J'ai suivi les échanges sur ce sujet régulièrement, mais la méthode des "casseurs de vérité" me semble à revoir. Aucun croisement avec d'autres documents, donc des documents qui peuvent paraître, pris individuellement, définitifs. En réalité, dès que l'on recherche un peu le contexte, les choses paraissent un peu plus compliquées. Je passe sur le bidon de 100 litres. Les arguments des uns et des autres sont recevables. Mais dans ce qu'a écrit Jean-Claude, il n'est pas dit que le bidon était plein ! Qu'il soit plein me paraît inconcevable, mais qu'il ait existé...
Je me suis intéressé à la pétition de juin 1936. Beau document qui semble prouver la défiance d'une centaine de soldats qui ont combattu à Vaux à l'égard de leur commandant ! De quoi écorner un mythe.
Mais remis dans son contexte, cette pétition me semble mal interprétée."La pétition ci dessous émanant d'authentiques défenseurs du fort, parmi lesquels figure le nom de Buffet, sera une dernière citation pour notre triste colonel (élevé à ce grade entre temps) et confirmera le témoignage accablant paru dans notre numéro de mars 1936. Les anciens combattants du fort de Vaux, vous ordonnent, en ce jour du 20ème anniversaire de ces sanglants combats, de garder définitivement le silence.. Les survivants de juin 1916, entendent faire respecter, par tous les moyens, "leurs droits incontestables" (souligné dans le texte), et la mémoire de leurs camarades morts au champ d'honneur ou en captivité. Ils vous interdisent, en un élan unanime, de monnayer leur gloire et leurs misères passées ". Ce texte est suivi d'une centaine de signatures dont celles de Buffet, Bazy, Alirol, Roy, Perpigna, etc...
D'abord, il faudrait nous indiquer l'origine de cette copie. Est-ce un extrait de journal ? Il est fait mention d'un "témoignage accablant paru dans notre numéro de mars 1936" : cela semble montrer qu'il s'agit d'un extrait d'une revue, mais laquelle ?
De mon côté, avec les moyens du bord, j'ai un peu lu la presse de l'époque. Merci Gallica !
Pas une ligne dans le Figaro ou dans l'Humanité sur cette pétition dans les jours qui suivent. Ce n'est pas une preuve. Mais ce ne fut pas, à priori, une polémique nationale !
Pour trouver des indices pour mieux comprendre cette pétition, j'ai alors jeté un coup d'œil sur les journaux du lendemain du décès de Raynal.
Pas un mot dans le journal La Croix. Intéressant. Un petit article dans le Figaro du 20 janvier 1939 qui nous apprend le motif et la date de son transfert en Suisse :

Par contre, un article bien plus précis dans l'Humanité du 20 janvier 1939 avec une photo.


Un colonel qui a le droit a un article dans un journal communiste en 1939 ? L'article met en évidence les choix politique de Raynal et fait allusion à une charge violente contre lui en avril 1936. Voilà qui est de plus en plus intéressant.
Et là, on comprend un peu mieux en regardant ce qui s'est passé le 5 avril 1936, article de l'Humanité du 6 avril 1936 (1ère et 4e page) :


Attention, je mets ces articles non pour établir une vérité, juste pour argumenter à l'aide de documents d'époque qui nous éclairent sur le contexte, avec le regard critique qu'il convient de conserver.
Article dont il est question dans la nécrologie de Raynal cité ci-dessus, article de l'Humanité, 7 avril 1936 :

Ni la manifestation ni les échanges n'ont le moindre écho dans le Figaro à ces dates.
Je n'ai ni le temps ni les sources nécessaires pour aller plus loin dans l'investigation, mais je pense qu'il y a une piste sérieuse pour mieux comprendre le pourquoi de cette pétition qu'il ne faut pas trop vite associer à une remise en cause de ce qu'a fait Raynal à Vaux mais peut-être à un rejet de son choix politique personnel en 1936.
D'ailleurs, rien n'indique dans le texte transcrit par Jean-Claude qu'il s'agit d'une remise en cause de ce qu'il a fait en 1916. On lui demande juste de ne pas "monnayer leur gloire et leurs misères passées". il y a là un sous-entendu qui paraît si évident pour les contemporains qui ont signé la pétition qu'ils ne le mentionnent pas. Ou alors ce n'est pas transcrit. Il s'agit alors, autre hypothèse à vérifier, peut être simplement d'un différent sur une publication, un projet de Raynal, ou à nouveau une remise en cause de son utilisation de Vaux dans le cadre d'un projet politique.
Un coup d'œil sur la presse d'extrême droite de l'époque donnerait peut-être des informations voir une confirmation de cette hypothèse. En premier lieu "L'ami du peuple" de Taittinger qui a attaqué Raynal suite à sa venue à Vaux en avril 36. Il n'a pas dû manquer de signaler une telle pétition.
En tout cas, cette polémique nous replonge dans ce que fut la suite de l'histoire de cette génération des hommes de 14-18, 20 ans plus tard, dans la société des années 30.
Jean-Claude, pourriez-vous nous mettre un scan complet de la pétition ?
Bien cordialement à tous,
Arnaud