histoire de la Grande Guerre par un français", cette leçon d’un instituteur à ses élèves en octobre 1917. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne rigolait pas l'instit...!

Avec une belle insouciance, la France, pendant la première année de guerre, avait dédaigné de se rationner, comme le faisait l’ennemi bloqué. Nous avions la mer libre et nous pouvions recevoir d’Amérique le blé qui nous manquait. Mais lorsque l’Amérique fut entrée dans le conflit, quand il fut nécessaire d’employer les navires à transporter des troupes et des canons, le blé se fit rare et le pain devint une denrée de luxe. Alors s’organisa en France une campagne pour faire ensemencer en blé toutes les terres aptes à cette culture, et pour obtenir de la bonne volonté de chacun que le pain fût économisé. La carte de pain s’imposa et fut acceptée avec bonne humeur. Les enfants comprirent ce qu’ils n’avaient fait qu’entrevoir jusqu’alors, que le pain est un objet sacré.
Les journaux de l’époque ont cité ce fragment d’une leçon qu’un instituteur rural faisait à ses élèves, au mois d’octobre 1917.
« Mes enfants, quand vous venez en classe, le matin, vous voyez des hommes qui parcourent les champs, un sac en bandoulière et qui jettent à poignées des grains de blé à travers les sillons. Autant que les soldats de la tranchée, ceux-là préparent la victoire future. Le blé qu’ils sèment, germera et, l’an prochain, nous aurons du pain pour l’armée et pour le pays. S’ils se décourageaient, s’ils se laissaient gagner par la paresse, nous mourrions de faim ; leur geste nous nourrit et nous sauve. Il vous faut les saluer avec respect et leur vouer une reconnaissance profonde.
Mais quel que soit leur travail, nous n’aurons pas en France assez de blé pour que chacun ait du pain à discrétion. Il faut donc commencer dès maintenant à économiser le pain. Que chacun se contente de la ration que la loi lui assure et surtout que personne ne gaspille une miette. Laisser tomber un morceau de pain, le donner aux animaux ou le jeter, c’est un crime. Celui qui se rend coupable de ce crime trahit son pays et devient l’auxiliaire de l’ennemi. Si vous cherchiez parmi toutes les vilenies que les enfants peuvent commettre, quelle est celle qui fait le plus plaisir aux Allemands, soyez sûr que c’est celle-là: gaspiller le pain.
Le pain est sacré puisqu’il entretient notre vie, puisqu’il a tant coûté de travail et de sueurs, puisqu’il sera l’instrument de la victoire ; ne le touchez donc qu’avec un respect religieux et utilisez-le jusqu’à la moindre parcelle
. »
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Les semailles à proximité du front. (D’après un dessin de L. Jonas)
Bruno BAVEREL - Romans: "La voiture de Vandier" - "Les aventures du lieutenant Maréchal" - (Éditions des Indes Savantes) - "Le lieutenant de Mandchourie" (Éditions de L'Harmattan)
rolando
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Re: Le blé, le pain : leçon d’un instituteur à ses élèves en octobre 1917.

Message par rolando »

Bonjour Achache, bonjour à toutes et à tous,

La guerre devait être courte, et un économiste connu à l’époque (Paul Leroy-Beaulieu) ne croyait pas autre chose. La population française est à dominante rurale (paysans = fantassins français), et environ 1/6 du territoire national est occupé par l’ennemi, dont des terres agricoles fertiles. L’instituteur a un discours qui exalte la valeur du travail de la terre, la Semeuse sur les pièces de monnaie (Franc dit “lourd” compris) et les timbres-postes en est le symbole républicain.
Notons au passage la connotation religieuse dans les propos du maître concernantant le pain : il est sacré.
Le texte est fédérateur, à la fois moralisateur, pariotique (anti-germanique), économique.
“Nous n’avons qu’un seul but la Victoire de la France”... et celui qui en doute est un défaitiste ! C’était au début du XXe siècle.

Bien cordialement,
Caballero

Caballero
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bruno17
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Re: Le blé, le pain : leçon d’un instituteur à ses élèves en octobre 1917.

Message par bruno17 »

Bonjour Caballero,
Votre explication est intéressante; c’est vrai, cette notion du « sacré » autour du pain ; on comprend mieux l’importance de cet aliment pour nos anciens qui, enfants, ont entendu ces discours mêlant le sacré, l’économie, la valeur du travail et le patriotisme. Je me souviens que ma grand-mère avait horreur qu’on jette le pain et pire encore, qu'on le pose à l’envers sur la table ; elle le remettait aussitôt à l’endroit avec une sempiternelle phrase :
« On ne gagne pas son pain sur le dos ! »
Et nous, malicieux, faisions bien sûr exprès d’oublier et remettions régulièrement le pain à l’envers, adorant entendre grand-mère nous gronder : « On ne gagne pas son pain sur le dos ! »
Bruno BAVEREL - Romans: "La voiture de Vandier" - "Les aventures du lieutenant Maréchal" - (Éditions des Indes Savantes) - "Le lieutenant de Mandchourie" (Éditions de L'Harmattan)
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mounette_girl
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Re: Le blé, le pain : leçon d’un instituteur à ses élèves en octobre 1917.

Message par mounette_girl »

Bonsoir à tous

Voici une photo de l'époque, illustrant bien les recommandations faites aux soldats et aux civils.
Ce panneau était à l'entrée des cuisines de la Manutention de Montereau.

Bien amicalement.
Mounette.


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"Tes yeux brillaient moins aujourd'hui /Dis-moi, dis-moi pourquoi chère âme /Dis-moi quel chagrin, quel ennui /Mettait un voile sur leur flamme." - Sergent Ducloux Désiré, dit Gaston - 146° RI
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