Cour spéciale de justice militaire

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Guilhem LAURENT
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par Guilhem LAURENT »

Bonsoir à toutes et à tous,
Salut Eric,

Ravi de t'apporter quelques infos. Vu le temps pourri qu'il fait... j'ai un peu de temps...

Voici le dossier suivant. Il s'agit pour moi d'un homonyme, pas de ma famille.

Demain, c'est dimanche = ouf !, et le petit souffle sa deuxième bougie (put... que le temps passe vite !) , vous savez, le petit bonhomme qui est né avec un casque sur la tête... donc à moins que je trouve cinq minutes le soir...

Amicalement

Guilhem




Affaire François LAURENT soldat au 247e régiment d'infanterie, fusillé le 19 octobre 1914.


Cour spéciale de justice militaire

Au nom du peuple français,
La cour spéciale de justice militaire a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Ce jourd'hui 9 décembre 1933,
La cour composée conformément à l'article 2 de la loi du 9 mars 1932, de :

Président.
M. Magnin, conseiller à la cour d'appel de Paris,

Membres.
MM. Perny, conseiller à la cour d'appel de Paris
Dreyfus, conseiller à la cour d'appel de Paris
De Barral de Montauvrard, lieutenant de réserve
Morin, sergent réformé de guerre
Randon, soldat réserviste,

Nommés, le président et les conseillers, par arrêté du garde des sceaux, en date du 8 avril 1932, et les membres, anciens combattants, par arrêté du ministre de la guerre du 15 mars 1933
M. Bourlois, officier de justice militaire de 2e classe, commissaire du Gouvernement
M.Boiron, adjudant-chef, commis greffier près ladite cour,

S'est réunie à l'effet de procéder, audience publique, et conformément à ladite loi du 9 mars 1932, à la révision du jugement prononcé le 18 octobre 1914, par le conseil de guerre du quartier général de la 4e armée, ayant condamné le nommé Laurent (François Marie), fils de François et de Marie-Anne Perrot, né le 29 janvier 1885, à Melliounec (Côtes du Nord), cultivateur, marié, deux enfants, soldat du 247e régiment d'infanterie, à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi.

La cour spéciale de justice militaire,

Vu le précédent arrêt de cette cour du 4 novembre 1933, déclarant recevable en la forme la requête de la dame Oreal (Marie) veuve Laurent, tendant à la révision du jugement rendu le 18 octobre 1914, par le conseil de guerre du quartier général de la 4e armée qui a condamné son mari, Laurent (François Marie), à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi ;

Vu le rapport du docteur Paul, expert, commis par l'arrêt susvisé de cette cour ;

Vu les pièces produites ;

Après avoir entendu M. le commissaire du Gouvernement en ses réquisitions, M. Plateau (Louis François), régulièrement accrédité par l'union des associations françaises d'anciens combattants, au nom de la demanderesse en ses observations, à l'appui de la demande ;

Après en avoir délibéré en chambre du conseil conformément à la loi ;

Au fond ;

Attendu que, dans la nuit du 1er au 2 octobre 1914, alors qu'il se trouvait dans une tranchée de 1re ligne, dans le secteur de Souain, Laurent, soldat réserviste au 247e régiment d'infanterie, a été blessé par un coup de feu à l'auriculaire gauche ; qu'après s'être rendu, sur les ordres de son capitaine, au poste de secours pour y être pansé, ,il a été conduit à l'hôpital d'évacuation n°2 à Châlons-sur-Marne, où le médecin principal de 2e classe Buy, qui l'a examiné, a délivré, à la date du 3 octobre, un certificat qui constate que Laurent est atteint de perforation récente par coup de feu de l'articulation de la première avec la deuxième phalange de l'auriculaire gauche ;

Attendu que le certificat conclut que le tatouage très net des bords de la plaie prouve que le coup de feu a été tiré à bout portant, la présomption de mutilation volontaire ressortant de ce que l'orifice d'entrée du projectile et le tatouage siègent du côté de la paume de la main ;

Attendu que sans qu'il ait été procédé à aucune mesure d'information, sur l'ordre de mise en jugement directe, Laurent a été traduit, le 18 octobre 1914, pour abandon de poste en présence de l'ennemi, devant le conseil de guerre du quartier général de la 4e armée, qui a statué sur le vu du certificat du médecin principal Buy, et d'un écrit au crayon paraissant porter la signature de Laurent, ainsi libellé :

"Déposition du soldat Laurent (François) réserviste au 247e rég. d'infanterie, 22e compagnie, 60e division.
C'était dans la nuit du 1er au 2 octobre, vers minuit, l'ennemi a essayé de nous surprendre dans nos tranchées, nous étions à genoux ; comme il était impossible de tirer dans cette position, on nous fit mettre debout : ayant placé ma main sur l'avant de la tranchée, j'ai "était" atteint au petit doigt de la main gauche. J'ai prévenu le chef de section qui m'a dit d'aller me faire panser ; ensuite, je me suis rendu au poste de secours de mon régiment qui m'a envoyé à la division. Laurent (François)"


Attendu que les notes d'audience ne figurent pas à la procédure ;

Attendu que condamné à la peine de mort à l'unanimité des voix, Laurent a été passé par les armes le lendemain matin 19 octobre ;

Attendu que postérieurement à la condamnation, au cours du supplément d'information ordonné par la chambre des mises en accusation saisie de la précédente requête en révision formée par la veuve Laurent, le capitaine Briant, qui commandai la compagnie à laquelle appartenait le réserviste Laurent, a déposé sous la foi du serment que, dans la nuit du 1er au 2 octobre, à la suite de rencontre de patrouilles, une fusillade violente avait éclaté, que la plupart des hommes de la compagnie provenant d'un renfort récent, peu aguerris, tiraient en l'air en se cachant la tête, et que la blessure de Laurent, reçue dans la tranchée, aurait pu être produite par un camarade maladroit ;

Attendu, d'autre part, qu'il n'est pas possible de baser une déclaration de culpabilité sur le certificat médical du docteur Buy, alors qu'aux termes du rapport médico-légal du docteur Paul, ce certificat ne suffit pas pour démontrer que la blessure de Laurent soit le résultat d'une mutilation volontaire ; qu'il importe d'ailleurs de retenir qu'entendu par la cour de justice, le docteur Buy a déclaré que son certificat n'établissait qu'une présomption et non une certitude de mutilation volontaire ;

Attendu que la preuve du crime retenu à la charge de Laurent n'est pas établie et que, par suite, l'annulation du jugement critiqué s'impose ;

Annule le jugement du conseil de guerre du quartier général de la 4e armée qui a condamné; le 18 octobre 1914, Laurent (François Marie), à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi ;

Déclare Laurent acquitté de l'accusation retenue contre lui ;

Décharge sa mémoire de la condamnation prononcée ;

Ordonne l'affichage du présent arrêt dans les lieux déterminés par l'article 446 du code d'instruction criminelle et son insertion au Journal officiel ;

Ordonne également que le présent arrêt sera transcrit sur les registres du conseil de guerre et que mention en sera faite en marge du jugement annulé ;

Et, statuant, sur les conclusions prises devant la cour, par la dame Laurent, tant en son nom personnel qu'au nom de son fils mineur, et sur l'intervention de Mme Laurent, femme Le Gac, fille de Laurent (François), assistée de son mari qui l'autorise aux fins d'allocation de dommages-intérêts ;

Attendu que la condamnation prononcée injustement contre Laurent a causé à sa veuve et à ses enfants un préjudice dont il leur est dû réparation, que la cour de justice possède des éléments suffisants pour fixe le chiffre des réparations,

Condamne l'Etat à payer à titre de dommages-intérêts :

1° la somme de 5000 fr. à Mme veuve Laurent, née Oreal, prise en son nom personnel

2° la somme de 2500 fr. à la même, en sa qualité de tutrice légale de Laurent (Armand) enfant mineur de Laurent (François Marie) né le 26 février 1914 ;

3° la somme de 2500 fr. à Mme Laurent (Francine), fille de Laurent (François Marie), épouse de Louis Le Gac.

Dit que les frais de la publicité ci-dessus prévue, ainsi que les frais de l'instance en révision seront à la charge du Trésor,

Ainsi jugé et prononcé, les jours, mois et an que dessus.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier.

Le président, Magnin.
Le greffier,Boiron.
On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont.
L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le coeur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
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christophe lagrange
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par christophe lagrange »

Bonsoir Guilhem,

Bon anniversaire au petit bonhomme :hello:
Et merci pour ces transcriptions.
Amicalement,
Christophe
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Guilhem LAURENT
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par Guilhem LAURENT »

Bonsoir à toutes et à tous,

Merci beaucoup Christophe :hello:

Le petit bonhomme, il est un peu comme cela : :bounce: .............. pauvres voisins...... et moi passé l'heure : :sleep:

Voici donc une nouveau dossier.

Amicalement

Guilhem



Affaire Elie Marie LESCOP soldat au 336e régiment d'infanterie, fusillé le 19 octobre 1914.


Cour spéciale de justice militaire

Au nom du peuple français,
La cour spéciale de justice militaire a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Ce jourd'hui 17 novembre 1934,
La cour composée conformément à l'article 2 de la loi du 9 mars 1932, de :

Président.
M. Magnin, conseiller à la cour d'appel de Paris,

Membres.
MM. Perny, conseiller à la cour d'appel de Paris
Dreyfus, conseiller à la cour d'appel de Paris
De Barral de Montauvrard, lieutenant de réserve
Morin, sergent réformé de guerre
Randon, soldat réserviste,

Nommés, le président et les conseillers, par arrêté du garde des sceaux, en date du 8 avril 1932, et les membres, anciens combattants, par arrêté du ministre de la guerre du 15 mars 1933
M. Bourlois, officier de justice militaire de 2e classe, commissaire du Gouvernement
M.Boiron, adjudant-chef, commis greffier près ladite cour,

S'est réunie dans le lieu de ses séances, en audience publique, à l'effet de procéder, conformément à ladite loi du 9 mars 1932, à la révision du jugement prononcé le 18 octobre 1914, par le conseil de guerre du quartier général de la 4e armée, ayant condamné le nommé Lescop (Elie Marie), né le 3 décembre 1882, à Muzillac (Ille-et-Vilaine) garçon de bureau, soldat du 336e régi. d'infanterie, à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi.

La cour spéciale de justice militaire,

Vu le précédent arrêt de cette cour du 12 mai 1934, ordonnant un supplément d'information, après avoir déclaré recevables en la forme; les requêtes par lesquelles les dames Lescop (Elise), demeurant 129, rue de Nantes, à Rennes, fille du soldat Lescop et Redouble (Anne-Marie), épouse Sauget, épouse en premières noces de Lescop (Elie Marie), demeurant 8, rue Saint-Hélier, à Rennes, demandent, en vertu de la loi du 9 mars 1932, la révision du jugement du conseil de guerre du quartier général de la 4e armée qui a, le 18 octobre 1914, condamné à la peine de mort, pour abandon de poste en présence de l'ennemi, le soldat Lescop (Elie Marie), du 336e rég. d'infanterie, né le 3 décembre 1882, à Muzillac (Ille-et-Vilaine), père et mari des requérantes :

Vu les pièces de l'information à laquelle il a été procédé en exécution dudit arrêt ;

Vu l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d'appel d'Orléans, en date du 10 novembre 1925 qui, au vu de l'enquête à laquelle elle a procédé, a renvoyé la précédente requête en révision devant la chambre criminelle de la cour de cassation pour nouvel examen ;

Vu l'arrêt de rejet de la chambre criminelle de la cour de cassation du 26 février 1926 ;

Vu les dépositions des témoins cités à l'audience de la cour spéciale de justice militaire du 17 novembre 1934 ;

Après-avoir entendu M. le commissaire du Gouvernement en ses réquisitions, M° Douard, avocat à la cour, au nom des demanderesses en révision, ainsi que la dame veuve Lescop, en leurs observatoires, et en avoir délibéré en chambre du conseil conformément à la loi ;

Statuant au fond ;

Attendu qu'à une date de septembre ou octobre 1914, que la procédure ne permet pas de préciser, alors qu'il se trouvait dans un élément de tranchée dans le secteur de Souain, ayant à ses côtés son chef de section, le sergent Dubost, Lescop (Elie Marie), soldat réserviste au 336e régiment d'infanterie, a été blessé par coup de feu à la paume de la main gauche ;

Qu'après s'être rendu sur les ordres de son commandant de compagnie, le capitaine Lebesnerais, au poste de secours à Suippes, pour y être pansé, il a été conduit à l'hôpital de Châlons-sur-Marne, où le médecin principal de 2e classe Buy, médecin-chef de l'hôpital d'évacuation n°2, a délivré à la date du 8 octobre 1914, un certificat qui constate que le soldat Lescop (Elie) est atteint de plaie récente par éclatement de la paume de la main gauche par arme à feu ;

Attendu que ce certificat entièrement rédigé à la polycopie, à l'exception des noms et prénoms de Lescop et de l'indication de la perforation récente de la paume de la main, conclut que le tatouage très net des bords de la plaie prouve que le coup a été tiré à bout portant, la présomption de mutilation volontaire ressortant de ce que l'orifice d'entrée du projectile et le tatouage siègent du côté de la paume de la main ;

Attendu que, sans qu'il ait été procédé à aucune mesure d'information, sur l'ordre de mise en jugement directe, Lescop a été traduit, le 18 octobre 1914, devant le conseil de guerre du quartier général de la 4e armée, qui a statué sur le vu du certificat médical du docteur Buy et d'un écrit au crayon signé du nom de Lescop, dans lequel celui-ci indique qu'étant en première ligne depuis quatre jours, il avait le quatrième jour, vers huit heures du matin, l'ennemi continuant à tirer, voulu faire un petit créneau dans la tranchée assez profonde, afin de placer son fusil et qu'à ce moment il avait reçu la balle "sur le haut de la tranchée".

Attendu que les notes d'audience ne figurent pas à la procédure ;

Attendu que condamné à la peine de mort à l'unanimité des voix, Lescop a été passé par les armes le lendemain 19 octobre ;

Attendu que postérieurement à la condamnation, au cours du supplément d'information ordonné par la chambre des mises en accusation de la cour d'appel d'Orléans saisie de la précédente requête en révision, le témoin Dubost (Jean), médaillé militaire, ancien sergent au 336e régiment d'infanterie, qui avait à ses côtés et sous ses ordres le soldat Lescop, a fait connaître dans quelles circonstances celui-ci avait été blessé ;

Attendu que, confirmant à l'audience de la cour spéciale de justice militaire ses précédentes déclarations, il a précisé que, Lescop ayant fait feu dans la direction de l'ennemi (distant de 300 à 400 mètres), une rafale de balles s'est abattue sur l'élément de tranchée peu profond qu'il occupait avec Lescop, qu'à ce moment celui-ci, qui se trouvait à cinquante centimètres de lui, a poussé un cri et qu'il a constaté qu'une balle venait de lui traverser la main gauche ;

Attendu que le témoin affirme sa certitude que cette blessure a été occasionnée par une balle ennemie ;

Attendu que, tout en déclarant que le soldat Lescop n'a pu être tatoué par une balle allemande tiré à 300 mètres, le docteur Torchaussée (Henri), ancien médecin-chef du 336e rég. d'infanterie, entendu par le magistrat instructeur près la cour spéciale de justice militaire, n'en a pas moins envisagé comme possible que Lescop se soit blessé lui-même avec son fusil croyant de bonne foi avoir été blessé par une balle allemande ;

Attendu qu'il n'est pas possible de faire état de la lettre tracée au crayon jointe à la procédure du conseil de guerre, le seul examen de ce document permettant d'affirmer qu'il n'a été écrit, ni signé, de la main de Lescop ;

Que l'on peut d'autant moins tirer argument de l'invraisemblance ou de l'inexactitude des déclarations ainsi attribuées à Lescop ; qu'il est constant que celui-ci, sans être un dément au sens de l'article 64 du code pénal, était peu intelligent, sombre et taciturne, ayant donné l'impression de ne pas jouir de la plénitude de ses facultés mentales ;

Attendu, d'autre part, que les conditions dans lesquelles a été établi le certificat médical du docteur Buy ne permettent pas de retenir avec certitude la mutilation volontaire ;

Attendu qu'en l'état l'abandon de poste n'est pas suffisamment prouvé, qu'en tout cas un doute subsiste et que, comme conséquence, le jugement de condamnation ne peut être maintenu ;

Annule le jugement du conseil de guerre du quartier général de la 4e armée qui a condamné; le 18 octobre 1914, le soldat Lescop (Elie Marie), à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi ;

Déclare Lescop acquitté de la condamnation retenue contre lui ;

Décharge sa mémoire de la condamnation prononcée ;

Ordonne l'affichage du présent arrêt dans les lieux déterminés par l'article 446 du code d'instruction criminelle et son insertion au Journal officiel ;

Ordonne également que le présent arrêt sera transcrit sur les registres du conseil de guerre et que mention en sera faite en marge du jugement annulé ;

Et, statuant, sur les conclusions prises devant la cour, par la demoiselle Lescop (Elise), fille du soldat Lescop, et la dame Redouble (Anne Marie), épouse Sauget, épouse en premières noces du soldat Lescop, aux fins d'allocation de 4 000 et de 6 000 fr. à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que la condamnation prononcée injustement contre Laurent a causé à sa fille et à sa veuve un préjudice dont il leur est dû réparation, que la cour de justice possède des éléments suffisants pour déterminer l'importance de ce préjudice,

Condamne l'Etat à payer à titre de dommages-intérêts :

1° A demoiselle Lescop (Elise), demeurant 129, rue de Nantes, à Rennes, la somme de 3 000 fr. ;

2° A dame Redouble (Anne Marie), épouse Sauget, demeurant 8, rue Saint-Hélier, à Rennes, dûment assistée et autorisée par son mari, la somme de 2 000 fr. ;

Dit que les frais de la publicité ci-dessus prescrite, ainsi que les frais de l'instance en révision seront à la charge de l'Etat,

Ainsi jugé et prononcé, les jours, mois et an que dessus.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier.

Le président, Magnin.
Le greffier,Boiron.



On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont.
L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le coeur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
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alain
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par alain »

Bonsoir , merci pour ces informations, en avez vous pour Lucien Bersot , du 60 e .
Amicalement
Alain
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Guilhem LAURENT
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par Guilhem LAURENT »

Bonjour à toutes et à tous,

Alain, malheureusement non, je n'ai aucune infos sur Lucien Bersot du 60e RI.

Aujourd'hui, un dossier un peu particulier pour moi, car il s'agit d'un gardois. Un 11 novembre un peu particulier...

Petit bonus. Vous trouverez dans un premier temps l'arrêt de la cour spéciale de justice militaire et dans un deuxième temps un article paru dans le journal des veuves de guerre en novembre 1934 (transcription d'un article du Journal des mutilés et combattants). Lisez bien ces quelques lignes, cela fait froid dans le dos...

Bonne lecture.

Amicalement

Guilhem




Affaire Alfred LOCHE soldat au 58e régiment d'infanterie, fusillé le 11 novembre 1914


Cour spéciale de justice militaire

Au nom du peuple français,
La cour spéciale de justice militaire a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Ce jourd'hui 17 novembre 1934,
La cour composée conformément à l'article 2 de la loi du 9 mars 1932, de :

Président.
M. Magnin, conseiller à la cour d'appel de Paris,

Membres.
MM. Perny, conseiller à la cour d'appel de Paris
Dreyfus, conseiller à la cour d'appel de Paris
De Barral de Montauvrard, lieutenant de réserve
Morin, sergent réformé de guerre
Randon, soldat réserviste,

Nommés, le président et les conseillers, par arrêté du garde des sceaux, en date du 8 avril 1932, et les membres, anciens combattants, par arrêté du ministre de la guerre du 15 mars 1933

M. Bourlois, officier de justice militaire de 2e classe, commissaire du Gouvernement

M.Boiron, adjudant-chef, commis greffier près ladite cour,

S'est réunie dans le lieu de ses séances, en audience publique, à l'effet de procéder, conformément à ladite loi du 9 mars 1932, à la révision du jugement prononcé le 10 novembre 1914, par le conseil de guerre de la 30e division d'infanterie, ayant condamné le nommé Loche (Alfred), né le 28 janvier 1889, à Bessèges (Gard) fils de Auguste et de Alauzel (Marie), alors domicilié à Bessèges (Gard), mineur, soldat du 58e rég. d'infanterie, à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi et dissipation d'effets ;

La cour spéciale de justice militaire,

Vu le précédent arrêt de cette cour du 12 mai 1934, déclarant recevable en la forme la requête par laquelle la veuve Loche, demeurant rue Victor-Hugo à Bessèges (Gard), demande en vertu des dispositions de la loi du 9 mars 1932, la révision du jugement du conseil de guerre de la 30e division d'infanterie qui a condamné, le 10 novembre 1914, son fils, le soldat Loche (Alfred), du 58e rég. d'infanterie, né à Bessèges (Gard); le 28 janvier 1889, à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi et dissipation d'effets ;

Vu l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d'appel d'Aix, en date du 10 novembre 1923 qui, au vu de l'information à laquelle elle a procédé, a ordonné le renvoi de l'affaire, pour nouvel examen, à la chambre criminelle de la cour de cassation ;

Vu l'arrêt de la chambre criminelle du 27 mars 1924, rejetant la requête ;

Vu l'arrêt des chambres réunies du 6 mai 1926 maintenant cette décision ;

Vu les dépositions des témoins cités à l'audience de la cour spéciale de justice militaire du 17 novembre 1934 ;

Après avoir entendu M. le commissaire du Gouvernement en ses réquisitions, M°Douard, avocat à la cour, au nom de la demanderesse en révision et la demanderesse, en leurs moyens à l'appui de la requête, et en avoir délibéré en chambre du conseil conformément à la loi ;

Statuant au fond ;

Attendu qu'interrogé le 4 octobre 1914 par un officier de la prévôté des étapes, devant lequel il était conduit après avoir été arrêté la veille au poste de Marbot, à l'entrée de Bar-le-Duc, par les chasseurs forestiers, le soldat Loche (Alfred), du 58e régiment d'infanterie, déclarait qu'il était arrivé à Bar-le-Duc, le 1er octobre, avec un détachement de renfort venant du dépôt de son régiment à Avignon.

Que, dirigé le même jour sur une formation du front, il avait été, en raison de son état de fatigue, dans la nécessité de s'arrêter dans la traversée d'un village et qu'ayant ensuite, en vain cherché à rejoindre son unité, il avait pris la décision de revenir à Bar-le-Duc lorsqu'il fut arrêté par les chasseurs forestiers ;

Attendu que Loche faisait, en outre, connaître spontanément que, blessé le 19 août 1914, au combat de Dieuze, d'une balle au côté droit, il avait été le même jour évacué sur l'hôpital de Lourdes, d'où, après guérison, il avait rejoint le dépôt d'Avignon, rectifiant toutefois, à la fin de son interrogatoire, que la blessure qui avait motivé son évacuation et dont il ne portait d'ailleurs, qu'après les constatations médicales, aucune trace, avait pour cause non pas une balle au côté droit, mais un furoncle au pied du même côté ;

Attendu qu'à la suite de cet interrogatoire, sur un ordre d'informer, daté du 18 octobre 1914, sous l'inculpation d'abandon de poste, Loche renouvelait ses déclarations devant l'officier rapporteur de la 30e division d'infanterie qui, sans autres mesures d'information, s'en tenant aux seules explications de l'inculpé, signalé cependant dès le début de l'information, par son chef de corps, pour un esprit au-dessous de la moyenne, retenait à la charge de Loche deux abandons de poste, l'un commis du 19 au 20 août, au combat de Dieuze, et l'autre le 2 octobre, aux environs de Bar-le-Duc, avec dissipation d'un effet d'équipement remis pour le service ;

Attendu que, sur le vu de cette procédure sommaire, sans autres renseignements, le conseil de guerre, saisi de cette double inculpation, après avoir écarté l'abandon de poste du 2 octobre, ne retenant pour ce fait que la dissipation d'un effet d'équipement, déclarait le soldat Loche coupable d'avoir, du 19 au 20 août 1914 à Dieuze abandonné son poste en présence de l'ennemi et, pour ce seul fait, le condamnait le 10 novembre, par quatre voix contre une, à la peine de mort, jugement qui a reçu son exécution le lendemain 11 novembre ;

Attendu qu'aucun élément de la procédure soumise au conseil de guerre ne précise, ainsi que le mentionne le rapport du commissaire rapporteur, dans quelles conditions le soldat Loche a été évacué et s'il l'a été régulièrement, mais qu'il résulte des renseignements extraits des archives du 58e régiment d'infanterie au cours de l'enquête prescrite par les chambres réunies de la cour de cassation, que le soldat Loche, blessé et évacué à l'hôpital de Dax le 24 août 1914 et sorti le 5 septembre, a rejoint son corps à Avignon le 9 septembre 1914, que parti au front avec un renfort le 1er octobre, il a été porté manquant à l'arrivée le 3 octobre, sans qu'à aucun moment sa conduite antérieure ait été en quoi que ce soit incriminée ;

Attendu qu'au cours de cette même enquête l'officier interprète Duraffour, de l'état-major de la 30e division, a déposé qu'après avoir assisté aux débats du conseil de guerre, il a eu, après la condamnation et l'exécution de Loche, l'occasion de lire au 1er bureau de l'état-major une lettre du commandant du 58e régiment d'infanterie, qui attestait expressément que le soldat Loche avait été régulièrement évacué le 20 août 1914, lettre qui n'avait pu parvenir en temps utile au général commandant la division pour être transmise à l'officier rapporteur à qui elle était destinée ;

Attendu que cette déposition confirmée à l'audience de la cour spéciale et les renseignements recueillis aux archives du 58e régiment d'infanterie ne permettent de s'arrêter aux variations de Loche sur l'origine de sa blessure, alors surtout que, de l'unanimité des témoignages, sans contestation possible, il résulte que Loche était considéré comme un faible d'esprit, un déséquilibré, complètement illettré, tenant parfois des propos incohérents ;

Attendu que, dans ces conditions, la culpabilité n'ayant pas été établie, la requête en révision doit être accueillie et le jugement de condamnation annulé ;

Annule le jugement du conseil de guerre de la 30e division d'infanterie, qui a condamné, le 10 novembre 1914, le soldat Loche (Alfred), du 58e régiment d'infanterie, à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi ;

Déclare Loche acquitté de l'accusation d'abandon de poste retenue contre lui ;

Décharge sa mémoire de la condamnation prononcée ;

Ordonne l'affichage du présent arrêt dans les lieux déterminés par l'article 446 du code d'instruction criminelle et son insertion au Journal officiel ;

Ordonne également que le présent arrêt sera transcrit sur les registres du conseil de guerre et que mention en sera faite en marge du jugement annulé ;

Et, statuant, sur les conclusions verbales prises devant la cour, au nom de la veuve Loche, aux fins d'allocation de dommage-intérêts, et l'insertion de la décision dans cinq journaux différents ;

Attendu que la loi du 9 mars 1932 se suffit à elle-même et qu'à défaut de renvoi formel aux dispositions de l'article 446 du code d'instruction criminelle l'insertion dans les journaux de la décision de révision ne s'impose pas, même si cette insertion est requise par le demandeur ;

Qu'en l'espèce les mesures de publicité prescrites par le présent arrêt constituent à cet égard une réparation suffisante ;

Attendu que la condamnation prononcée injustement contre Loche a causé à sa mère un préjudice dont il lui est dû réparation, que la cour possède des éléments suffisants pour en fixer l'importance ;

Condamne l'Etat à payer à Alauzel (Marie) veuve Loche, demeurant à Bessèges (Gard), la somme de 7 000 fr, à titre de dommages-intérêts ;

Dit que les frais de la publicité ci-dessus prescrite, ainsi que les frais de l'instance en révision seront à la charge de l'Etat,

Ainsi jugé et prononcé, les jours, mois et an que dessus.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier.

Le président, Magnin.
Le greffier,Boiron.




JOURNAL DES VEUVES DE GUERRE (novembre 1934 - n°118)


L'exécution pour l'exemple d'un faible d'esprit non coupable.

"Encore deux affaires profondément tragiques et qui révoltent la conscience que celles qui ont été évoquées à l'audience du samedi 17 novembre ! C'est avec une stupeur indignée que nous avons vu apparaître, au fur et à mesure que se déroulaient les débats, les conditions épouvantables dans lesquelles parfois une soi disant justice a envoyé à la mort des soldats français innocents. Et l'on se demande vraiment comment des juges ont pu être assez légers, assez dénués de toute notion des devoirs attachés à leurs fonctions pour prononcer des condamnations capitales sans avoir fait le plus petit effort pour s'éclairer sur la culpabilité de ceux dont la vie et l'honneur étaient entre leurs mains.

Examinons d'abord l'affaire Loche. Natif de Bessèges dans le Gard, Loche était soldat au 58e R.I. C'était un débile mental, ne sachant ni lire, ni écrire, ni même signer, présentant des signes manifestes de dégénérescence et qui, même s'il eût accompli le fait qui lui était reproché, ce qui n'était pas, eût dû être déclaré irresponsable. Mais nous allons voir que c'est précisément sa faiblesse d'esprit qui, par un atroce dédain de la vie humaine, l'a fait condamner et fusiller.

Le 3 octobre 1914, des chasseurs forestiers arrêtaient Loche aux environs de Bar-le-Duc. Ils apprenaient qu'arrivé le 1er octobre du dépôt d'Avignon, ce soldat était reparti le même jour, vers les lignes avec une colonne d'éclopés et que, terrassé par la fatigue, il n'avait pu suivre cette colonne et avait décidé de regagner Bar. Mais au cours d'un interrogatoire laborieux, Loche déclara que le 19 août 1914, à Dieuze, il avait été atteint au pied et qu'il avait été évacué sur Lourdes, puis renvoyé à son dépôt d'Avignon et de là au front. C'est sur ce dernier fait que Loche fit l'objet d'un ordre d'informer, fut traduit devant le conseil de guerre et condamné à mort.

A l'audience, Loche qui ne comprenait rien à ce qui se passait, donna l'impression d'un homme hébété, d'un corps sans âme. Après sa condamnation, il manifestait sa joie en faisant des pirouettes et en marchant sur les mains. Quand il se rendit au poteau d'exécution, il cria en riant à ses camarades : "A tout à l'heure !"

Voilà ce qu'était ce pauvre garçon et c'est ce qui explique la phrase terrible que prononça le commissaire rapporteur devant le conseil de guerre et qui décida de son sort : "Loche n'a jamais été bon à rien. Sa mort, du moins, servira d'exemple !"

Que dire après cela ? Est-ce la peine d'ajouter que Loche était totalement innocent ? Car trois jours après son exécution un officier de l'état-major, qui en déposant devant la cour, trouvait dans ses papiers non transmis une lettre du colonel commandant le 58e R.I. au général de division faisant connaître que Loche avait été régulièrement évacué le 19 août et qu'aucun abandon de poste ne pouvait lui être reproché. Dans ces conditions, le lieutenant-colonel Bourbois, commissaire du Gouvernement, ne pouvait s'opposer à la demande de révision. Il constata au passage que le commissaire rapporteur devant le conseil de guerre avait conclu à la culpabilité en s'appuyant sur l'insuccès de son information.

La défense de la mémoire de Loche et les intérêts de sa douloureuse mère était assurée avec éloquence et autorité par Me Douard. La cour prononça l'acquittement de Loche et attribua à sa mère 7000 fr de dommages-intérêts."

L.FRANCOIS
(Journal des Mutilés et Combattants).

On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont.
L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le coeur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
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LABARBE Bernard
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par LABARBE Bernard »

Bonsoir à tous,
Merci Guilhem pour ces documents.
Pauvres garçons, victimes d'une "justice" militaire expéditive surtout en 14 et 15.
J'ai en mémoire un message ici, pas retrouvé, un berger corse à moitié neuneu, parlant et comprenant mal le français, fusillé aussi pour "abandon de poste" alors je crois me souvenir qu'il gardait les sacs de ses camarades. J'avais à l'époque imprimé le texte mais je ne l'ai pas conservé. Passons. Une pensée pour LOCHE Alfred, entre autres, mais aussi pour le commissaire rapporteur devant le conseil de guerre et qui décida de son sort : "Loche n'a jamais été bon à rien. Sa mort, du moins, servira d'exemple !"
Cordialement,
Bernard
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francis du vivarais
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par francis du vivarais »


Bonjour le forum, bonjour Bernard,

Merci à Guilhem pour ces minutes de jugements de réabilitations. J'admire sa facilité à écrire si longuement surtout quand un "beug" vous oblige à recommencer comme ça vient de m'arriver.
Pour répondre à Bernard, moi aussi, j'ai lu qq part l'histoire du débil mental fusillé . Il me semble que c'était un Corse. Alors ne serait ce pas le soldat Gabrielli dont il est question dans un jugement précédent ?
Crdt à tous, bonnes fêtes, bonnes lectures car je pense qu'on vous a offert des bouquins sur 14'18, peut être "La légende noire du 15e Corps" ou vous verrez que les malheureux piou-piou Ardéchois ont beaucoup donné.
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LABARBE Bernard
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par LABARBE Bernard »

Bonjour à tous,
Oui Françis c'est bien Gabrielli je n'avais pas vu la transcription pourtant elle est longue !
J'ai retrouvé le texte de l'affaire:
pages1418/forum-pages-histoire/liste-fu ... htm#t39298
Cordialement,
Bernard
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Guilhem LAURENT
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par Guilhem LAURENT »

Bonjour à toutes et à tous,

Francis et Bernard Merci pour vos messages.

Finalement, le travail de transcription n'est pas si difficile, car il y a beaucoup de "copier-coller", mais il est vrai que le vocabulaire judiciaire n'est pas très "sympa" à retranscrire... vu que...

Dans l'affaire Loche, les propos du commissaire rapporteur devant le conseil de guerre, s'ils sont bien exacts, sont inqualifiables. Candide que je suis, je suis toujours très étonné dans un premier temps et révulsé ensuite devant le peu d'importance donné à la vie humaine par certains personnages galonnés ou pas. Plus de vingt ans plus tard d'autres sinistres personnages bottés ou non ont industrialisé la pensée de ce commissaire rapporteur... dont les propos me glacent : "Loche n'a jamais été bon à rien. Sa mort, du moins, servira d'exemple !" Il suffit de remplacer le nom de Loche par tous les groupes humains victimes de la folie nazie (juifs, homosexuels, tziganes, handicapés physiques et mentaux...) et l'on constate que nous sommes dans la même lignée...

...

L'affaire suivante est une des plus connues : celle des caporaux de Souain.

J'apprends dans cet arrêt que les familles auraient été indemnisées d'un franc pour dommages-intérêts... Je pense que pour elles, l'essentiel était ailleurs... et je les comprends.

Amicalement

Guilhem




Affaire Lucien Auguste LECHAT, Louis Victor GIRARD, Louis Albert LEFOULOU, Théophile Albert MAUPAS caporaux au 336e régiment d'infanterie, fusillés le 17 mars 1915

Cour spéciale de justice militaire

Au nom du peuple français,
La cour spéciale de justice militaire a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Ce jourd'hui 3 mars 1934,
La cour composée conformément à l'article 2 de la loi du 9 mars 1932, de :

Président.
M. Magnin, conseiller à la cour d'appel de Paris,

Membres.
MM. Perny, conseiller à la cour d'appel de Paris
Dreyfus, conseiller à la cour d'appel de Paris
De Barral de Montauvrard, lieutenant de réserve
Morin, sergent réformé de guerre
Latreille, soldat réserviste,

Nommés, le président et les conseillers, par arrêté du garde des sceaux, en date du 8 avril 1932, et les membres, anciens combattants, par arrêté du ministre de la guerre du 15 mars 1933

M. Bourlois, officier de justice militaire de 2e classe, commissaire du Gouvernement

M. Jumelet, capitaine, commis greffier près ladite cour,

S'est réunie dans le lieu de ses séances, en audience publique, à l'effet de procéder, conformément à ladite loi du 9 mars 1932, à la révision du jugement prononcé le 16 mars 1915, par le conseil de guerre de la 60e division d'infanterie, ayant condamné :

1° le nommé Lechat (Lucien Auguste), né le 21 avril 1883, au Ferré (Ille-et-Vilaine) fils de Pierre et de feu Marie Guérault, alors domicilié au Ferré (Ille-et-Vilaine), profession de garçon de café, caporal au 336e rég. d'infanterie, à la peine de mort pour refus d'obéissance en présence de l'ennemi ;

2° le caporal Girard (Louis Victor), fils de feu François et de Marie-Rose Lecueirre, né le 2 octobre 1886, à Blainville (Manche), horloger, domicilié à Aubervilliers (Seine) du 336e rég. d'infanterie, à la peine de mort pour refus d'obéissance en présence de l'ennemi ;

3° le caporal Lefoulou (Louis Albert), fils de Hyacinthe et de Augustine Parfourn, né le 17 avril 1884, à Condé-sur-Vire (Manche), cultivateur, domicilié à Condé-sur-Vire (Manche) du 336e rég. d'infanterie, à la peine de mort pour refus d'obéissance en présence de l'ennemi ;

4° le caporal Maupas (Théophile Albert), fils de Pierre Auguste et de Euphrasie Houellebecq, né le 3 juin 1874, à Montgardon (Manche), instituteur au Mesnil-Aubert (Manche) du 336e rég. d'infanterie, à la peine de mort pour refus d'obéissance en présence de l'ennemi ;

La cour spéciale de justice militaire,

Vu l'arrêt de cette cour, en date du 20 janvier 1934, déclarant recevable, en la forme, les requêtes présentées par :

1° Herpin (Blanche Marie) veuve du caporal Maupas, directrice de l'école maternelle à Cherbourg, rue Cachin ;

2° Lechat (Eulalie), épouse Janvier, sœur du caporal Lechat, demeurant au Ferré (Ille-et-Vilaine) ;

3° Veuve Lefoulon (Hyacinthe Françoise) mère du caporal Lefoulon, demeurant à Condé-sur-Vire (Manche) ;

4° Veuve Girard (veuve en secondes noces Labourdette), veuve du caporal Girard, demeurant à Alfortville, 52, rue de Seine ;

Lesdites requêtes tendant à la révision, en vertu des dispositions de la loi du 9 mars 1932, du jugement rendu le 16 mars 1915, par le conseil de guerre de la 60e division d'infanterie, qui a condamné les caporaux Maupas (Théophile Albert), Lechat (Lucien Auguste), Lefoulon (Louis Albert) et Girard (Louis Victor) du 336e rég. d'infanterie, à la peine de mort et à la dégradation militaire, pour refus d'obéissance en présence de l'ennemi, jugement rendu qui a reçu son exécution le lendemain 17 mars ;

Vu les pièces de procédure soumises au conseil de guerre ;

Vu l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 1er octobre 1921, qui, au vu de l'information à laquelle elle a procédé, a ordonné le renvoi de l'affaire pour nouvel examen à la chambre criminelle de la cour de cassation ;

Vu l'arrêt de rejet en date du 24 mars 1922, de la chambre criminelle de la cour de cassation ;

Vu l'arrêt des chambres réunies, du 21 avril 1926, maintenant cette décision ;

Vu les dépositions des témoins cités devant la cour spéciale de justice militaire ;

Vu le nombre déposé au nom des requérants, par M° Henri Guernut, défenseur, régulièrement agréée par l'union fédérale des associations françaises d'anciens combattants ;

Après avoir entendu M. le commissaire du Gouvernement en ses réquisitions, M° Henri Guernut, et les veuves Maupas et Girard, en leurs moyens à l'appui des requêtes, et en avoir délibéré en chambre du conseil, conformément à la loi ;

Statuant au fond ;

Attendu que dans la nuit du 9 au 10 mars 1915, la 21e compagnie du 336 rég. d'infanterie, qui tenait depuis le mois de septembre 1914 les tranchées de la région de Souain, recevait la périlleuse mission de s'emparer coûte que coûte, au Nord du cimetière de Souain, du secteur le plus rapproché occupé par l'ennemi, et de se réhabiliter ainsi des échecs subis lors des offensives des jours précédents ;

Attendu qu'à cinq heures du matin le 10 mars, l'ordre "en avant" était donné par le commandant de la compagnie, mais que les hommes ne quittaient pas les tranchées, restant inertes derrière le parapet, se condinant dans une immobilité passive, dont ni menaces, ni supplications ne purent les faire sortir ;

Attendu qu'à la suite de ces faits, le général commandant de la division signait, le 15 mars, un ordre de mise en jugement directe sous l'inculpation de refus d'obéissance devant l'ennemi, visant six caporaux parmi lesquels les caporaux Lechat, Girard, Lefoulon et Maupas, ainsi que dix-huit soldats choisis arbitrairement parmi les plus jeunes classes, à raison de deux par escouade ;

Attendu que le conseil de guerre de la 60e division d'infanterie, devant lequel ils étaient traduits le 16 mars, ne retenait que la culpabilité des caporaux Lechat, Girard, Lefoulon et Maupas, les condamnant, à l'unanimité des voix, à la peine de mort et à la dégradation militaire pour avoir à Souain, le 10 mars 1915, refusé d'obéir au lieutenant commandant la compagnie, qui leur donnait l'ordre de marcher contre l'ennemi ;

Attendu que les condamnés étaient passés par les armes le lendemain 17 mars ;

Attendu que, s'il est contraire à l'idée de justice que la répression ait été ainsi limitée d'une façon arbitraire aux seuls caporaux condamnés pour une faute commise par toute une compagnie, il est matériellement établi, et d'ailleurs non contesté, que ces quatre caporaux ont reçu de leur chef l'ordre de marcher contre l'ennemi et qu'ils ne l'ont pas exécuté ;

Mais attendu que le fait matériel ne suffit pas et qu'il faut encore, pour rendre une infraction punissable, que ceux qui l'ont commise n'aient pas agi sous l'empire d'une force à laquelle ils n'ont pu résister et qu'ils aient eu la volonté de la commettre ;

Or, attendu que de l'examen du dossier et des nombreux témoignages recueillis, se dégage le sentiment très net que l'ordre donné à la 21e compagnie du 336e rég. d'infanterie dans la matinée du 10 mars était irréalisable et devait rester sans résultat, en raison de la destruction insuffisante du réseau de fils de fer et de l'intensité du feu des mitrailleuses ennemies, mettant les hommes dans l'impossibilité de sortir de la tranchée et vouant à une mort certaine ceux qui paraissent sur le parapet ;

Attendu que, si les nécessités impérieuses de la discipline commandent, en temps de guerre, le sacrifice de la vie au devoir, ce sacrifice ne peut être imposé lorsqu'il dépasse les limites des forces humaines ;

Qu'au même titre que la contrainte physique, la culpabilité morale est exclusive de toute culpabilité ;

Attendu, au surplus, qu'en admettant même que l'ordre ait pu être exécuté, il ressort de l'unanimité des dépositions faites devant la cour spéciale de justice militaire, confirmant d'ailleurs l'enquête à laquelle il a été procédé par la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Rennes, que les hommes de la 21e compagnie étaient épuisés par un long séjour dans les tranchées, qu'ils étaient découragés par l'insuccès des attaques récentes, démoralisés par la fatigue, les pertes subies, le tir mal réglé de l'artillerie française, la vue des cadavres de leurs camarades tombés dans les fils de fer restés intacts, et que leur état de dépression physique et d'affaiblissement moral était tel qu'ils n'avaient plus le ressort suffisant pour faire le sacrifice de leur vie ;

Attendu que les précisions fournies par les témoins suffisent pour expliquer la conduite des caporaux Lechat, Girard, Lefoulon et Maupas, dont la réputation dans la vie civile était parfaite, et qui, aimés de leurs hommes, avaient toujours vaillamment fait leur devoir devant l'ennemi ;

Que les conditions physiques dans lesquelles ils se sont trouvés dans la matinée du 10 mars, la contrainte morale à laquelle ils n'ont pu se soustraire ont annihilé leur pouvoir de contrôle personnel, et qu'en tout cas, un doute subsiste sur la volonté qu'ils ont eue de commettre le refus d'obéissance pour lequel ils ont été condamnés et dont ils ne sauraient être tenus comme pénalement responsables,

Annule le jugement déféré ;

Déclare Lechat (Lucien Auguste), Girard (Louis Victor), Lefoulon (Louis Albert) et Maupas (Théophile Albert), acquittés de l'accusation retenue contre eux ;

Décharge leur mémoire des condamnations prononcées ;

Ordonne l'affichage du présent arrêt dans les lieux déterminés par l'article 446 du code d'instruction criminelle et son insertion au Journal officiel ;

Ordonne également que le présent arrêt sera transcrit sur les registres du conseil de guerre et que mention en sera faite en marge du jugement annulé ;

Et, statuant, sur les conclusions verbales prises devant la cour par M° Henri Guernut, aux noms de la veuve Maupas, de la veuve Lefoulon et de la veuve Girard, aux fins d'allocation d'une somme de un franc, à titre de dommage-intérêts, en réparation du préjudice causé par les condamnations prononcées injustement,

Vu l'article 9 de la loi du 9 mars 1932,

Faisant droit à ces conclusions, condamne l'Etat à payer, à chacune des requérantes, la somme de un franc ;

Dit que les frais de la publicité ci-dessus prescrite et les frais de l'instance en révision resteront à la charge de l'Etat,

Ainsi jugé et prononcé, les jours, mois et an que dessus.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier.

Le président, Magnin.
Le greffier, Jumelet.




On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont.
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christophe lagrange
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Re: Cour spéciale de justice militaire

Message par christophe lagrange »

Bonjour,

Merci Guilhem (je me répète ;) j'avance en âge...) Je lis avec intérêt tes transcriptions. Une chance que tu sois tombé dessus et que tu nous en fasses profiter :bounce:
La suite, la suite, la suite....
Amicalement,
Christophe
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