Bonjour à tous,
Voici quelques précisions sur le naufrage de l’YSER.
Rapport du capitaine
Je soussigné, Joseph Garo, CLC, commandant du vapeur YSER, 2240 tx JB, 33 hommes d’équipage, déclare avoir quitté Cardiff le 28 octobre 1915 à 11h00 avec un chargement de briquettes pour Bizerte.
Traversée normale jusqu’au 9 Novembre à 10h30, à 5 milles au nord du cap Bougaroni, où nous apercevons une embarcation faisant des signaux. Recueilli à 11h30 l’équipage du voilier italien ELISA FRANCOISE, coulé par un sous-marin autrichien à 20 milles au nord du cap, à 08h45.
Signalé le sauvetage au sémaphore du cap Bougaroni et indiqué que nous poursuivions notre route sur Bizerte. Le sémaphore nous répond « Bon voyage ».
A 16h30, à 2 milles du cap de Fer, contacté le sémaphore qui nous indique « Un ennemi se rapproche de vous ». Manœuvré pour nous réfugier derrière le cap de Fer, mais aperçu dans l’Est un sous-marin qui ouvre aussitôt le feu sur YSER. L’obus frappe le poste TSF et démoli la commande de la barre à vapeur. Le navire n’étant plus manœuvrable, donné l’ordre de stopper la machine et de mettre les embarcations à la mer. Le sous-marin ne cesse le feu qu’une fois l’équipage dans les embarcations. Cinq obus ont atteint le navire à la flottaison et il commence à couler. Je n’ai pas pu sauver les papiers du bord, ma chambre ayant été démolie par les obus. Pris place dans le canot tribord après m’être assuré que tout l’équipage avait évacué et poussé vers la terre. Il était 17h00.
Le sous-marin s’approche à 500 m et lance une torpille sur l’YSER dont nous étions à 200 m. Explosion très forte et l’YSER disparaît en 5 mn. Le sous-marin s’approche alors et le commandant demande provenance, destination et chargement, ainsi que les papiers. Je réponds que je ne les ai pas. La conversation a lieu en anglais. D’après les tenues des marins, il n’y a aucun doute que nous avions à faire à des Allemands. Le sous-marin s’approche alors du phare et le canonne pendant 20 minutes. Nous nous réfugions dans une petite baie située à 2 milles du phare. Le canot 2 faisant eau, le 2e capitaine va y passer la nuit avec ses hommes, tandis que je fais route sur Philippeville pour y demander du secours. Entré à Philippeville le 7 Novembre à 06h15.
Rapport de l’officier enquêteur
L’officier reprend presque mot pour mot le récit du capitaine et ajoute :
« Tous les marins louent la conduite du capitaine et des officiers. La mise au poste d’abandon s’est bien effectuée et le capitaine a quitté le bord le dernier. Il a accompli toutes ses obligations et ne mérite aucun reproche.
Le sous-marin mesurait 80 à 90 m et était armé de 2 canons d’un calibre proche de 100 mm. Kiosque au centre et un périscope visible. Le capitaine du ELISA FRANCESCA l’a reconnu comme étant celui qui l’avait coulé. Il portait un pavillon autrichien, mais l’équipage de l’YSER croit qu’il est allemand.
Rapport du capitaine Canal, commandant du paquebot FELIX TOUACHE
Le 6 Novembre 1915, arrivés à Philippeville où nous apprenons le torpillage de plusieurs navires devant Oran. Appareillé pour Bône à midi et suivi la côte au ras de la terre, en contournant le cap de Fer à 700 m. Bien nous en a pris car, à 13h45, nous avons vu trois vapeurs attaqués par un sous-marin. A 14h55, la vigie d’Herbillon nous signale « Sous-marin ». Rallié alors le cap Toukoush. Les autres vapeurs font des routes désordonnées et deux sont coulés. Le premier est l’Italien TICINO dont l’équipage, arrivé à Herbillon, est rapatrié sur Bône. Le second est l’Anglais GLENMOR venant des Indes avec un chargement de manganèse.
Le sous-marin, nous voyant disparaître derrière le cap Toukoush, se dirige sur YSER qu’il coule à 16h50 devant le cap de Fer. Il a ensuite canonné le phare avec une vingtaine d’obus, mais sans occasionner de grands dommages. Nous avons alors fait route sur Bône en rasant la côte, tous feux éteints. Ensuite, nous sommes revenus à Philippeville.
A Philippeville nous avons embarqué pour Marseille les passagers suivants :
- 17 hommes et 9 officiers du vapeur GLENMOR
- 25 hommes et 8 officiers du vapeur YSER
- 6 hommes et 1 officier du brick goélette ELISA FRANCESCA
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’U 38 du KL Max Valentiner
Récompenses
Citation à l’Ordre de la Division avec Croix de Guerre
GARO Joseph Capitaine au Long Cours Commandant de l’YSER Inscrit à Brest n° 58
Après avoir recueilli le 6 Novembre 1915 l’équipage d’un voilier italien coulé par un sous-marin, a du abandonner son navire canonné et torpillé près du cap de Fer et a ramené son personnel.
Cdlt