Il y a 104 ans aujourd'hui;la bataille du Jutland

NIALA
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Il y a 104 ans aujourd'hui;la bataille du Jutland

Message par NIALA »

La bataille du Jutland, ou bataille du Skagerrak pour les Allemands, est la plus grande bataille navale de la Première Guerre mondiale et probablement l'une des plus complexes de l'histoire. Elle opposa pendant deux jours, la Royal Navy britannique à la Marine impériale allemande en mer du Nord, à 200 km au nord-ouest de la péninsule danoise du Jutland en mai-juin 1916.

Les forces en présence
le Royaume- Uni:
28 navires de ligne; 9 croiseurs de bataille; 8 croiseurs cuirassés; 26 croiseurs légers; 78 destroyers
Les allemands:
16 navires de ligne; 5 croiseurs de bataille; 6 pré -dreadnought; 11 croiseurs légers; 61 torpilleurs

Après plus de deux ans d'attente et plusieurs occasions manquées, la Grand Fleet britannique, commandée par l'amiral Sir John Jellicoe, réussit à contraindre la Flotte de haute mer de la Marine impériale allemande, aux ordres de l'amiral Reinhard Scheer, à une grande confrontation au milieu de la mer du Nord. La bataille générale, impliquant au total 250 navires de tous types, commença à 18 h 30, le 31 mai 1916 et dura deux heures. Suite aux mauvaises conditions de visibilité et à des erreurs des Britanniques, elle ne fut pas décisive, malgré la supériorité numérique de ces derniers. Cependant, Jellicoe réussit à couper la route de repli des navires allemands vers leurs ports, et était persuadé d'avoir l'occasion d'une bataille décisive pour le lendemain matin. Mais Scheer, déterminé à sauver sa flotte à n'importe quel prix, traversa le dispositif britannique à la faveur de la nuit et regagna ses bases de Wilhemshaven, à l'abri des champs de mines allemands.
Cordialement

Alain
NIALA
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Re: Il y a 104 ans aujourd'hui;la bataille du Jutland

Message par NIALA »

carte_13.png
carte_13.png (80.76 Kio) Consulté 1418 fois
Carte de la bataille du Jutland
Cordialement

Alain
olivier 12
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Re: Il y a 104 ans aujourd'hui;la bataille du Jutland

Message par olivier 12 »

Bonjour à tous, bonjour Alain,

Signalons qu'il existe sur le site "theatrum belli" une animation de 24 minutes racontant le déroulement de la bataille du Jutland.
Le commentaire est en anglais, mais l'animation est excellente.

https://www.google.com/search?client=fi ... du+jutland

Cdlt
Dernière modification par olivier 12 le dim. mai 31, 2020 9:37 am, modifié 1 fois.
olivier
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Re: Il y a 104 ans aujourd'hui;la bataille du Jutland

Message par NIALA »

Aujourd'hui 31 mai est la date anniversaire (107 ans) de la plus grande bataille navale de la Première guerre mondiale; la bataille du Jutland.
Cordialement

Alain
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markab
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Re: Il y a 104 ans aujourd'hui;la bataille du Jutland

Message par markab »

Bonjour Alain, bonjour à tous,

Voici un ouvrage que j'ai programmé de lire cette semaine et qui est une version allemande de la bataille navale :

Le succès allemand devant le Skagerrak.jpg
Le succès allemand devant le Skagerrak.jpg (281.51 Kio) Consulté 840 fois

Date d'édition : 1927.

A bientôt.
Cordialement / Best regards
Marc.

A la recherche des navires et des marins disparus durant la Grande Guerre.
Mercadal P
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Re: Il y a 104 ans aujourd'hui;la bataille du Jutland

Message par Mercadal P »

Bonjour.
Le Royaume-Uni, puissance maritime s'il en fut jamais, donne à cet affrontement qui se déroule sur les flots, le nom d'une contrée terrestre et l'Allemagne, puissance terrestre longtemps redoutable, lui donne le nom d'un secteur maritime ...
Au revoir.
PML
Ingouf
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Re: Il y a 104 ans aujourd'hui;la bataille du Jutland

Message par Ingouf »

Bonjour,

Quelques témoignages sur la fin du HMS Queen Mary. Croiseur de bataille britannique coulé dès le début de la bataille du Jutland, le 31 mai 1916, entraînant la mort de 1266 marins.
Devant ce navrant spectacle, l'impétueux amiral Beatty s'est écrié : "On dirait que quelque chose cloche avec nos foutus bateaux aujourd'hui !". ("There seems to be something wrong with our bloody ships today!").
On trouvera quelques ressources ci-dessous après les quatre témoignages.

Le Queen Mary quittant la rivière Tyne, 1913.<br />Tyne &amp; Wear Archives &amp; Museums.
Le Queen Mary quittant la rivière Tyne, 1913.
Tyne & Wear Archives & Museums.
HMS_Queen_Mary_leaving_the_River_Tyne,1913.jpg (338.54 Kio) Consulté 168 fois

Le Queen Mary était juste devant nous, et je me souviens l'avoir observé un peu et avoir vu une salve encadrer le navire. Trois projectiles sur quatre l'ont touché, l'impression que l'on avait en voyant les éclats voler et les explosions rouge sombre était qu'aucun dommage n'était causé, mais que la cuirasse empêchait les obus d'entrer. La salve suivante que j'ai vue l'a encadré et deux autres projectiles l'ont touché. Au moment où ils ont touché, j'ai vu une lueur rouge sombre au milieu du navire, puis le navire a semblé s'ouvrir comme un fruit ou comme une sorte de champignon que l'on écrase. Puis il y a eu une autre lueur rouge sombre quelque part sur l'avant et tout le navire a semblé s'effondrer vers l'intérieur. Les cheminées et les mâts sont tombés au milieu, et la coque a été rejetée vers l'extérieur. Les toits des tourelles ont été projetés à 30 mètres de haut, puis tout n'était plus que de la fumée ...
Le Queen Mary a semblé rouler lentement sur tribord, ses mâts et ses cheminées disparus, avec un énorme trou dans son flanc. Il gîte à nouveau, le trou disparaît sous l'eau qui s'engouffre dans le navire et le fait complètement chavirer. Une minute et demie plus tard, on ne voit plus du Queen Mary que sa quille et ses hélices qui tournent encore lentement dans les airs. Au bout d'un instant, il ne restait plus de lui qu'une colonne de fumée sombre s'élevant en forme de tige jusqu'à ce qu'elle s'étende à 300 ou 350 mètres de hauteur comme un palmier géant.

Description par un marin du HMS Tiger, cité dans Fawcett et Hooper, "The fighting at Jutland", éditions MacMillan, Londres, 1921.


Explosion du HMS Queen Mary. <br />Source Wikicommons. Domaine public.
Explosion du HMS Queen Mary.
Source Wikicommons. Domaine public.
HMS_Queen_Mary_Jutland.jpg (365.08 Kio) Consulté 168 fois


Rapport de l'aspirant Storey à l'Amirauté. Le 3 juin 1916, à bord du HMS Crescent. (Archives de l'Amirauté).

SIR, j'ai le profond regret de vous annoncer que le H.M.S. Queen Mary, commandé par le CV Prowse, Royal Navy, a été complètement détruit lors d'un combat avec la flotte allemande à 17 h 25 le mercredi 31 mai. Le nombre total d'officiers et d'hommes rescapés est de dix-huit.
Les circonstances de la perte du navire sont, pour autant que je sache, les suivantes : À 16 h 20, le Queen Mary était le troisième navire de la ligne du 1er escadron de croiseurs de bataille, et le branle-bas de combat a été déclenché. À 16 h 45, l'ordre a été donné de "charger tous les canons". À 4 h 53, le feu fut ouvert sur le troisième navire de la ligne ennemie, à une distance d'environ 15 000 mètres. Le tir intensif a été maintenu jusqu'à 5.20, et pendant ce temps nous n'avons été que légèrement endommagés par les tirs de l'ennemi. À 5 h 20, un gros obus frappa la tourelle "Q" et mit le canon droit hors de combat, mais le canon gauche continua à tirer.
A 5h24, une forte explosion a eu lieu, détruisant la tourelle "Q" et déclenchant un grand incendie dans la chambre de manipulation, et la soute à munitions a été remplie de fumée et de vapeurs toxiques. L'officier de la tourelle, le capitaine de corvette Street, donna l'ordre d'évacuer la tourelle. Tous les blessés qui s'y trouvaient sont sortis et, ce faisant, une autre énorme explosion s'est produite et tous ont été projetés à l'eau.
En remontant à la surface, on ne voyait rien d'autre que des débris, mais trente hommes semblaient flotter dans l'eau.
A 5h55, le H.M.S. Laurel aperçut les survivants dans l'eau, fit descendre une baleinière et en sauva dix-sept. Lorsque ce nombre a été récupéré, le H.M.S. Laurel a reçu l'ordre de poursuivre sa route à pleine vitesse, étant en grand danger par les navires ennemis.
Tous les officiers et les hommes ont été traités avec la plus grande bienveillance par les officiers et les hommes du H.M.S. Laurel, et ont été débarqués à Rosyth vers 20 heures, le 1er juin.
J'ai l'honneur d'être, Sir,
Votre obéissant serviteur.
Aspirant JL Storey, Royal Navy


Transcription :
SIR,--I deeply regret to report that H.M.S. Queen Mary commanded by Captain C. I. Prowse, R.N., was completely destroyed when in action with the German Fleet at 5.25 P.M. on Wednesday, May 31. The total number of officers and men saved was eighteen.
The circumstances of the loss of the ship are, as far as I know, as follows: At 4.20 P.M. the Queen Mary was third ship in the line of the 1 st B.C.S., and action was sounded, and at 4.45 the order was given "load all guns." At 4.53 fire was opened on the third ship of the enemy's line, the range being about 17,000 yards. The fire was maintained with great rapidity till 5.20, and during this time we were only slightly damaged by the enemy's fire. At 5.20 a big shell hit "Q" turret and put the right gun out of action, but the left gun continued firing.
At 5.24 a terrific explosion took place which smashed up 'Q" turret and started a big fire in working chamber, and the gun house was filled with smoke and gas. The officer on the turret, Lieutenant-Commander Street, gave the order to evacuate the turret. All the unwounded in the gun house got clear and, as they did so, another terrific explosion took place and all were thrown into the water.
On coming to the surface nothing was visible except wreckage, but thirty persons appeared to be floating in the water.
At 5.55 H.M.S. Laurel saw the survivors in the water and lowered a whaler and rescued seventeen. When this number had been picked up, H.M.S. Laurel received
orders to proceed at full speed, being in grave danger of the enemy's ships. All officers and men were treated with the greatest kindness by the officers and men of H.M.S. Laurel, and were landed at Rosyth at about 8 P.M., June 1.
I have the honour to be, Sir,
Your obedient servant.
JL Storey, Midshipman, RN.



Tourelle. Source Fawcett et Hooper.
Tourelle. Source Fawcett et Hooper.
20240613_090451.jpg (1.06 Mio) Consulté 168 fois

RÉCIT D'UN SURVIVANT DE LA QUEEN MARY
(croiseur de bataille de 27.500 tonnes détruit par une explosion).
Le sous-officier canonnier Francis était dans la tourelle X, tourelle arrière renfermant deux pièces de 356 mm, il a écrit la lettre suivante au plus ancien officier survivant de son navire.
Pour bien comprendre ce qui va suivre, il faut se reporter au schéma d'une tourelle (ci-dessus).


J'avais le quart de 4 h. à 6 h. du soir dans la batterie en sorte que je priai le sous-officier canonnier de quart de m'envoyer prévenir par un homme quand il serait 3 h.30. Je m'étendis et je m'offris un confortable sommeil, n'ayant rien dans l'esprit qui pût me tenir éveillé.

A 3h.30 un marin vint et me dit : On va sonner sept coups (3 h. 30). Merci, répondis-je, rien de neuf là-haut.
- Non, dit-il. Je me levai, retirai mon veston, me lavai dans un seau d'eau, j'avais à peine fini quand i'entendis le son lointain du clairon sonnant le branle-bas de combat. J'en fus si surpris que je n'en croyais pas mes oreilles, mais le bruit des pas précipités près de ma porte me força à le croire. Je montai par le premier panneau ... et courus à la tourelle X. Quand j'entrai tout le monde y était. Je criai : "Équipage de la tourelle, numérotez-vous". C'était correct de haut en bas, j'avertis le lieutenant de la tourelle. Il dit : "Faites essayer l'appareil de chargement, mais bon Dieu ! ne les laissez pas aller comme des fous". On essaya l'appareil de chargement et les diverses mécaniques, et aussitôt après vint l'ordre de remplir les monte-charges. Dès qu'on prévint : les monte-charges sont chargés, on avertit le poste central, et alors vint l'ordre de charger les pièces. On les chargea, on les mit au demi-pointage maximum, on rendit compte ; puis on reçut l'ordre de disposer le canon de droite prêt à faire feu, pointage et mise de feu par le "director" (appareil directeur). Peu après la première salve partit et la grande danse commença.
Je ne puis pas dire quelle heure il était ... la mise en action d'une tourelle est toujours un moment d'anxieuse précipitation pour le chef d'une tourelle ; une fois en route, il est facile de continuer : entre 3 h. 45 et 3 h. 55 ?...
L'équipage de la tourelle était absolument parfait avec une inclination à charger trop vite, mais je les secouai et criai que je voulais qu'on aille au pas, et tout se remit à marcher comme au chronomètre, quand tout à coup les deux refouloirs de chargement se bloquèrent. C'était par la faute du n° 3 qui avait ouvert la culasse avant que le canon ne revînt à son poste après le feu ; le support de la culasse avait dû toucher la tête du refouloir et le tordre un peu. Je laissai la roue de pointage en hauteur, saisis une pince de fer, en forçai le bout derrière la tête du refouloir et en même temps manœuvrai la commande pour sortir le refouloir ; il sortit, je le fis rentrer, tout se remit joyeusement en route. Je passai alors ma pince au canon de droite, et les deux refouloirs marchèrent à souhait. J'en fus bien heureux. Ç'aurait été un sale coup et déprimant s'il avait fallu que l'équipage de la tourelle charge à la main.

Mon n° 3 me dit : "Maître Francis, pouvez-vous voir contre quoi nous combattons." J'avais bien eu envie de jeter un coup d'œil, mais n'avais pu trouver un moment ; aussitôt que le canon eut fait feu, pendant qu'on achevait le chargement, je jetai un rapide regard par le périscope (qui traverse le toit de la tourelle) et il me sembla voir des centaines de mâts et de cheminées, j'en tombai assis sur mon siège ; et en suivant le pointage à l'aiguille (nous étions en tir par l'appareil directeur) et pendant que le chargement s'achevait je lui dis : il y a quelques croiseurs de bataille dehors ; je ne voulais les déprimer en aucune facon ; je ne crois pas d'ailleurs que cela eût produit cet effet, parce que c'étaient de vaillants gars et qu'ils me secondaient merveilleusement.
Jusqu'alors je n'avais remarqué aucun bruit, comme par exemple celui de l'arrivée d'un projectile à bord, mais peu après j'entendis un coup très violent, j'imagine que c'était dans la batterie de 102 mm arrière, et un tas de débris et de poussières vola tout autour du toit de la tourelle X. Le pointeur en direction de la tourelle, A. B. Long, appela mon attention, en signalant que l'objectif de son périscope était bouché. Cela n'avait pas d'importance puisqu'on tirait et pointait par le Director, mais par derrière quelqu'un entendant qu'il n'y voyait plus, bondit hors de la tourelle sans ordre, grimpa sur le toit et dégagea la vue. Il dut être écrabouillé à ce moment, car il tomba devant le périscope en gémissant et probablement roula en bas. Je voudrais connaître le nom du pauvre gars, mais ce ne sert à rien de deviner.

Un autre choc fut ressenti peu après, mais comme il n'affecta pas la tourelle, on n'y prit pas garde. Le poste central nous avertit que le 3e navire de la ligne ennemie sortait de son poste. Première victime du Queen Mary (c'était le navire sur lequel elle tirait). Le hourra poussé fit plaisir à entendre. Je ne pus résister au plaisir de contempler ce spectacle à la demande de mon équipage, et je vis ce 3e navire de la ligne ennemie coulant par l'avant. Je sentis que la tourelle pointait en tournant plus vite que d'habitude et pensai que l'on portait le tir sur le 4e de la ligne ennemie ; comme on marchait au Director, il n'y avait pas d'ordres à recevoir pour pointer la tourelle. Je regardai encore, le 3e navire n'était plus là. Je me tournai vers le pointeur de remplacement, le sous-officier Killick, qui comptait le nombre de coups tirés, et lui demandai combien la pièce de gauche avait tiré : quelque chose comme 30 coups, dit-il, je n'entendis pas le chiffre exact. On tira encore quelques coups, je jetai un coup d'œil au périscope, il y avait une bonne distance entre leur deuxième et quatrième navire, due, je pensai, à la disparition du troisième sous les flots. Des flammes sortaient de ce que je crus être le 4e navire.

Alors vint la grosse explosion, qui nous secoua un brin.
En regardant le manomètre de pression de l'eau comprimée, je vis la pression tombée.
Immédiatement après vint ce que j'appelle le grand coup d'écrasement et je me balançai dans l'air au bout d'une ligne, qui m'a sauvé d'être jeté de mon siège sur le parquet. Ces lignes étaient une invention que j'avais introduite dans ma tourelle, chaque homme en avait une dans la chambre des pièces, et autant que j'ai pu le remarquer les hommes qui les avaient fixées à eux ne furent pas blessés dans ce grand coup. Les numéros 2 et 3 du canon de gauche avaient glissé sous la pièce et celle-ci m'apparut tombée de ses tourillons et écrasant ces deux malheureux. Dans le navire régnait partout un silence d'église, le parquet de la tourelle était soulevé vers le haut, les canons étaient absolument hors d'usage. Je dois dire que, dans la tourelle, il n'y avait pas trace de nervosité. Un homme se tourna vers moi et demanda : Qu'est-ce que vous croyez qui est arrivé ? Je dis: Tout le monde, Fixe ! je vais parler à M. Ewart (le lieutenant de la tourelle qui était dans la cabine de direction). J'allai vers la cabine et dit : Monsieur, qu'est-il arrivé à votre avis. Il répondit : Dieu seul le sait.
- Bien, répondis-je, cela ne sert à rien de garder les hommes ici, pourquoi ne pas les envoyer à la batterie de 102 mm et leur donner ainsi une chance de combattre jusqu'au bout. Il dit : Certainement, bonne idée. Regardez-donc si les pièces de 102 mm sont encore debout. Je mis ma tête dehors par le trou du toit de la tourelle, et j'en tombai presqu'à la renverse : la batterie de 102 mm arrière était écrasée, mise en miettes à ne pas la reconnaître, et je remarquai alors que le navire inclinait fortement sur bâbord. Je rentrai dans la tourelle et avertis le lieutenant Ewart de l'état des choses. Il dit : Francis, nous ne pouvons faire mieux que de leur laisser courir leur chance ; faites évacuer la tourelle. Je criai : Evacuez la tourelle ! et tous sortirent.

Le sous-officier Stares fut le dernier que je vis monter de la chambre de manœuvre, je lui demandai s'il avait transmis l'ordre à la soute ; il me répondit : C'était inutile, l'eau montait déjà jusqu'au passage venant de la chambre des projectiles, si bien que le fond du navire devait être arraché. Je dis alors : Pourquoi ne montiez-vous pas ? Il répondit simplement: ll n'y avait pas d'ordre d'évacuer la tourelle !
Je passai par la cabine et sortit par le haut suivi par le lieutenant ; soudain il s'arrêta et rentra : je m'imagine qu'il est retourné parce qu'il croyait qu'il y avait encore quelqu'un resté dedans. Cela me fend le cœur de penser à lui et à la bande de braves gens qui étaient avec moi dans la tourelle ...
J'étais à mi-hauteur de l'échelle sur l'arrière de la tourelle quand le lieutenant Ewart retourna sur ses pas ; le navire avait une inclinaison terrible sur babord, si bien que les hommes qui lâchaient l'échelle glissaient brusquement jusqu'en abord. J'arrivai au dernier échelon, mais je ne pouvais atteindre les rembardes abattues sur le pont du côté tribord, je savais que si je lâchais, je glissais sur babord comme avaient fait plusieurs autres et qu'alors je serais vraisemblablement écrasé. Deux hommes de l'équipage de ma tourelle, me voyant en peine, vinrent à mon secours. Lane saisit Long qui s'étendit de toute sa longueur, et j'attrapai les jambes de Long, je gagnai ainsi le côté tribord ... Quand je grimpai sur les flancs tribord du navire, il y avait là une bonne quantité de gens, et qui ne paraissaient par pressés de se jeter à l'eau.
Je les interpellai : Allons, mes lapins, qui vient faire une partie de nage ? Quelqu'un répondit : Le bateau flottera encore un bon moment, mais quelque chose, je ne prétends pas comprendre quoi, me poussait à m'en aller, en sorte que je grimpai sur la glissante quille de roulis et tombai à la mer, suivi par cinq hommes environ. Je tirai ma brasse aussi fort que je pus pour m'éloigner du navire, et j'avais dû faire une cinquantaine de mètres, quand il y eut un grand craquement, je m'arrêtai et regardai, l'air me parut plein de pièces et de fragments qui volaient. Un gros débris me parut juste au-dessus de ma tête, et par réflexe instinctif, je plongeai pour éviter le coup et restai sous l'eau tant que je pus ; revenant à la surface, j'entendis comme un grand bruit d'eaux se précipitant, comme d'une barre se brisant sur une plage, et je compris que c'était la succion du navire qui venait de disparaître sous les flots. J'eus a peine le temps de remplir d'air mes poumons que le remous était sur moi : je sentis qu'il était inutile de résister et je me laissai aller un moment ou deux, puis je me remis à tirer ma coupe, mais je sentis que je perdais et me dit : A quoi sert de lutter, tu es fichu ; et je cessai mes efforts pour revenir à la surface, quand une faible voix parut me dire: Tire-toi de là.

Je me remis à nager, et quelque chose me heurta, je le saisis et m'aperçus plus tard que c'était un gros hamac ; indubitablement il m'entraîna à la surface, plus mort que vivant, et je m'appuyai dessus, mais je me sentais devenir très faible, et me soulevai un peu pour regarder si je ne voyais pas quelque chose de plus substantiel pour me supporter. Droit devant moi flottait une pièce de bois, je crois que c'était la poutre de notre but flottant pour le tir des 102 mm. Je réussis à pousser mon hamac à toucher la poutre, et saisis un bout de corde qui pendait. La difficulté suivante était de grimper, j'abandonnais déjà tout espoir, quand la légère houle me souleva, avec un petit effort je tins bon. Je réussis à nouer mes bras dans la corde, et je perdis alors connaissance.
(... Marin ensuite repêché par le HMS Petard).

Traduction André Cogniet, 1930. (La bataille du Jutland, racontée par les combattants, par Fawcett et Hooper, aux éditions Payot, Paris).



Explosion du Queen Mary. IWM (SP 1708).
Explosion du Queen Mary. IWM (SP 1708).
Destruction_of_HMS_Queen_Mary.jpg (662.03 Kio) Consulté 168 fois

Kriegsgefangensendung
Aspirant P R Dearden
Abteilung 3 Stube 31
Offizier Gefangenenlager


5 juin 1916

Très chère mère,
Nous sommes arrivés dans ce camp avant-hier et nous avons l'air dépenaillés, n'ayant ni argent ni vêtements propres. Nous, c'est à dire moi-même et six autres officiers de deux destroyers.
Nous avions quitté le port comme d'habitude, sans nous attendre à quoi que ce soit de spécial. Vers 15 h 45 le 31, nous étions à nos postes de combats et nous étions parés. Vers 16 h 45, nous avons ouvert le feu et après environ une heure et demie d'engagement, il y a eu une terrible explosion sur l'avant. On m'a envoyé sur le toit de notre tourelle (tourelle arrière) pour voir ce qui se passait et j'ai dû mettre un masque à gaz à cause des volutes de fumée et de feu.
Je n'ai rien pu voir pendant environ une minute, puis tout s'est éclairci lorsque la proue du navire s'est enfoncée sous l'eau. J'ai alors dit à l'officier de la tourelle que le navire coulait rapidement et que le plus grand nombre possible d'hommes devait sortir de la tourelle. Presque tout le gaillard d'avant avait été soufflé, et j'ai immédiatement enlevé tout mon équipement sauf ma chemise et mon gilet, tout le monde était déjà dans l'eau. Dès que je me suis trouvé dans l'eau, j'ai nagé loin à l'arrière du navire à environ 30 mètres, quand il a soudainement explosé complètement. J'ai eu la chance d'être aspiré sous l'eau et donc tous les débris tombés sur ma tête ont été amortis. J'ai retenu mon souffle pendant longtemps et suis finalement remonté à la surface.

J'ai commencé à chercher quelque chose pour me soutenir autant que possible. Comme vous le savez, je n'avais jamais eu de gilet de sauvetage Gieve et maintenant je suis content de ne pas en avoir eu. La surface de l'eau était couverte de carburant huileux qui avait un goût et une odeur horribles, je m'en suis délibérément couvert, ce qui, je pense vraiment, m'a sauvé la vie car l'eau était horriblement froide. Je dirais qu'environ cinquante hommes ont passé par-dessus bord mais environ la moitié ont été tués lors de la deuxième explosion. La plupart des autres se sont accrochés à deux ou trois espars et autres débris flottant à la surface.

Peu de temps après, plusieurs de nos destroyers sont arrivés, mais un seul s'est arrêté et tu sais aussi bien que moi combien de personnes ont été sauvées par lui. Cela s'est passé environ une demi-heure après notre arrivée dans l'eau et cela m'a presque rendu fou quand il est reparti alors que je n'étais qu'à vingt-cinq à trente mètres de lui. Il n'a même pas laissé sa baleinière derrière pour récupérer les quinze ou vingt d'entre nous qui restaient dans l'eau, bien que je leur aie crié de le faire. Après, c'était terrible de voir tout le monde faiblir et se noyer et je n'avais pas la force de les aider. Je n'ai vu que deux officiers dans l'eau : un commissaire de bord adjoint réserviste et l'enseigne de vaisseau de réserve Percy. Les hommes portant des gilets de sauvetage Gieve ont été les premiers que j'ai remarqués se noyer car ils étaient un peu trop hauts hors de l'eau et, lorsqu'ils sont devenus faibles, leurs têtes tombaient en avant dans l'eau.
(...)
On m'a mis au lit et j'ai dormi dix bonnes heures, après quoi je me suis levé et j'ai pris le petit déjeuner en me sentant quelque peu restauré. J'ai passé une heure et dix à quinze minutes dans l'eau. Je suis actuellement dans la citadelle fortifiée de Mayence et j'ai vraiment fait un voyage très intéressant sur le Rhin. Je pense que la prédiction de tante Mabel sur ma chance doit être vraie. Pourrais-tu me faire savoir combien d'officiers et d'hommes du Queen Mary ont été sauvés et aussi les noms des officiers ?
J'ai été très bien traité dans le destroyer allemand qui m'a récupéré et on m'a donné un œuf pour le petit déjeuner. J'espère que Jim se porte bien et continuera à avoir de la chance.
Avec tout mon amour pour vous tous,
Votre fils aimant,
Peregrine

(Source de cette lettre : site internet IWM).

https://livesofthefirstworldwar.iwm.org.uk/story/18514


Ressources :

- des fragments de ces témoignages sont cités par Nicholas Jellicoe dans son livre "Jutland, the unfinished battle", publié pour le centenaire de la bataille en 2016, aux éditions Seaforth. Pages consacrées au Queen Mary, pages 79 à 84.

- BBC, documentaire "Battle of Jutland: The Navy's Bloodiest Day". 2016, dans le cadre du centenaire de la bataille du Jutland. Au moment où je partage ce post, disponible sur la plate-forme Dailymotion.

https://dai.ly/x8n5r20

- British Pathé, "In Memory of Fallen Comrades, "Jutland Day" memorial service at Jarrow", reportage de 1933, cérémonie de vétérans près de Newcastle, Angleterre.

https://www.britishpathe.com/asset/39594/

- Documentaire "HMS Queen Mary" par The Northern Historian sur YouTube :

https://youtu.be/FB5l2vYtMqU?si=ltJgmaRVKB6b7GTP

- Voir l'épave sous l'eau : "Underwater video of the wreck of the battle cruiser HMS Queen Mary" sur YouTube :

https://youtu.be/L6EU3BV1sHQ?si=YJUw59u8xKc7V_aV

- Entendre les voix des marins de l'époque : reportage audio "Voices of the First World War: Jutland", sur BBC sounds.

https://www.bbc.co.uk/sounds/play/b07hb ... are-mobile

On peut visiter à Belfast, en Irlande du Nord, un navire ayant participé à la bataille du Jutland. Le HMS Caroline, bateau musée, près du musée du Titanic.
Le cuirassé présenté dans le documentaire de la BBC est l'USS Texas, qui se visite à Galveston, Texas, États-Unis. Réouverture en 2025.

Bien cordialement.
Eric
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