HARPON
Cargo lancé en 1897 au chantier Srand Slipway de Monkwearmouth sous le nom de HYLTON
1484 t Longueur 76 m Largeur 10,90 m 1 hélice
Racheté en 1911 par Delagrange, Batte & Sons Bordeaux
Sous pavillon français
La perte de HARPON
Capitaine : Emilio DE URIETA (Argentin)
1er officier : Bautista LOPEZ
Chef méc. : A. SOLMER
2e mécan. : Juan CUENCA
L'équipage se compose de
9 Espagnols
1 Canarien
3 Argentins
11 Brésiliens
1 Danois
1 Norvégien
Voici les noms des Espagnols
Rogelio LANDRA
Jose BAUTISTA
Francisco VASQUEZ
Antonio ALBERTO
Juan LORENZO
Juan SANTOS
Salvador PUIG
Jose VELEZ
Aquilio MARTIN
HARPON a quitté Buenos Ayres le 10 Août 1917 pour Dieppe avec un chargement de graines de lin et de graisse. Il a fait escale à Saint Vincent du Cap Vert du 8 au 13 Octobre.
Le 19 Octobre 1917, à 03h15 du matin, il se trouve à 35 milles au Nord du Rio de Oro, par 24°22 N et 15°50 W, faisant route au N20E à 9 nœuds, lorsqu'il est attaqué par un sous-marin.
Selon le capitaine, le sous-marin tire un seul coup de canon, d'une distance de 300 m, qui atteint le navire sur bâbord, sous la ligne de flottaison.
Pourtant, l'explosion ne semble pas violente puisque la seule réaction de l'officier mécanicien de quart est demander au chauffeur canarien Dawin s'il a laissé tomber un marteau ou un bidon.
Toujours selon le capitaine, le sous-marin lui ordonne par signaux lumineux en morse d'abandonner le navire. Mais il décide de s'enfuir à pleine vitesse.
Il est furieusement poursuivi toute la nuit par le sous-marin qui le canonne...
Toutefois, aucun homme de l'équipage n'a vu le sous-marin ou entendu des coups de canon ou des explosions.
Le capitaine continue son rapport en disant que le navire s'inclinant à cause de l'eau qui s'engouffrait dans le water ballast 4, et ne pouvant échapper au sous-marin, il décide de s'échouer sur la côte.
Puis, voyant que le navire ne peut être renflouer, il fait amener les deux embarcations à la mer et y répartit tout l'équipage.
(L'officier enquêteur se demande alors pourquoi, ayant jeter le navire à la côte, il veut soudain le renflouer?)
A la nuit, ils arrivent à l'embouchure du Rio de Oro et passent la nuit sur deux voiliers de Canariens qui pêchaient là. Au matin du 20, ils débarquent à la factorie de la Compagnie Transatlantique établie en ce point, et sont conduits devant le lieutenant colonel Beus, gouverneur de la colonie qui leur fait donner tous les soins nécessaires.
Ils sont ensuite conduits au Cap Juby où ils embarquent sur le vapeur FUERTEVENTURA qui assure la liaison Cap Juby – Las Palmas.
Le capitaine a tout d'abord nié avoir sauvé quoi que ce soit sur le navire. Mais, pressé de questions, il a reconnu avoir sauvé les papiers et le compas magnétique, ce qui semble prouver qu'il n'y a pas eu de panique quelconque ou d'affolement lors de l'abandon.
L'officier enquêteur note que le 1er officier ne sait ni lire ni écrire, et qu'il assure néanmoins sa fonction aux appointements de 40 livres par mois.
Il note aussi que le vapeur MARGUERITE se trouvait immobilisé à Villa Cisneros, faute de commandant. On a donc proposé au capitaine De Urieta de prendre ce navire, mais il a refusé, demandant 10 000 pesetas pour effectuer le voyage.
Note de l'Autorité Maritime envoyée au consul général aux Canaries
Les circonstances de cette attaque sont suspectes. On n'a pas vu le sous-marin et entendu ni coups de canon, ni explosions. Il est étrange qu'un seul obus ait été tiré en pleine nuit et qu'il ait touché le navire sous la flottaison. Le motif de l'échouage reste à élucider. Le capitaine a sans doute imaginé après coup cette attaque de sous-marin pour justifier sa conduite.
Ce capitaine doit repartir pour Buenos Ayres. Mais il serait judicieux de le faire interroger à son passage pour établir les circonstances réelles du naufrage.
Note du 14 Novembre 1917 du CF commandant l'escadrille des patrouilleurs de Casablanca
J'ai envoyé le TAROUDANT reconnaître l'épave du HARPON.
HARPON est échoué à 1 mille au NE de la pointe Elbow, c'est à dire à 32 milles du cap Leven (et non 10 comme déclaré par le capitaine).
Quand TAROUDANT a mouillé, de nombreuses embarcations venues de goélettes de pêcheurs se trouvaient là et beaucoup de gens s'affairaient. Je suis monté à bord avec l'enseigne de vaisseau Flandrois et le mécanicien principal Guillou, tous trois armés, accompagnés d'un timonier muni d'une ligne de sonde.
Nous avons constaté que le pont est entièrement détruit. La passerelle n'existe plus, on ne voit que son emplacement; le pont en bois de la dunette pas davantage; les treuils ont disparu; le pont est nu comme la main : plus de boucles, plus de mains de fer, plus de rambardes, plus de batayoles...
J'ai demandé qui commandait les hommes présents. On m'a répondu : "Personne. Depuis le temps que ce bateau est là, personne n'est venu et on l'a cru abandonné. On sauve ce que l'on peut".
D'ailleurs, il ne reste plus rien à démolir et ces pillards ont commencé à prendre les sacs de graines de lin.
J'ai noté les noms des goélettes présentes. Ce sont RAPHAEL, DOLORES, PEDRO, CARMITA, ELVIRA, toutes de Las Palmas et F 171, de Fuerteventura.
HARPON est échoué perpendiculairement à la côte, devant une petite plage qui borde la falaise. Fond de sable très fin. 5,10 m à l'avant et 5,50 m à l'arrière. La houle creuse une souille sous le navire. L'eau a tout envahi, de l'avant à l'arrière. Mais il ne doit pas y avoir de voie d'eau importante car le niveau de l'eau ne suit pas le mouvement de la marée. Il n'y a pas eu de torpillage car le pont ne présente aucun ébranlement. Monté par des gens non affolés, ce bâtiment aurait très bien pu être tiré de là. Les sacs de graines de lin qui emplissent les cales sont pourris et forment une bouillie.
L'officier donne ensuite son avis sur la façon dont le navire pourrait être remis à flots. Mais c'est à l'évidence une opération d'envergure, à faire suivre d'un remorquage jusqu'à Dakar (620 milles) et aucune suite n'a été donnée à cette étude.

Le sous-marin attaquant
N'est bien sûr pas identifié. (U0 sur uboat.net)
Mais, si sous-marin il y a, il devrait être facile de retrouver, avec cette carte, qui patrouillait au large du Rio de Oro ce 19 Octobre 1917, et qui a tiré un obus en pleine nuit sur le HARPON ...

Notons au passage que HARPON ne figure pas dans les pertes de guerre, ce qui augure mal de la recherche!

Cdlt