Bonsoir à Toutes & Tous
- Voici le témoignage brut d'un soldat belge (extrait de son carnet) lors d'une patrouille offensive, le sergent des grenadiers Gustave GROLEAU. Pour en savoir plus sur l'exposition qui lui est consacrée en Belgique, à Mariemont :
http://www.musee-mariemont.be/
- 11 juillet 1917 :
"L'Yser traversé, nous prenions déjà nos précautions. Avec un caporal et deux hommes, je partais en avant... Le bruit du froissement d'herbes est plus distinct et, au loin, nous croyons entendre des voix: Belges ou Allemands? Nous nous resserrons et continuons à avancer... Bientôt, il n'y a plus de doute. Les voix étaient allemandes: An die Gewehre! Achtung! Le bruit est maintenant très clair et nous distinguons des ombres, une dizaine. Ils avancent sur nous. Nous nous couchons à plat ventre. Les voilà à dix mètres, huit mètres, six mètres. Brusquement nous ouvrons le feu. Des cris, des jurons, des râles. Autour de nous, c'est la fumée; on ne voit plus rien. Des grenades éclatent. Nous retirons et nous lançons en avant, en criant : Hände hoch! Des fusées sont lancées des lignes allemandes; elles viennent au-dessus de nous, éclairant le sombre champ de bataille. Déjà des morts gisent par terre, d'autres se tordent avant de mourir et implorent grâce. La mitrailleuse allemande ouvre le feu. Les balles sifflent, mais ne nous touchent pas. Voici maintenant l'artillerie allemande: un brisant éclate deux cents mètres en avant, le second juste à dix mètres au-dessus de nous. Je suis flanqué par terre. Je suis touché dans le dos, près de la colonne vertébrale. Le sang coule, j'ai mal... A côté de moi, un des nôtres est tué auprès de deux Allemands. A ma droite, près du vaart (petit canal), un Allemand se tord, affreusement blessé à la poitrine et au ventre. Il va mourir. Un autre a un bras brisé et implore grâce. Pas de pitié, qu'il meure! Mes compagnons sont aux prises avec les autres Pruscos. Je me relève et saute dans le tas. Nous n'avons pas de baïonettes, je tire. A coups de crosse, à coups de pied, on se défend. Les grenades éclatent. D'autres sont blessés. Les Allemands crient, nous crions aussi. Eux se défendent à coups de grenades et de poignard. Mon fusil est déchargé. Un Allemand, très grand, s'avance sur moi. D'un bras, il brandit une grenade, de l'autre un poignard. Je le laisse s'avancer en armant mon révolver. Quand il est près de moi, je veux lui tirer une balle dans la tête; le coup ne part pas. Je saute en arrière et évite ses coups. Reculant toujours et ne le perdant pas de vue, j'arme mon fusil. Je l'attends alors de pied ferme et, à bout portant, je lui tire une balle dans la tête. Il tombe comme une masse sans rien dire... Je rencontre deux blessés allemands criant: Kamarad! Je les désarme et veux avancer avec eux. Un autre blessé me lance une grenade que je ne peux éviter et je tombe de nouveau, blessé profondément à la cuisse droite et à la main gauche. Je ne sens plus mes doigts et le sang gicle! Qu'importe, on se défendra jusqu'à la mort. Nous sommes cinq blessés et un tué sur onze. On luttera jusqu'à la mort. A coups de fusil et de crosse, nous achevons les blessés. Il ne faut pas qu'aucun échappe. Ils nous ont menti. Qu'ils meurent maintenant! Ils ne trouvent aucune grâce. On frappe avec la rage du désespoir. Nous leur lançons maintenant des grenades offensives. Ca dégage une fumée terrible qui nous obscurcit la vue. Encore des grenades allemandes ... Mes plaies me font bien souffrir. Un homme prend mon fusil pendant que le caporal Tellier me soutient... Enfin, nous voilà près de nos avant-postes. On me hisse sur le parapet. Les camarades se précipitent, s'informent de notre état, nous serrent les mains, nous félicitent. Ils sont heureux de nous voir revenir. On revient en effet de loin! ...Toujours soutenu, je gagnai la première ligne, où d'autres amis m'attendaient. J'étais conduit au poste de secours. En cours de route, le major me félicitait, il pleurait presque ..."
Une bonne soirée de Belgique