Suicides après guerre

[Eric Mansuy]

Bonjour à tous,

Concernant le suicide des anciens combattants…
Ayant procédé à quelques recherches sur le sujet, je me permets, avant d’aller plus loin, de « contextualiser » un peu mon intervention à l’aide de quelques statistiques :

- pour la guerre de Corée : près de 17.000 Australiens participent au conflit, 346 sont tués. Une enquête menée en Australie entre 1950 et 2000 nous apprend que parmi les 7.514 anciens combattants australiens décédés dans cette période, 814 ont été comptabilisés dans une rubrique « suicides et accidents de la route » – une part relativement faible, si l’on compare ces chiffres aux 5.362 morts des suites de diverses maladies.

- pour la guerre du Vietnam, les éléments sont plus problématiques : sur les 2,6 millions d’Américains ayant servi en Asie du Sud-est, les pertes s’élèvent à 58.169 tués ; le nombre de suicidés parmi les anciens combattants du Vietnam, avancé par les médias, est de 50.000 à 100.000 (58.000 annoncés en 1980, 100.000 en 1986, voire 150.000 en 1996 !), mais il semble qu’il faille plutôt tabler sur 6.500 à 9.000. Dans tous les cas, il apparaît que les 5 années suivant la fin de leur temps de service constituent la période la plus critique pour les hommes ayant un penchant suicidaire.

- pour la guerre des Malouines, les données sont les suivantes : les forces argentines (environ 11.000 hommes) ont déploré 649 tués, et plus de 300 suicides se sont produits parmi les anciens combattants argentins depuis 1982 (un article du Spiegel de mars 2007, et un article de Reuters d’octobre 2008 avancent 450 cas) ; les forces britanniques (environ 30.000 hommes) ont déploré 258 tués, et plus de 264 cas de suicide ont eu lieu depuis la fin de la guerre au sein de la communauté des anciens combattants britanniques. Des éléments qui ont défrayé la chronique au Royaume-Uni, puisque le nombre des morts pour cause de suicide excède à présent celui des morts au combat.

En conclusion, il ressort de mes courtes recherches que les anciens combattants – le fait ayant surtout été étudié pour ceux engagés dans les guerres du Vietnam et des Malouines – sont particulièrement touchés par les difficultés de la « sortie de guerre », le retour à la vie civile et la réinsertion ; de toute évidence, nombreux sont ceux qui ont été confrontés, plus que la moyenne de leur classe d’âge masculine, au chômage, à la consommation de drogue et / ou d’alcool, à la délinquance, à l’emprisonnement, à la dépression, aux penchants suicidaires. Le problème est le suivant : les autorités britanniques ou américaines, si elles se sont sensiblement intéressées au phénomène de « Post-Traumatic Stress Disorder » dans sa globalité, restent relativement frileuses quand il est question de travailler sur le suicide des anciens combattants (hormis le gouvernement australien, qui a sérieusement pris le sujet en compte depuis août dernier).

Ma question est donc simple : des études ont-elles, en France, été publiées, qui abordent la problématique du suicide des anciens combattants de la Grande Guerre ?

Merci d’avance pour toute piste !

Bien cordialement,
Eric Mansuy

[denis33]

Bonjour à toutes et à tous.
Bonjour Eric.

Peut-être quelques éléments de réponse sur ce site...

http://books.google.fr/books?id=AHaiEgj ... &ct=result

Il existe un livre du docteur Georges BOTTE qui se nomme "le suicide dans l'armée" Etude statistique, étiologique et prophylactique, mais qui a été édité en 1911 !!!

Pas trouvé mieux pour l'instant.

Bien amicalement.
Denis

[patrick corbon]

Bonjour à tous, bonjour Eric,

Le sujet reste encore ouvert pour ne pas dire qu'il a été très peu traité.
Sur la sortie de la guerre, le seul livre intéressant que j'ai pu trouver est une thèse qui a été publiée sous une version un peu remaniée chez seuil dans la collection Univers historique. Le titre du livre: « La victoire endeuillée (la sortie de la guerre des soldats Français (1918-1920) de Bruno Cabanes, mars 2004 ».
Malheureusement le sujet qui t’intéresse n’est pas abordé et seule la partie traumatisme est à peine entrevue. L’auteur précise que le problème n’a jamais été traité en France dans sa globalité et que les traumatismes psychiques ont été sous évalués. Il s’accorde à penser que tout semble prouver que la proportion de soldats blessés psychiquement n’a guère été inférieur à celle des grandes guerres modernes (Vietnam entre autres) : un quart de sujets traumatisés à des degrés divers dont une moitié avec des névroses de guerre plus ou moins invalidantes.
En référence :
Les traumatismes psychiques de guerre, Paris, Ed. Odile Jacob, 1999.
Citation d’un soldat anonyme tiré d’E. Southard, Shellshock and other Neuropsychiatric Problems, Boston, W.M. Leonard, 1919.

D’autres points sont abordés également succinctement : Le problème de la violence et en particulier des problèmes de violences conjugales allant jusqu’au crime.
Une statistique : de 561 divorces pour 10 000 mariages en 1913 (58.5% émanent des femmes) on passe à 1235 en 1920 (61% des demandes émanent des maris en 1919).
Le reste du chapitre traite du deuil essentiellement commémoratif en France alors que le monde Anglo-Saxon s’intéresse à la communauté en deuil.

A la fin du livre des références mais j’ai bien peur qu’elles ne t’apportent pas grand chose. Elles sont ci-jointes ;





Amicalement
Patrick

[rolando]

Bonsoir à toutes et à tous,

Voici un comtpe rendu du livre de Crocq : Les traumatismes psychiques de guerre, Paris, Ed. Odile Jacob, 1999, par Stépane Audoin-Rouzeau.

Autre ouvrage, par Fribourg-Blanc et Gauthier : La pratique psychiatrique dans l’Armée, Charles-Lavauzelle. Son intérêt réside dans sa date de parution, en 1935, avec de nombreuses études de cas.

Bien cordialement,
Caballero.

[rolando]

Rebonsoir,

Mon image n'est pas lisible. Envoi de cette dernière, sur demande par MP.
Bien cordialement,
Caballero.

[Stephan @gosto]

Bonsoir tout l'monde, salut Eric,

Anecdotique : dans une biographie consacrée à Roland Dorgelès lue il y a quelques temps, j'avais relevé que l'auteur évoquait, brièvement, le cas d'un ancien combattant qui se serait suicidé à la suite de la diffusion à la télé du film "Les Croix de Bois". Cela dans le courant ou la fin des années 60. Si cela t'intéresse - bien que l'on soit loin des études que tu recherches - je peux retrouver le passage.

Amicalement,

Stéphan

[Eric15]

Bonjour,

Certains anciens combattants de suicidaient mais combien d'autres se sont laisser mourir...Je pense à ceux qui ont eu du mal à raccrocher la gourde de Pinard après le retour...
Pour moi ça sera l'éternel question, comment des hommes ont ils pu reprendre une vie normal après avoir connu ce qu'on sait ???

[Eric15]

Bonsoir tout l'monde, salut Eric,

Anecdotique : dans une biographie consacrée à Roland Dorgelès lue il y a quelques temps, j'avais relevé que l'auteur évoquait, brièvement, le cas d'un ancien combattant qui se serait suicidé à la suite de la diffusion à la télé du film "Les Croix de Bois". Cela dans le courant ou la fin des années 60. Si cela t'intéresse - bien que l'on soit loin des études que tu recherches - je peux retrouver le passage.

Amicalement,

Stéphan

Dans la même veine, Lorsque que Spielberg sorti" Il faut sauver le soldats Ryan" de nombreux vétérans de Omaha Beach et d'ailleurs , se sont rués chez les psychiatres car ils ont vu réssurgir en eux des images qu'ils pensaient éffacé de leur mémoire...

[patrick corbon]

Bonsoir à tous,

A relire le livre que j'ai cité ce sont les associations d'anciens combattants qui ont été la seule et meilleure thérapie qu'ils ont pu trouver.

Cordialement
patrick

[Eric Mansuy]

Bonjour à tous,
Et merci pour vos pistes et vos réponses.

En écho à ce qu'a écrit Stéphan, je pense à la réaction des membres de la South Atlantic Medal Association, regroupant les anciens combattants britanniques des Malouines, qui craignaient que la diffusion de documentaires et de films, à l'occasion du 25e anniversaire de la fin des combats, accroisse le nombre des suicides au Royaume-Uni.

Bien cordialement,
Eric Mansuy