Charles Garçon est né en 1883, il est incorporé le 28 novembre 1912 dans le 97e régiment d'infanterie alpine, 5e compagnie pour faire ses deux années de service militaire.
En 1914 quand la guerre éclate le régiment est à 4 bataillons, il est caserné à Chambéry, Modane, Moutiers et Bourg Saint Maurice. Il fait partie de la 44e division d‛infanterie, du 14e corps d‛armée. Le régiment sera rattaché à la la 44e division d‛infanterie d‛août 1914 à fin septembre 1914 puis à la 77e division d‛infanterie jusqu'en novembre 1918.
Début 1914 le régiment garde de la frontière italienne puis il est envoyé en Alsace. opérations d'Alsace (août) : Zillisheim, Flaxlanden puis Trouée de Charme : Mesnil-sur-Belvitte, La Chipotte, La Fontenelle, Ban-de-Sapt. Dans l'Artois (oct.-déc.) : Guémappe, Wancourt, secteur d‛Arras.
C'est lors de l'offensive allemande sur Arras en octobre 1914 que Charles Garçon est fait prisonnier le 2 octobre à Wancourt.
Extrait de l’historique de 97e régiment d’infanterie
« Arras 1er octobre 1914. Alerte ! Alerte ! L'ennemi est en force à Cambrai de grosses masses en débouchent, s'avancent vers l'ouest. La division Barbot leur barrera le passage et couvrira Arras. Le 97 reçoit l'ordre de se porter de suite vers Guemappes et Wancourt, il s'y établira en avant-postes, avec à droite les chasseurs, à gauche le 159. La consigne est de tenir.
Le régiment s'ébranle bientôt ; il fait nuit ; rares sont les cartes, plus rares encore les boussoles. Les bataillons de têtes 1 et 3, s'avancent avec prudence dans l'inconnu. Parvenus aux abords des villages, ils sont accueillis par une vive fusillade.
Ils s'arrêtent, s'organisent non sans de grosses difficultés. Au petit jour ils sont assaillis de toutes parts ; un brouillard épais les enveloppe et rend toute liaison impossible, on résiste sur place, on se défend avec acharnement, mais débordés par le nombre les groupes terriblement éprouvés, en particulier ceux du 2e et 3e bataillon, se replient lentement vers Arras sans cesser de combattre.
Le brouillard s'est levé, la retraite sur ce grand plateau dénudé est des plus difficiles, car maintenant du côté allemand fusils, mitrailleuses crépitent sans relâche et les canons se sont mis de la partie. Plus de la moitié de l'effectif est par terre, tous les officiers supérieurs sont tombés ils restent deux capitaines, et pourtant les derniers survivants des 2e et 3e bataillons sous les ordres du capitaine Bozonnat, du lieutenant Trousset, de l'officier payeur lui-même le lieutenant Mayousse qui, à moitié sourd, est accouru seconder les derniers camarades, s'incrustent sur le sol, font des prodiges d'héroïsme et parviennent à enrayer l'avance ennemie. Le 1er bataillon à gauche, moins fortement pressé, se retire en bon ordre. Faisant front avec une maîtrise parfaite il s'établit à hauteur des débris des deux autres, formant avec eux une ligne qui tiendra jusqu'au soir.
Son chef, le commandant Huberdeau, prend le commandement du régiment réduit à six compagnies. Les pertes ont été des plus lourdes au cours de la journée, il reste 1000 hommes, mais le sacrifice n'est pas vain, Arras n'a pas été atteint par l'ennemi.
Le 159, les chasseurs, ont lutté avec une égale énergie et un pareil esprit de sacrifice, aussi la division Barbot est-elle étirée sur une longue et mince ligne devant la ville, lignes que seul maintient maintenant le dévouement le plus absolu de tous. »
Fait prisonnier, il est interné au camp d'Alten-Grabow (Mannschaftslager) en Saxe. Le camp dispose de plusieurs théâtres créés par les prisonniers, et d'une église. Il y a beaucoup de prisonniers de guerre Russes, mais aussi des Belges des Anglais.
Il est rapatrié le 12 septembre 1919 , depuis le 16 mars 1919 il est affecté au 140e régiment infanterie et il est démobilisé le 19 septembre 1919.
Charles a rapporté ou expédié à sa famille un certain nombre de photographies. Ces photographies réalisées dans les camps étaient prises et tirées par un photographe civil allemand résidant de la ville proche du camp. On retrouve sur certaines photographies l'indication d'un certain Voss de Dörnitz : « Voss , Photogr. , Dörnitz »
Charles a ramené un exemplaire de deux des petit journaux édités dans le camps : le Grabow sport et le Petit Echo d'Alten. Journaux ronéotypé avec beaucoup de dessins et de caricatures ; de nombreux illustrateurs, caricaturistes ont séjourné dans ce camp.
Les conditions étaient particulièrement rudes, les photographies réalisées sous contrôle servaient à la propagande afin minimiser les rapports de la Croix Rouge sur les mauvais traitements réservés aux prisonniers (sous alimentation, absence de soins, ... ).
Les français et les russes y étaient les plus nombreux, mais ils avait d'autres nationalités : anglais, belges ...
Tous avaient imaginé, rêvé une guerre courte, mais l'enlisement du conflit anéanti les espoirs de retour rapide
Pour survivre aux conditions de vie très difficiles du camp, une organisation sociale se met en place. Des journaux sont édités, des orchestres sont constitués (d'où venaient les instruments de musique?), de petits ateliers : travail du bois, du cuir (d’où venait-il en cette période de disette?), une imprimerie Impr. « Fraternitas » édite des cartes postales... on organise des « compétitions sportives internationales », des spectacles, du théâtre, ... par et pour les prisonniers.
97e régiment d'infanterie alpine Modane 1913, la guerre est si loin ...

